Je suis la cadette... Et la seule fille. Non mais vous vous rendez compte ? Je n’ai pas d’histoire larmoyante à vous offrir, je suis née dans une chouette famille, mes frères sont géniaux (même si un peu casse-pieds de temps en temps), ainsi que mes parents. Mon enfance a été idyllique à Antibes et je m’y sentais vraiment bien. Jamais je n’aurais pensé pouvoir quitter un jour cette ville qui m’a vue naître et son décor de rêve. D’ailleurs quand mon frère Cassandre me parlait de Paris, je levais les yeux au ciel et je lui rétorquais que là-bas, y’avait trop de parisiens ! Fallait les voir quand ils venaient en vacances chez nous... Des sans gêne ! En tout cas c’est ce que disait maman et j’étais bien d’accord avec elle. Moi je me voyais déjà journaliste, raconter les potins dans le journal «Nice-Matin». Ma nature curieuse héritée de ma famille aimait beaucoup cette idée d’avoir un prétexte professionnel pour fouiller, poser des questions, me mêler de choses qui ne me regardaient absolument pas. Et oui, on fait ce qu’on peut...
Chapitre 2 : L’adolescence
Moment atroce. Mais je crois que c’est pareil pour la plupart des gens. Quand on est ado, on a une peau affreuse, on se cherche vestimentairement parlant, on pique sa crise de rébellion envers ses parents et la société entière qui devient une ennemie, on se sent seul et incompris... Et oui, j’ai connu tout ça, même si ça n’a pas duré trop longtemps malgré tout. A quatorze ans j’ai eu mon premier petit ami. Charles il s’appelait... Charles et Charline, super, hein ? Notre premier baiser a été une catastrophe à cause de mon appareil dentaire, il a essayé de me peloter direct et m’a fait la gueule pendant cinq jours parce que j’avais refusé qu’il me mette la main au cul. Je ne sais pas du tout ce que je lui trouvais, sans doute qu’à l’époque, mon type de garçon c’était ceux qui voulaient de moi ! Ca réduisait pas mal la liste figurez-vous, j’étais pas du tout une bombe à l’époque, et en plus j’avais mes deux grands frères qui veillaient au grain ce qui n’aidait pas du tout les courageux à se lancer.
C’est aussi l’époque où j’ai découvert la joie des sorties. Là aussi, j’étais serrée de près, je devais toujours avoir un de mes aînés avec moi pour «veiller sur moi». Me surveiller oui ! Mais c’était ça ou rien alors je n’avais pas vraiment le choix. Ses donc toujours sous des yeux protecteurs que je me lançais sur la piste de danse, mais ça ne m’a pas empêchée d’y prendre goût et aujourd’hui encore, quand j’ai l’occasion de faire la fête, je ne me prive pas.
Chapitre 3 : Un adieu douloureux
J’avais fêté mes dix sept ans quelques jours auparavant, et pour l’occasion, mon frère avait pu me téléphoner pendant quelques minutes. Si j’avais su que c’était la dernière fois que j’entendais sa voix, je lui aurais dit à quel point je l’aimais au lieu de râler sur lui parce qu’il n’avait pas pu avoir une permission pour venir à ma fête.
Ce jour là on a sonné à la porte et c’est maman qui a été ouvrir. «Oh mon dieu» sont les premiers mots qui sont sortis de sa bouche quand elle a ouvert la porte et découvert un officier gradé. Celui-ci avait enlevé son couvre-chef et avait la mine désolée des gens qui ne viennent pas annoncer une bonne nouvelle.
La mort de mon frère, je l’ai vécue comme un véritable choc. Oui, il était soldat, oui, il était dans un pays en guerre... Mais ça ne pouvait pas lui arriver à lui ! Il était brillant, intelligent, suivait toujours les procédures à la lettre, et quand on compte le nombre de soldats français morts là-bas par rapport au nombre de soldats qui y sont allés, le pourcentage de pertes est vraiment faible, ce sont surtout les américains qui se font canarder.
En tout cas c’est ce que je pensais. Mais il n’était pas intouchable, et le destin avait décidé de se montrer cruel avec nous cette fois là.
Six jours plus tard, on se retrouvait au cimetière. Il y avait tous ces gens en uniforme, le clairon qui jouait un air triste, le drapeau et cette cérémonie bien particulière qui est donnée en l’honneur des soldats morts au combat. Chirac avait même envoyé un émissaire, et mon frère a reçu une médaille posthume. Avec ça, il va aller loin ! C’est pas la médaille, ni la reconnaissance de la patrie qui va nous le rendre et combler le manque.
