«
Ma chérie… Tu n’as pas envie de lâcher ce robot et jouer un peu avec la voisine ? Ou à la dînette ? C’est chouette la dînette ! »
Du haut de mes sept ans, je regardais ma mère d’un air sceptique, serrant l’IronMan de mon frère conter ma poitrine. Je n’étais peut être pas une fille normale, mais je n’ai jamais aimé jouer avec les barbies blondes, ou encore m’habiller en jupes roses. Bien que pour cela je n’aie pas trop le choix… C’est toujours ma maman qui choisit mes vêtements. Soit. Déjà que je détestais ma voisine (elle a une petit voix stridente parfaitement insupportable) je devrais jouer avec en plus. Mais elle est folle ! Je lui dis et elle me prit l’homme de fer des mains.
«
Hééé !-
Ce n’est pas à toi ! Et que tu le veuilles ou non, les nouveaux voisins viennent dîner ici ce soir, alors je te conseille de faire ami avec la petite. »
La vie est injuste. Je hais les poupées, je hais les vêtements à froufrous qu’on m’oblige à porter, je hais la voisine, je hais tout, tout, tout ! Je me mis à pleurer, seule dans ma chambre. Je sentis des bras s’enrouler autours de moi. C’était mon frère de deux ans mon aîné. Il était toujours gentil avec moi mon frère, même après qu’on se soit disputé. Il voulait bien me prêter ses jouets aussi. J’aime bien mon frère.
«
Tu veux qu’on aille se faire des paniers tout les deux ? »
Je lui souris avant de courir dehors en direction du terrain de basket en criant « le dernier arrivé est un pygmée ! ». A travers la fenêtre sale de notre maison sociale un peu délabrée, ma mère me regardait d’un œil mauvais. Mais je n’en avais rien à faire.
Huit ans ont passé et je n’ai pas beaucoup changé. Lorsque je vois les autres filles de quinze ans je me sens vraiment différente. Elles se plongent toutes la tête dans un pot de peinture le matin, portent des minijupes à ras la foufoune et ont des cheveux aussi lisses que raides. Et puis il y a moi, en baggy et vêtements larges, boycottant le maquillage et ne traînant qu’avec des garçon. Pas toujours des bonnes fréquentations d’ailleurs… Enfin, c’est ce qu’en pense mon frère. Mais bon, son avis vaut ce qu’il vaut ! Néanmoins, je dois avouer que je tourne de mal en pire, mais qu’importe, je me sentais tellement libre ! Cela fait à présent cinq mois que je fume dans le dos de mes parents, cachant l’odeur à coup de déodorant et de bonbons à la menthe. Le seul qui l’ait remarqué est mon frère. Il passe son temps à me faire la morale… En croyant, en vain, que je l’écoute. Je sors de plus en plus aussi… Comme aujourd’hui d’ailleurs. J’ai traîné dans les rues d’Anvers toute la nuit avec mes potes, sans me demander quoi… Et ne fumant pas que des cigarettes, ne buvant pas que de l’eau. Mais ça l’autorité parentale n’en saura jamais rien, n’est-ce pas ?
J’arrivais devant la maison familiale. C’est incroyable ce qu’elle était moche. Comme toutes celles de la rue d’ailleurs… Etant donné qu’elles se ressemblent toutes. Les briques étaient rouges sales, et les fenêtres étaient maculées de taches de… De je-n’sais-quoi. Disons qu’elles étaient lavées tellement peu souvent qu’il pouvait y avoir de tout. Je hais cette maison, et pourtant je suis obligée d’y vivre encore minimum trois ans. Soit.
Je tentais d’ouvrir la porte d’entrée le plus discrètement possible, étant donné que j’avais dépassé le couvre feu depuis quelques heures déjà. Opération réussie, malgré le grincement horrible de la porte non huilée. Je tentai de monter les escaliers jusqu'à ma chambre sans un bruit, mais ils étaient tellement défoncés qu'on aurait juré que j'égorgeais un chat à chaque marche. Les lumières s'allumèrent toutes seules. Un fantôme? Non, juste mes parents qui me fixaient, les bras croisés.
«
Il est quatre heure du matin Silke.-
Je sais regarder l'heure 'man, je n'suis pas aveugle. »
Je lui souris hypocritement avant de continuer mon ascension. Mon père me stoppa net en me hurlant de redescendre. J'obéis, tel un bon p'tit chien. Ma mère portait son plus beau peignoir, le gris qui lui arrivait au dessus des genoux, et mon père était en caleçon et en singlet. Trop d’swag en eux.
«
T'étais ou? -
Ca te regarde pas. -
Arrête de me parler ainsi ou ça va barder. -
Pour te parler mieux il faudrait que j’aie du respect pour toi. Comment veux tu que je respecte un homme dont le seul but dans la vie est de boire le plus de bières possible en un match de foot ? »
Bon, d’accord, j’avais peut être été un peu loin. Mais est-ce une raison pour frapper ses enfants ? Je ne pense pas. Sa main vola dans ma figure sans que je m’en rende compte. Un peu sonnée, je commençai à hurler de toutes mes forces qu’il était malade, que c’était un mauvais père, et j’en passe. Il tenta de m’en recoller, mais je couru vite m’enfermer dans ma chambre en hurlant et en pleurant. Bande de c*ns, j’vous jure !
