Encore un verre de whisky d’avalé, un de plus. Il ne savait plus a combien il en était et pour dire vrai, il avait juste envie de boire, boire comme un trou, comme un imbécile ou comme tout autre chose en mesure de picoler. Il avait juste envie de se noyer dans toute boisson capable de lui faire oublier qu’il avait une vie minable, même si très vite, trop vite, l’effet d’amnésie l’aurait quitté. Il aurait voulu ne jamais se souvenir, n’être qu’un pauvre gars dépourvu de mémoire, condamné à errer sans but. Le sort s’était sans doute acharné contre lui depuis le début de son existence et jamais ça ne s’arrêterait il en avait la certitude aujourd’hui. Son monde était noir et rien ni personne ne pouvait y ajouter le moindre rayon de soleil. Il n’était qu’un raté et ses parents le savait, il l’avait deviné avant qu’il ne vienne au monde, alors il l’avait abonné pour ne pas avoir à élever un raté. Au final, il ne savait rien de ses parents biologiques, il n’avait jamais rien voulu savoir, à quoi bon ? Ils n’étaient personnes pour lui ? Il fallait plus qu’un spermatozoïde et un ovule, plus que neuf mois passés dans le bide de quelqu’un pour faire d’eux ses parents. Ils n’avaient pas eu le courage d’assumer ça, ils étaient sans doute tout aussi lâche que lui. La génétique pouvait faire des miracles. Il avait était abandonné et il avait fini chez des gens bien. Une famille aimante. La famille idéale. Un couple de gens plutôt aisés qui vivait dans la ville de Tours. Ils n’avaient pas la possibilité d’avoir d’enfants alors ils avaient choisis d’adopter, des gens vraiment géniaux. Il commanda un autre verre. Des gens formidables qui étaient morts dans un accident de la route douze ans auparavant. La vie s’acharnait sur les gens bien, il y avait des pourris partout dans le monde ! Des enfoirés qui n’étaient pas capables de se comporter correctement, des voleurs, des violeurs, des meurtriers et eux, la vie ne les tuaient pas dans un accident de la route ! On les enfermait deux ans avant de les relâcher pour bonne conduite. Il y avait une injuste quelque part, une injustice contre laquelle personne ne pouvait se lever, c’était juste le hasard. Un soupire s’échappa des lèvres du jeune homme alors qu’il terminait son nouveau verre et en commandait un nouveau. Il ne savait même plus quelle heure il était ni depuis combien de temps il était dans ce bar pourris. Tout ce qu’il pu deviner en passant sa main sur sa bouche, c’est qu’il n’avait pas du se raser depuis des lustres. À quoi bon de toute façon ? Faire bonne figure au boulot ? Il n’avait même plus envie d’y mettre les pieds. Journaliste dans un magasine parisien, la bonne blague. Il avait eu des rêves autrefois, des rêves qui dépassaient de loin le stade pathétique de journaliste. Il avait sans doute trop rêvé, comme un imbécile. on lui avait souvent dit qu’il était intelligent comme type, qu’il pouvait viser haut, et il était journaliste dans un magasine à la con. Il n’avait jamais été à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre de lui. Alors qu’il excellait en science, sa mère le voyait déjà médecin, pour lui faire plaisir il avait passé un bac scientifique qu’il avait obtenu sans grande difficulté, il aurait pu suivre les rêves de sa mère, il aurait peut-être du d’ailleurs, mais le fait est qu’il avait décidé d’étudier les lettres moderne. Son rêve à lui c’était de devenir écrivain. Un vrai écrivain, pas quelqu’un qui donnerait les dernières astuces pour faire pousser des tomates dans un magasine débile. Il avait étudié dans ce seul but, il avait écrit toute sa vie, mais il n’était qu’un raté et ses manuscrits étaient aujourd’hui au fond d’un placard, un placard refermant tous ses échecs. Il s’était fait jeté par toutes les maisons d’édition qu’il avait contacté et il avait fini par abandonné, enfermant ses merdes dans un placard qu’il n’a plus jamais ouvert et il cessa d’écrire. Ses parents étaient morts, il avait la sensation que ses rêves étaient tombés en ruines, il ne lui restait plus rien à Tours. Il avait alors décidé de monter sur Paris et il avait trouvé un boulot de journaliste pour un magasine débile. Ça faisait cinq ans qu’il était dans la grande ville de Paris dans une boite pourris avec un boulot pourris. Un énième soupire accompagna son geste devenu mécanique. Une nouvelle fois, il porta son verre à ses lèvres et engloutit le contenu cul-sec puis, sans un geste lourd, il reposa le verre sur la table et en réclama un nouveau. Le patron du bar lui lança le regard du type qui savait qu’il ne devait pas le resservir. Raphaël sortit son portefeuille et déposa sur le bar bien plus de billets qu’il n’en fallait pour payer tout ce qu’il avait consommé. Le patron lança un regard aux billets et dans un soupire las il resservit le jeune homme. Pourquoi est-ce qu’il était là aujourd’hui ? Il commençait à ne plus avoir l’esprit très clair et pourtant elle ne quittait pas son esprit. Sa femme. Cette salope. Il l’avait longtemps aimée, il l’aimait sans doute encore à l’heure actuelle. Elle avait été la seule éclaircie dans sa vie depuis des années, il l’avait rencontrée à Paris un an après son arrivée en ville et ils avaient connus une belle histoire, ils s’étaient mariés il y a deux ans. Un jour dont il se souvenait à la perfection et qu’il aimerait tant oublier. Un jour parfait annonçant un avenir parfait. Il avala encore son verre, qu’il reposa avec un léger élan de fureur et une nouvelle fois, on le lui remplit. Il y avait de ça quelques semaines, sa femme avait couché avec son meilleur ami. Génial. Il se souvenait aussi très bien de ce fameux jour où il était entré chez lui pour les retrouver en train de faire des galipettes sur le canapé, du coup, il les avait foutu dehors, il avait envoyé les vêtements de sa femme à l’Emmaüs et avait brûlé le canapé. Maintenant il était en plein divorce et il buvait comme un trou pour oublier à quel point sa vie était merdique. Pathétique. Il avait définitivement l’air d’un con et pourtant ça lui faisait du bien de boire. À force d’enchainer les verres, ses souvenirs s’estompaient et même si à chaque fois il avait du mal à revenir entier jusqu’à son appartement, il s’endormait, pas toujours dans son lit, mais il s’endormait l’esprit presque tranquille, sans souvenir de merde pour lui rappeler qu’il n’était qu’un pauvre type. Il n’était définitivement qu’un pauvre type, même pas fichu de garder sa femme après de lui. Elle pouvait aller crever en enfer celle là, bourré au moins il ne se soucié plus d’elle ni même de ce qu’il pouvait penser. Le seul inconvénient, c’était la migraine au réveil et les retards consécutifs au boulot, qui faisait de lui un type encore plus pitoyable et pourtant ça ne l’empêchait de retourner au bar le lendemain et comme ce soir, de boire jusqu’à en oublier don propre prénom. Pauvre homme.