01. when I was a child, I was a Jedi.

« L'enfance est heureuse parce qu'elle n'a pas de lendemain ». L'enfance est heureuse parce qu'elle ne craint rien. Ni l'avenir incertain qui se profane, encore moins l'imminence écrasante de tous ces drames. Tous ces drames qui touchent nos parents et que nous ne comprenons pas. Parce que l'enfance est pure et innocente, mais fragile et rassurante à la fois. Lorsque l'on est enfant, on ne se soucie tout simplement pas. On court, on joue, on rit aux éclats. Rien n'est plus facile qu'être un enfant, au final. Entouré de parents aimants et, plus que financièrement stables, ce serait blasphémer que de dire que j'ai une raison valable de me plaindre de cette époque là. J'habitais un quartier chic et agréable et, l'école que je fréquentais n'étais pas si mal. Bien sûr il m'arrivait de me faire chahuter par mes camarades, car à l'école élémentaire publique, on accueille assez mal les fils de bonnes familles tel que moi. On nous croit prétentieux, intolérants et on nous montre du doigt. Mais avec du recul, je pense que je suis à même de comprendre pour quelles raisons certaines personnes réagissent comme ça. Les gens aisés se croient tout permis, ils méprisent leurs contemporains et, n'accordent qu'une moindre importance aux malheurs de leurs voisins. Je le conçois, la plupart des aristocrates se comportent comme cela. Mais il ne faut pas oublier qu'à côté de cette majorité désespérante, se terrent aussi des personnes parfaitement louables. Comme on le dit si bien, l'habit ne fait pas le moine. Et c'est-ce qu'il s'est passé avec moi. J'ai finalement réussi à faire taire les préjugés et, je me suis fait accepter. Mes camarades m'adoraient. J'étais la star de la cour de récré. Je brillais. Et j'en étais fier. Mais surtout parce que je brillais dans ses yeux à ELLE. Joy Anna Baker, une fille en forme de fée. Tellement nerveuse, que lorsqu'elle griffait: mon dos, ma peau se transformaient en pyrogravure. Et elle a fait de moi un sacré Jedi, un petit rebelle qui aurait fait n'importe quoi pour l'impressionner et la faire tomber dans ses filets. Quand je repense au jour de notre rencontre, je ne puis m'empêcher de rigoler. Nous étions si jeunes, si intrépides à l'époque et, les choses se sont faites si naturellement que j'ai encore peine à croire qu'elles aient ainsi pu déraper. « Je me disais toi et moi on pourrait être amis, les meilleurs amis » lui avais-je dit tout sourire, sans me soucier du fait qu'elle ne me connaissait pas vraiment. Je ne puis me rappeler avec précision de sa réaction, de ses mimiques faciales ou du ton qu'elle a employé pour me répondre, mais je n'oublierai jamais ses mots. Elle n'avait pas beaucoup d'amis à l'époque et, j'étais ravi d'en faire partie. Un privilégié. Pourtant et, si c'était à refaire, peut-être bien que je n'oserais pas autant m'avancer. Car bien que ce jour-là ait été à l'origine d'une merveilleuse et profonde amitié, il a aussi scellé les débuts d'une histoire d'amour dramatique et passionnée. Une histoire d'amour qui m'a brisé.

