→ everytime i look at you, it feels like the first time, you're the best thing who ever been mine.

Le réveil était toujours un moment difficile pour Hannah, surtout ces derniers temps. Elle n’ouvrait jamais les yeux immédiatement, préférant reculer à tout prix le moment où elle devrait se rendre compte qu’elle était encore et toujours seule dans ce grand lit. Oh, bien entendu, il lui suffirait d’appeler Gabriel ― voire Ambroise, si réellement elle était désespérée ― au beau milieu de la nuit pour se réveiller aux côtés de quelqu’un. Mais s’il n’y avait que ça. Non. D’autant qu’il s’agissait de sa propre décision. Refuser à tout prix de retomber dans le cliché de la fille inconséquente, couchant ici ou là pour satisfaire un besoin charnel sans combler son désir de stabilité, d’honnêteté, de sentiments. Puisque c’était ça, dont elle avait envie. Plus qu’un désir, c’était presque devenu une obsession. Et c’était pathétique. Ou, du moins, sa façon de réagir l’était. Etait-ce ridicule, à son âge ― damn, elle avait l’impression d’être terriblement vieille chaque fois qu’elle pensait ça ― de vouloir être plus que la sexfriend de service, la nana qu’on appelle quand on a envie de tirer un coup, là, maintenant, tout de suite ? Merde, elle avait fêté ses vingt-six ans et elle avait réalisé qu’au bout du compte, elle n’avait jamais réellement compté, sentimentalement parlant, pour quelqu’un. Elle aimait la vie, oui, certes, et la vie le lui rendait plutôt bien. Mais c’était assez. Il lui fallait autre chose à ce stade-là de son existence.

Couchée sur le ventre, elle s’étira et, bâillant, voulut rouler sur le dos mais buta soudainement contre un corps chaud et dur. Et voilà. Voilà, c’était là la preuve de son manque chronique de volonté. Elle avait cédé. Elle n’avait pas tenu son engagement vis-à-vis d’elle-même. A tous les coups, elle avait dû appeler Gabriel vers deux ou trois heures du matin, sans doute abrutie par la fatigue et le Lexomil qu’elle s’envoyait régulièrement ― quotidiennement, pour tout dire, à raison d’une à deux prises par jour, selon son humeur ― depuis quelques semaines. Pitié, non, pas lui. Elle n’avait vraiment pas envie de voir ce sale type. Sa présence était nocive, sa proximité dangereuse. Elle voulait sortir de ce cercle-là. Elle ne voulait plus être dépendante de son regard, de son mépris. Ce qu’il lui fallait, c’était un garçon gentil, responsable. Quelqu’un qui sache la traiter comme une adulte, comme il le fallait. Quelqu’un comme.. Logan. Le frère d’Alicia. Bon sang, elle n’arrivait plus à se le sortir de la tête. Ils se tournaient autour depuis quoi, deux, trois, quatre mois ? Chaque fois qu’il posait les yeux sur elle, Hannah se sentait bien, elle se sentait femme. Il avait toujours ce petit sourire en coin lorsqu’elle était dans les environs ― ou du moins, chaque fois qu’elle l’observait à la dérobée. En temps normal, elle lui aurait mis le grappin dessus. Après tout, il était canon et il semblait plutôt réceptif à sa présence. Mais.. c’était le frère d’Alicia. Et elle considérait la jolie blonde comme sa petite sœur. C’était trop étrange d’envisager Logan de cette façon-là. Et puis, Alicia risquait de ne pas apprécier. Elle connaissait sa réputation, après tout. Ajoutés à ça ses récents élans dépressifs.. non, vraiment. Elle n’était pas de bonne compagnie. Mais il s’était accroché. Il lui faisait du bien. Aussi, lorsqu’elle leva une paupière pour examiner le visage à côté du sien, ce fut en espérant, au fond, que ce soit le sien plutôt que celui de Gabriel.
Son cœur rata un battement lorsqu’elle constata que, oui, c’était Logan qui se trouvait à son côté. Se redressant sur un coude, elle se mordit l’intérieur de la joue droite, les sourcils froncés. Il fallait vraiment qu’elle arrête ces foutus médocs. Non que le fait de l’avoir appeler ― elle s’en souvenait à présent, c’était la veille au soir, à dix-huit heures, qu’elle l’avait invité à se faire un resto ― la dérangeait. Elle aimait sincèrement passer du temps avec lui. C’était de se réveiller, uniquement vêtue de l’un de ses tee-shirts ― du moins supposait-elle que le vêtement lui appartenait, puisqu’il était beaucoup trop grand pour elle et dégageait un vague parfum masculin, son parfum.. et oui, oui, elle connaissait son odeur ― dans la chambre d’un garçon qu’elle appréciait sincèrement, qu’elle voulait à ses côtés. Pas juste ce matin. Mais.. mince, c’était le frère d’Alicia ! Il y avait quelque chose chez lui qui l’attirait vraiment, quelque chose de vrai, pas le genre de trucs qu’elle retrouvait chez les hommes avec qui il lui arrivait de passer une, voire deux nuits. Mais sa réputation la précédait, elle le savait. La dernière des choses qu’elle souhaitait, c’était qu’il pense qu’elle se servait de lui pour passer le temps.