Chapitre 4 : Le début de l’âge adulte
Il fallait bien qu’on y arrive, non ? Fini le lycée, bonjour les études supérieures ! C’est à la Sorbonne que j’ai fait mon master en journalisme. Et oui, je suis restée sur cette idée ! Je n’ai pas choisi l’école la plus facile, mais quand je fais quelque chose, j’aime le faire bien, et je savais que c’était le meilleur endroit pour avoir une bonne formation. C’est là que j’ai rencontré mon meilleur ami, Steve. On s’amusait bien ensemble, on avait de bons délires, les mêmes amis. Du coup cette relation a évolué et on est devenus de plus en plus proches. Oh je vous arrête tout de suite, ne pensez pas à mal ! Steve est gay... D’ailleurs il connaissait mon frère déjà à l’époque, et ils couchaient même ensemble de temps en temps. Ca m’aurait fait plaisir qu’ils finissent ensemble ces deux là. Steve est un type bien, je l’adore, je suis sûre qu’il aurait pu rendre Cassandre heureux. Enfin, c’est pas moi qui décide de ce genre de chose malheureusement !
En arrivant à Paris, j’ai également rencontré ma meilleure amie, Albane. Elle est bien souvent ma complice pour les virées shopping, j’adore passer du temps avec elle. Ces deux là, ils me font encore plus aimer Paris. Qu’est-ce que je ferais sans eux ?
Il faut aussi que je vous raconte comment ça s’est passé quand j’ai squatté chez mon frère à mon arrivée à la capitale. En fait j’avais besoin de temps pour m’organiser. Je devais trouver un job pour pouvoir payer un loyer et il me fallait quelques semaines pour faire les démarches nécessaires. Alors pendant un mois, j’ai habité avec mon frère ainé. Officiellement, je devais dormir sur le canapé, bien ranger mes affaires, me faire toute petite... Officieusement, ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. J’avais un peu de mal avec le ménage et le rangement, disons que je laissais trainer des choses, et le canapé... C’est pas ma faute, il n’était pas assez confortable ! Si Cassandre avait porté son choix sur quelque chose de plus moelleux, j’aurais pu y dormir sans souci, mais dans des conditions pareilles, j’étais bien obligée de me faufiler dans son lit quand mon dos râlait ! Et puis ce n’est pas non plus ma faute s’il dort en tenue d’Adam, sans compter que je m’en fiche moi qu’il soit nu ou pas, c’est mon frère, c’est pas un homme ! Enfin si, mais vous voyez ce que je veux dire quoi...
Il paraît que les ruptures, ça fait mal. J’en sais rien, moi je n’ai jamais réellement souffert. C’est ce qui m’a d’ailleurs fait réaliser que je n’avais jamais été réellement amoureuse jusqu’ici. Je ressentais au contraire plutôt un soulagement quand une histoire se terminait, parce que jamais je ne me sentais réellement en phase avec le garçon que je fréquentais, plus le temps passait, moins j’avais envie de le voir.
Mais pour Cassandre, ce n’était pas pareil. Il avait vécu quelques histoires qui ne s’étaient pas bien terminées, la dernière en date surtout, avait laissé des traces. Pour oublier, mon frère sortait, faisait la fête et des rencontres, le tout arrosé d’alcool. S’il n’y avait eu que l’alcool... Je ne savais pas qu’il se piquait, je l’ai appris plus tard, quand ce jour noir de notre vie est arrivé. J’avais déjà perdu un frère, et j’ai failli en perdre un second.
Ce jour là, quand il m’a ouvert la porte, j’ai bien vu que quelque chose n’allait pas. Il venait tout juste de se piquer, et cette fois il avait été un peu trop fort sur la dose. Quand je lui ai demandé ce qu’il avait, il m’a envoyée balader, m’a dit que je devais rentrer chez moi, que ce n’était pas le moment. Mais quand il a fait mine de refermer la porte sur moi, je l’ai poussée pour forcer l’entrée. Ca l’a mis en colère, forcément... Mais à peine avait-il commencé à hausser le ton qu’il s’écroulait devant moi.
