J’avais eu qu’à poser la question au premier mec à l’allure de clochard que je croisais pour qu’on me balance où créchait cet enfoiré de squelette. En même temps, les gars tatoués des pieds à la tête, ça courait pas les rues. Si tu dois le trouver quelque part, c’est dans un squat boulevard Barbès. Fine. J’avais enfin foutu la main sur ce crevard. Après avoir tiré une longue taffe sur le joint que je m’étais préparé avec soin, j’soulève mon chemisier et j’sors un flingue de mon jean. Depuis ce jour noir, mon arme ne me quittait jamais. Je ne vivais plus que dans l’espoir de pouvoir un jour coller une balle dans la tête du connard qui avait manqué d’me tuer. Bref, j’étais loin de connaitre Paris comme ma poche mais il semblerait que la soif de vengeance me donnait un sens de l’orientation hors du commun. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, j’me retrouve devant la porte du fameux squat. Je m’allume alors une clope, parfaitement détendue à l’idée de tuer un homme. Cela faisait six ans que j’attendais ce moment. Six ans que je me préparais mentalement à abattre cet enculé. J’allais enfin pouvoir assouvir mes pulsions meurtrières. J’souris à cette pensée. L’idée que ça puisse mal tourné ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Et même si ça avait été le cas, ça ne m’aurait certainement pas rebuté. Une fois que j’étais lancée, plus rien ne pouvait m’arrêter. L’entêtement, c’était de famille, faut croire.

J’écrase mon mégot sur la porte d’entrée avant de pénétrer à l’intérieur de ce taudis. Une effluve de pisse, de beuh et de renfermé vient aussitôt s’insinuer dans mes narines. Charmant. J’me demande comment il fait pour vivre là-dedans. Même moi j’ai plus de goût que lui pour choisir mes squats. Anyway. Je balaie la pièce du regard. Il fait aussi sombre que dans le cul d’un noir. Je soupire. J’ai pas envie de jouer à cache-cache avec lui, merde. J’ai presque envie de tirer à blanc pour qu’il sorte de son trou et que j’ai pas à le chercher. Sauf qu’il s’avère que je l’ai trouvé après avoir fait deux pas dans l’appartement délabré. Il est là, assis sur un putain de matelas miteux, tellement crade que tout un écosystème a dû se développer dedans depuis qu’il a été abandonné là. Je m’approche le plus lentement possible histoire de conserver un certain effet de surprise. J’fais tout mon possible pour éviter de faire grincer le parquet. En deux temps trois mouvements, je me retrouve derrière lui. J’sens l’adrénaline monter au moment où le canon de mon flingue vient se coller à l’arrière de son crâne. J’suis déjà en train d’imaginer le sang gicler sur les murs. Jouissif. J’suis sûre qu’il se souvient pas de moi, de tout ce qu’il m’avait subir, mais j’peux pas m’empêcher de lâcher :

« Comme on se retrouve. »

La meilleure chose depuis que j'ai quitté la prison c'est bien d'avoir retrouvé la drogue et l'alcool. Je pensais franchement que j'allais crever de manque derrière les barreaux. J'me demande bien comment j'ai pu faire pour résister avec autant de simplicité. Fin non, j'ai simplement pris sur moi. Comme toujours. Faut croire que j'suis devenu fort dans l'art de dissimuler. Le roi des illusions. Ma main se pose sur la seringue d'héroïne vide en souriant. Je prends la peine de la poser délicatement sur la table comme si c'était la plus belle chose qu'il m'avait été permis de posséder. La première depuis ma sortie. Un frisson traverse ma colonne vertébrale en sentant le produit se mélanger à mon sang. Dans l'euphorie du moment, un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je recule de quelque pas pour me laisser tomber sur le matelas. J'en avais tellement besoin, de ce foutu moment de défonce. Ma vue est légèrement floue mais j'peux sentir les battements de mon coeur se calmer enfin ainsi que la douleur intérieure s'évaporer presque immédiatement. C'est magique, tellement ... mon souffle se coupe pour profiter de ce moment éphémère de puissance. Ouais, j'me sens soudainement indestructible.