02. always love, even when you want to fight

« Le temps confirme l'amitié ». Et depuis ce jour à la maternelle où je lui avais proposé de devenir ma meilleure amie, je ne l'ai plus quitté. Les Inséparables, je crois que c'est de cette manière que notre entourage avait pris l'habitude de nous surnommer. Présent pour elle dans les bons comme dans les mauvais moments, j'avais épaulé Joy lors du décès de son père notamment. Une expérience difficile et, troublante. Quelque chose de bien trop difficile à gérer pour une adolescente aussi douce et, fragile que mon adorable poupée. J'avais à peine 16 ans à l'époque et, je me souviens m'être montré très maladroit. Ayant toujours mes deux parents à côté de moi, je ne comprenais pas. Mais j'avais tenu à être présent quoi qu'il en soit. Alors, quand j'avais appris la nouvelle, j'avais foncé à l'hôpital et, je l'avais systématiquement serré dans mes bras. Je me suis même surpris à sentir sa chevelure ce jour-là. Et, quand elle a levé ses yeux pleins de larmes vers moi, je me suis promis que je la protégerai quoi qu'il se passe. Et j'ai tenu ma promesse. Mettant même mes propres sentiments de côté, les refoulant quand j'en éprouvais la nécessité. Parce que ce que nous avions, cette amitié, elle était unique et, je n'avais aucun droit de la gâcher. Encore moins pour sortir avec elle et faire pâlir de jalousie la moitié du lycée. Pourtant, c'est fou ce que les gens pouvaient colporter à notre sujet. Faut dire que vu de l'extérieur, notre lien pouvait sembler ambigüe, il est vrai. Mais il n'en était rien. Tout du moins, pas de son côté, pas au début. Ou bien alors, elle le cachait très bien. Le plus drôle dans tout ça, c'est que je crois que je l'ai aimé dès la première minute. A partir du moment où elle a plongé ses grands yeux dans les miens, j'étais foutu. Je l'ai toujours su, seulement je m'efforçais de ne pas y penser; parce que je n'avais pas envie de l'embrouiller. D'ailleurs, si j'avais tenté quoi que ce soit à l'époque, je m'y serais probablement pris comme un pied. Mais comme le dit le dicton entre l'amour et l'amitié il n'y a qu'un pas et, c'est naturellement que nous l'avons franchi un soir. Premier baiser échangé. Expérience incroyable. J'étais aux anges, peut-être même sur Mars. Si mes souvenirs sont bons elle avait fait le premier pas et, surpris j'étais resté silencieux un petit moment après ça. Joy, taquine, s'était moquée de moi. Puis, nous avions officialisé les choses et, enfin démarré notre histoire. La plus belle de toute. L'amour avec un grand A.

03. feeling the moment slip away

Puis Lucas est mort. Lucas était mon frère aîné, mon modèle, la seule personne que j'ai jamais vraiment admiré. Il s'est envolé par un doux matin d'été, la leucémie ayant eu raison de ces jeunes années. Je venais de fêter mes 18 ans et, autant dire ce qui est: moi aussi j'ai eu envie de m'en aller. De me tirer loin. Loin de la maison, loin de mes parents, de mes amis, de Joy et de tous leurs regards compatissants. J'ai eu envie de mettre les voiles, peut-être même de rejoindre Lucas. Parce que j'allais mal. Parce que je ne comprenais pas. Il avait tout juste 20 ans. 20 petites années. Il allait rater tellement de choses. Comment ? Pourquoi ? Ça me dépassait. On dit souvent que la vie est injuste, mais en ce qui me concerne, c'est quand mon frère est parti que cette phrase stupide a pris tout son sens. Bien évidemment Joy a été là pour moi. Aussi loin que je m'en souvienne, elle a été parfaite, adorable. Faut dire qu'elle avait déjà vécu ça. Mais, j'en sais rien, cette douleur était insupportable. Le manque ? Invivable. Je le voyais partout, je l'entendais rire à longueur de temps et, mine de rien il m'a fallu de nombreuses années pour me faire à son départ. La preuve étant que je n'arrive toujours pas à dire les choses telles qu'elles sont. Je joue de métaphores et, embellis la situation quand il s'agit de Lucas. Préférant imaginer qu'il est parti faire un long voyage ou quelque chose comme ça. Enfantin, n'est-ce pas ? Je vous répondrais simplement que chacun fait ce qu'il peut pour oublier que ça fait mal. Quoi qu'il en soit, j'ai (après de nombreuses thérapies et, j'en passe) finalement réussi à faire mon deuil et, la vie a repris son cours. Je me suis installé avec Joy et, j'ai décroché mon diplôme. Je me suis accroché avec mes parents dans la foulée, mais ce sont des choses qui arrivent, que voulez-vous ? Mais malgré ces querelles familiales et tout ce qu'elles avaient engendré, j'avais repris goût à la vie, j'étais heureux, épanoui. Et puis, elle est partie...