Posant la tête dans la paume de sa main, elle l’observa un instant, hésitant à le réveiller. Il avait l’air de si bien dormir. Elle soupira, un vague sourire aux lèvres. Il y avait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie si bien en ouvrant les yeux, le matin. Bien sûr, elle avait ses problèmes, bien sûr, elle savait que ce moment était fragile, éphémère. Qu’au moment où elle repousserait les draps, où elle quitterait ce lit, cette impression de bien-être volerait en éclat. Brusquement, elle songea qu’elle n’avait pas envie de s’en aller. Qu’elle était trop bien ici pour bouger. Avoir la chaleur de Logan contre son flanc, le regarder dormir, sentir son odeur l’entourer, l’imprégner, c’était.. bon. Sur une impulsion, elle se pencha sur lui et effleura ses lèvres, une main sur son torse. Ça avait beau ne pas être un geste qui lui était inconnu ― elle avait cédé à la tentation que représentait sa bouche quelques fois auparavant, sans toutefois faire mine de prendre ça au sérieux ― elle avait l'impression que c'était la première fois. Bon sang. C’était ça qu’elle attendait, qu’elle voulait. C’était de ça dont elle avait besoin. Se réveiller aux côtés de quelqu’un qu’elle appréciait, quelqu’un avec qui elle se voyait volontiers rester, quelqu'un auprès de qui elle se sentait bien, quelqu'un sur qui, chaque jour, elle pourrait poser les yeux en ayant l'impression que c'était la première fois qu'elle le voyait. Quelqu’un comme lui.

→ everytime i look at you, it feels like the first time, you're the best thing who ever been mine.

Dieu que ça faisait du bien de se réveiller aux cotés de quelqu'un comme lui. Logan était un homme bien, loin de ceux qu'elle fréquentait d'ordinaire, à l'image de Gabriel. Il était doux et patient. Au fond, elle ne regrettait pas d'avoir cédé à ses avances. Elle en avait eu envie. Le problème Alicia se poserait plus tard. Et, en vérité, y avait-il vraiment un problème ? Si, par hasard, lui venait l'envie, le besoin de rester, de se poser finalement ? C'était ça qu'elle recherchait. Et cette fois, l'occasion se présentait, une vraie occasion, une vraie chance et non pas une désillusion en perspective comme elle avait eu le malheur d'en vivre une avec Ambroise. Une véritable chance. Elle n'avait qu'à ouvrir les yeux pour la prendre.

