La vieille radio sur la table de la cuisine crache les premières notes d'une foutue chanson d'amour. Ta main jaillit immédiatement pour frapper sur le bouton d'arrêt, le silence reprend la place dans ton appartement. Ca fait du bien. Tu as juste besoin de ça. Un peu de silence, un cocon réconfortant derrière le double vitrage de tes fenêtres et la porte d'entrée fermée à double tour. Tu retournes te blottir dans un coin de ton canapé ; ta chienne relève la tête depuis son panier et vient trottiner jusqu'à toi pour finalement grimper sur le divan à son tour et se rouler en boule sur ton ventre.
Encore une fois, ton cerveau tourne et retourne le déroulement de ta vie. Tout avait bien commencé pourtant. Deux parents aimants, une grande famille plutôt bien placée dans la société belge, propriétaire d'une des plus grosses entreprises de la ville de Liège, celle qui a vu ta naissance. Une jolie petite vie pendant laquelle tu as développé une passion et un don étonnant pour le dessin. L'école t'emmerdait, tu voulais juste partir dans une classe d'arts. Dessiner, peindre, sculpter toute la journée, voilà ce qui te plaît. Et tes parents t'ont toujours poussée dans cette voie. Alors après l'athénée tu t'es inscrite aux Beaux Arts de Paris. Tu as mis un an à préparer ton dossier, les planches que tu fournirais, et tu as été acceptée. Étonnant. Tu n'aurais jamais vraiment pensé intégrer sérieusement cette école. Ca fait trois ans maintenant que tu suis l'enseignement qui y est dispensé. Trois ans... Tout est passé en un éclair. Trois ans. Le mois d'avril vient de commencer, d'ici la mi-juin tu seras diplômée et tu ne remettras plus jamais les pieds là-bas en tant qu'étudiante. Ca te donne un drôle de sentiment. Mélancolie, nostalgie, amertume de ne pas avoir été au bout des cinq ans. Mais tu n'y peux rien.
Tu refermes les yeux et tu te laisses aller un moment. Tu rallumes même la musique mais quand tu reconnais les notes, tu te dis que tu aurais mieux fait de ne pas y toucher. Finalement, quand tu fais le bilan de ta vie jusqu'à aujourd'hui, tu te dis que tu as tout foutu en l'air. C'est un gâchis de toute beauté. Il y avait un homme qui t'aimait en la présence de Cesar Winslet, votre histoire était belle, douce et tendre, tu avais enfin trouvé l'homme parfait et il a fallu que tu retombes dans tes vieux démons. Celui-ci s'appelle Jayden Samson, une vieille connaissance, vous vous adoriez et comme souvent il a fallu d'un petit rien pour tout foutre en l'air dans une relation. Ca ne vous a pas empêchés de coucher ensemble, ça ne l'a pas empêché de tout dire à Cesar. Et bam. La claque dans la gueule et les larmes qui coulent, et maintenant tu ne sais plus quoi faire. Putain de gâchis. Un instant, tu te demandes ce que diraient tes parents de ce qui se passe autour de toi. Et finalement, tu te rends compte que tu t'en fous. Tu veux juste laisser passer les choses et attendre bien sagement que l'enfant de Cesar, qui grandit peu à peu dans ton ventre, se décide à pointer le bout de son petit nez.
Rien de plus.