Soudain, j'peux sentir un métal froid se poser sur mon crâne. Il ne me faut que peu de temps pour comprendre ce qu'il m'arrive. J'pense d'abord à une hallucination mais non ... c'est bien un flingue qui se trouve posé sur mon crâne. J'ai même pas le temps d'affiler une pensée que mes entrailles se tordent, semblent se déchirer. Douleur. Et si mon souffle est si saccadé en cet instant ce n'est pas pour la menace qui se trouve derrière moi. oh non. Mais bien la présence de Skeleton qui secoue mon âme. Merde. J'le pensais mort.

« Comme on se retrouve. » Un grand sourire se dessine sur le visage du démon. Et, comme si la menace n'existe pas, il se recule, attrape d'un geste presque calme le flingue pour le tenir fermement entre ses doigts. Comme on serre la main à une vieille amie. Dans un dernier geste, Skeleton arrache le flingue en plongeant son regard sombre dans celui de la jeune femme. Celui qui signifiait qu'il n'était pas là pour rire. Pour tenter de l'écraser, aussi. Comme toujours, monsieur désirait avoir le contrôle. Et bien sûr, on le sait tous, ce que Skeleton veut, il l'obtient. C'est toujours avec autant de calme et de grâce qu'il se recule d'un pas, juste pour admirer sa victime d'un peu plus loin. Le démon l'a reconnu et il sourit, sans cesse. « Tu es venu pour qu'on remette ça ? » Jouer avec le sarcasme et le cynisme lui a toujours réussi. Lentement, l'homme se baisse légèrement sans jamais la lâcher du regard pour poser sa main sur le matelas et l'inviter à s'asseoir. « Mais avant ça, tu prendras bien un verre. On a pas tellement eu le temps de faire ... connaissance la dernière fois. » Il ne peut s'empêcher de remettre sans cesse sur le tapis cette histoire. Comme pour rappeler à cette fille que la vie ne tient qu'à un fil. Tu viens de mettre un pied en enfer.

Alors que je m’apprêtais à presser la détente et en finir une bonne fois pour toute, le monstre se retourne. Sûr de lui, il plaque sa paume contre le canon de mon flingue. J’aurais dû m’en douter. Il était pas du genre à se laisser impressionner. J’ai pas le temps d’appuyer sur la gâchette que déjà, il m’arrache le flingue des mains. J’me suis faite avoir comme une débutante. Ca me plait pas. Pas du tout. Décidée à ne pas baisser les bras pour si peu, j’veux lui flanquer un coup de pied dans l’espoir de lui briser quelques côtes mais une horrible crampe au cœur m’en empêche. Vestige de l’opération que j’ai subie suite à l’incident. J’porte mes mains à ma poitrine, le souffle coupé. Bordel, c’était vraiment pas le moment. Voilà que je me trouve désarmée face au plus grand psychopathe que la terre ait porté. C’est vraiment pas ma veine. Si j’avais pas perdu de temps à lui annoncer ma présence, son cadavre girait peut-être déjà au sol à l’heure qu’il est. C’est facile d’abattre un homme de dos, mais maintenant qu’il me faisait face, c’était une autre paire de manches. Le regard qu’il me lance me déstabilise. J’suis là, tétanisée. Fucking impression de déjà-vu. J’nous revois six ans plus tôt. Moi du haut de mes 12 ans face à ce connard. Il a pas changé d’un poil. Alors qu’il me scrute attentivement, je réfléchis intérieurement à un plan B. J’sais qu’il hésitera pas à me tuer au moindre faux pas. C’était ma peau ou la sienne. Jeu dangereux.

« Tu es venu pour qu'on remette ça ? » Je serre les dents. Comme si j’allais laisser ça se répéter une seconde fois. Bref, je le fixe sans baisser les yeux. Je ne veux montrer aucun signe de faiblesse face à lui. J’veux lui tenir tête jusqu’au bout. J’essaie en vain de réprimer les tremblements qui agitent mon corps. Mine de rien, ce mec me fout la trouille.