Au contact des bras de Logan autour de sa taille, la jeune femme ne put s'empêcher de sourire, heureuse, simplement heureuse. D'être là, de se sentir bien, belle, désirée. L'espace d'une seconde, elle souhaita que ce moment dure toujours, qu'il ne cesse jamais. Elle aurait aimé attraper cette impression fugace de bonheur et le garder pour elle, comme on met le sable en bouteille avant de quitter la plage, au dernier jour des vacances. Un soupir souleva sa poitrine. Elle se détendit en sentant les lèvres de son compagnon se poser dans le creux de son cou. Un vague rire la secoua. Elle était plus ou moins chatouilleuse et il était rare qu'elle parvienne à garder son sérieux lorsque de tels papillons s'épanouissaient dans son ventre, semblant être prêts à la faire s'envoler tant l'instant lui paraissait beau. « Mmmmh, j’aime t’avoir près de moi » soupira Logan dans son cou. Elle sourit puis laissa l'une de ses mains s'égarer dans ses courts cheveux bruns, l'autre reposant sur sa taille. « Je t’aime Hannah.. » continua-t-il. Comme si c'était normal. Comme si ils étaient un vrai couple. Comme si ils avaient déjà vécu cette scène des dizaines de fois. Elle se figea, sentant une vague de paranoïa la submerger. Pourquoi lui offrait-on ce bonheur comme ça, pourquoi maintenant, pourquoi si vite ? Elle ferma les yeux, tentant de calmer le tumulte de son cœur. Eût-ce été un autre, contre elle, Hannah se serait esclaffée, avant de se mettre en colère et d'envoyer paître l'impudent qui avait osé se moquer d'elle en prétendant éprouver des sentiments qu'elle ne méritait pas. Mais Logan.. il était différent. Logan n'était pas Ambroise. Logan n'était pas Gabriel. Logan était Logan. Et si il lui disait l'aimer, c'était sans aucun doute vrai. Elle réprima un sanglot qui aurait paru étrange dans la situation actuelle. On ne se mettait pas à chialer parce que le type sur lequel on craquait depuis un certain temps déjà vous avouait ses sentiments. C'aurait été stupide. Mais c'était tellement soudain, tellement inattendu, presque saugrenu. Elle avait juste du mal à y croire, après avoir tant espéré enfin compter pour quelqu'un.

Il lui fallut une dizaine de secondes avant que les derniers mots qu'il avait prononcé ― à propos du petit-déjeuner, non ? ― ne fassent leur chemin jusqu'à son cerveau. Elle se redressa sur un coude et appuya sa tête dans le creux de sa main. « Bonne idée, souffla-t-elle avant de lui voler un baiser, ça fait une éternité que je n'ai pas pris le petit-déj' au lit » ajouta-t-elle avec un sourire sans préciser pourquoi elle n'était pas habituée à ce genre de pratiques. Ça tenait en partie au fait que, ces derniers temps, elle s'était levée tôt pour bosser en studio avec Léo et que, surtout, il n'y avait personne pour lui apporter son café au lit. Gabriel la réveillait toujours tôt, qu'ils soient chez lui ou chez elle, lorsqu'il partait bosser, et ils prenaient un expresso sans rien dire, debout dans la cuisine. Quant aux autres.. elle ne partageait jamais rien de plus qu'un lit. Mais, encore une fois, Logan était différent. Elle n'avait pas l'intention de s'enfuir comme une voleuse dès qu'il aurait le dos tourné. Pas après ce qu'il venait de dire. Même si elle n'avait pas répondu. Ça lui était difficile, pour le moment. Elle ne l'avait jamais dit à un homme, du moins à un homme qui l'attirait. Pas dans son état normal. Peut-être l'avait-elle murmuré à Cassandre une ou deux fois, sous l'effet de l'alcool, ou même à Gabriel. Mais le dire, comme ça, alors que rien n'était officiel, qu'ils commençaient à peine à se découvrir, ça lui semblait trop rapide. Trop difficile. Dire je t'aime à une personne qui pouvait potentiellement partager sa vie, à l'avenir, c'était se découvrir aux yeux d'Hannah. Elle se sentait encore trop vulnérable pour s'abandonner de cette façon. Il lui faudrait du temps.

Elle roula sur le lit, pour le laisser se lever et étendit un bras pour attraper son sac qui traînait là, remarquant du même temps le désordre qui régnait dans la chambre. Ses joues se colorèrent en songeant que les enfants de Logan pouvaient débarquer d'un moment à l'autre et découvrir ce bazar. Elle se leva donc, indifférente au fait qu'il était sans doute bien plus intriguant pour des enfants de cet âge-là de rencontrer une femme seulement vêtue d'un tee-shirt appartenant à leur père dans la chambre dudit paternel. Ramassant les vêtements de Logan et les siens qu'elle empila à côté du lit, en un petit tas un peu plus ordonnés, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas pris les deux petits en compte. Oh, bien entendu, elle les avait déjà rencontrés. Ils étaient adorables et il était évidemment que Logan était un bon père. Mais elle.. elle se savait incapable d'élever des enfants, du moins pour le moment. Elle n'était pas prête pour être mère. Avec son passé sulfureux, était-il bon qu'elle reste à proximité de cette famille ? Bon sang, on lui avait prêté des penchants pour la drogue pendant un temps, on l'avait dit au bord du gouffre et, presque un an en arrière, lorsque Léo et elle avaient annoncé la pause dans leur carrière, tous les tabloïds qui s'étaient un jour intéressés à elle avaient écrit qu'elle partait en cure de désintoxication. On la prétendait nymphomane, libérée et adepte de sensations fortes. Certes, il n'y avait pas de fumée sans feu. Hannah n'avait jamais nié aimer la vie et en profiter à fond. Jusqu'alors, les scandales ne l'avaient jamais effrayée. Elle n'avait cure de ceux qui cherchaient à la descendre, à la salir. Elle vivait pour sa musique et croquait l'existence avec plaisir, sans lire les saloperies qu'on écrivait sur elle. Mais à présent qu'il y avait Logan et, surtout, Alex et Davis, elle ne pouvait plus se permettre d'être égoïste et prétendre que ce que ces torchons publiaient ne pouvait l'atteindre. Ils salissaient toujours ceux qu'elle aimait. Il était hors de question qu'elle expose les deux bouts de choux.

