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| Sujet: rising abyss shadows what was once alive. Ϟ manech Dim 20 Mai - 14:30 | |
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Silhouette errante au milieu du silence de la nuit glacée de Paname. Toujours ce même silence oppressant qui vous tue et vous blesse jusqu'à qu'il ne reste que des cendres de l'être. Mes pas s'accélèrent tandis qu'autour de moi mon monde se casse la gueule. Château de carte envolé. Brûlé au vif. J'avance encore même si j'ai plus rien pour survivre. Même plus un cœur pour me donner la sensation d'exister encore. Juste un peu de came dans les veines pour apaiser la douleur et me faire espérer qu'un jour ça s'arrangera. Et dans ce chaos total, au milieu cette vie foutue en l'air, l'homme désespéré tente encore de trouver sa place. Ce flingue entre mes mains témoigne pourtant mon niveau excessif de perte de contrôle. Ce morceau de métal sécurisant me donne la sensation d'être encore le maître du jeu. Une pression équivaut à une vie volée, une simple pression et la partie est gagnée. Solution de facilité, comme toujours. J'en ai ma claque des histoires difficiles, de me prendre la tête au moindre tournant. Je redeviens le prédateur avide de puissance. Chaque erreur que je commets m'enfonce un peu plus bas dans ma merde et je continue. Encore et encore. Fascination malsaine pour la douleur. Vous avez devant vous l'une des créations les plus ratées de dame nature. Coule dans son sang toute la tragédie du monde. Faite pour vivre dans l'excès et la trahison. Cette pensée me fait sourire. Le bruit de mes pas sur le goudron me rappelle que je ne suis pas un simple spectre, qu'il reste en moi une part de vie. Mon regard explosé n'a cesse de regarder autour de lui, méfiant. J'détiens dans mon sac des liasses de billets gagné illégalement. De manière sale et répugnante. Puis soudain, se mélange au bruit de mes pas le son des sirènes de flics. Un frisson s'accroche à ma peau, me décrochant ainsi une grimace. Mes pas s'accélèrent, c'est à peine si j'me rends compte que je suis en train de courir dans l'obscurité. Une voix n'a cesse de me dire d'accélérer et pourtant, le bruit des moteurs se rapprochent. Merde. J'accélère désespérément, à la recherche d'un issu. Tous se referment au fur et à mesure que j'avance. Ça y est, nous y sommes, ce moment où mes pensées cognent contre mon crâne, s'entremêlent une à une. Si j'me fais choper, c'est la fin pour moi. J'finirais en taule jusqu'à la fin de mes jours. J'suis peut-être en tord mais j'm'en balance, je pourrais jamais me résigner à avoir une vie comme celle-là. Douce descente en enfer. C'est dans un dernier sprint guidé par l'adrénaline que j'atterris dans un appartement inconnu. J'ai pas vraiment cherché à comprendre ce que je faisais, j'me suis contenté de survivre. J'avance d'un pas lent, toujours le flingue délicatement calé entre mes doigts. Prêt à descendre la vieille qui se mettrait à gueuler au voleur. Mon regard passe au peigne fin les environs jusqu'à se poser sur … un type.
Et mes bras relèvent l'arme, la pointent en sa direction. Réflexe naturel de défense.
Mon sang s'épaissit dans mes veines, les battements de mon coeur ralentissent. Merde. Tout s'arrête soudainement. Je ne sens même plus entre mes doigts le révolver. Il n'y a que ce regard dans lequel je me suis perdu en entrant ici. Des images ne tardent pas à me sauter à la gueule. Le passé refait surface, à nouveau. J'nous revois alors dans cette barraque, enfermés comme deux cons dont on a abusé de la naïveté. J'ai même l'impression d'avoir devant moi un ado. Celui qui m'avait accompagné pendant des mois. Le sentiment de vengeance semble même caresser à nouveau mes entrailles. C'était tellement jouissif de foutre le feu à leur putain de squat. Peut-être que certains sont morts asphyxiés là-bas. Qui sait. J'ai limite envie de sourire à cette pensée. On était que des gosses. J'm'autorise à fermer les yeux un instant pour reprendre mes esprits. J'me demande si je rêve ou pas. Il en faut peu pour que le flingue s'écrase au sol dans un bruit sourd. C'est sans aucunes gênes, sans penser un simple instant à sa réaction que je m'approche de lui pour venir poser ma main sur son torse. Merde, il a l'air bien vivant, en chair et en os. J'suis dingue ? Non, non, pas à c'point. Pas de là à revoir son pote d'enfance. J'en oublie les flics, le fric, la prison, mon état critique. « Manech ? » Ma voix est basse, raillée, dégueulasse. Mais j'veux m'assurer que ce soit bien lui. Mon regard interrogatif ne lâche pas le sien. Putain, ça fait combien d'années maintenant ? Drôle de hasard qu'est la vie.
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