La porte entrouverte, des pas discrets déposés un à un contre le sol, puis soudainement, une stature absolument immobile. A ce moment précis, Ruben pencha doucement son visage dans l’enrayure de la porte, afin d’écouter la conversation téléphonique passionnante qu’entreprenait sa sœur avec l’une de ses amies. « Je ne sais pas, c’est vrai, il l’air gentils.. » du haut de ces douze ans, Ruben était une vrai calamité, un pur bout en train, un gros emmerdeur de première classe, qui ne perdait pas une seconde sans embêter sa sœur, et lui en faire voir de toute les couleurs. Disons qu’il aimait par-dessus tout l’agacer, la mettre à bout, la voir s’énerver contre lui, l’amusait d’une façon purement gamine, et indescriptible. Alors que son visage tentait de se frayer un chemin particulièrement discret dans la fine ouverture de la porte, celle-ci fut ouverte brutalement, chose à laquelle il n’était absolument pas préparé. Sans qu’il eut le temps de réagir, un violent coup vient immédiatement frapper son nez, voilà ce que c’était de se cacher derrière une porte, puis de ne pas faire attention au silence qui régnait dans la pièce. « je peux savoir ce que tu fou là ? » lança Yael d’une voix amusé, totalement ravie à l’idée d’avoir pris son frère la main dans le sac, mais à la fois agacé de le retrouver là. « je.. je me baladais, puis j’ai entendu ta magnifique voix.. Tu disais qu’il avait l’air gentils, j’ai su que tu parlais de moi. Alors forcément, je suis resté pour écouter la suite de la conversation. »répliqua Ruben d’une voix particulièrement attendrie, comme s’il plaidait pour une cause de non culpabilité. Il était évident qu’il mentait, mais ce qu’il l’était encore plus, c’était que Yael le savait également. D’ailleurs elle avait toujours été particulièrement douée pour repérer le moindre de ces mensonges. Ils avaient beau avoir six ans de différences, cela ne les empêchait absolument pas d’avoir un lien fraternel assez commun. A vrai dire, malgré l’attitude collante et purement gamine de Ruben, leur relation était basé sur un amour vache, ils s’adoraient, ils se défendaient, se protégeaient mutuellement, mais en dehors de ça, chacun prenait un malin plaisir à en faire voir de toute les couleurs à l’autre. « si je devais parler de toi p’tit frère, j’établirais la comparaison merveilleuse de.. toi, et ce magnifique petit tube de colle sur mon bureau.. » répliqua à nouveau la jeune femme d’une voix qui se voulait douce. A cet instant précis, Ruben pencha doucement sa tête sur le côté d’une façon pourtant anodine, pour finalement se mettre à rire. « la colle sur ton bureau ? oh je m’en suis servis tu sais ? La page trois de ton journal intime colle un peu d’ailleurs.. » comme s’il s’y attendait, comme si il avait à l’avance anticipé la réaction de sa sœur, le jeune homme ne réfléchit pas une seule seconde avant de se mettre à courir, bien loin de la chambre de Yael. Si elle l’attrapait, s’en était fini pour lui, puisqu’il savait à l’avance que cet acte la mettrait dans une colère noire.