Lentement, elle vint s'asseoir en tailleur au centre du grand lit, son portable à la main, consultant ses mails distraitement. La célébrité ne lui avait pesé jusqu'à présent. Elle n'avait jamais eu la sensation de passer à côté d'une belle aventure. Mais aujourd'hui, en cet instant précis, elle se demandait si ça n'allait pas finir par arriver. Aurait-elle jamais droit à une vie normale ? Quoi, il fallait qu'elle abandonne le groupe, qu'elle tourne le dos à la musique ? Bordel, elle ne voyait aucun intérêt dans cette renommée. Si ça n'avait tenu qu'à elle, personne ne se serait jamais intéressé à leur vie privée, à Léo et elle. Personne n'aurait commencé à leur courir après dans les rues de Paris, Londres ou New York. Personne n'aurait cherché à la photographier, couché sur le trottoir, à sa sortie de voiture pour prouver au monde entier qu'elle ne portait pas de petite culotte ― et Dieu merci, Hannah n'était pas assez idiote pour se laisser avoir lorsque, par hasard, ce genre de choses se produisaient. On aurait simplement aimé leur travail, leur musique et ça se serait arrêté là.

Une douzaine de textos l'attendait bien sagement, dans sa boîte de réception. Elle se mordit la lèvre, supprimant directement, sans les lire, les deux messages envoyés par Ambroise. Ceux qui restaient lui avaient été envoyés par Léo. Manifestement, il s'était inquiété de ne pas la voir revenir. Elle esquissa un sourire en lisant le dernier, au travers duquel transparaissait une certaine angoisse, l'imaginant l'écrire, avec cette petite moue mi-inquiète, mi-flippée qu'il prenait chaque fois qu'il s'inquiétait pour quelqu'un. Elle s'étira avant de lui répondre. Calme-toi papi. Je suis entre de bonnes mains. On se voit plus tard. Elle préférait ne pas donner de précision, pas encore en tout cas. Il supposerait sans doute qu'elle était avec, selon ses dires, l'autre type sexy à la crête et ce serait parfait. Hannah ne cachait rien à son frère mais, pour le moment, elle voulait savourer seule le bonheur tranquille qu'elle avait trouvé auprès de Logan.