« Tout dépend de toi. Tu crois que tu pourrais prendre ton pied en me tuant autant que tu l’as pris en flinguant tous ces innocents ? Parce que si ça t'apporte rien de le faire, j'vois pas trop l'intérêt. »

Inégalable. La boucherie de Londres était juste inégalable. Depuis que j’avais repris conscience, j’avais l’impression d’avoir tout vécu. « Mais avant ça, tu prendras bien un verre. On a pas tellement eu le temps de faire ... connaissance la dernière fois. » Il est sérieux là ? Boire un verre avec l’homme que je détestais le plus sur cette planète, comme si j’avais que ça à faire. Je m’approche de lui de quelques pas et je l’attrape à la gorge, serrant autant que ma poigne d’adolescente me le permettait. J’avais juste envie de voir la vie s’éteindre dans son regard. J’voulais qu’il paie pour tout le mal qu’il avait fait. Autumn la justicière. Wouaw, c’est fou comme ce titre m’allait bien. Tandis que j’étais occupée à tenter de l’étrangler alors qu’il venait gentiment de me proposer un verre, voilà que ma pute de crampe au cœur revient de plus belle. J’le lâche immédiatement, tombant à genoux, vidée de toutes mes forces. Ma vue se trouble avant de revenir à la normale. Je jure un bon coup avant d’attraper une bouteille d’alcool vide qui trainait par là. J’lui balance à la gueule mais évidemment, en tant que piètre lanceuse que j’étais, celle-ci manque sa cible. Je jure alors un bon coup et j’finis par m’installer à ses côtés après avoir dégagé tout ce qui encombrait le matelas. Il a gagné une bataille, mais pas la guerre. Bref, tout en cherchant une autre arme potentielle du regard, j’engage la conversation comme si rien n’était :

« Qu’est-ce qui te ferait plaisir d’apprendre sur moi ? C’est pas qu’il y a pas grand-chose à dire, mais c’tout comme. »

« J'crois savoir que tu connais Jéricho. J'me trompe ? » J’sais pas du tout comment réagir à ses paroles. Dire la vérité ou mentir ? C’est sûrement une question piège, ou une connerie dans le genre. Et la dernière chose que je voulais, c’était que mon frère s’attire des problèmes par ma faute. Je fais mine de réfléchir avant de secouer la tête de gauche à droite. J’crois que c’est préférable pour tout le monde de taire le lien qui nous unit, JJ et moi. Il a pas besoin de savoir. J’hausse alors les épaules, affichant un air désolé.

« Jéricho ? J’connais pas ce type. Pourquoi, je devrais ? » J’essaie de me faire le plus convaincante possible. J’ai toujours été relativement douée pour jouer la comédie, pour tromper les apparences. Faut dire que je m’y étais prise tôt. Mentir à mes parents pendant des années avait été un très bon entraînement. Lorsque le squelette sous-entend que j’peux être mise dans le même sac que toutes les putes sur lesquelles est passé mon frangin, j’peux pas m’empêcher de lâcher un rire nerveux qui pourrait s’apparenter à un ‘ si tu savais ‘. J’me rends alors compte de ma gaffe et j’tente aussitôt de me rattraper. « Puis quand bien même ça serait le cas, qu’est-ce que ça peut te foutre ? Jusqu’à preuve du contraire, j’fais encore ce que je veux de mon cul. »

Il est vrai que d’un point de vue extérieur, j’aurais pu être rangée dans la même catégorie que ces femmes de la nuit. C’était pas la première fois qu’on me collait cette étiquette sur le front. Mon look particulièrement aguichant était le seul responsable. Sauf que là, on voyait clairement que Skeleton ne se fiait pas à mon apparence pour affirmer des choses pareilles. C’est juste qu’il en savait plus qu’il ne le laissait croire et qu’il prenait un malin plaisir à me tester. Bref, lorsque ce monstre à l’apparence humaine se rapproche de sorte à ne plus se trouver qu’à quelques centimètres de moi, je m’écarte en le fusillant du regard. Qu’il pose ne serait-ce qu’une seule main sur moi et c’est un homme mort. Parole de scout. Alors que je m’apprêtais à lui faire comprendre d’une claque dans la gueule qu’il avait plutôt intérêt à garder ses distances, psychopathe ou pas, celui-ci se recule de son plein gré. Enfin, façon de parler. Vu comme ça, il donnait l’impression de se battre contre une force invisible qui le rongeait de l’intérieur, c’était assez … flippant. « L'écoute pas. Dégage. » Ces paroles vinrent confirmer ce que je pensais. Skeleton n’était pas seul dans sa tête. Il semblait avoir un colocataire légèrement plus bienveillant que lui. Je fronce les sourcils. Radar à cassos activé. J’aurais peut-être dû prendre mes jambes à mon cou pour quitter cet endroit comme le Good Jack venait de me le conseiller. Sauf que je vouais une certaine fascination aux dégénérés du bulbe dans son genre. Et j’avais comme qui dirait envie de prolonger mon séjour en sa compagnie. Qui sait, peut-être que si je m’attardais sur son cas, ça allait un peu plus attiser ma haine envers lui et de ce fait, augmenter le plaisir que me procurerait sa mort ? Maso, je l’étais.

