les barricades mysterious

Je marchais dans la rue. Ma garde s'était terminé et je traînais en ville dans le seul but de rejoindre mon meilleur ami place de la Bastille pour passer une soirée bien sympathique entre homme. Il faisait nuit. Il faisait froid. Emmitouflé dans mon manteau et dans une écharpe que j'avais soigneusement enroulé autour de mon cou, j'approchais de ma destination. Ma vie avait changé depuis le début de l'année et je m'en rendais compte chaque jour depuis cet été. Mon ancien meilleur ami, devenu mon petit-ami pendant un temps, m'avait quitté après avoir couché avec l'homme de sa vie derrière mon dos. Aujourd'hui, après des essais de contacts fructueux, j'avais fini par laisser tomber de le revoir peut-être un jour. Je ne savais pas ce qu'il faisait, je ne savais pas où il était. En tout cas, il n'était plus à la Pitié. Était-ce la solution ? Peut-être car aujourd'hui, je ne m'étais jamais senti aussi bien. Je m'étais remis de mes amours impossibles et je vivais comme un célibataire endurci. Rien de plus, rien de moins. Une vie simple qui ne me ferait pas défaut et que ne me décevrait pas. Il existant tout de même des points positifs dans cette histoire. Soren, entre autre. Je m'étais rapproché de lui. Un ancien ami était devenu en quelque sorte mon nouveau meilleur ami. Enseignant, il faisait parti d'un monde différent du mien, de la santé. Nous nous connaissions depuis environ six ans, depuis qu'il était arrivé à Paris.

J'arrivais place de la Bastille, où seul cet obélisque central faisait référence à l'ancienne bâtisse de l'histoire française. La place de la Bastille n'était plus ce qu'elle était auparavant : un lieu de révolte et de révolution. « Soren ! » Hurlais-je en pleine rue pour interpeller l'homme en question qui venait juste de me passer devant. Sans me voir, bien évidemment. Sinon mes cris ne serviraient à rien si ce n'est me faire prendre pour un fou sorti tout droit de l'asile. Il ne m'entendait pas. J'accélérais alors le pas pour venir déposer ma main sur son épaule. « Je suis si invisible que ça quand tu passes devant sans même me voir ? » Je restais un instant sérieux, lui faisant presque les gros yeux avant de rire et de lui donner une tape dans le dos. « Je t'ai même appelé mais monsieur semblait bien trop occupé avec ces pensées pour entendre un homme qu'il devait rejoindre ce soir, n'est-ce pas ? » Je le taquinais. Un peu. Il le méritait en même temps. « Ça va, toi sinon ? »

L’automne, saison des plus étranges, il ne fait pas assez chaud pour être bien, ni assez froid pour qu’il neige, il pleut, une pluie froide et peu ragoûtante, le soleil n’est plus comme en septembre, non, il est caché par les nuages. Décidément, les temps d’automne sont bien trop mauvais pour les aimer. Les feuilles des arbres tombent, ce qui nous rend triste, les gens se précipitent sous un abris le plus vite possible, histoire d’échapper à ce temps détestable, cette saison ne donne vraiment pas envie. Ma saison préférée est l’hiver, car on peut jouer dans la neige, boire des chocolats chauds, aller à la montagne, s’amuser près du feu du feu avec des amis. De toute façon, l’automne ne m’atteint pas, je ne suis pas frileux, je peux tomber malade sans avoir froid ! J’ai tout de même pris le soin de mettre un manteau assez épais, une écharpe et un bonnet, assez étrange je dois le dire ; pour pas que les gens me prennent pour un fou qui se balade avec juste un polo sur le dos. La nuit était tombée sur Paris, pour mon plus grand plaisir. J’aimais Paris la nuit, bien plus que le jour, j’aimais sortir dans le froid, me balader dans des rues vides, et des croiser, que rarement des ivrognes inconscients. Ce soir, je ne sortais pas juste comme ça, pour découvrir de nouveaux endroits, mais parce que j’avais un rendez-vous, oui un rendez-vous. Le terme est un peu inapproprié, ce n’est pas réellement un rendez-vous. Lorsqu’on dit ce mot là, ça fait très professionnel, comme-ci on allait rencontrer la reine d’Angleterre. Je dois juste voir mon meilleur ami, rien de bien extraordinaire. J’avais mis mes écouteurs, histoire de ne pas entendre les gens se plaindre de leur vie, une série de musiques tristes, sur l’automne, qui donne envie de se flinguer, mais qu’importe, ça va avec la saison ! Je ne sais pourquoi, je plongeais ma main dans ma poche pour en sortir mon paquet de cigarettes. Je ne suis pas un grand fumeur, ça c’est sur ! Je ne fume que lorsque l’envie me prend ou que j’en ai besoin, c’est à dire pas très souvent en général. Je l’allume et la fourre dans ma bouche tout en continuant d’écouter ma musique. J’étais presque arrivé et ma cigarette presque terminé, lorsque je sentis une main sep oser sur mon épaule. Je tournais la tête, machinalement, c’était mon rendez-vous, Cassandre, mon meilleur ami. J’éteignais ma cigarette et la mettais dans la première poubelle que je trouvais. Je lui étais passé devant sans le remarquer, ça ne m’étonne pas, je suis parfois un peu trop tête en l’air. « désolé » dis-je en riant à moitié. « bah ça va, comme d’habitude et toi ? »