Quelques années plus tard, lorsque Ruben devait avoir environ dix sept ans, et sa sœur vingt trois, une toute autre forme de relation s’était peu à peu installée entre eux. Ruben n’avait plus douze ans, et même s’il ne disait pas non pour continuer d’embêter sa sœur à de nombreuses reprises, il avait tout de même cesser ces gamineries puériles. Disons qu’il avait pris de la maturité, et réagissait comme une personne autonome, et responsable. A cet époque, il sortait avec une jeune fille du nom de Ava. C’était le genre de fille particulièrement jolie, qui attirait d’une façon quasi immédiate la gente masculine, et s’en servait sans aucune restriction. Vous l’aurez compris, cette jeune femme n’était pas du tout faite pour Ruben, qui de loin était un jeune homme à la fois tendre, stable, et particulièrement attentionné, chose qui avait attiré la jolie Ava dans les bras du jeune homme. –bien qu’elle ait été attiré dans de nombreux bras en même temps- Yael, qui s’intéressait un minimum à la vie de jeune frère, n’avait pas été aveugle face à la supercherie, et c’est pourquoi elle avait été voir son frère, dans le but de le faire réagir. « Ava n’est pas une fille pour toi, tu sais que tu mérites mieux, et tu ne veux pas l’admettre. » confortablement assis sur son lit, son ordinateur portable sur ses genoux, Ruben se laissait bercer par une musique mouvementé, qui couvrait en partie la voix de sa sœur, dont les mots lui parvinrent comme un électrochoc. « Ava est une fille merveilleuse, tu ne l’a connais même pas, alors s’il te plait, lâche-moi avec ça. » lâcher l’affaire, et imaginer une seule seconde que son frère allait souffrir dans les prochaines semaines à venir ? Jamais. Tout comme Yael, Ruben était particulièrement protecteur envers sa sœur, il voulait lui éviter tout désagrément, il était là lorsque ça n’allait pas, il était une personne particulièrement patiente, et lorsque ça n’allait pas, il n’était pas du genre à brusquer, ou à précipiter l’étape des confessions. « Ava Cooper, 17 ans, s’est tapée la moitié de l’équipe de football en l’espace de trois mois, sort actuellement avec mon frère, mais aussi en relation non officiel avec le capitaine de l’équipe de foot. Je connais sa meilleure amie, niveau potin, elle n’a pas sa langue dans sa poche. Alors au lieu de la joué borné petit frère, écoute-moi, tu sais bien que je veux te protéger. » ces mots suffisaient amplement pour faire réagir le jeune homme. Il avait compris le message, et en plus de ça, il savait qu’elle était les attentions de sa sœur. C’est pourquoi ce jour-là, il mit un terme avec sa relation avec Ava, ce qui était certainement la meilleure des choses à faire.

Agé désormais de vingt et un an, quatre ans après sa relation chaotique avec la jeune Ava, Ruben semble s’en être remis d’une façon plutôt rapide, et surprenante. Bien qu’il n’est plus eu de relation stable depuis, à part peut-être quelques petites amourettes sans importance, le jeune homme a appris à faire plus attention avant de donner sa confiance, mais aussi une partie de son cœur. Il était ainsi désormais, oui il aimait sortir, faire la fête, profiter de soirée animées pour rencontrer tout un tas de personne. Mais rester avec quelqu’un officiellement pendant plus d’un mois, n’était jamais réellement arrivé jusque-là. Disons qu’il était encore jeune, et qu’intérieurement, il ne préférait même pas penser à tout ça. Ce qui le préoccupait, c’était l’état de sa sœur. Oui, avec tout ce qui lui était arrivé ces derniers temps, il savait au plus profond de lui, que malgré ses apparences du « je m’en foutisme, tout va bien dans le meilleur des mondes », que rien n’allait. A de nombreuses reprises il avait tenté d’installer un dialogue, de parler avec elle, de lui montrait qu’il désirait la comprendre, qu’il désirait l’épauler, l’aider, et la prendre sous son aile autant de temps que nécessaire. Il aurait à de nombreuses reprises aimé lui dire que si elle le désirait, elle pouvait rester chez lui, le temps qu’elle se sente mieux, et que tout s’arrange. Mais à chaque fois qu’il tenter de parler des problèmes de sa sœur avec elle, elle se renfermait, elle devenait particulièrement silencieuse, et sa souffrance ressortait à travers le son brisé de sa voix qui d’habitude était si douce. Ce soir-là, le jeune homme était chez sa sœur, afin de passer la soirée avec elle, devant la télévision. Alors que le film venait tout juste de se terminé, la voix du jeune homme brisa le silence, d’une façon totalement inattendue. « Je sais ce que tu ressens. » à la fois surprise, et intérieurement touché, comme si, une multitude d’image douloureuse refaisait surface à peine en prononçant ces mots, la jeune femme se contenta de changer de chaine, l’air totalement passionné par une documentaire, animalier. « oh oui je suppose que tu sais.. à quel point la vie des koalas n’est vraiment pas facile. » Oui, ce changement de sujet, cette mauvaise interprétation était volontaire. Elle n’avait en aucun cas envie de parler de ce qu’elle ressentait. « S’il te plait Yael, tu sais de quoi je parle. Je sais que ça ne va pas, que ça fait de nombreuses semaines que rien ne va. Ton travail est ton refuge, parce que ta vie actuelle est loin d’être ce que tu imaginais. Laisse-moi t’aider, parle-moi, s’il te plait. » à cet instant précis, la jeune femme détourna le regard d’une façon lente, elle était incapable de parler, incapable d’expliquer ce qu’elle ressentait à cet instant précis. Elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas, elle n’y arriverait pas. Ruben l’avait compris, et c’était pour cela, que le jeune homme n’insista pas davantage.