« You’re insane, dude. » Et le trophée de la réflexion la plus stupide et la plus inutile revient à Autumn Pixie Adams, veuillez l’applaudir. Il me demande alors comment je me prénomme. J’réponds d’un ton particulièrement ironique. « Autumn. Tu sais, la miraculée. Celle qui a survécu alors que tous les autres sont morts. »

La question que je me pose n’est désormais plus comment vais-je tuer Jack mais bien comment vais-je faire revenir le Good Jack de sorte à ce qu’il ait le dessus sur Bad Jack qui empiétait légèrement sur son territoire. J’me suis alors dit que si j’donnais ce qu’il voulait à Mr Hyde, peut-être que ça inciterait Dr Jekyll à pointer le bout de son nez pour ne pas que son homologue obtienne satisfaction. Ma théorie me semblait particulièrement intéressante. Il ne me restait maintenant plus qu’à la tester. Pour ce faire, je me déplace jusqu’à lui. Mes lèvres s’approchent alors dangereusement des siennes. Sauf qu’au dernier moment, j’me retire, un sourire narquois flanqué sur mon visage. Tu l’as dans l’cul Manu. Putain que je kiffe jouer avec le feu.

« Jéricho ? J’connais pas ce type. Pourquoi, je devrais ? » Prendre Skeleton pour un con est là son erreur première. Le sourire amusé du démon s'efface presque immédiatement, n'annonçant ainsi rien de bon. Bien heureusement avant de faire quoi que ce soit Autumn continue sur sa lancée. Peut-être, sans le vouloir, est-elle en train de reculer l'échéance de sa torture. La rire qui traverse ses lèvres ne changent rien au regard sombre que Skeleton lui lance. T'es dans la merde ma pauvre, et tu sembles le comprendre. « Bien sûr que ça m'regarde. Tu peux bien choper le sida que j'm'en balance, ce qui me dérange plus c'est que tu le refiles à mon mec. » J'ai envie de le flinguer, de lui dire de fermer sa grande gueule mais me savoir hors de moi le fait bander d'avantage. C'est certainement pour ça que je le laisse faire, parce qu'au moins, il gère la situation. Ouais, qui a déjà vu Skeleton perdre le contrôle de quoi que ce soit ? C'est lui le maître du jeu. Toujours sûr de lui. Rien ne peut l'effrayer parce que justement, plus rien ne l'atteint. C'est ce qu'on appelle être dépourvu de coeur et des sentiments qui vont avec. « You’re insane, dude. » Enfin, un faible sourire se dessine sur son visage, comme pour lui dire qu'elle a raison. Ça se voit comme le nez au milieu du visage, en même temps. J'peux le sentir couper sa respiration et l'impression de suffoquer me noue la gorge. Punition. Une fois que j'suis bien sonné, le démon reprend de l'oxygène tout en fixant la jeune fille avec une certaine lassitude. Parce que Skeleton est pire que ces gosses qui se lassent de leur cochon d'inde une semaine après l'avoir eu sous la sapin de noël. Pour lui tout est acquis et rien ne semble pouvoir l'intéresser réellement.