C’est pas beau une overdose... Surtout quand il s’agit d’une des personnes les plus importantes au monde pour vous. J’ai appelé les secours, suis restée à son chevet autant que j’ai pu. On m’avait dit qu’il prenait de l’héroïne par injections et je suis tombée des nues. On a parlé, parlé et parlé encore, je l’ai supplié de se faire soigner, et dieu merci il est entré en cure et a réussi à se sortir de toute cette saloperie.
Chapitre 6 : Charlie vous écoute
Après avoir obtenu mon diplôme, je devais faire mes armes. Les journaux n’engagent jamais des gens sortis de l’école, même si cette école est la prestigieuse «Sorbonne». On doit faire ses armes, d’abord consentir à des stages peu rémunérés où on fait le boulot que personne ne veut faire. J’ai même dû écrire la rubrique horoscope une fois ! Comme quoi, faut vraiment pas se fier à ces conneries.
J’ai joué le jeu, je me suis appliquée, histoire d’avoir de bons rapports à présenter à mes futurs employeurs potentiels lors d’un entretien, mais je trouvais le temps long, j’avais hâte d’entamer ma vie professionnelle pour de vrai, avec le poste officiel et le salaire qui va avec. C’est que c’est coûteux de vivre à Paris !
Et puis enfin le moment est arrivé. J’ai commencé à postuler auprès de journaux et magazines qui m’intéressaient, et j’ai bien vite reçu la réponse de Marie-Claire, dont la rédactrice en chef voulait me rencontrer. J’ai préparé tous les articles que j’avais écrits durant mes stages, mes lettres de recommandation, mon C.V., et je me suis rendue au rendez-vous avec une énorme boule au ventre. Je ne suis pas traqueuse d’habitude, mais là... C’était pire que tout !
Il faut croire que j’ai fait bonne impression. On m’a posé des tas de questions bizarroïdes, fait faire quelques exercices de style, puis on m’a remerciée. J’étais persuadée d’avoir loupé mon entretien, mais trois jours plus tard, je recevais un coup de fil pour un nouveau rendez-vous. Est-ce que j’acceptais de m’occuper de la rubrique «coeur» du magazine ? Mais bien entendu que j’acceptais ! Ils ont de ces questions idiotes parfois...
Mon job me plaît, je m’y éclate vraiment. Je passe mes journées à lire des courriers de lecteurs qui ne savent plus comment gérer leur vie amoureuse, et j’en sélectionne quelques unes auxquelles je réponds via un article. Au début j’avais une demi-page, de quoi répondre à quatre lettres, et aujourd’hui, j’ai deux pages entières, ce qui prouve que les retours sont bons, et moi je suis super fière de ce que j’accomplis.
Chapitre 7 : Le voeux de célibat
C’est quoi cette connerie ? Voilà que Cassandre m’annonce avoir fait voeux de célibat. Sérieusement, il pensait que j’allais prendre ça comment ? C’est ridicule, mon frère n’est pas fait pour le célibat ! C’est l’amour qui va le rendre heureux, il n’est pour l’instant pas tombé sur la bonne personne, c’est tout ! Pour certains, ça se fait vite, tôt, pour d’autres il faut plus de temps pour trouver l’âme soeur, mais ce n’est pas parce que jusqu’ici ça n’a pas fonctionné que tout est perdu pour lui, il n’a pas atteint de date limite !
En tout cas, il semble vraiment camper sur ses positions. Forcément pour l’instant, il est encore marqué par ce qui lui est arrivé, alors avec toute cette colère qu’il éprouve, toute cette peine, il n’a pas du tout envie d’à nouveau risquer quoique ce soit. Mais avec cette attitude, il risque de passer à côté de quelque chose de superbe. J’aimerais vraiment que mon frère apprenne qu’une relation amoureuse n’est pas forcément une source de malheurs, qu’il accepte le fait que là, dehors, quelque part, il y a un garçon génial qui n’attend qu’une chose : croiser sa route.
Alors je prends les choses en main. Ni une ni deux, je l’inscris pour des speed-datings. Je sais que cette méthode a fait ses preuves, certaines sont organisées dans les milieux gays et je me dis qu’au pire, s’il n’y trouve pas le grand amour de sa vie, il pourrai s’y faire des amis. Bien entendu, il n’a pas réagi merveilleusement bien, mais j’ai réussi à le convaincre d’essayer, lui rappelant qu’il n’avait rien à perdre et que ça pouvait lui permettre, au-delà du côté relation sentimentale, de faire de chouettes rencontres. Espérons maintenant que ça va porter ses fruits !