Un soupir. Si seulement le proviseur était capable de faire tenir ses discours d’une heure en seulement cinq minutes, je passerais certainement moins de temps dans son bureau et plus à a retourner en cours. En tant que directeur d’un si grand lycée, peut-être devrait-il en avoir conscience non ? Après tout, c’est pas comme si c’était un raisonnement compliqué mais bon, vous savez ce qu’on dit, ce qui ne réussissent pas, ils enseignent. Un sourire moqueur suivie d’un nouveau soupir et je sors de mes pensées lorsqu’il tape du poing sur la table. « C’est pas bientôt finie Mademoiselle De Carvalho ? Dans cet établissement, vous devez vous montrer assidue et pour vous l’apprendre, vous irez en colle à la sortie des cours. L’administration manque de personnel et vous ne sortirez pas tant qu’ils auront besoin de vous. » Un regard de surprise. C’est quoi cette colle ? J’ai presque envie de lui rire au nez mais une petite voix intérieure me dit que je ne devrais pas aggraver mon cas. C’est déjà suffisamment chiant de savoir que je ne serais pas à l’heure à la maison pour rester avec Ruben alors que je l’avais promis. Je sens que je vais appeler Maria pour qu’elle s’occupe de lui. Une fois congédiée, je sors du bureau en passant par ce qui sert de salle d’attente. Mael y attend et sans pouvoir me contrôler, je ne peux m’empêcher d’avoir une phrase à son égard. « Hey Weasley ! Tu feras attention, si t’as un mot de travers, ça va sentir le roussie pour toi. » Histoire de le mettre en garde, et d’en placer une, peut-être la seule chose qui m’amuse au bahut. Je quitte les lieux rapidement pour retrouver la salle de classe où une fois de plus tout le monde a l’air de découvrir mon identité. J’ai l’impression d’être nouvelle chaque jour avec eux. D’un côté, vu le taux de présence, je ne peux pas vraiment les blâmer. Enfin, c’est ainsi que se finit la journée de cours. Eco et philo, puis un appel à ma gouvernante pour la prévenir que je ne pourrais pas rester avec mon frère comme prévu et enfin, l’administration du lycée. Mon dieu, à passer dans ce batiment je réalise à quel point, je n’aimerais pas travailler dans une école, c’est si morbide. « On nous demandé de vous tenir occupé pour la soirée. La salle des archives a besoin de tri. Les dossiers datent mais on doit les conserver. Bref, bonne chance, je suis dans mon bureau si besoin. Ton camarade a déjà commencé. » me dit la secrétaire avant de me laisser devant une porte. Oui bien sur, j’ai toujours rêvé de jouer les secrétaires après les cours. Un nouveau soupir et j’entre avant de découvrir toute une salle pleine d’étagère et de papier, et en plus qui pu le moisi avec Mael au milieu. J’étouffe un rire devant la nouvelle vacherie que j’allais sortir. »« bah merde ! Il t’a collé tout l’après midi ici. T’aurais pu bosser plus vite.

• Prendre le foutu dossier,
  Ouvrir le foutu dossier,
  Repérer le numéro du foutu dossier,
  Écrire le foutu numéro du dossier sur le cahier,
  Ranger cette connerie inutile de foutu dossier à sa place,
  Recommencer avec le suivant.
  
  Des foutus dossiers, il y en avait partout. La pièce était plus grande que je ne l'avais cru en rentrant, en fait, c'était juste qu'elle était sur-encombrée : sur les étagères (normal), sur les quatre bureaux (normal), y'en avait aussi des piles entières et bien épaisses sur les trois pauv'es chaises (pas normal) si bien qu'on pouvait même pas s'asseoir, y'en avait même carrément sur le sol, et fallait franchement galérer pour pas faire s'écrouler toutes ces putains de piles.
  
  Bref, comme j'ai dis, des dossiers y'en avait partout et j'étais d'une humeur de chien, j'avais putain de mal au dos à force de me baisser, et j'étais obligé de rester ici jusqu'à ce que tout soit classé, ouaisouais tout ça LA. Est-ce que tu vois tout c'bordel ? Ben c'pour ma gueule ! Allez Mael, tu savais pas quoi foutre ce soir ? Ben maintenant tu sais ! J'ais la tête comme une pastèque et j'en peux juste plus de ces conneries de dossiers qui prennent la poussière depuis vingt ans, nan mais... MERDE. Sérieux, j'vous jure, ça me rend dingue. Et tout ça pour quoi ? Tout ça pourquoi ? Parce que je suis putain de pas venu en cours pendant trois jours, la belle histoire ! Non mais c'est vrai quoi, on peut pas tout faire, soit on sort, soit on va en cours, dans mon cas le choix est vite fait je peux vous dire.
  