« Autumn. Tu sais, la miraculée. Celle qui a survécu alors que tous les autres sont morts. » L'homme lâche son regard pour fixer sa cigarette en laissant sa cendre s'échouer sur le sol. Ses yeux se reportent à nouveau vers Autumn tout en brisant le silence de sa voix sombre et rauque. « Tu veux que j'te félicite peut-être ? Les meilleurs partent en premier. Dieu a juste encore une fois prouvé l'ampleur de ta connerie. » Pas de sourire, quedal, juste un sombre regard accompagné d'un haussement de sourcils signifiant 'j'en ai rien à battre de ta petite personne et de tous ceux qui sont morts.' Pas une once de remords. Cette idiote approche ses lèvres de celles du démon. Il peut même sentir son souffle brûlant se mélanger au sien. Moment éphémère. Cette connasse se recule et laisse le vide s'emparer des lèvres de Skeleton. C'est d'un geste vif qu'il se relève légèrement pour attraper ses poignets et la plaquer violemment contre le matelas. Ne surtout pas provoquer le diable. Ses doigts resserrent son étreinte sur la peau de la jeune femme alors que ses lèvres viennent embrasser avec fougue son cou pour y laisser un suçon. « Ton petit jeu est très intéressant, j'n'en doute pas mais j'ai passé l'âge. » C'est toujours avec ce calme déstabilisant que sa voix laisse s'échapper ses mots. Ses mains, quant à elles, la lâchent enfin pour venir s'infiltrer sous le t shirt de sa victime.

T'as merdé Autumn.

« Ce qui me dérange plus c'est que tu le refiles à mon mec. » A ces mots, mon sang se glace. Pendant un fraction de seconde, mon visage se décompose. Jéricho, sortir avec ce monstre ? J’avais loupé un épisode. J’savais que les fréquentations de mon frangin étaient pas des plus recommandables mais là, il semblerait qu’il ait touché le fond. Bref, j’tarde pas à retrouver une expression neutre. Surtout, ne rien laisser paraitre devant Skeleton. J’crois avoir compris qu’il est plutôt du genre à puiser sa force dans les faiblesses de son adversaire. Inutile de préciser que JJ allait m’entendre la prochaine fois que j’le voyais, j’suppose. « Tu veux que j'te félicite peut-être ? Les meilleurs partent en premier. Dieu a juste encore une fois prouvé l'ampleur de ta connerie. » Argument en carton. Ne disait-on pas aussi le meilleur pour la fin ? Cette version du dicton me plaisait déjà mieux. J’savais ce que je valais et si le squelette avait raison, j’aurais dû crever parmi les premiers. Puis t’façon, tout le monde savait que Dieu n’avait rien à voir avec ça, tout comme son adage. Il avait abattu ses victimes comme elles venaient, sans se dire oh tiens celle-là c’est une warrior, let’s kill her first o/. Décidément, ce connard disait vraiment de la merde, c’était exaspérant.

« En fait, j’voulais juste souligner le fait que t’es qu’un psychopathe du dimanche incapable de finir son travail et de faire le ménage derrière lui mais bon après, tu l’interprètes comme tu veux. »

Sourire. J’crois qu’il doit y avoir un disfonctionnement quelque part chez moi. C’est vrai, plus j’suis en danger, plus je me sens vivre. Là j’me retrouve à nouveau dans une situation critique, en seul à seul avec l’un des tueurs de masse le plus recherché de cette planète mais pourtant j’peux pas m’empêcher de penser que je suis en train de vivre une expérience fantastique. Ouais, il doit vraiment y avoir un problème de connexion entre mes synapses. Bref, Skeleton ne semble pas vraiment apprécier que j’lui colle un vent. Il fait mine de rien en me balançant qu’il a passé l’âge pour ce genre de petit jeu mais ça se voit sur sa gueule qu’il est plus frustré qu’il ne le raconte. Parce que ouais si ça l’atteignait si peu, comment expliquer le fait que cet enfoiré me plaque violemment au matelas à peine quelques secondes plus tard ? Venez pas me parler de coïncidence, j’y croirais pas une seule seconde. J’me débats légèrement quand il vient me faire un suçon dans le cou. J’suppose que c’est ce qu’il attend de moi, que je me comporte en tant que victime pendant qu’il fait son affaire. J’en rajoute même une couche en venant lui mordiller le. Diversion. Mes mains ne tardent pas à retrouver leur liberté. C’est une grossière erreur qu’il a commise en me laissant à nouveau libre de mes mouvements. Tandis que je continue à laisser mes dents caresser son oreille, j’passe ma main gauche dans sa nuque tandis que ma main droite se referme sur mon flingue qu’il a gentiment déposé à côté du matelas, à portée de main. Mes ongles s’enfoncent alors dans sa peau. Alors que ses mains sont occupées à partir à la découverte de ce qui se cachait sous mon t shirt, je me redresse légèrement tout en coinçant le canon de mon arme dans son pantalon. Ma bouche s’approche de son oreille et j’y glisse ces quelques mots, un sourire victorieux aux lèvres :

