« Inceste » : n.m. union illicite entre des personnes liées par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage, dans une société donnée.

What’s the fuck is going on with me? Allongée dans son salon, la tête dépassant de la fenêtre, elle regarde le ciel. C’est sombre. Le temps passe, file même, sans qu’elle ne s’en rende compte. Il n’y a pas d’étoiles, mais elle parvient à s’y perdre. C’est reposant de se déconnecter de la réalité quelques minutes. Chiraz est autant fatiguée physiquement que psychologiquement. Vider son appartement ne fut pas de tout repos. À défaut de trouver un nouveau colocataire, elle a accepté une autre proposition, à la fois intéressante et effrayante. Fumer, admirer, se perdre. Le temps d’un instant, la jeune femme cesse de réfléchir. Tout est toujours trop compliqué quand on cherche de la simplicité dans la vie. Ça ressemble au proverbe « chassez le naturel, il revient au galop. » Les choses ne se passent jamais comme on le souhaite. Hades, dans un premier temps, et leur putain de jeu puéril où elle n’est pas prête de perdre, où elle s’est faite la promesse de ne pas baisser les armes dans l’immédiat, à la moindre difficulté. Et il y a Daniel. Et là, c’est tout de suite indescriptible. Le premier mot qui doit venir chez la plupart des personnes est « inceste. » Ils n’ont pas torts après tout. Cependant, au goût de la brunette le terme est assez horrible à prononcer alors que leur semblant d’histoire est... attachant, touchant. Elle se doit de le détester après près de dix ans d’absences et quasiment autant de temps sans nouvelle de sa part. Entre nous, elle a essayé de s’y tenir en croisant son chemin dans ville. Mais les jours ont passé et désormais la jeune femme voit les choses d’un œil différent. La preuve, elle est bien allée le retrouver une nuit pour lui dire qu’elle ne l’aime pas de la façon dont Dame Nature souhaiterait qu’elle l’aime. Admettons que son alcoolémie ne fut pas dans les alentours de zéro ce soir là, Chiraz demeurait assez sobre pour savoir ce qu’elle disait. Bref, tout ça pour dire que si ça ne tenait qu’à elle, la photographe emploierait le terme « soft » pour expliquer ce qu’il se trame entre eux, elle ne saurait pas expliquer la nuance à un francophone, mais elle a comme la sensation qu’il y en existe une. C’est doux, pas trop niais même si le frangin est une véritable guimauve ambulante quand ils se retrouvent. Autant, Daniel pourrait être un de ces types qu’elle possède sur son tableau de chasse, jamais il ne pourra avoir un tel rôle à ses yeux. C’est sans doute son absence qui a transformé leur relation fraternelle en quelque chose de… différent. À haute voix, la brunette n’ose pas s’aventurer sur ce terrain inconnu. Elle y pense de plus en plus, se fait peur aussi. Il y a quelque chose de fort entre eux, c’est inéluctable. Comme… Oui, comme un sentiment amoureux. Petit à petit, elle tombe amoureuse de son propre frère. Ça sonne bizarrement et sur le coup ça la fait frissonner. Instinctivement, Chiraz met cette réaction sur le compte d’une de ces petites brises nocturnes qui vient de glisser sur sa peau. Elle éteint la cigarette, se redresse, jette un coup d’œil circulaire au studio, puis au canapé où un sac de couchage a été jeté. Elle hausse les épaules et soupire. Prendre goût à quelques heures de sommeil c’est fatal. Elle ne peut pas rester ici. À travers la poche de son jean, une certaine clé s’enfonce dans sa peau. Ça sonne comme un message.

Et elle claque la porte de l’appartement comme ça, sans le prévenir, sans s’assurer si des métros circulent encore. Et là voilà vingt minutes plus tard éteindre une cigarette au pied de l’immeuble. Monter les marches deux par deux, pousser doucement la porte de l’appartement, attraper le dernier éclair au chocolat dans le frigidaire, se laisser tomber dans un fauteuil et constater que Daniel est là, en face. Elle percute que ses gestes sont faits machinalement. Un sourire se dessine sur ses lèvres histoire de donner un peu d’humanité à la scène. « À quoi essayer de dormir là-bas, ça ne fonctionnera pas. Tu me fais devenir faible vieille chose. » Elle s’étonne à soudainement ne plus vouloir vivre au jour le jour. Enfin, elle ne veut pas se fixer pour autant, mais savoir où elle va, histoire qu’elle puisse retomber sur ses pattes au moindre problème. Une chose est sure, pour la première fois de sa vie – ou quelque chose comme ça – elle se sent plutôt bien. La preuve, elle dort plus d’une heure par nuit en ce moment.