Parfois, j’aimerai juste avoir un peu d’attention.
« Célio, tu as entendu quelque chose de Tim aujourd’hui ? » Je déposais mes couverts de part et d’autre de mon assiette. Je n’en revenais pas. Il n’y avait donc que ce mot à leur bouche : Tim. Mon grand-frère. Ce mec qui prend toute la place dans la vie de mes parents. Il n’y a que lui qui comptait. On était à table. Ils ne pouvaient pas parler d’autre chose. Je ne sais pas, comme me demander comment avait été ma journée, ce que j’avais fais, ou des choses dans ce genre. Non, ils ne me demandaient pas cela. Il y avait juste Tim dans leur tête. Il ne vit même plus à la maison, alors à quoi bon parler de lui H24. Ca m’énerve. J’en ai marre. Ça a toujours été comme ça. Ils parlent de Tim. Je ne dis rien. Je ne mange rien. Je ne touche absolument pas à mon plat. On va voir s’ils remarquent. Je sais déjà que non. L’espoir fait vivre comme on dit. Je reste là, à les regarder, ils parlent toujours et encore. Je me lève. J’en ai marre. Ils font chier. On ne pouvait pas être une famille normale ? Non, ce n’était absolument pas possible. Je les hais. Je prends mon assiette et vient jeter les restes à la poubelle. Je sais, c’est mal. On n’est pas spécialement très riche et on a pour habitude garder les restes, seulement, là, je n’ai même pas envie de les garder.
« Sedlecina, tu vas où comme ça ? » Ma mère. Elle me remarque enfin. Ce n’est pas trop tôt. J’ai presque envie de rire. Je dépose mon assiette sur le comptoir de la cuisine avant de fermer violemment la poubelle. «
Là où j’importe, répondis-je à ma mère sèchement. » Puis maintenant, j’aurais droit speech tellement chiant de ce que je devais faire et ne pas faire. Non, mais oh, ce speech, c’est à Tim qu’il faut le faire, pas à moi. Je monte dans ma chambre bruyamment. Je me fais entendre. Mon père tout ce temps, même pas il ne daigne réagir. Enfoiré. Je me change rapidement. Ce soir, je sors. Comme presque tout les soirs. Minirobe, talons, haut, maquillage, je sors, sans même faire attention à ma mère. Je vais me prendre une cuite ce soir, et finir dans une chambre d’hôtel.
Parfois, je voudrais que tu meures.
« Sedlecina, il faut que je te parle. » Je regardais ma mère avec mes gros yeux bleus. Je ne comprenais pas ma mère. Elle avait l’air différente.
« Maman, qu’est-ce qui se passe ? » Elle me prit dans ses bras. C’était la première fois qu’elle le faisait. Pour la première fois de ma vie, je me sentais aimée par cette femme qui était ma mère. Elle me regarda, me caressa ma chevelure blonde puis me regarda droit dans les yeux.
« Ecoute, il va falloir que tu sois forte maintenant. Pour ton frère, d’accord, il est très malade. » J’étais complètement perdue. Il n’y a même pas un jour, j’ai souhaité la morte de mon frère parce qu’il me faisait chier tout le temps, et là, il était malade. C’est de ma faute, hein ? J’hoche la tête silencieusement. Je n’avais jamais voulu qu’il meure moi. Je ne l’aimais peut-être pas spécialement, et il était chiant comme tout, mais je l’aimais un peu au fond dans mon cœur de petite fille de x ans. Ma mère me lâcha et partit en direction de la cuisine. Je monte à la chambre de Tim. J’ouvre. Il est là sur son lit entrain de jouer à ses putains de jeux vidéo.
« Qu’est-ce que tu veux, princesse ? Me sort-il d’un ton sec. » Ah bah sympa le frère. Ca ne fait même pas trente secondes que je suis ici, et j’ai déjà envie de me casser.
« Maman m’a dit pour toi. » « Ouais bah c’est cool maintenant laisse moi tranquille. » Mais. Je ne comprends pas pourquoi il fait ça. Je t’ai fais quoi. Je t’aime au fond, grand frère. Je n’ai jamais vraiment voulu ta mort. Je voulais juste être remarquée, faire parti de la famille. Tu comprends, ça ? Non apparemment non, puis que tu es le centre d’attention de tout le monde.
Parfois, j’aurais voulu que tu ne sois pas aussi chiant.
« Dégages de là, espèce de gamine ! » Je roule des yeux. Il n’est pas possible ce gars. Je ne daigne même pas le regarder. Je continue à appliquer le rimmel sur mes cils.
« Tu veux avoir l’air encore plus pute que tu ne l’es déjà ? » Roh, mais il va se taire oui, ce connard ! Je ne réponds même pas. Pour une fois, c’est moi qui monopolise la salle de bain. J’applique le rouge à lèvre lentement sur mes lèvres, prenant garde à bien prendre mon temps.
« Tu fais pitié ! » Je souris satisfaite de ma petite mise en scène de ce matin. Je sors de la salle de bain enfin, souriant à mon frère.
« Moi aussi je t’aime, Tim ! » Même pas en rêve. Il m’énerve. Je fais ce que je veux encore dans ma vie. C’est pas lui qui va me dire ce que je vais faire. Il passe ses mains dans mes cheveux et me décoiffe. Non mais c’est pas possible. Je laisse échapper un petit grognement.
