Camel est parti. Presque sans rien dire. Ce fut rapide, une véritable claque dans la figure. Aucun mot pour l’inciter à rester n’a pu franchir mes lèvres. Il n’est pas de ceux qui vont s’étaler bien longtemps, mais pour le coup j’ai la sensation d’avoir été une personne lambda à ses yeux. Il a certainement du rentrer au pays. Seul ? Accompagné ? Je n’en ai pas la moindre idée. Ça me frustre. Ça me bouffe de nouveau. Ça va recommencer à m’énerver. Ces pulsions que je ne comprends pas, que je ne maîtrise pas. Et dire que je suis censé avoir travaillé dessus. Mes doigts se referment sur les draps, ma gorge se noue. En plus d’avoir perdu un de mes potes les plus proches, je me retrouve en quelque sorte au chômage, enfin si l’on considère qu’appartenir à la team est un job reconnu. Je ferme les yeux pendant que les rayons du soleil danse sur ma peau. Il est surement temps que je fasse un point sur ce qu’il s’est passé ces derniers mois. En réalité, il est temps que je fasse beaucoup de choses. Ce n’est pas la première fois que je me le dis, mais la conviction est là. Je ne suis pas encore seul, du moins c’est ce dont je suis encore persuadé. Ouais, je me voile trop la face. Pourtant, il n’est pas le seul à avoir croisé mon chemin. Oui, quelque part dans le fond ma vie ne se limite pas à cela. J’ai honte de me fixer uniquement sur notre relation. Il serait aussi temps que je passe outre le passé. Je repense à Cassandre pour le coup et son séjour à l’hôpital, en tant que patient cette fois. Pourquoi lui ? Pourquoi pas Albane ? Ou Joshua ? Bonne question. Aucune idée. Ouais, je devrais vraiment avoir honte, parce que ça commence à remonter un peu cette histoire. Il fut un temps où il m’a permis de mettre de côté cette vieille histoire avec Camel, il était également de ceux qui savent comment me calmer et puis il a sombré, et je l’ai regardé faire sans rien dire, sans lever le petit doigt. J’ai aussi vaguement pris des nouvelles à sa sortie… Ce n’est pas une question d’être égoïste ou quoique ce soit dans ce style. C’est un peu plus compliqué que cela. Quelque part, je dois être encore ce gosse qui peine à évoluer et s’ouvrir au reste du monde. Pour finir ma longue liste, il est temps pour moi de reprendre le contrôle de ma vie présente. Je me cantonne à un court message pour l’inviter à passer.

Je n’ai pas besoin d’attendre bien longtemps et de tourner en rond dans l’appartement jusqu’à ce que la nuit s’installe. Dans un certain sens, je dirai heureusement. Je n’ai pas la tête à me remettre à la photo. Pas aujourd’hui. Peut-être demain. Ou un jour qui suivra. « Hey Cassandre. » Je le fixe à la porte, sourire aux lèvres, bras croisés. Mi figue, mi raisin, en bref. Que puis-je lui dire ? Comment dois-je l’accueillir ? Que mon regard doit-il dire quand je l’inviterai à rentrer ?

« come what may »

❝ Winston Ҩ Cassandre ❞

On entend souvent dire : « En mai, fait ce qu'il te plaît ! ». Je n'étais pas réellement de cet avis. Pour moi, c'était plutôt : « En mai, caches-toi comme il te plaît ! ». Je commençais réellement à en avoir marre des regards que certaines personnes me lançaient en pleine rue. J'avais l'impression d'être un divertissement et d'être en plus pris pour un hypocrite. Je me doutais de ce qu'ils se disaient une fois que j'étais passé : « Regardez le drogué ! » ou encore « Et dire que c'était un infirmier... ». Je les imaginais très bien et je devais bien avouer que cela me touchait légèrement. Je ne pouvais pas être indifférent face à tout ça. Toute ma vie avait changé ou du moins l'aspect social de ma vie. Beaucoup ne me parlait que pour des banalités, d'autres préféraient encore s'éloigner. J'étais lasse de toute cette histoire. D'accord, j'étais tombé bien bas mais j'avais fini par me relever et ça, personne ne le relevait. Je n'étais que l'ancien drogué. Et d'une certaine façon, j'avais hâte de reprendre le travail tout comme je l'appréhendais. Mais je pense que l'envie était bien plus forte que le reste car mon métier était une véritable passion. C'était un bonheur de l'exercer jour après jour.

