Dire que Wendy est née avec une cuillère en platine sertie de diamants est une réalité, ou du moins cela s’en approche très fortement.

Fille d’un diplomate anglais et d’une héritière française d’un patrimoine immobilier conséquent, j’ai été griffée de la tête au pied, dès mon plus jeune âge. Il paraît que nous avons passé toute mon enfance, ensemble, en Polynésie Française. Entre nous, je n’en ai pas gardé le moindre souvenir. Est-ce là bas que j’ai appris à danser le Tamure ? Fort probable. Pour parfaire mon éducation, j’ai été expédiée dans un internat « bon chic, bon genre » de Londres. Comment voulez-vous ne pas déraper lorsque votre famille et l’encadrement scolaire contrôlent votre vie dans le moindre détail ? Oui, je suis devenue une de ces filles que vous avez envie d’approcher pour prendre un verre au bar ou danser avec. Je parle fort, vous me gonflez, mes yeux sont injectés de sang et pourtant vous êtes toujours là alors que l’on ne se connaît ni d’Ève, ni d’Adam. « Putain Harrison, lève le pied sur la défonce. Il faut que je te présente une nouvelle de la bande. » La bande ? Quelle bande ? Je me prends toujours pour une solitaire, fière par dessus le marché. Lumen. Elle est blonde et, comme pour tous les autres, elle est nettement plus jeune que moi, ce sont les seuls détails que je percute cette nuit là. Les semaines et les mois ont défilé. Pour une raison inconnue, j’ai fini par déballer la vérité à cette fille : ma véritable date de naissance, ce prénom dont j’ai honte – je ne me suis jamais vue comme une petite gamine niaise venue d’un film de la maison Disney. Les années sont passées depuis, je suis partie, revenue, repartie, rerevenue. Bref. Lumen est toujours là. Ça me tue de le dire, parce que bordel on se fait toujours avoir quand on s’attache, mais cette fille doit être ma meilleure amie. Quant aux autres, je les ai un peu perdus de vue, pour ma part.


« Wendy, que comptes-tu faire maintenant ? » Oui c’est vrai. Wendy ? Harrison ? Qui es-tu au juste ? Et que comptes-tu faire de ce double diplôme qui ne sert pas à grand chose ? Il serait temps de grandir, un jour. Tous les regards se braquent sur la brunette que je suis. C’est toujours lors des dîners de famille que mon père ramène le sujet sur la table. C’est toujours lors de ces occasions que ce genre de sujet est ramené sur la table, de toute façon. Je garde mon calme et hausse les épaules. « Oh je me disais que je reprendrai bien mes études, accomplir cette tâche jusqu’au bout. » Ce soir là, la mère Hepburn a avalé son Bordeaux de travers.

Inde. Bombay. Une thèse dans le domaine de l’anthropologie est un bon prétexte pour s’en aller une nouvelle fois loin du pays, loin des responsabilités. C’est également un bon prétexte pour se faire payer le voyage par maman et papa quand on a tendance à dilapider chaque euro gagné. Tout le monde n’est pas dupe, je ne compte pas reprendre mes études. C’est un fait. Un sac de voyage, une cartouche de cigarettes et mon passeport. Je pars pour une durée indéterminée presque les mains dans les poches. Ce périple à travers ce pays dont je n’ai aucune connaissance dans la langue a duré cinq longs mois. Manque d’argent. Manque de confort qui se fait ressentir. Manque de conversation, car oui parler à l’aide de gestes c’est lassant à la longue. Le jour vient de se lever, les rayons du soleil envahissent l’aérogare. Il est sept heures trente passées ici alors qu’il n’est que quatre heures en France. « Lumen, tu sais que je déteste me taper la conversation avec ton répondeur… » Les mathématiques et elle, cela a toujours été une grande haine. Bruit de briquet qui résonne dans l’appareil. « J’te jure que j’ai arrêté de fumer. Bref. J’arrive sur Paris d’ici quatorze heures. Tu me laisses une place sur ton canapé ? »

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Grayson, Yannie, Ella, Lumen & Cheshire.