« Merci. Bonne journée mon père. » avait-dit Rhywiol d'un air solennel lorsqu'elle avait quitté le confessionnal dans lequel elle venait de passer quelques minutes en compagnie du Père James. Elle venait chaque mercredi afin de se confesser, pour pas grand chose à vrai dire, puisqu'elle était sans doute la femme la plus chaste du monde, la plus généreuse, la moins orgueilleuse, la moins gourmande, la moins paresseuse et la moins envieuse. La perfection à l'état pur et originel en somme. Et pourtant chaque mercredi, le même refrain venait frapper les tympans du père James, la même phrase encore et encore : « J'ai souhaité la mort d'un homme mon père... » C'était ce que chuchotait Llywelyn, honteuse de ce qu'elle était entrain d'avouer à l'homme qui se trouvait près d'elle, séparés par une paroi faite de bois. Elle baissait habituellement la tête et fixait ses chaussures pendant que le père commençait à lui faire la morale, comme chaque mercredi depuis quelques mois.
Tout avait commencé un vendredi, alors qu'elle sortait de l'église de l'UCLA après avoir prié pendant quelques minutes puisqu'elle n'avait qu'une demi heure de libre entre deux cours magistraux. Et il était là. Et il s'est foutu d'elle. Parce qu'il ne faisait que ça à longueur de journée et à tout le monde, sauf que Llywelyn n'était pas vraiment tout le monde. Alors il avait commencé à parler, la surnommant Marie dès le départ sans même connaître son vrai prénom et à vrai dire, ça n'était pas une mauvaise chose parce qu'il se serait sûrement empressé de trouver quelque chose à dire pour la rabaisser d'autant plus. Elle le fixait pendant qu'il parlait, un léger sourire amusé sur les lèvres de ce type qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il l'avait catalogué comme ça... Sans même la connaître un tant soit peu et pourtant, dieu sait qu'il y avait beaucoup de choses à savoir sur elle, des choses tellement plus intéressantes que ce qu'il pouvait bien se dire dans l'université à son sujet. Ce mec était vraiment bizarre... Le genre de type qui avait pas l'air vraiment fréquentable, un peu louche, voir même très louche. Il avait des tatouages apparents, un percing à la lèvre et ce que l'on pourrait appeler des « boucles d'oreilles » sans que ça en soit vraiment. Il lui faisait presque peur et le fait qu'il se soit acharné sur elle depuis ce jour n'avait pas vraiment arrangé les choses. Alors elle passait son temps à le fuir, tentant de lui échapper à n'importe quel prix parce que l'écouter se foutre ouvertement de sa gueule n'était pas des plus agréables pour elle.
L'homme d'église lui demandait toujours la même chose : « Et qui est cet homme mon enfant ? » et elle donnait toujours la même réponse. Inlassablement. « Tim... Encore... Je suis tellement désolée mon père. J'ai faillit... Une fois de plus. » Elle sortait à chaque fois du confessionnal avec une mine déconfite sur le visage, effectuant la tâche qui lui avait été attribuée par le prêtre sans broncher en espérant que Dieu lui pardonnerait une fois de plus la faute qu'elle avait commise.
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« Tu es béni, Seigneur, toi qui nous entretiens dès notre naissance, nous accordes tes bienfaits et prépares la nourriture pour tous. Les yeux de tous t'espèrent car c'est toi seul qui leur donne leur nourriture en temps convenables. Par ta générosité tu rassasies tout être vivant. A toi la gloire, la louange, la bénédiction et l'action de grâce pour toute la nourriture que tu nous as préparée. Daigne Seigneur étendre ta main droite et bénir le repas préparé pour nos corps et déposé sur cette table. Fais qu'il soit source de santé et de force pour notre vie sur terre. Accorde le salut, la grâce, la bénédiction et la pureté à tous ceux qui vont s'en nourrir. Fais que nos pensés s'élèvent vers toi en tout temps pour demander notre nourriture spirituelle impérissable, que nous recherchions la nourriture qui reste pour la vie éternelle et donne nous de participer à ton festin céleste. Accorde nous le pain de la bénédiction et la coupe du salut et remplis nos cœurs d'allégresse et de joie. Donne-nous une vie paisible et calme, la joie intérieure et la santé du corps. Apprends-nous d'implorer ton consentement en toute chose. Ainsi, lorsque nous mangeons, nous buvons ou nous agissons de quel que manière que ce soit, nous le fassions pour la gloire de ton Sain Nom. A toi le règle de la puissance et la gloire, dès maintenant et éternellement. Amen. » C'est après ce long discours de plusieurs minutes que Monsieur, Madame Glyndwr et leur fille s'assirent autour de la table. Monsieur Glyndwr venait de faire une prière à voix haute tandis que sa femme et sa fille lui tenait une main chacune et fermait les yeux en récitant les paroles qui se propageait dans la pièce dans leur propre tête. La famille avait toujours été très croyante, le frère de Llywelyn était prêtre et été resté dans sa ville natale afin d'exercer son métier. Llywelyn avait quant à elle fait vœux de chasteté jusqu'au mariage et vouait un amour inconditionnel à son « père spirituel » qui la guidait dans ce monde remplit de mystères. Chaque moquerie, chaque épreuve à surmonter n'était pour elle que des obstacles envoyés par Dieu afin de tester sa foi en lui. Elle ne comptait pas rentrer dans les ordres comme son frère l'avait fait, elle se devait de faire perdurer la famille Glyndwr et de donner des petits-enfants à ses parents étant donné que son frère ne pouvait désormais avoir ni enfants et ni femme à ses côtés.
Il faut dire que Monsieur Glyndwr avait pensé à rentrer dans les ordres lui aussi, mais ne l'avait finalement pas fait pour la simple et bonne raison que la famille était quelque chose de sacré à ses yeux, il souhaitait fonder une famille tout en étant en phase avec Dieu et c'est ce qu'il avait brillamment réussi à faire puisque sa famille comme lui-même, pratiquaient cette religion de manière quotidienne.
Le repas à la table des Glyndwr, c'était dans le silence le plus absolu, il fallait entendre les fourchettes s'entre-choquer avec les assiettes, le verre être reposé sur la nappe avec un léger bruit qui ressemblait légèrement à un froissement. On ne racontait pas sa journée, les devoirs effectués, on était calme, on se regardait et on attendait que tout le monde ai enfin terminer pour aller dans le salon afin de bavarder un peu. L'absence de télé dans le logis familial était dût à l'aversion profonde de Monsieur Glyndwr envers cet objet en particulier. Llywelyn possédait cependant un ordinateur portable sur lequel elle n'allait que peu de temps et une radio, et ce accompagné de son portable. Elle n'avait pas besoin de la télé, peu de l'ordinateur et rarement de son téléphone. Elle parlait avec son frère sur internet, c'était quasiment la seule chose qu'elle faisait sur internet.