Je me presse dans les vestiaires et je m'assure que personne ne me vit. Je dormais de plus en plus mal en ce moment, je m'assoupissais n'importe quand et je prenais mon service en retard. Je dépose mon sac sur un banc et je plaque mes cheveux avec la paume de mes mains. « Kei, Ed est sur les nerfs » Ed, c'est mon patron. Les retardataires c'est pas vraiment son truc. « Qu'est-ce que t'as encore foutu » je m'arrête et cherche un faux empêchement « J'ai paumé mon chat » putain d'excuse hein. J'ai même pas de chat. « Ferme la tu veux, et grouille » Elle claque la porte et je prends mon service. Je sors, et en passant devant les toilettes, je vois un type mal en point. Les gens qui se mettent des mines et qui assument pas, ça me révolte. En pleine semaine en plus. « Hey, va dehors » Je le relève, je l'amène dehors et je m'y mets. Derrière mon bar, je ne suis pas le même gars. Je suis sociable. Je prends une commande et je sers le gars. Il est seul, il attend peut-être quelqu'un. Je le mate, je le cherche un peu. J'ai l'impression qu'il s'en tape. Je me dis « un de plus, un de moins » mais dans le fond, ça me soule. Les homos ne viennent pas en masse, et dans 80 pourcents des cas, je me prends un vent. Je bossais au queen avant, la clientèle est sensiblement homo. Je ramais moins quand je voulais serrer un type, mais je me suis fait virer. Je fumais quelques joints pendant le service et je me suis fait prendre. Le responsable, une vraie pédale, pouvait pas me voir. Il m'a jeté mon sac à la gueule et m'a dit de ne plus jamais revenir. Je me suis gêné. Le gars se tape des gamins dans la réserve et me vire pour un pet. J'y suis allé une nuit, j'ai dissimulé une caméra et je me suis tiré. J'ai envoyé la cassette à la police, il s'est fait jeter. Le soir même, je suis allé boire un verre au 114 avec un pote. Je cherchais du boulot, j'ai rencontré Ed et je me suis fait embaucher. « T'as la gueule que je cherchais » En même temps, avec ma gueule et mes tatouages, je ne pouvais qu'aller. Je ramasse quelques verres et je remarque une nana. Elle est brune, le teint pâle. « Bonsoir » je la regarde, elle a un visage captivant. « Je te sers quoi ? » Je chope un verre et une bouteille. Je ne l'ai jamais vue. Je me demande ce qu'elle vient faire. « Tu es seule ? » Je le sens pas, elle va me mettre un vent, mais tant pis.