« Essaie pour voir, mon grand. »

Quand Skeleton m’arrache mon t-shirt et se fout à déboutonner mon jeans, j’donne des coups de pied à l’aveuglette, espérant le toucher au passage. Evidemment, mes petits petons ne rencontrent que du vide. Rhaa, j’suis vraiment pas douée. J’savais que j’aurais dû prendre des cours d’arts martiaux étant plus jeune, ça m’aurait évité de me retrouver dans de telles positions de faiblesse. J’étais pourtant persuadée d’avoir repris le dessus en pointant ses corones avec mon flingue. Mais merde quoi, pourquoi ce type ne perdait-il jamais pied ? J’étais en train de foutre la prospérité de ses bijoux de famille en danger et j’avais l’impression qu’il s’en foutait comme de l’an quarante. J’me sentais impuissante, un truc de ouf. Et comme pour confirmer que j’étais aussi inutile que les couilles du pape face à lui, voilà que Skeleton m’enfonce le flingue dans la bouche. Note à moi-même ; ne plus jamais faire la maligne avec une arme à feu, ça finissait toujours par se retourner contre moi. J’avoue que sur le moment, je rigolais beaucoup moins. La dernière chose dont j’avais envie, c’était de me faire violer par ce mec, surtout sans protection. Fin ça, ça coulait plutôt de source. Personnellement, j’connaissais pas un seul violeur qui prenait une pause capote avant de sauter ses victimes. En fait je connaissais pas de violeurs du tout mais bon, osef. J’imaginais même pas une seule seconde être enceinte de ce pauvre niouk. J’crois que si ça devait être le cas, j’préférerais gaspiller une balle à me tirer dans le bide plutôt qu’à la loger entre ses deux yeux. Bref, alors que l’autre était en train de violer mes amygdales avec mon flingue, il semblerait que le gentil côté de la force se soit décidé à reprendre le dessus. J’étais en train de défier le monstre d’appuyer sur la gâchette des yeux lorsque celui-ci se débarrassa tout naturellement de son arme.

« Casse toi. » J’voudrais bien ouais. C’est pas qu’il me bloque le passage avec sa carrure de mastodonte mais c’est tout comme. Bref, après m’être assuré que Skeleton s’était bien retiré de l’esprit malade de Jack, j’me redresse à mon tour. Putain, on pouvait dire que j’y avais échappé belle. J’voudrais bien remercier mon sauveur mais il a pas l’air très ouvert à la discussion. Il se passera donc de louanges et autres conneries.

« Casse-toi, dégage … T’as que ces mots-là à la bouche ? Depuis toute à l’heure tu m’dis de foutre le camp. C’est bon mec, pète un coup, l’autre connard est parti, t’es le winner, j’risque plus de rien. » Je roule des yeux avant de rajouter sur un ton malicieux. « Puis tu m’dois encore un verre pour être restée, j’te rappelle. » J’désigne de la tête la seringue qu’il est en train de s’enfoncer dans le bras. « Fin si tu pouvais me faire profiter de la seringue de la paix à la place, ça m’arrangerait. Ca fait trop longtemps que j’y ai plus touché. » Toxico que j’suis. Ca aussi, il semblerait que ce soit un trait de famille. Je m’assois alors à ses côtés tout en gardant mes distances. On sait jamais. Chassez le naturel, il revient au galop comme on dit. « Alors comme ça t’es la nouvelle copine de mon frère … Il sait ce que t’as fait ou va falloir que je le foute au courant ? »

Parce que ouais, ça me tuait que Jéricho puisse sortir avec un type pareil en étant conscient du mal qu’il avait causé. Fin j’pouvais bien parler moi. J’étais venue ici dans le but de le tuer et voilà que je me retrouvais à essayer de sympathiser. C’était le monde à l’envers. Sauf que ça m’intéressait pas d’achever cet homme déjà terrassé par la vie. C’est vrai quoi, c’était pas lui qui m’intéressait mais plutôt son copain imaginaire et tuer l’un reviendrait à tuer l’autre, du coup j’voyais franchement pas l’intérêt. Contrairement à Skeleton, c’était pas mon truc de descendre des innocents.