« Je me présente, je m'appelle Célia Chesneau. Je suis la mère de Vadim. Si je vous parle depuis l'autre côté d'une vitre c'est parce que comme vous l'avez surement remarqué, je suis en prison. J'ai tué mon mari, le père de Vadim. Il nous frappait depuis si longtemps, mon fils et moi. Alors un jour, alors qu'il allait s'en prendre à mon fils, lorsque j'ai vu la peur de la mort dans ses yeux, j'ai su qu'il fallait que je réagisse. J'ai pas réfléchi trois heures, il fallait que ça cesse ou mon Vadim allait mourir. Ca je l'aurais pas supporté. J'ai saisi le couteau de cuisine qui traînait sur le plan de travail et je le lui ait planté dans le dos. Je me suis faite enfermée, et mon fils s'est retrouvé en famille d'accueil. Il venait me voir toutes les semaines, il le fait encore. C'est un bon gars, mais un peu différent des autres. Je dirais qu'il a grandit à l'envers. Quand il était petit, il était très mature, mais maintenant il agit comme un gamin. Les psychiatres lui ont diagnostiqué un truc qui ressemble au syndrome de Peter Pan. Ça ne me dérange pas, moi. Je veux le laisser vivre, il a vécu tellement de choses qui l'ont empêché de s'épanouir. En plus, à cause de son père, je crois qu'il ne croit plus en l'amour. C'est bien dommage. Je me sens un peu coupable de ça. Il fait beaucoup d'erreurs dans ses choix, mais il n'est pas mauvais, si vous saviez comme je l'aime. C'est un grand photographe, il me passe quelques unes de ses photos, elles sont affichées sur les murs de ma cellule. Je peux voir un coucher de soleil sur les toits de paris tous les jours. »
***
« Alors comme ça Vadim, ta mère est en prison ?
- Ouais mais j'ai repris espoir y a pas longtemps. T'as vu cette meuf qu'a été libérée pour légitime défense ? J'aimerais trop que ça se passe comme ça avec ma mère.
- Mais t'as pas honte d'avoir une mère en taule ?
- Laisse moi rire, j'suis fier de ma mère, elle m'a sauvé la vie ! Parle pas sans savoir de quoi tu parles.
- Ok ok. Mais sinon t'as des passions dans la vie ?
- Ouais. Le skate, le bmx, la photo, et les chats.
- Les chats ?
- Au moins ils sont pas faux culs eux.
- Donc t'es photographe ? Tu prends des photos de quoi ?
- De c'qui m'plait. Des skaters, des beaux gosses tatoués, des chats, des trucs que j'trouve beaux dans la rue. Je me balade toujours avec mon appareil.
- T'es pas mal tatoué toi aussi, y en a qui ont des significations particulières ?
- Pas tous mais mon favori c'est celui sur mon torse, les mains l'une dans l'autre, la mienne et celle de ma mère. Comme ça elle est toujours avec moi.
- T'es né en Seine-Saint-Denis, comment t'as pu arriver à te faire une place dans la capitale ?
- Quand ma mère est partie en prison, j'ai du aller dans une famille d'accueil. Des bobos qui pouvaient pas avoir d'enfants. J'les aimais pas mais j'ai fais semblant, juste pour me servir d'eux comme tremplin dans ma carrière de photographe. Pis j'voulais pas leur briser le coeur, j'suis pas aussi cruel.
- Tu rêvais de ce métier depuis quand ?
- Depuis toujours. Je veux garder un souvenir indélébile de toutes les belles choses de ce monde. Parce qu'on a tendance à mieux se souvenir des pires moments, et qu'on oublie bien trop vite les meilleurs. Profiter de la vie, c'est ça le secret.
- Sinon, niveau vie sentimentale ?
- Tomber amoureux, ça craint mec. J'ai jamais été en couple, et le concept de "jte baise dans un coin et on se revoit plus " me plait bien. D'ailleurs t'es pas mal, ça te dirais de sortir un de ces quatre ?
- Ahem, non j'suis hétéro.
- Haha tu rougis, j'arrive même à faire bander des hétéros, classe !
- Ta gueule.
- T'es pas très poli pour un mec qui doit juste m'interviewer.
- Bon, bref. Du coup je sais plus ou j'en... HEY ENLÈVE TA MAIN DE LA !
- Ok continue, mon chou, j'vais pas te violer... Quoique, j'hésite
...
- Donc... Je suppose que t'aime bien sortir ?
- Yep, aller en boîte, baiser, rentrer bourré. C'est l'histoiiiire de la viee, de ce ciicle éterneeel ♪
- Ok on a pas besoin que tu nous chantes le roi lion, c'est pas très approprié en plus. D'ailleurs, tu sais jouer d'un instrument ?
- Ouais, de la guitare quand ça me prend.
- Parle nous un peu de ton enfance...
- On est chez le psy ? Bon okay, j'ai été battu par mon père quand j'étais petit. C'est triste hein ? Mais ma mère a planté mon père, c'pour ça qu'elle est en taule. J'ai été dans une famille d'accueil, mais j'ai fugué à 16 ans parce que ras-le-bol, quoi, mes parents adoptifs me couvaient trop pour que je me sente bien. Oh et à ce qu'il parait j'ai le syndrome de peter pan, j'agis comme un gamin.
- On avait remarqué. Au fait t'avais pas des cheveux un peu plus long la dernière fois qu'on s'est vus ?
- Haha en fait pendant une soirée où j'étais pas très sobre, j'ai parié mes cheveux qu'un mec coincé et gay qui s'ignore oserait pas me rouler une pelle. Et il l'a fait !
- Haha ok, merci bien de nous avoir répondu mon ptit.
- Salut, à la prochaine, t'as mon numéro maintenant
- Ouais c'est ça, salut. » -
Archives d'une interview consacrée à Vadim dans un magasine consacré à la photographie que personne ne lit à part des passionnés***
« Le traumatisme de son enfance a profondément marqué Vadim dans sa manière d'agir. En fait, il rattrape l'enfance qu'il n'a jamais eu, un rien l'amuse, un rien l'émerveille. Il a aussi ses sortes de caprices, ses réactions sont exagérées. Ses amis se sont vite rendus compte qu'il fallait agir avec des pincettes avec lui. Il enrage pour un rien, est capable de tout envoyer bouller d'une minute à l'autre. Il est super têtu, parfois il me faisait la tronche pendant des jours, pour rien. Il est très instable, avec lui, c'est tout ou rien. Ce qui est marrant c'est que, imprévisible comme il est, quand on sort avec lui, on sait jamais d'avance ce qu'il va se passer. Bref, c'est un gamin dans un corps d'adulte. Il ne pense pas aux conséquences, ne connait pas la peur du ridicule. Je pense qu'au fond il est pas très bien dans sa peau, mais il le cache pour éviter aux autres de souffrir avec lui. Mais c'est un super gars, il est trop drôle, avec lui j'me suis déjà tapé de ces barres ! Vous lui dites pas que je vous ai raconté tout ça parce qu'il va me tuer, sinon. » -
Son meilleur ami d'enfance