La porte de la chambre se rouvrit, lui livrant passage, sans qu'elle l'ait entendu revenir. Presque malgré elle, Hannah esquissa un sourire. Elle roula une nouvelle fois sur le ventre après avoir décroisé les jambes et déposa son smartphone sur son sac, qu'elle poussa sous le lit, avant de reporter son attention sur le plateau que Logan venait de déposer sur le lit. Elle écarquilla les yeux avant de les lever vers lui. « Et voilà, madame est servie ! » lança-t-il, allongé de l'autre côté. Elle lâcha un bref éclat de rire heureux avant de s'asseoir sur ses talons, les genoux repliés sous elle-même. Hésitant un instant, elle se pencha finalement au dessus du plateau et, prenant garde à ne rien renverser, elle prit le visage de Logan entre ses petites mains avant de plonger ses yeux noisettes dans les siens. « Merci, chuchota-t-elle, j'ai l'impression d'être une princesse, soupira-t-elle, baissant les paupières avant d'effleurer ses lèvres, je suis bien avec toi » ajouta-t-elle avant de reculer. Sa gorge s'était serrée, soudain, et elle sut que c'était là le premier pas vers le je t'aime, qu'elle finirait par pouvoir prononcer. Sans attendre une quelconque permission ― après tout, si il avait apporté ce plateau, ce n'était pas pour tout dévorer tout seul ― elle se saisit d'un croissant, dans lequel elle croqua à pleines dents. La gourmandise comptait parmi ses nombreux mais a-d-o-r-a-b-l-e-s défauts ― just sayin' ― et elle assumait parfaitement. Néanmoins, elle jeta un coup d’œil à Logan. « Je te préviens, si tu comptes me nourrir comme ça, je vais rapidement devenir énorme, lança-t-elle d'un air faussement désolé, après avoir avalé sa bouchée, il va falloir qu'on fasse beaucoup d'exercices pour brûler toutes ces calories » ajouta-t-elle ensuite avec un petit sourire innocent tout en louchant sur son croissant entamé qu'elle tenait toujours à la main. Envolées les craintes quant aux enfants, oubliée la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas parvenir à gérer la situation. Elle verrait plus tard. Pour le moment, elle était certaine d'une chose : elle allait rester. Et il fallait qu'elle le dise. « Tu te souviens de ce que tu as dis hier soir ? demanda-t-elle, une fois son croissant terminé. Je.. je ne sais pas si j'ai vraiment réfléchis. En fait, je réfléchis rarement avant d'agir et ça me réussit généralement, enfin la plupart du temps, même si il arrive que― merde, je change de sujet là. Désolée, bredouilla-t-elle, fébrile à la seule pensée de ce qu'elle allait dire. Bref, je.. j'ai envie d'essayer. Je veux qu'on essaye. Je suis loin d'être parfaite hein. Je suis très chiante, je suis pas toujours très polie et je suis d'ailleurs intimement convaincue que tu auras envie de me jeter au bout de quelques semaines parce que je chamboule tout, je parle trop fort, je hurle en fait, je rigole comme une idiote, je fume et je parle pas vraiment comme une fille devrait parler, j'ai une sale réputation, et y'a certainement plus de photos de moi bourrées dans les archives de Closer que dans tous les albums photos que ma mère a pu faire quand j'étais môme. Je suis pas le genre de filles qu'on aime avoir à ses côtés le matin mais je.. je suis bien avec toi. Quand tu me regardes, j'me sens belle. J'ai envie de rire juste comme ça quand tu me souris parce que pour la première fois de ma vie, je suis pas juste une nana qu'on bai― saute une ou deux fois pour le fun. Alors voilà, tu vas peut-être avoir envie de me gifler, de me sortir de ta vie d'ici un ou deux mois et on va sans doute se disputer, tu diras que j'ai mauvaise influence sur tes fils, que je suis une conne, une gamine pourrie gâtée, une foutue idiote qui ignore ce qu'aimer veut dire et tu finiras par me détester, je te ferai peut-être souffrir, peut-être que je te choquerai ou que mes chansons, celles qui parlent de la fille que j'étais avant et des connards que j'ai connu, te choqueront. Peut-être que tu désapprouveras mes choix de vie et que tu n'aimeras pas mes amis. Peut-être que je détesterai tes chemises et que je t'enverrai chier si tu te mets à critiquer mon frère, parce que oui, si tu n'aimes pas mon frère, ça risque d'être compliqué parce que je l'aime, c'est mon frangin.. et de toute façon, tu seras obligé d'apprécier Léo, il me rend heureuse, tu me rends heureuse, ce qui vous fait déjà un point en commun. Peut-être que si on rompt, tu enverras ta sœur me hurler dessus et que― » Elle se tut brusquement, consciente de la chaleur qui avait investi ses joues. Baissant un peu la tête, Hannah se couvrit brièvement le visage avant de se redresser et d'inspirer profondément. C'était là la déclaration la plus longue qu'elle avait jamais faite à un homme. Et le plus dur restait encore à venir. « J'ai envie de me poser. Avec toi, précisa-t-elle d'une toute petite voix. Et tu n'as pas idée de combien c'est effrayant pour moi. Vraiment. Je.. j'ai peur, non, je sais que je finirai probablement par faire une connerie. Ou que quelque chose foirera. Mais j'ai envie d'y croire. De croire en nous » Son cœur, dans sa cage thoracique, s'était littéralement affolé, le sang lui battait aux tempes et elle avait soudain très, très chaud. Dire qu'elle était nerveuse aurait été un euphémisme. Non, elle était terrorisée. Vraiment. C'était le plongeon dans l'inconnu. Et l'inconnu, c'est bien connu, ça fait flipper.