  Comme vous aurez compris, j'étais vraiment à deux doigts de foutre toutes les piles de dossiers par-terre, et de sauter dessus à pied joints. Mais je vais vous dire une chose, pour être tout à fait franc avec vous, si j'avais pas eu la certitude qu'on me collerait jusqu'à ce que tout ce merdier soit rangé, ça ferait longtemps que j'aurais foutu le camps. J'ai sorti mon portable pour regarder l'heure, bientôt deux heures que j'étais coincé dans cette saloperie de bureau, ok ? Vraiment, j'avais toutes les raisons du monde d'en avoir plein l'dos !
  
  J'étais en train de maudire cette pièce pour la centième fois au moins quand j'ai entendu la porte s'ouvrir en grinçant dans mon dos.
  
  « bah merde ! Il t’a collé tout l’après midi ici. T’aurais pu bosser plus vite. »
  
  Je me suis retourné d'un bloc en la regardant franchement de travers.
  
  « Mais ... c'est que je t'attendais bien sur, Linoleum chérie » ais-je minaudé la bouche en cul de poule en battant des cils. « Allez, bouge toi le cul trésor, j'ai d'autres trucs à faire ! » j'ai ajouté en croisant les bras.
  
  
  

J’ai presque envie de compatir en regardant Mael au milieu de cette pile de dossier. Au moins moi, on m’a renvoyé en cours avant de me faire venir et j’ai fait autre chose que de rester dans cette pièce sans lumière et sans rien d’autre pour me tenir compagnie que des feuilles en papiers. J’aurais presque envie de le plaindre là, mais vu le temps qui s’est passé depuis que je l’ai croisé toute à l’heure, il aurait au moins pu avancer. Remarque, je ne savais pas à quoi ça ressemblait au début. J’espère juste que ça sera rapide. Après avoir glissé ma réplique cinglante, j’entre dans la pièce pour y déposer mon sac sur la seule surface encore non-recouverte par des dossiers. « Mais ... c'est que je t'attendais bien sur, Linoleum chérie » Décidément, je n’aime pas ce nouveau surnom qu’il m’a donné. A chaque fois que je l’entends le dire, c’est plus fort que moi je tape du pied et me retient de l’étriper. Sauf que là, ça ne serait pas la bonne chose à faire puisque j’ai besoin de lui pour venir à bout plus vite de tout ça. Enfin, je me plains j’ai pas commencé. « Allez, bouge toi le cul trésor, j'ai d'autres trucs à faire ! » Il est sérieux le rouquemoute là ? Il me donne un ordre à moi ? Mais putain, il me connaît pas si j’ai envie de me mettre à faire chier je peux très bien le faire en dépit du travail qu’on a à faire. « Oh Weasley’ C’est vraiment pas de chance. J’ai rien d’autre à faire ce soir que de te regarder bosser alors adresse toi à moi comme à une dame si tu veux que je me mette à t’aider. » dis sur un ton faussement, j’espère juste qu’il aura compris qu’on ne me dit pas de me « bouger le cul ». Avec nonchalance, j’ouvre un premier dosser sans même trop savoir ce qu’il faut en faire. Et si on les rangeait totalement au hasard dans les cartons, on ne serait pas sorti plus vite nan ? Simple supposition. Premier carton dans les mains, je commence le tri par ordre alphabétique. Si j’avais voulu me faire chier dans un placard, je serais devenu secrétaire. « Hey mais ! Comment ça se fait que tu es déjà là ? Pourquoi est-ce qu’ils ne t’ont pas renvoyé en cours comme avec moi ? » Simple curiosité. Non, curiosité maladive et surtout le besoin de mener un brin de conversation si je ne veux pas que le temps ici me semble énormément long. Et puis, je suis une fille, c’est bien connu qu’on ne sait pas fermer notre gueule plus de cinq minutes. La preuve en est là. « J’espère quand même qu’on sera rapidement sorti, j’ai pas envie de passer la soirée ici et il fait froid. » Et j’ai envie de pisser mais je vais éviter de le faire partager à toute l’assistance. Raconter ma vie tout en rangeant, c’est tellement passionnant. Pitié qu’on avance.