« Vas te faire foutre, tu fais chier Tim ! » Je ne comprends même pas pourquoi il a besoin de faire ça. C’est inutile. Ca ne sert à rien. Et ça ne me fait que plus chier qu’autre chose. Bon, après tout entre frère et sœur, c’est normal de se disputer. Sauf que nous, c’est tout le temps. Il est chiant. Je le hais. J’en ai marre de lui. Il monopolise l’attention de tout le monde. C’est pas possible. T’es chiant Tim à être le centre de l’attention ! Tu le sais ça ? C’est pas possible. Et le pire, c’est que tu aimes ça, espèce de… Bon, j’vais peut-être pas insulter notre mère. Y a pas un moment où j’aimerai qu’on soit juste normal. Non, toi il a fallu que tu sois plus doué que moi, que tu sois malade, que tu sois le chouchou de maman, que tu sois le chieur de première classe. Et moi, et moi, et moi ? Bah rien, et moi ! Va te faire Tim. Tu me saoules avec tes propos, avec ton être entier.
Parfois, j’aurai voulu que tu ne sois pas malade.
« maman, maman, on peut aller jouer dans le pars ? » je tire gentiment sur la robe de ma maman. J’ai envie de sortir. Depuis que Tim est malade, on ne fait presque plus rien. J’ai juste envie d’aller jouer moi. Elle ne réagit absolument pas.
« maman…, murmurai-je avec ma petite voix. » elle se retourne enfin, remarquant ma présence. Je la regardais avec mes grands yeux bleus qui la suppliaient de dire oui. C’était le genre de regard qu’un chien battu aurait fait ou le chat potté dans Shrek, au choix. Elle me regarda en soupirant, comme pour me dire que je n’avais rien à faire ici, et que j’étais juste dans son chemin.
« Pas aujourd’hui Sedlecina, ton frère n’est pas bien. » Elle quitta le salon montant dans la chambre de Tim. Je reste là immobile dans le salon à observer ma mère s’éloigner. Pourquoi maman ? pourquoi tu ne veux pas jouer avec moi ? juste un peu. J’aime pas jouer toute seule. S’il te plait maman. Revient. Elle ne redescend pas. J’aurai dû m’en douter. Je m’assois sur le canapé et allume la télévision. Je vais regarder un dessin animé. Ça m’occuper. Je vois les petits bonhommes bouger sur l’écran, mais je ne fais pas attention à ce qu’il se passe. Mes yeux sont rivés sur les escaliers. J’attends toujours le moment où maman va descendre. Seulement, il n’arrive pas et n’arrivera jamais. Tim, pourquoi t’es malade ? Dit-moi, pourquoi ? Pourquoi c’est toi qui a toute l’attention de maman ? Pourquoi, j’ai pas le droit à un peu d’attention ? Tu veux me punir d’être née ou quoi ? C’est ça, hein ? Tu me déteste ? Moi aussi, je te hais, je te déteste.
Parfois, j’aurai voulu être moi.
Adossée contre le mur, je regarde mes amies dansées et de se faire prendre par des gars. La moitié d’entre elles ne remarquent même pas que les mecs doivent avoir une dizaine d’années de plus qu’elles. Elles sont trop pétées de toute façon. Au moins, lundi, il y aura des choses à raconter sur elle à la fac. J’avais déjà hâte de voir leur tête lorsqu’elles sauront que la fac entière était au courant de leur petite aventure du vendredi soir. Qu’est-ce que j’suis méchante ! Ou plutôt, gentille devrai-je dire. Grace à moi, elles se souviendront pleinement de la soirée. J’avais presque envie de lâcher un rire diabolique. J’étais tellement salope avec elles, que j’aimais ça. Je tirais sur ma clope, crachant la fumée quelques secondes par après. J’en avais rien à faire que c’était interdit et que j’étais sensée fumer dans le fumoir. Personne ne le remarquerait. Enfin…
« Mademoiselle, vous savez que c’est interdit de fumer ici. Il faut aller dans le fumoir. » Je fusille le jeune homme du regard. Il doit avoir dans la début vingtaine quelque chose comme ça. Moi j’ai 17 ans. Ah oui, je vous jure ! Je ne les fais absolument pas. Je lui souris.
« Oh excusez-moi. C’est la première fois que je viens ici, je ne sais pas où il se trouve votre fumoir. Lui lançai-je avec ma petite voix aigue. » Je le défiais du regard. Quel beau mensonge ! Je savais parfaitement où se trouvait le fumoir, et ce n’était pas la première fois que je venais ici. Le jeune homme se dirigea soudainement dans la direction de ce soi-disant endroit dont il m’avait parlé il y a à peine quelque minutes. Une fois arrivée là-bas, je fermais la porte, puis plaquait le jeune homme contre le mur.
« Alors, tu m’offres quoi en retour de ma bonne action. » Je savais exactement ce que je voulais, et lui aussi. Ses lèvres rencontrèrent bien trop vite mes lèvres. Nos corps s’enflammèrent, cédant à cette douce tentation. [...] Je remets ma robe en place et prends le petit sachet de poudre blanche qui se trouve sur la table basse du fumoir. Je laisse le jeune homme là et disparaît. Pas d’argent, pas un aurevoir, rien. Juste le simple acte pour la dose.