Les étoiles sont un but que tout enfant cherche à atteindre. Il veut les toucher, les voir de plus près, les dénombrer, comprendre pourquoi elles sont là et ne tombent pas sur Terre, pourquoi nous on n'a pas ce genre de choses si magnifiques et brillantes. C'est comme cela qu'on reconnaît un adulte qui a gardé son coeur d'enfant. S'il rêve encore de pouvoir toucher un jour les étoiles, nul doute que c'est encore un jeune qui a pleins de rêves dans la tête, qu'il les cache ou non. C'est vraiment un repère, ce point ne se trompe jamais. Oui aux étoiles, oui à la jeunesse. Non aux étoiles, non à la jeunesse. En fait, je pense surtout que beaucoup trop de gens enfouissent en eux et cachent leur irrésistible envie d'un jour partir pour l'espace afin de toucher ces choses éclatantes. Oui, je suis sûre qu'au fond, tout le monde veut encore croire et espérer qu'il posera un doigt sur ces espèces d'objets volants non identifiés à branches.
Quel jour sommes-nous ? Ah oui, Samedi. Pourquoi cette question à moi même ? Roh, allez donc savoir, est-ce si important ? Aucunement, j'ai envie de dire. Mais allons bon, je me remets à parler, ou plutôt à penser toute seule. Aujourd'hui, quelle chance, je ne travaille pas. C'est enfin une petite libération pour moi, à ne pas devoir chaque fois voir ces tronches de blasés qui, même sans trop le montrer, faisaient bien comprendre que travailler avec une pauvre petite sourde sans gros revenus était barbant et encombrant. Je ne sais pas tellement ce que je fous ici. A vrai dire, je pourrais autant être au Moulin Rouge, endroit d’où je pense, comme cloîtrée chez moi, enfermée à doubles tours avec mon chien et mon chat, les volets et fenêtres fermés et allongée dans mon lit à dormir ou affalée sur mon canapé à regarder je ne sais trop quoi de débile, par flemme de prendre la télécommande de la télévision pour changer de chaîne et trouver quelque chose de plutôt potable. D’ailleurs, le chien a dû aller la prendre pour la mordiller dans sa couche. Saleté de Loki, si je t’y prends, je te fais ta fête. Mais non, ne vous inquiétez pas ainsi, j’adore ma sale bête. Aujourd’hui, elle est d’ailleurs avec moi, sans laisse, bien évidemment. C’est un chien obéissant, même sans parler, il vous obéit au doigt et à l’œil. D’accord, je vous comprends, on s’en moque. De toute manière, je ne sais même plus trop pourquoi je vous parle de ce que je fais à côté du Moulin Rouge. Ce que j’ai dans la tête en ce moment même, c’est la tête de ce gars. Bordel, qu’il est beau. J’adore les traits de son visage, ses yeux, la forme de sa bouche, sa coiffure, son allure, sa minceur, il en ressort quelque chose de je m’en foutiste que j’affectionne tout particulièrement. Sans oublier son côté si mystérieux. D’ailleurs, je crois que j’ai eu le coup de foudre pour lui la première fois que je l’ai vu. Assise dans l’herbe, au parc d’acclimatation, il l’avait abordée et… ROSE ! :3 Pourquoi déjà ? Une attaque de pigeons, si je me souviens bien. Depuis, c’était, je dirais, une rencontre habituelle entre nous. J’avais l’impression qu’il se moquait de ma surdité, et je me sentais bien à ses côtés. J’avais aussi l’impression qu’il était mal à l’aise, ou mal dans sa peau, peut être. Je n’avais pas cherché à entrer dans les détails, s’il ne voulait pas en parler, et bien soit, je ne l’y forcerai pas. Tout viendrait en temps voulus. Mais qu’importait, même si on ne se parlait pas, la présence de cet homme non loin de moi me rendait gaie et joyeuse, sans que je sache trop pourquoi, parce qu’il n’a jamais trop l’air de le faire exprès. Mais en tous les cas, cela fonctionne rudement bien.
Je marche le long de la rue en face de celle bordant le Moulin Rouge. Bientôt, je tourne, afin de me trouver devant ce lieu unique. Je me poste devant le passage pour piétons et pose un pied sur la bande blanche, puis n’avance plus, laisse presque ma jambe droite en suspension alors qu’elle aurait dû aller sur la bande noire. Je m’aperçois en réalité que Loki ne me suit pas, trop excité par un gros pigeon qui le titille. Je l’appelle, du mieux que je peux, par son nom, essaie de le siffler sans savoir si je le fais bien. Enfin, je claque mes doigts et frappe dans mes mains, en vain. A ce moment-là, je ne m’aperçois pas qu’une voiture s’approche dangereusement de moi, alors que la femme au volant téléphone et regarde sur son siège passager où son sac à main est posé et totalement vidé. Son contenu n’est sûrement pas bien réfléchi, mais c’est assez pour me mettre sérieusement en danger alors que j’essaie encore d’appâter mon gros chien, sans entendre le vrombissement de la voiture imposante. Celle-ci, elle risque de faire mal si je me la prends sur le coin du nez. Et elle est très proche. Trop proche.