I belong with you, You belong with me, you're my sweetheart.

Le soleil lui fait plisser les yeux alors qu'il pousse la porte du cinéma. Deux-heures trente dans une pièce noire l'ont habitué à l'obscurité. C'est donc avec une grimace qu'il sort dans la rue. Comme d'habitude, elle pullule de monde. Touristes, parisiens, même hommes d'affaires. Il a toujours apprécié cette ambiance. Le monde, l'activité omniprésente, le bruit. C'était sympa, non ? Tom sort son paquet de cigarettes et le tend à Dim' avec un sourire. Ce dernier accepte avec joie et s'en allume une, en fixant le ciel gris. Il donnerait n'importe quoi pour une petite lueur de soleil. Juste un rayon. De quoi réchauffer son humeur morose. Parce que depuis le souvenir de son chat, Freeze, rien ne s'est produit. Personne ne semble enclin à l'aider, répondant vaguement à ses questions. Et ça le rend malade. Il se prend la tête. Essaie de se souvenir tout seul. Rien. Ni un prénom. Ni un visage. Ni une odeur. Ça va pas Dim' ? Si. Je vais juste rentrer je pense. On se voit demain ? Tim acquiesce silencieusement. Dimitri ignore son regard inquiet et le salue sans plus de cérémonie, disparaissant dans la foule. Il n'a même pas réussi à retrouver Freeze. Il en est venu à la conclusion que ce fameux C le gardait. Pourquoi ne se manifeste-t-il pas ? Ou peut-être l'a-t-il fait sans qu'il ne le reconnaisse ? Mais...pourquoi ne pas chercher à lui parler ?

Le choc le fait grimacer. Son portable lui glisse des doigts, s'écrase sur le sol. Il jure et se baisse pour le récupérer, ignorant le type dans lequel il vient de rentrer. Sûrement un touriste débile. Il examine l'objet sous toutes ses coutures, souffle en avisant une rayure. Il était tout neuf. De mauvaise humeur, il plante son regard dans celui de l'inopportun et ouvre la bouche. Vous pourriez vous excuser. C'est de la mauvaise fois. Parce que c'est lui qui pianotait sur son smartphone sans regarder où il allait. Un peu comme tous ces accros de la technologie. Ou ces petites collégiennes trop vieilles avant l'heure. Ses yeux foudroient du regard l'autre homme. Il est un tout petit plus grand que lui mais indéniablement beaucoup plus baraqué. No way. Mais pris d'un étrange sentiment, il se met à détailler le visage de l'inconnu, avec insistance, les sourcils froncés. Il a l'impression étrange de l'avoir déjà vu. Ces yeux verts ne lui sont pas totalement inconnus. C'est flou. Quelques souvenirs l'assaillent. Des flashs. Des sensations. Mais ça n'a rien de concret. On se connait, non ? Ça sonne comme une technique de drague pourrie ce qui le fait rougir. Il se racle la gorge et offre un sourire penaud à l'inconnu - pas si inconnu que ça au final. Vous me dites quelque chose... j'ai la mémoire un peu patraque en ce moment. Un autre sourire. Il fait un geste évasif de la main et rit légèrement. C'est un peu... Il perd la fin de sa phrase, arrêtant de respirer doucement. Là, devant lui, autour du cou de son inconnu, un pendentif. Une moitié de coeur. La lettre D. Un timide rayon de soleil fait briller l'argent. Ses yeux sont braqués sur le bijou, le détaillant avec minutie. Combien y'a-t-il de chance pour que ce soit l'autre moitié du sien ? Si c'est le cas, ça veut dire qu'il...enfin que... Son regard se fixe dans celui vert de l'autre homme. Un peu perdu. Légèrement affolé. Puis, doucement, une petite voix lui souffle un mot. Un prénom. C comme Cyprien ? Putain, il a envie de pleurer maintenant. De joie. Et de frustration. Parce qu'il ne s'en souvient pas. Il a un prénom. Un visage. Mais pas de souvenirs.

I belong with you, You belong with me, you're my sweetheart.