Comme à mon habitude depuis que j'étais arrêté suite à mon overdose et donc à la découverte de mon addiction à certaines substances illicites, je n'avais rien de spécial à faire ce soir. Cependant, et contre toute attente, je reçus un message de Winston. Tout d'abord surpris par ce sms, je finis par y répondre en acceptant l'invitation du jeune homme. Je passeras donc chez lui ce soir et ça serait entre autre l'occasion de tout remettre au clair entre nous car j'avais changé. Je n'étais plus le même maintenant que j'étais clean. Tout d'abord, je ne couchais plus avec n'importe qui. J'en avais fini avec les histoires d'un soir et le jeune Olesinski en ferait les frais. D'accord, nous avions partagé d'agréable moments. D'accord, j'avais pris mon pied et je l'avouais sans honte. Mais maintenant, j'espérais qu'il y avait plus entre nous qu'une histoire de cul. J'arrivais rapidement dans le 3ème arrondissement après un tour de quelques stations dans le métro parisien dont j'étais le plus grand fan. Allez savoir pourquoi ? Dès mes premiers pas dans la ville, j'étais tombé amoureux de ces transports. ils avaient pour moi un charme fou et faisait de Paris la ville que le monde entier connaissait. « Hey Cassandre. » Ce fut les premiers que Winston prononça en me voyant après ouvert sa porte. Il me fixe. J'en fais de même. La situation semblait quelque peu délicate et je ne savais pas pourquoi. Avait-il lui aussi des aprioris concernant mon ancienne addiction ? Certains doutes me venaient alors en tête. Que faire ? « T'es au courant, c'est ça ? » Lui demandais-je finalement d'une petite voix, ne sachant pas vraiment ce qu'il se passait actuellement. C'était la meilleure solution pour éviter tout quiproquos. « Tu me laisses entrer et on en discutera... » Je ne savais pas quoi ajouter. Les cartes étaient désormais entre les mains de Winston qui n'arrêtait pas de me regarder, les bras croisés.

« T’es au courant, c’est ça ? » Au courant de ? Ma pensée est accompagnée d’un haussement de sourcil interrogateur. Les retrouvailles auraient pu être plus chaleureuses, mais il en est rien de ce que j’ai connu auparavant avec Cassandre et la tête surement trop ailleurs je n’y prête pas d’avantage attention. Après un passage aux urgences pour quelques points, j’avais rapidement croisé Cassandre avant ses récentes addictions. Prenant note du comportement de mon entourage avec plus d’un train de retard, je n’avais pas vraiment eu le temps de remarquer des différences lorsque nous nous sommes « fréquentés » par la suite. « Tu me laisses entrer et on en discutera… » Les mots me restent en travers de la gorge, mais je le laisse entrer en l’invitant du regard, sans me soucier plus longtemps à mes craintes, croyant qu’il ne me laisserait pas tomber à son tour. Parce que si j’ai également passé de bons moments à ses côtés, Cassandre est de ceux qui doivent me connaître le mieux, qui savent comment me gérer lorsque je ne suis plus vraiment moi, incontrôlable, dangereux pour mon entourage comme pour moi-même. Entre nous, je ne m’attends pas à recevoir une énième claque dans la figure, persuadé que j’ai eu ma dose ces derniers jours. Cependant, son envie de discuter me fait douter. Encore la tête ailleurs, je referme la porte bien après que Cassandre soit entré, soupire et m’y adosse un instant avant de le rejoindre dans la pièce principale. C’est petit, bordélique selon certaines personnes, mais passant plus de temps dehors que dedans, cela me convient amplement. Sans même prendre le temps de dégager la table basse d’une multitude de photos en tout genre, je me laisse tomber sur le divan. « Tu voulais parler de quelque chose alors ? » Je l’avais invité sans vraiment d’idées de ce que nous pourrions nous dire ou faire – après tout, nous n’avons jamais pris le temps de discuter comme de réels amis auparavant et je doutais que cela puisse commencer aujourd’hui – et encore moins d’arrières pensées. Je lève les yeux en y repensant. C’était con de ma part, mais aussi égoïste de réclamer simplement sa présence. Je me masse les tempes du bout des doigts. Je ne suis peut être pas le mec le plus réactif ou brillant de toute la ville, mais j’ai comme une mauvaise sensation dans ce qui va suivre. C’est ce que l’on appelle une journée sans. Définitivement.