« T''étais pas là la s'maine dernière ou quoi ? J'me suis embrouillé avec le prof de philo, et comme si c'était pas suffisant, j'me suis fait virer plus ou moins temporairement du cours d'éco. » Je ne sais même pas si sa question mérite une réponse. Alors qu’il me parle je me permets un haussement de sourcils révélateur de combien je trouve sa question totalement conne. S’il n’était pas en train de me raconter un truc, je pense que je me serais permis de lui crier que bien évidemment je n’étais pas là. Voyons, si je suis dans ce placard c’est pour les mêmes motifs que lui. Je lève les yeux au ciel, j’allais presque oublier qu’il n’était pas spécialement futé. « A ton avis ? T’as cru que je te suivais sur twitter pour connaître chacune de tes actualités ? J’en avais aucune idée, je ne suis venu qu’en espagnol cette semaine et c’est pas avec l’amitié profonde que je partage avec les autres de la classe que je vais avoir les derniers potins. » Oh douce ironie. Amitié profonde, je le ressortirais ça quand papa me posera des questions sur combien je dois être intégré dans mon super-nouveau-lycée-français qui représente tout ce pour quoi je n’ai pas voulu rentrer. Bref. Tout ça pour dire que je ne sais rien de ce qui c’est passé dernièrement dans la vie de Mael Gainsbourg et qu’en général, je m’en foutrais royalement si je n’étais pas coincé avec lui avec la seule option pour faire passer le temps plus vite que d’alimenter une conversation des plus banales. « Enfin, c’est pas plus mal. Etre interdit d’cours, c’est avoir l’autorisation de ne pas y aller. T’es vernis du coup’ » Ouais, pas tant que ça parce que ça sera noter dans son dossier mais honnêtement je ne pense pas que Mael soit du genre à vouloir pouvoir des études de dingue pour une carrière qui l’empêchera d’se sentir libre. Honnêtement qui le voudrait ? A part nos parents. Je pense surtout à moi en disant ça, à moi et à l’idée idiote de papa qu’un jour j’arriverais à intégrer Sciences Po alors que soyons lucide, je n’ai pas plus envie d’y aller que de finir caissière chez quick. Mais ça, c’est une autre histoire. « Ouais ben, comme tout le monde hein, t'es pas la seule à avoir une vie en dehors des cours, mais tu veux que j'te dise, nan en fait c'pas une question, j'vais t'le dire, si tu ne fais rien pour m'aider, demain on y sera encore ! Alors s'il te plaît, vient ! En plus pour une fois que tu peux te servir de ton cerveau, c'est pas l'moment d'reculer le Linoleum, mais vas-y doucement hein, manquerait plus qu'tu t'fasse mal ! » Une grimace suivie d’une moue d’enfant gâtée, j’essaie de montrer à Mael que je peux très bien refuser de faire ce qu’il me demande. Mais j’admet qu’avec le « s’il te plaît » ajouté à ses paroles de tout à l’heure et le fait que je n’ai pas spécialement envie de passer la nuit ici avec lui, j’ai d’un coup la niak pour me mettre à trier et ranger. « Fais gaffe Weasley’ De nous deux celui qui risque d’avoir une crampe au cerveau c’est pas moi, quoique en fait si, vu que je suis la seule à en avoir un. » Sourire forcé et premier carton en main. Ouvrir. Lire. Fermer. Ranger. Ca a l’air simple comme ça alors bn sang pourquoi est ce qu’une des bonnes femmes de l’intendance n’est pas foutu de le faire. « A ton avis y’a quoi dans ces cartons ? On dirait des vieux dossiers scolaire mélangé à s feuilles de compta. Ca serait tellement plus simple de tout foutre au feu, ces trucs là ont au moins dix ans. » Ouais, je commente ce que je trouve. Des fois qu’on tombe sur un dossier fort intéressant. Un secret du lycée ou quelque chose dans le genre. Ouais ok ! Je vais aussi arrêter de trop regarder le club des cinq, c’est pas bon ce que j’ai : une imagination débordante. « Et si ça serait pas trop indiscret, tu as prévu quoi après avoir accompli ta corvée de rangement ? Fin Paris, c’est pas la meilleure ville pour sortir le soir. Ici tout est sale et froid. » J’en frissonne rien que d’y penser, c’est tellement différent de l’Amérique latine. J’ai de la peine à penser que j’y étais il n’y a encore pas si longtemps.