on parlait d'à jamais
pour toujours, sans l'ombre d'un doute.
comment imaginer que l'on pourrait nous séparer ?

« Son of a bitch. » Je sors de ma voiture en claquant furieusement la porte, les sourcils froncés et la clope au bec. Je suis pas d'humeur à me prendre les insultes d'un abruti mal luné aujourd'hui, surtout que l'abruti mal luné en question était en tort. Me voilà coincé devant le parc de la bagatelle, à m'engueuler avec un putain de connard de mes deux. Y'a des baffes qui se perdent, putain. Je lui en foutrais bien une. « Mais putain, t'as pas compris que t'étais en tort ? La priorité à droite, t'en fais quoi, espèce de tête de gland ! Tu l'as eu dans une pochette surprise ton permis ou ton examinateur était bourré ? » Ouais, ça vole pas haut. M'en fous. Heureusement que j'ai dégotté une bonne assurance en débarquant à Paris, putain. Je passe un rapide coup de fil à ma conseillère – jolie rouquine à petits seins mais au visage absolument magnifique, avec des yeux bleus un peu trop pâles qui font parfois peur. En deux temps trois mouvements je lui explique la situation, elle m'assure qu'un dépanneur va venir chercher ma caisse et qu'une société de taxis va être appelée pour venir me chercher et me ramener chez moi. Putain, comment je vais faire pour aller bosser moi maintenant ? Le métro parisien est une véritable galère et le patron ne supporte pas les retards. Je pourrais peut-être m'arranger avec lui pour qu'il me refile une caisse le temps que la mienne soit remise en état... Y'a peut-être moyen de le jouer. Avec un nouveau soupir, je me rallume une clope. Et, forcément, je poireaute.

J'ai encore passé la nuit à tourner et retourner mes souvenirs dans ma petite caboche. Comme d'habitude j'ai envie de dire, j'ai dû dormir, quoi, trois heures à tout péter ? J'commence à avoir du mal à supporter le manque de sommeil. Je mange beaucoup pour compenser, mais mon corps réclame un repos que je suis incapable de lui donner. Je soupire, souffle ma fumée par les narines et observe un moment le ciel trop bleu au-dessus de ma tête. Il fait beau, un peu frais peut-être, une foutue migraine commence à pointer le bout de son nez. Je me frotte la tempe, sans succès. Delenda arrivait toujours à faire passer mes migraines, j'ai jamais compris comment. Il avait des doigts magiques. Fuck, v'là que je pense encore à lui, pourtant je m'étais promis de plus le faire, parce que ça fait trop mal, même au bout de deux ans. Je me passe une main sur le visage, je balance mon mégot, voilà j'ai fini mon paquet, heureusement il y a un tabac en bas de chez moi. J'entends un moteur, je rouvre les yeux, le taxi est là et attend sagement. Quand même, un putain d'accident de la route en plein Paris, c'est le comble pour un ancien passeur de drogue. J'peux pas m'empêcher de ricaner en secouant la tête pendant que je grimpe dans le taxi. « 22 rue Tolbiac. Treizième. » J'ai la voix pas très amène, mais franchement, j'en ai pas grand chose à foutre. Je suis pas d'humeur à faire la causette au conducteur, ou même à la conductrice d'ailleurs, j'ai juste envie de rentrer chez moi pour me pieuter. Manque de bol j'ai fermé la porte, les fenêtres sont fermées aussi et ce parfum qui remplit l'air, j'le reconnaitrais entre mille. C'est celui de Del. D'mon blondinet. Je me fige, raide, droit dans mon siège, sans oser regarder dans le rétroviseur. Si c'est lui, je sais pas c'que je serais capable de faire.