Ça commence à Copenhague. Camel il n’existe pas encore. Pourtant, sa mère a hâte qu’il se décide à sortir de son gros bide, parce qu’elle n’en peut plus de cette situation. Elle ne déteste pas son môme, c’est seulement son image qui la dégoute. Elle ne ressemble à rien et même lorsqu’elle caresse avec une tendresse dissimulé sa peau douce, elle n’peut réprimer un haut le cœur, c’pas une vie ça. Trainer dans le lit, bouffer, pleurer, attendre, imaginer la gueule d’son bébé, se sentir seule et pleurer encore. Le père, il n’est même pas là, pourtant, c’pas faute de l’avoir contacté pour l’mettre au courant. Elle sait bien qu’il n’reviendra pas pour l’aider mais secrètement, elle l’espère un peu. Il n’y avait pas d’amour entre eux, juste un peu de tendresse mais ça lui aurait suffit comme vie. Parce qu’ici, il n’y a rien. Y’a de ça deux ans, elle a fait la conne et a abandonné ses parents, disputes, cris, jeunesse, l’topo habituel. Bien sur, elle peut tenter d’chialer à leur porte mais pour quoi faire ? Pour leur prouvait qu’ils avaient raison ? Qu’elle est bel et bien conne et jeune, elle et son ventre rond ? Jamais d’la vie. De toute façon, dès qu’elle aura foutu assez d’économie d’côté, elle ira vivre à Paris. Elle a toujours aimé Paris, parait que c’est jolie, qu’il fait souvent moche et qu’le gens sont pas très poli mais elle s’en fou. Il n’y aura qu’elle et son bébé de toute façon.
Ça continue à Paris. Camel à huit ans, sa mère bosse dans l’dix septième arrondissement. Elle fait l’ménage chez l’blindés, c’comme ça qu’elle les appelle à la longueur d’journée. Parce qu’ils vivent dans des appart’ immenses qu’elle dit, des appart’ dont l’salon fait le double de son studio. Tous les jours, à dix sept heures et demi, elle emmène son fils au square des Batignolles. C’bien loin des parcs miteux de la seine-saint-denis et ca lui donne l’impression d’offrir un Camel un semblant de vie. C’est ici qu’il l’a rencontré. Amelia, sept ans, une petite blonde à l’accent nordique. Elle lui rappelle cette vieille russe qui vit en face de chez lui. Entre eux, c’est comme un coup de foudre, c’est doux, c’est léger, c’est de l’amour conjugués à l’enfance. Ils se voient tous les jours et très vite, ils se promettent l’éternité. C’est un peu con, c’pas bien possible mais dans l’fond ce n’est pas grave. Sa mère, elle l’taquine tout le temps à propos d’Amelia. C’est son amoureuse qu’elle dit. Elle veut bien l’croire, elle a toujours raison sa mère. Puis la journée, la seule chose qu’il attend c’est d’être enfin dix sept heures et demie pour aller au square et jouer avec Amelia. Avec ouai, peux être qu’elle est son amoureuse.
Maintenant, ça se passe à Seine-Saint-Denis. Camel a dix ans. Sa mère, elle bosse plus dans le dix septième parce que ses patrons ils ont trouvé moins chère, ils l’ont viré. Elle est caissière au supermarché du coin, elle gagne mieux sa vie mais il ne voit plus Amelia aussi souvent. Ils jouent ensemble au square des Batignolles le weekend et parfois, il va dormir chez elle. Jamais le contraire. Camel ne veut pas que son amoureuse vient ici. Les garçons, ils sont gentils mais pas très poli. A vrai dire, il n’y a jamais personne qui vient chez lui. Sauf Julian, mais lui c’est normal, c’est son meilleur ami. Il l’connait depuis qu’il est tout petit, il sait tout d’lui, alors il n’a pas honte. A julian aussi, camel il en a promis des choses, des promesses d’enfants qu’on ne tient plus en grandissant. Bêtement, il s’dit que lui, il les tiendra, il a envie d’y croire, d’croire que peu importe c’qu’il passe, julian, il sera toujours plus important que l’reste et que jamais il ne l’abandonnera.
U.C