«
Je suis désolé. » Sa voix pleine de remord ne me fit aucun effet. Je m’attendais à ce genre de situation, et pourtant, je ne m’y étais pas du tout préparé. Cette naïveté me perdra ; croire que mes parents aient une once de compréhension à l’égard de leur fille chérie était une erreur de débutante. Mathilde s’assit à mes côtés, sur l’une des grosses pierres qui occupaient la baie. Mon regard ne se posa aucunement sûr elle, préférant plutôt fixer les vagues à l’horizon. Aucune de nous ne sembla vouloir rompre le silence pesant qui c’était installé, bien que je remarquais la gêne de ma sœur. Elle avait envie de partir d’ici et de me laisser seule, ce qui, d’un côté, ne me gênait aucunement, mais il fallait croire que c’était son jour de bonté, et qu’elle ne repartirait pas avant d’avoir entendu clairement de ma bouche que j’acceptais ses excuses. Elle aussi était naïve. Comme si j’accepterais des excuses sortant de sa bouche, alors que tout était de la faute de mes parents. Je soupirais, d’un soupire bref et déterminé, un moyen de briser ce blanc installé depuis trop longtemps. «
Je pars vivre à Paris. » «
Quoi ?! » A peine avais-je fini ma phrase que sa voix stridente de petite pucelle enragée me grinça dans les oreilles. «
Après le bac. J’ai été prise aux beaux-arts. » Je ne tournais même pas le regard vers elle, sachant que ses larmes noieraient ses joues, comme si elle avait une quelconque once de tristesse au fond d’elle. Nous étions sœur, par définition, du même sang, en rajoutant que j’avais dû la supporter 19ans sous le même toit que moi. Je n’avais pas plus d’affinité que ça avec Mathilde, sûrement parce que je n’étais qu’une gamine capricieuse qui n’aimait qu’elle et personne d’autre. Désolé grande sœur ! «
C’est à cause de papa et maman c’est ça ? » J’haussais les épaules avant de tourner légèrement vers elle. J’avais raison, les larmes coulaient sur ses joues, mais je contentais de grimacer plutôt que de murmurer des paroles maladroites. «
Faut s'inscrire bien avant le mois de juin ma poule. Je passe mon bac, et je me casse. Ne crois pas que la réaction des parents m'ait touché en quoi que ce soit. » Je compris à son regard qu'elle avait une soudaine envie de m'étriper, et par réflexe, je me remis à fixer l'horizon. «
Ouais. Après tout, tu fais ce que tu veux de ton sexe. » Sa voix sonna comme un reproche et un rire cristallin sortit de ma bouche. Mathilde savait à quoi s'attendre. Elle venait de me vexer, et ce n'était pas une nouvelle excuse qui allait changer quoi que ce soit. Finalement, je me levais, jugeant que la situation était bien assez explosive comme ça, pour en plus me mettre ma soeur à dos. «
Tu crois qu'ils se sont remis de mon coming-out, ou je vais rentrer en voyant maman chialer et papa une corde au cou ? » Le petit sourire que j'affichais fièrement sur mon visage à la destination de ma soeur ne parut pas lui plaire. J'haussais les épaules en sa direction, avant de me diriger vers ce que j'ai un jour appelé ''chez moi''.
[ ... ]
«
Joyeux anniversaire ! » J'enlevais aussitôt mes mains appuyées fermement sur mes yeux, afin de voir le gros paquet cadeaux que me tenait Albane. Je restais légèrement bouche bée, osant à peine toucher le présent qu'elle venait de me poser dans les mains. «
Waw .. » Je n'arrivai à peine à respirer, et sortir un son de ma bouche relevait d'un exploit. Je déposai le paquet sur le sol de mon appartement, avant de m'asseoir sur les genoux à même le parquet, imitée par mon amie. «
T'as l'intention de l'ouvrir aujourd'hui ou je repasse demain ? » Son petit rire se mêla au mien, et je pris enfin le courage de défaire le noeud bleu qui entourait le papier. C'était certainement idiot de réagir de la sorte face à un simple cadeau d'anniversaire, et j'en étais pleinement consciente. Mais ces deux dernières années avaient été extrêmement difficiles pour moi, et passer un tel moment avec ma meilleure amie était devenu rare depuis quelques temps. Elle était en quelque sorte la seule chose qu'il me restait. Ce que je pourrais qualifier de famille, ne m'a même pas daigné passer un coup de fil pour me souhaiter un joyeux anniversaire, et vu l'heure tardive, je n'espérai même plus. Malgré tous les sacrifices qu'avaient impliqué mon déménagement à Paris et mon entré aux beaux-arts, c'était ce qu'il m'était arrivé de mieux dans ma vie, et ça sûrement parce qu'Albane en faisait partie. J'arrachais délicatement le papier bleu du bout des doigts sous les encouragements de mon amie. Au bout de quelques minutes qui parurent une éternité à la brunette en face de moi, le papier cadeau laissa apparaître un carton, qui laissa à son tour, entrevoir un bout de tissus de couleur crème. Je fronçai les sourcils, enlevant mon cadeau de son paquet, laissant ainsi apparaître l'intégralité du vêtement. Mon sourire d'inquiétude laissa place à un sourire de bonheur et je ne pus m'obliger à contenir ma joie. «
Albane ! » J'observais la robe sous toutes ses coutures, et je ne peux décrire la joie qui me parcourut en remarquant l'étiquette gucci. «
Mais t'es complètement folle ! » Je sautais au cou de ma meilleure amie, n'essayant même pas de comprendre comment est-ce qu'elle a bien pu acheter une robe pareille. J'embrassai sa joue à plusieurs reprises, espérant que cela comble les paroles que je n'arrivai pas à trouver. Puis j'attrapai son poignet, l'emmenant dans ma petite chambre. «
Il faut que je l'essaye ! » Aussitôt que je prononçai ses paroles, mes mains avaient déjà fait glisser les bouts de tissus qui cachaient mon corps, le laissant ainsi seulement habillé d'une culotte et devant Albane, ça ne me gênait aucunement. Je me plaçai devant le miroir, afin d'observer mon amie tout en enfilant la robe avec délicatesse pour me retrouver enfin habillé. Je tournai sur moi-même à plusieurs reprises, observant mon corps embellit par le tissus, et je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'oeil à Albane. «
Alors, comment tu me trouves ? » «
Aussi belle qu'une fille peut l'être dans une robe gucci ! » Je rigolai de la même façon qu'une petite enfant amusée et je me replaçai devant le miroir, m'observant plus attentivement cette fois-ci. Puis quand j'eue enfin décidé que mon moment de narcissisme avait assez duré, j'enlevais la robe aussi soigneusement que je l'avais enfilé et j'avançais mon corps quasiment nu vers celui d'Albane. La jeune femme ne réagit pas, ce que je pris pour un bon signe et j'attrapai tendrement sa taille. «
Merci mon coeur.. » Ma voix enfantine prit le timbre d'une voix plus sensuelle et j'embrassais alors sa joue, avant de descendre doucement vers son cou. «
Mais tu sais de quoi j'ai envie encore .. ? » Mon ton plein de sous-entendu ne parut pas lui plaire, et elle se détacha violemment de moi. «
Je t'ai déjà dit non Solenn. » La détermination qu'elle faisait passer à travers à son regard me serra le coeur, au point que ma légendaire repartie resta muette. «
Je suis désolé. » Je soupirais. Ouais, ça, on me l'a déjà dit.