Perdre la mémoire est la pire chose qui puisse arriver. Parce que nos souvenirs, c'est ce qui nous définit. Celui que nous sommes. Celui que nous deviendrons. Ils font partis intégrante de la personnalité d'une personne. Alors, Dimitri, depuis son réveil, a vraiment l'impression d'être perdu. Ses répères sont flous. Vagues. Il ne peut même plus faire confiance à sa propre mémoire, obligé de s'appuyer sur des flash. Quelques sensations. Et il lui manque quelque chose - ou en l’occurrence quelqu'un. Se retrouver devant cet homme, cet inconnu pas si inconnu que ça, lui réchauffe le coeur. Parce qu'il a la sensation de le connaitre. Vraiment. Même sa voix, grave, chaude fait vibrer tout son être. Il est intimement persuadé qu'ils se connaissent. Qu'il est important. Parce que son cœur bat la chamade depuis qu'il a affirmé qu'ils se connaissaient. Peut-être qu'au final, il se fait des idées ? Pourtant...

Le collier en argent ressemble beaucoup trop au sien. La moitié de coeur. La lettre. Un D. Comme Dimitri, non ? Combien de chance existait-il pour qu'il tombe sur un type qui le connait et qui porte ce collier ? C'était trop pour une simple coïncidence. Il est peut-être amnésique mais pas débile. On lui cache quelque chose depuis son réveil. Et cette "chose" se tient devant lui, en chair et en os. Il ne sait plus quoi dire. Au fond, ça lui fait peur. Ça va... C'est parce que... enfin tu vois, comme je me souviens de pas grand chose et que tu as... Il montre du doigt le pendentif avec un petit sourire. Sa phrase est brouillon mais les mots lui échappent. Cyprien ? C'est ça ? Je me souviens de ton prénom. C'est cool. À cause de l'inconfort de la situation, il glisse une main dans ses cheveux, nerveux. Que dire à celui qu'on est censé aimer quand on ne se souvient plus de lui ? Il se sent bête. Il a mal pour l'autre homme. Et il se sent affreusement coupable. Soufflant un peu et riant doucement, il se focalise à nouveau sur son petit-ami - parce que c'est ce qu'il est sûrement. Et Freeze ? Il va bien ? Je me souviens de lui. D'ailleurs... Il marque un léger temps d'arrêt. D'ailleurs, c'est lui qui lui a offert. C'est toi qui me l'a offert. Il se souvient. Un peu. De Freeze. De Cyprien. Ça lui fait du bien. Ça le rend euphorique. Sans réfléchir, il se colle contre l'autre homme et le serre entre ses bras.

I belong with you, You belong with me, you're my sweetheart.

Oui il va bien, il mange, il dort, il fait sa toilette, il... te cherches souvent...Oui Dimitri, c'est moi qui te l'ai offert. Un sourire amusé nait sur ses lèvres. Il a soudainement envie de voir Freeze. De retourner chez Cyprien. Parce que sa place est là-bas et non chez sa mère. Comment est-il censé se souvenir si personne ne stimule un peu sa mémoire ? Lui, il reste persuader que plonger dans sa vie d'avant ne peut que lui rendre ce qu'il a perdu. Ne rien lui dire, tout lui cacher, ça ne sert à rien. Ça le frustre. Ça le rend de mauvaise humeur. Triste. Mélancolique. Et là, en quelques secondes, en juste un regard, il se souvient du prénom de son amant, de son chat, de quelques histoires en commun. Il se sent mieux. Libérer d'un poids.

Niché aux creux des bras de son petit-ami, il se sent à l'aise. Beaucoup mieux. L'odeur lui rappelle des souvenirs. Des petits moments de leur vie commune. Il se voit déjeuner en tête à tête. Son bol de miel pops avant d'aller en cours. La couleur des murs de l'appartement. Ce sentiment indescriptible qui l'étreignait lorsqu'il ouvrait les yeux le matin et tombait sur Cyprien. Sur ses beaux yeux verts. Son sourire.Tu m'as manqué. Il se décolle doucement, un sourire aux lèvres, soudainement rempli d'une énergie débordante. Il n'a plus envie de rentrer chez lui. Il a envie des rester avec Cyprien. Tu fais quoi après ? On pourrait rester ensemble, non ? Aller voir Freeze... L'excitation dans sa voix est palpable. Il bouillonne de bonheur. De joie. D'amour. Il a hâte de rentrer chez lui, de retrouver l'appartement. Parce qu'il sent qu'il est sur le point de se souvenir de tout.