J’ai arrêté il y’a bien une heure d’compter les aller et retour que je fais dans cette rue. Je n’en vois même pas l’intérêt. Rester en bas de chez elle pour poireauter en espérant tomber sur elle. Et à quoi je m’attends-moi ? C’est pas comme si j’pourrais prétendre que je passais par là par hasard. Je pense même pas que ça pourrait être crédible ne serait ce que trente secondes parce qu’on est même pas sur le chemin entre la maison et chez elle, et puis qu’est ce que j’irais foutre ici très franchement ? J’observe ma montre, ça y’est une heure que j’fais le pieds d’grue et pour rien en plus, c’est pas comme si je m’attendais à prendre la raclée d’ma vie. Juste que, après six mois sans nouvelles, ça peut paraître gros à ses yeux que j’vienne la voir comme ça comme une jeune fille en fleurs genre j’reviens pas la queue entre les jambes après m’être fait jeté pour la énième fois par Louise. Je crains, parfois, et précisons juste que je n’ai pas pour habitudes de reconnaître mes torts – quand j‘en ai – c’est une première aujourd’hui. Dix-heure, je me décide enfin à y aller quand une des résidentes de l’immeuble pars, ceci m’empêchant d’avoir à sonner. J’ai toujours trouvé ça plus pratique d’aller frapper directement chez les gens, au moins là je peux toujours glisser mon pied dans l’embrasure de la porte pour dire ce que j’ai à dire. Au moins. Aussitôt à l’intérieur, c’est quatre à quatre que je monte les marches. Ouais, quitte à être motivée d’un coup, faudrait en profiter avant que ça s’estompe sinon j’vais encore m’retrouver à faire les cent pas inutilement devant la porte de son appart, avouons qu’une perte de temps supplémentaire ferais chier nan ? J’ai pas trop trop envie d’passer cent-sept ans à m’excuser. Un fois devant la porte, je ne me dégonfle toujours pas, je frappe trois grand coups sur la porte en attendant d’entendre une présence derrière la porte susceptible de m’ouvrir. Je patiente tranquillement, enfin je me fais patienter en sifflotant des petites chansons. Nan parce que j’sais pas si y’a quelqu’un derrière mais quitte à avoir attendu une heure devant l’immeuble, j’peux bien rester dix minutes là nan ? Je retape une seconde fois, des fois que je n’ai pas été entendu la première, bah quoi ? ça arrive d’être au toilette quand quelqu’un s’pointe à la porte nan ? D’ailleurs, j’ai peut-être même raison. J’entends bouger, enfin j’entends quelqu’un se déplacer derrière la porte ce qui au final me rend on ne peut plus fière que d’être restée là totalement déterminée. La porte s’ouvre sur Anaïs à qui je souris comme pour faire genre que c’était hier la dernière fois qu’on s’est vu et que j’avais pas fait genre de l’ignorer après avoir coucher avec elle et tenter vainement d’récupérer ma copine. Ouais ! J’en ai gros sur la patate. Je tente malgré tout une approche. « Hey Salut ! Ca va ? Ouais j’sais j’ai pas trop prévenu de ma visite mais SURPRIIIIIISE ! » Je m’écris avec un grand sourire. Mal à l’aise ? Naaan tu croiiis ? J’ai pas franchement l’impression de bien m’y prendre. « Oh ? Tu t’es coupé les cheveux ! C’est mignon, ça va vraiment bien. Ca met ton visage en valeur. J’adore franchement ! » Parlotte inutile avant que je ne me décide d’arrêter ce numéro. « Plus sérieusement, j’étais venu parler avec toi. De tout ça quoi’ »

Mal à l’aise ? Le terme est faible. Disons que tout mon élan est retombé au moment où j’ai croisé les magnifiques yeux d’Anaïs parce qu’ils ont ce pouvoir-là : celui de me faire perdre les moyens. Et c’est pour ça que je me met à débiter tout un tas d’conneries, parce que j’suis pas franchement à l’aise et que quand c’est comme ça. PAF ! Diarrhée verbale. Alors je reste comme ça pendant que je la sens se vexer, puis je parle sérieusement. Elle et moi, on a besoin d’explication, de parler de ce qu’on a fait et de ce que j’ai fait par la suite en donnant plus d’nouvelle. Mais qu’est ce que je peux dire ? Je suis pire qu’un mec moi dans mon genre, je couche et je pars ; sauf que d’habitude, je ne couche pas avec mes amies – encore moins si j’suis déjà avec quelqu’un – mais les accidents arrivent non ? Putain ! Je suis pire qu’un mec. « Ben ... entre, installe-toi » Je ne lui fait pas répéter deux fois. Je m’glisse à l’intérieur de l’appartement comme à toute vitesse des fois qu’elle change d’avis, sait-on jamais, n’oublions pas que si j’ai flippé c’est pas pour rien. Je la suis jusqu’au salon et m’assieds sur le canapé qu’elle désigne. C’est que j’ai presque l’impression d’être en plein entretien d’embauche, comme si le moindre geste était surveillé. En raison de ça, le silence s’installe. Je peine à briser la glace parce que j’peine à parler de ces derniers mois. Après tout, c’est à double tranchant l’absence d’nouvelle, j’sais pas ce qu’Anaïs en a pensé que j’me barre au petit matin. J’vaux sans doute pas mieux que tous ces mecs contre qui je la mettais en garde. « Ça fait un bon bout de temps, hein ? » Oh ? Elle a parlé avant moi, merci Dieu. Bon, c’est quand même pas gagné mais au moins ce silence qui commençait à m’prendre l’estomac se termine. J’inspire et souffle avant de lui répondre. « euh … oui. Je … J’aurais du t’appeler peut-être. Je suis venu pour ça, m’excuser de ma conduite. Je sais pas trop comment m’justifier, disons que la situation n’a pas été simple. » Je balbutie quelque mots tout en baissant et levant le regard. Bon en vrai j’me chie pas tant dessus que ça, c’est juste que j’appréhende. J’avance en territoire totalement inconnu. « Tu m’en veux beaucoup d’être partie avant ton réveil ? » Ouais je demande des fois qu’elle en ait tellement l’habitude que ça fasse plus rien. Ah ah. Si seulement. Nan c’est pas gentil, c’est à se demander d’où je tiens tout ça. Cette manie de vouloir me déculpabiliser à tout prix. Quoiqu’il en soit, je reste sur mon siège prête à ne pas bouger mes fesses de ce canapé sans avoir eu une vraie discussion et pas avant d’avoir retrouvé mon amie. Après tout, si j’ai fini par venir, c’est aussi parce qu’elle me manquait. Y’a pas que les histoires de cul dans la vie.