« Qu’est ce que tu fais ? » m’interroge mon père interloqué devant tant de hâte à remplir un sac congélation de glaçon. « Je crois qu’Hugo a des problèmes papa. Je crois qu’il a recommencé. Je voudrais l’aider et je ne sais pas quoi faire.» Compatissant, mon père hocha la tête. Ce n’était pas la première fois que je lui confiais mes craintes concernant Hugo. « Dis-lui qu’ils peuvent venir à la maison quand ils veulent. Ils seront toujours les bienvenus ». Ravie, j’enlaçai mon père avant de claquer la porte et de cheminer vers le perron « Delacroix ».

« C’est ton père qui te frappe c’est ça ? » lui dis-je sans autre préambule qu’une main dans ses cheveux pour essuyer de mes pouces les larmes roulant sur ses joues. « Pourquoi tu poses la question si tu sais la réponse ? » Cette réponse, quelque peu acerbe, m’arracha une légère grimace. Une grimace amusée sans être narquoise. Compatissante sans être miséricordieuse. Juste bienveillante. Bienveillante et débonnaire. « Je voulais savoir si tu me faisais assez confiance pour me le dire. C'est presque le cas.» Depuis notre première rencontre, j’ai mis tout en œuvre pour qu’il me remarque et qu’il m’accepte dans le cercle très fermé de ses amitiés. Aujourd’hui, sans prétention aucune, même si j’aurais largement préféré que les circonstances soient tout autre, je peux me vanter d’avoir réussi : « Ecoute Little boy, on sait tous les deux que tu ne peux rien faire contre ça du moins rien de concret alors je te propose de t’héberger de temps en temps à la maison avec ta sœur. Ça te fera sortir de ton calvaire et moi ça me fera de la compagnie. Et puis je pourrai m’occuper de toi. Ça m’entrainera. » Je le gratifiai d’un sourire franc et sincère. Le même sourire solaire que j’utilise pour remonter le moral de mon père. « Je voudrais être infirmière. Et toi ? Tu sais ce que tu veux faire plus tard ? » lui demandais-je en appliquant le sac de glaçon sur sa pommette endolorie. Puis, je me suis assise à ses côtés.

Si à l’époque, je n’en avais pas vraiment conscience, aujourd’hui, je peux affirmer que mon cœur d’enfant était tout à lui. Ma vie ne se résumerait plus à ma famille décomposée. J’avais désormais un ami.