Ce que j'avais à lui dire n'était pas facile. Nous avions passé d'excellents moments ensemble. Nous avions pris notre pieds, c'était la manière la plus simple de définir notre relation passée. Aujourd'hui, tout était différent. J'étais sorti de mes addictions aux drogues et le sexe ne faisait plus parti quotidiennement de ma vie. Je me réservais le droit à quelques plaisirs avec certaines personnes mais j'avais réduis mon comportement de ce côté là. Je ne me tapais plus un mec différent tous les soirs. S'en était fini de ce temps de débauche. J'étais à nouveau le Cassandre que tout le monde connaissait et tant mieux. J'entrais donc dans son studio après que Winston m'ait fais un signe de la tête. Il ne disait pas grand chose. J'espérais simplement que tout allait bien pour lui car même si notre relation allait changer, je serais toujours là pour lui quoi qu'il arrive. Je marchais donc vers son salon. Dire que c'était bordélique se révèlerait juste mais connaissant le jeune homme, j'étais habitué donc cela ne me choquait guère peu. Debout, je l'attendais. Il semblait assez long. Allait-il bien ? Je commençais réellement à me poser la question mais lorsque je le vis me rejoindre, mes doutes se dissipèrent pendant un temps.

Je ne savais pas par quoi commencer. Je regardais juste le jeune Olesinski s'installait sur son divan sans dire un mot. C'était difficile d'être invité, de venir et d'annoncer ce genre de nouvelle alors que notre relation s'était basée au départ sur ce fait que je ne voulais maintenant. Mais heureusement, Winston prit la parole et brisa le silence qui régnait dans sa pièce principale. « Tu voulais parler de quelque chose alors ? » Je prenais un grand bol d'air. « Oui, faut qu'on parle... » Ou comment être vague. Je ne savais toujours pas par quoi débuter. Il était forcément au courant de ce qu'il m'était arrivé, de mes addictions et autres petits plaisirs que j'affectionnai les mois précédents. Aujourd'hui, s'en était fini. Je devais peut-être commencer par ça. « Je suis sûr que t'es au courant de ce qu'il m'est arrivé. Je ne vais pas revenir sur la drogue, le sexe et l'overdose... Je vais mieux. Beaucoup mieux maintenant. Pas besoin de t'inquiéter pour ça. » Je me rapprochais de lui, m'installant à mon tour sur son divan. Ce que j'avais à lui dire était important. « Ce que j'avais à te dire, c'est que maintenant que je vais mieux. J'ai besoin d'éclaircir les choses. Entre nous. Je sais qu'il n'y avait que le sexe au départ. On se basait sur ça. Mais j'en veux plus. J'en ai finis avec tout ça. Je veux qu'on arrête là. J'ai pris des décisions et je préfère qu'on en finisse là entre nous deux. » Je m'y prenais comme je le pouvais. Toute notre relation était basée sur le sexe sans attache et sans sentiment. Mais au fil de nos nuits, nous avions fini par nous rapprocher et devenir amis. C'était ce que je ressentais. Je voulais donc en finir avec le sexe et être véritablement son ami. « Je sais que ça doit te faire bizarre que je te dise ça. J'suis désolé. Mais c'est ce qu'il me faut maintenant. J'espère que tu pourras comprendre, Win'. Je l'espère vraiment... » Je lui attrapais une main que je serrais fort entre les miennes. Nous resterions simplement des amis et même si je en l'avais pas dit explicitement, c'était bel et bien ce que je recherchais à l'heure actuelle. Je ne voulais plus être son amant. Être son ami était maintenant le plus important à mes yeux.