Soren semblait distrait. Il ne me remarquait et me passait devant comme il le ferait avec un inconnu. Mais je n'étais pas n'importe qui à ses yeux. C'était ce que j'espérais même si j'avais quelques doutes depuis peu. Son comportement, ses gestes étaient parfois en parfaite contradiction avec ces paroles. Je l'arrêtais. Je n'avais que ça à faire pour nous éviter une attente interminable chacun de notre côté. Imaginez l'absurdité de la situation... Je signalais donc ma présence par une simple main sur l'épaule du jeune trentenaire, n'attendant pas pour lui faire une remarque sur ce qu'il venait de se produire. Oui, j'en souriais mais ces doutes que j'avais en tête me revenaient en pleine face lorsque mon regard azuré se posa sur mon meilleur ami. « désolé » Ses rires me laissèrent perplexes. Encore une fois, ses paroles s'accompagnaient d'une réaction opposée à celle attendue. D'accord, je le taquinais mais... Peut-être me prenais-je trop la tête pour des broutilles insignifiantes ? « bah ça va, comme d’habitude et toi ? » Je lui souris. Il fallait savoir jeter l'éponge et passer outre pour que notre soirée ne soit pas touchée par ces suspicions, ces doutes qui prônaient dans ma tête. Je me prenais probablement la tête pour rien ou pour une chose qui n'en valait pas la peine. J'étais devenu prudent et encore heureux que Soren ne soit pas gay, j'aurais été encore plus emmerdant à son sujet. J'avais désormais beaucoup plus de mal à faire confiance aux hommes et en particulier aux hommes attirés par les hommes. Trop de déceptions, trop de secrets et de manipulations pour que j'en sorte indemne.

« Ça va bien. Journée exténuante mais je résisterais pour ne pas m'endormir sur le comptoir. » J'entrais alors dans le premier bar que je croisais, l'habituel dans lequel je venais lorsque j'étais dans le quartier. La chaleur du lieu m'envahit brusquement que j'en soupirais tellement elle était soudaine. Je retirais mon écharpe que je gardais dans ma main et je filais vers le comptoir nous commandait la première tournée de la soirée. Deux bières pour débuter. Je m'installais dans le coin du bar, délaissant mon manteau pour être à mes aises en ces lieux. Deux pressions ne tardèrent pas à arriver. Il y avait vraiment beaucoup de monde ce soir et, lorsque l'écran du bar s'alluma et que le sigle Eurosport s'afficha, je compris rapidement pourquoi tout Paris s'était retrouvé ici. « J'espère que la boxe ne te dégoute pas. » Demandais-je à mon ami au moment même où les premiers coups se laissaient entendre en même temps que les cris des supporters.

Nous échangions des banalités de la vie. Je ne sais pourquoi, ces petites conversations, aussi simplistes soient elles, me plaisaient bien. Ce qui est tout à fait étrange sachant que je déteste tout ce qui est banal et normal, y compris moi. Je suis sans doute la personne la plus banale de ce monde, c’est sûrement pour ça que je ne m’aime pas. Enfin bref, la question n’est pas là. Je n’aime pas la routine, je n’aime pas les habitudes, je n’aime pas l’expression métro-boulot-dodo. J’ai besoin de ce frisson, de vivre la vie au jour le jour sans me préoccuper de rien. Je suis aussi une personnes très contradictoire et tellement compliquée et chiante aussi, oui oui, tout cela est très flatteur ! J’aimais bien sortir ou tout du moins aller boire un verre avec Cassandre, je trouvais ça assez sympa’ et pas déplaisant. Après tout je pouvais presque le considérer comme mon meilleur ami, ce qui est incroyable vu la confiance que j’accorde aux gens. Mais pas tout à fait. Je n’ai pas entièrement confiance en lui. Pourquoi ? Je ne sais pas. A part en Fauve, je n’ai confiance ne personne. Ah si, j’ai peut être confiance en ma famille, mais bon, ça fait plus de dix ans que je ne les ai pas vu – faudrait peut être que je les appelle pour leur donner de mes nouvelles – alors je ne sais pas si j’aurais toujours confiance en eux maintenant.