Je restai assise quelques minutes ainsi, sans bouger pendant qu’il s’excitait derrière. C’est la première baffe qui fait la plus mal je pense. Après quelques minutes, il repartit. J’attendis de me calmer avant d’aller me coucher. J’en ai marre… Marre de tout. Je me levai, ouvrai ma fenêtre malgré le froid glacial de février et allumai une cigarette. J’vais m’suicider avec des yaourts périmés, j’vous jure.
«
Tu vas me manquer…-
Toi aussi… T’es sûre de vouloir partir ? C’est peut-être un peu hâtif comme décision, et puis…-
Cherche pas c’est décidé, je me casse d’ici. T’imagine même pas à quel point ça me soulage de quitté Anvers pour Paris… La ville des lumières quoi ! Là bas tout est possible je pense. Surtout tout recommencer depuis le début. Mon train part dans deux heures de toute façon.-
T’as prévu quelque chose pour te loger quand tu seras là ? A part l’hôtel dans lequel tu ne passeras pas plus de deux jours.-
Fuck.-
T’es sérieuse ?-
Reenh puis on verra bien hein ! Arrête de t’inquiéter ça va aller. »
En fait, je n’en étais pas si sûre. Je ne sais absolument pas dans quoi je me lance… J’avais décidé sur un coup de tête que dès que j’aurais 18 ans, je partirai vivre autre part, n’importe où. C’est chose faite depuis deux jours, et me voilà donc en train de fermer ma valise pour Paris. Cette ville m’a toujours fait rêver depuis toute petite.
Mes parents sont au courrant, mais n’en ont visiblement rien à faire. Ou du moins c’est ce qu’ils laissent paraître. Cela fait plus d’un an que j’économise, étant donné que je ne peux pas compter sur eux pour m’aider. Je ne pense pas que je les reverrai… Principalement parce que je n’en ai pas envie. Je suis une adulte maintenant, je n’ai plus besoin d’eux pour m’en sortir.
Mon seul et unique point d’attache c’est mon frère, vu que je n’ai toujours pas de petit ami et que je me suis éloignée des garçons avec qui je traînais. Pour ce point, c’est une longue histoire. Disons que j’ai ouvert les yeux sur eux. Soit.
Je le serrai une dernière fois dans mes bras, les larmes aux yeux. Je savais que rester en contact avec lui serait difficile. Et ça, ça me tue. En sortant, je passai à devant mon père, regardant le foot.
«
Au revoir.-
Tu comptes revenir quand ? »
Il n’avait même pas levé les yeux pour me demander ça. Il me désespérait. Je fermai la porte d’entrée sans daigner lui répondre.
Maintenant le problème est : que faire une fois arriver là bas ?
«
Bon anniversaaaaaire ! »
Je n’en croyais pas mes yeux ! Mais enfin, qu’est ce qu’il foutait là ? Aujourd’hui, je fêtais non seulement mes 19 ans, mais également ma première année passée à Paris. Elle s’était déroulée mieux que je l’espérais. Je m’évitais trouvé un petit appartement avec une colocataire… Bizarre, mais ô combien sympathique. Elle avait l’air de venir d’un autre monde en fait. Mais j’étais bien obligée de partager mon habitation avec quelqu’un si je voulais avoir assez d’argent pour le loyer, les études et remplir le frigo. Ca tombait bien que cette coloc soit justement ma voisine de banc. De plus, Luce était de loin le meilleur rapport qualité prix que j’aie trouvé ! Mais également ma première amie parisienne.
J’ai également commencé des études de psychologie. Pas que j’aime ça, mais je me refuse à devenir chômeuse et ce sont les études les plus simples, d’après les on-dit. Alors je dors au fond de l’amphi avec Luce. Elle aussi fait de la psycho par défaut en fait. A côté de ça j’étais serveuse. Il fallait bien un minimum de revenu. Mais je détestais ça… Soit.
Tout ça pour dire que j’étais bien heureuse d’avoir quitté la Belgique pour venir ici. Mais mon passé avait visiblement décidé de revenir à la charge… Mon frère avec qui j’avais perdu contact depuis un peu moins d’un an, se tenait devant moi, tout sourire, tout joyeux. Je ne savais pas trop quoi faire ni comment réagir. Après un moment de blanc, je lui dis avec un énorme « WTF » écrit dans les yeux :
«
Pourquoi ?-
Moi aussi je suis content de te voir.-
Oui, mais… non, mais enfin… Yataa ! »
Je sautai dans ses bras dans un couinement joyeux. Ciel qu j’étais heureuse de le voir ! Mais il me fallait quand même des explications. Il me répondit simplement qu’il avait décidé de faire comme moi… Commencer une nouvelle vie à Paris. Et qu’en même temps ça lui permettrait de garder un œil sur moi. Sur ce point, j’espérais bien qu’il rigolait. Je n’avais pas envie de perdre la liberté fraîchement retrouvée !
«
Tu veux boire un verre ? Faut qu’on parle je pense !»
Je lui pris la main et l’emmenai vers le café où je travaillais à mi temps. Je sens que ma deuxième année à Paris me réserve plein de surprises.