Il ne suffit pas de se mettre une plume dans le cul pour ressembler a un coq.

"Mamaaaaaan! Al' m'a encore embêtée!"
"Alcide, arrête d'embêter ta soeur!"
"Elle n'avait qu'à frapper avant d'entrer dans ma chambre" rétorqua-t-il du tac au tac, un sourire fourbe à la commissure des lèvres.

Embêter Georgia, sa cadette, était devenu le passe-temps favori d'Alcide qui narguait sa sœur avec malice. Celle-ci s'en alla frustrée dans sa chambre, n'omettant pas d'abattre lourdement ses pas contre les marches d'escalier en pestant contre son frère. Malgré leurs nombreuses disputes, ces deux-là s'adoraient, à leur façon. Il était né à Rio en 1984 dans la chaleur de l'été. Son père était un brésilien de pure souche qui était tombé sous le charme français de Louise Beauchamps, sa mère. Ils avaient goûté au coup de foudre et ne s'étaient jamais séparés, si ce n'est lors des voyages d'affaires de sa mère qui travaillait dans le monde cruel qu'était celui du mannequinat. Elle était styliste et avait su se faire un nom parmi les artistes de talent. Alcide avait hérité de son goût pour le voyage, découvrant New-York, Paris, Londres, et bien d'autres capitales aussi alléchantes les unes que les autres.

« Alcide, Georgia, venez un peu ici! Votre père et moi avons une grande nouvelle à vous annoncer...Eh bien voilà, vous avons décidé d'aller nous installer à Paris. Qu'en pensez-vous. »

Un long silence s'était installé dans le salon. Alcide, lui, était excité à l'idée de vivre dans l'une de ses villes préférées, même s'il éprouvait une pointe de tristesse à l'idée de quitter ses amis. Quant à Georgia, elle n'avait manifesté aucune joie, elle aimait bien trop sa ville natale pour ça, mais c'était déjà trop tard. Un mois plus tard, la famille Rodriguez avait plié bagages pour la ville Lumière, celle que l'on surnommait également la ville de l'amour. Même s'il maniait plutôt bien la langue française, il avait eu bien du mal à trouver ses repères lors de sa première année de lycée. A ses dix-huit ans, il entra à l'armée, un monde qui l'avait toujours fasciné.

[...]

Je ne suis pas exceptionnel, je n’ai rien fait dans ma vie mais j’ai aimé très fort.

C'était une après-midi comme les autres, tout du moins en apparence. Alcide exploitait son jour de congé par une promenade de bonne santé. Les mains dans les poches, il ne se préoccupait pas de ce qui l'entourait, se laissant gagner par la distraction du moment. Par la même occasion, il s'octroya un choc frontal contre un gars, ses fesses avaient eu tôt fait d'épouser le sol avec fracas. « Aie! » Fichtre! Voilà ce qui arrivait quand on ne regardait pas devant soi, il l'avait bien mérité. Le militaire allait pester contre l'importun, mais il ravalait bien vite sa salive pour observer d'un œil gourmand le délicieux jeune homme contre qui il s'était 'malencontreusement ' cogné. Perdu dans sa contemplation, il n'écoutait que d'une oreille distraite ses paroles, jusqu'à ce que le mot « invitation » titilla son ouïe. Était-ce pour se faire pardonner? Qu'importe la raison, Alcide se voyait mal refuser une si alléchante proposition. « D'accord » Clair, court, tout était dit. Le jeune brésilien s'impatientait d'en découvrir plus sur le dénommé Cassandre.

[...]

Il venait de recevoir la confirmation de sa mission en Afghanistan, un sourire naquit à a commissure de ses lèvres alors qu'il informait son compagnon de la nouvelle. Il s'était attendu à tout sauf à de la colère. Non, il avait littéralement pété les plombs. Surpris, un goût amer s'était immiscé au fond de sa gorge, il ne comprenait pas pourquoi Cassandre était contre son départ. La situation tourna vite au vinaigre, les deux jeunes hommes s'engueulaient mutuellement, brisant le calme du quartier. Il avait souhaité sa présence à l'aéroport, son soutien, ses encouragements...Il n'en fut rien, et Cassandre l'envoya carrément bouler, suscitant un subtil mélange de colère et de rage chez Alcide. Ils ne s'étaient plus revus depuis ce jour, et chaque jour, il ne cessait de penser à son compagnon, aux raisons qui l'avaient poussé à agir de la sorte. L'envie de lui écrire était grande, mais sa fierté le coupa toujours dans son élan. Une pile de lettres attendait sur sa commode, jamais elles n'auront connu le goût d'être lues. Un mois avant son retour à Paris, il fut pris dans une embuscade, touché à la tête par une balle, ce qui lui valut des graves pertes de mémoire de ces trois dernières années. Il avait complètement oublié Cassandre, n'avait prévenu personne de son retour si ce n'est ses parents et sa sœur. Beaucoup de ses amis s'était envolés par mégarde de sa mémoire...