Passons, ce n’est pas le sujet. « Ça va bien. Journée exténuante mais je résisterais pour ne pas m'endormir sur le comptoir. » dit mon ami avant de rentrer dans le premier bar qui fut sur notre route. Je fus rassuré, j’aurais l’air bien fin en train de parler à un mec en train de s’endormir et d’être obligé de ne le réveiller, tout ça sans avoir l’air trop débile ou bizarre. Le bar était bien plus rempli qu’il n’aurait du l’être enfin, j’imagine, je ne suis pas un expert en bars, je n’ai pas écrit « le bar à travers les âges ou un truc du genre ». Tout comme la personne à mes côtés je me délestais de mon pardessus et allais m’asseoir sur une chaise dans un coin. Il nous avait commandé deux bières. Voilà de quoi bien débuter une soirée. La raison de l’attroupement s’éclaircit lorsque la télé s’alluma sur un match de boxe à l’air important vu les supporters. « ouai, ça va, c’est pas mon sport préféré, mais ce n’est pas non plus celui que je déteste. » on dirait que je suis : neutre, ni pour ni contre. Faudrait que je me réveille un peu au lieu d’avoir l’air si vide, sans doute la cigarette qui m’a ramollit le cerveau, foutu tabac !

Retrouver mon meilleur ami après une journée entière de travail était un choix judicieux. Adieu les prises de têtes et les futilités. Je pouvais être moi-même sans chercher à cacher mes sombres secrets et mon passé peu glorieux d'ex-drogué. Soren était au courant de toute mon histoire, au courant de mon passé peu glorieux et de mes mois de décadence suite à ma rupture avec mon petit-ami ou encore mon ancien meilleur ami qui a disparu de Paris sans que je ne puisse le revoir. Suite à toute cette histoire, le jeune Werbusiez avait été plus que présent et je ne pourrait jamais assez le remercier pour m'avoir supporté durant ces mois de lutte intense contre la drogue, l'alcool et le sexe. Aujourd'hui tout allait mieux de ce côté-là mais j'avais d'autres doutes concernant particulièrement mon ami. Assis au bar, télévision en fond sonore et cris d'extase de certains supporters, je bus une première gorgée de ma pression, espérant que la boxe ne répugne pas Soren. Il savait très bien que j'adorais ce sport pour le pratiquer au minimum une fois par semaine dans un club. « Ouais, ça va, c’est pas mon sport préféré, mais ce n’est pas non plus celui que je déteste. » Je lui souris mais je le trouvais étrangement distant. Peut-être que je me faisais des idées, peut-être n'était-ce que mon imagination qui me jouait des tours et qui voyait le mal en Soren. Les hommes et moi, c'était compliqué. En particulier avec ceux qui pourraient être de futurs partenaires, de futurs petit-copains. Cependant, mon ami n'était pas de ce bord et j'en aurais presque béni le ciel que cela en soit ainsi.

« Dis-moi, je peux te poser une question... » Je tâtais le terrain. J'y allais doucement pour ne pas me mettre mon meilleur ami à dos. J'attendais un signe de sa part, un hochement de tête, n'importe quoi afin de continuer et de lui la question qui me trottait en tête depuis un moment déjà. En effet, son comportement, certains de ces gestes m'avaient des doutes en tête comme s'il n'avait pas confiance, comme si je ne représentais rien, comme si je n'étais qu'un simple ami alors que je m'étais livré à lui comme un livre ouvert. Pour moi, il était mon meilleur ami mais j'avais doute sur la réciprocité de notre relation. J'espérais que mes peurs à ce sujet ne se vérifient pas. « Est-ce que t'as confiance en moi ? » Je me tus un instant. « Tu vas peut-être me prendre pour un fou, un drogué ou alcoolique en manque mais j'ai l'impression que tu fais exprès de laisser une certaine distance entre nous comme si, comme si tu n'avais pas confiance, comme si je n'étais qu'un simple ami pour toi ou une connaissance... » Je posais mes yeux dans les siens, cherchant une réaction quelconque de la part de Soren à ce sujet. Le silence s'installa entre nous. Un silence pesant et lourd. Merde. « J'aurais pas dû te demander ça. Désolé... »