04. it can't be forsaken

« Je suis désolé tu mérites mieux que moi... Je t'aimerais toujours Joy. » C'est tout ce qu'elle avait laissé avant de claquer la porte et de s'en aller. Le pire dans tout ça, ce que je n'ai pas digéré je crois, c'est qu'elle a fait comme si de rien n'était. Elle m'a laissé partir tout sourire, ne laissant rien paraître, rien qui m'aurait permis de prédire son départ en tout cas. Elle m'avait souri, taquiné et embrassé comme elle avait l'habitude de le faire. Jamais je n'aurais pu imaginer qu'en rentrant, elle m'aurait quitté. J'ai eu beaucoup de mal à m'en remettre. Après plusieurs années de vie commune et, une histoire aussi passionnée c'est difficile de se dire que tout est fini et, qu'on doit oublier. D'ailleurs je n'ai jamais pu l'oublier, mais avec le temps et, faute de mieux, la pilule a fini par passer. Il n'empêche que c'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à déraper. Drogues, alcools. Parfois même un mixe des deux. J'ai tout essayé. Jusqu'à devenir dépendant et, complètement désespéré. Une vraie calamité. Et puis, j'ai rencontré cette fille. Drôle et excentrique comme c'était pas permis. Jolie comme un cœur et avec un charme fou. Elle m'a tout de suite séduit. Sans oublier totalement mon premier amour, j'ai appris à lui donner moins d'importance, j'ai appris à faire le vide dans ma tête et, à l'ignorer finalement. Lucy et moi sommes restés un peu plus de deux ans ensemble. Cela n'a pas été de tout repos, mais nous partagions quelque chose de vraiment privilégié, maintenant que j'y repense. Elle a tant fait pour moi. Sans elle, je serais probablement mort à l'heure qu'il est. Et pourtant, j'ai la dérangeante impression de ne pas l'avoir convenablement remercié. L'aimer un peu plus, l'aimer un peu mieux aurait-il pu changer quelque chose à notre triste destinée ? J'en doute. Je suis maudis. Je n'ai pas le droit au bonheur. C'est la vie. Tout ce que je touche, tout ce que j'aime finit par s'en aller un jour. D'abord Lucas, puis Joy et, enfin Lucy. Parce que Lucy est morte. En donnant la vie à notre fils. A quel point cela est-il ironique ? En plus de regarder de la façon la plus impuissante possible sa mère mourir, j'ai ensuite lâchement abandonné mon fils. Je ne me cherche pas d'excuse et, je ne veux pas de votre sympathie. La vérité est que je me suis montré faible et égoïste. En perdant Lucy, j'ai de nouveau perdu goût à la vie. De même, je ne voulais pas de ce petit. Je le détestais, je le maudissais parce qu'il avait enlevé une vie. SA vie. Ce pauvre petit être a alors été confié aux services sociaux, puis à la famille de Lucy qui, bien sûr ne me laissa plus le droit d'approcher le petit. Faut dire que, regrettant ou pas de le leur avoir cédé, j'étais retombé dans la drogue alors forcément... J'étais perdu. Je n'avais plus rien, j'ai même cru mourir. Mais par je ne sais quel miracle je m'en suis sorti. Alors, faute de mieux, je suis rentré à Paris. Là où on m'aiderait, là où je serais soutenu, là où j'aurai peut-être une chance de récupérer mon fils. Londres était néfaste de toute façon, je n'avais plus rien à y faire. Tans pis.

05. In another life I would make you stay

Aujourd'hui, la vie a repris son cours. A force de travail et d'efforts, j'ai fini par atteindre l'un de mes objectifs. Je possède et dirige désormais ma propre maison d'édition, en plus de mettre en scène des pièces de théâtre à l'occasion. Professionnellement parlant, je pense être comblé, oui. En ce qui concerne ma vie privée, c'est déjà plus compliqué. Lucy me manque beaucoup. Mon frère aussi. Mais Joy me manque bien plus encore. Récemment, j'ai réalisé que j'avais aussi perdu ma meilleure amie. Je crois que j'étais trop en colère, trop aveuglé par la haine pour réaliser la profondeur de notre relation quand elle est partie. Alors, forcément ça fait un vide. Mais je vis avec depuis quatre ans, alors je pense être en mesure de dire que c'est bon, je me suis fait une raison. Ce n'est pas comme si elle avait cherché à me revoir de toute façon. Ce n'est pas comme si je comptais encore pour elle. Si je fréquente d'autres femmes? Cela m'arrive, oui. Comme tous les hommes j'ai des besoins, mais cela ne dépasse jamais le stade d'une nuit. Pourquoi ? Parce que je n'en ai pas envie. Je ne me le permettrais pas. Je n'y trouve aucun plaisir. Je n'ai aimé que deux femmes dans ma vie et, elles sont toutes les deux parties. Ça donne pas vraiment envie de s'engager avec une fille. De toute manière et pour l'heure, c'est le cadet de mes soucis. Après un long procès, très difficile, j'ai enfin récupéré la garde de mon fils. Liam vit avec moi désormais et, j'en suis ravi. Je ne suis peut-être pas le meilleur père du monde, mais je me dis que tout s'apprend et, qu'avec un peu de bonne volonté, de la patience et, beaucoup d'amour, je finirai par gagner la confiance et l'approbation de cet adorable petit.