Pièce minuscule, des murs gris. La lumière lui brûle la rétine, ses paupières se ferment, son coeur se serre. Un cliquetis incessant, celui d'un néon qui clignote, le genre de bruit à faire péter un plomb. Un jeune garçon est assis sur une chaise inconfortable, appuyé contre la table, il ignore ostensiblement le flic qui lui pose une énième série de question. Le gamin garde le silence, s'enferme dans son mutisme, laisse son esprit vagabonder. Il est trois heures du matin. Ses yeux sont cernés, la fatigue le gagne, il s'endort presque. Bam ! Le jeune garçon sursaute, relève finalement la tête pour croiser le regard du flic qui vient de balancer sa chaise contre le mur. « Tu vas te décider à parler oui ?! T'as la chance de pouvoir sortir complètement clean d'ici, si tu balances tes potes. Joue pas au gros dur alors qu'on t'offre la chance de te barrer et d'recommencer ta vie. T'as envie de devenir comme eux ?! » L'anxiété gagne le gamin, il n'en montre pourtant rien. « J'ai rien à dire à un flic. On trahit pas ses frères. » Il crache à la gueule du policier, sa propre assurance l'étonne. L'homme le plus âgé, complètement hors de lui, fait le tour de la table pour attraper le jeune par le col de son sweat-shirt, il le met debout, le plaque violemment contre le mur. « Tu crois que c'est un jeu Dwight ?! Tu vas finir au trou si tu parles pas ! » Il hurle, essaie de résonner Jaxhuem qui ne réagit pas. Malgré son jeune âge, le garçon se prend déjà pour un gangsta, il a son honneur, c’est comme ça qu’ils l’ont élevés. Il ne dira rien, plutôt crever que de balancer sa seule famille. Le policier perd patience et disparait. Alone again. Jaxhuem s’assoit à même le sol, reprend sa respiration, ses yeux sont rouges, comme s’il était à deux doigts de chialer. La porte s’ouvre à nouveau, claque. Un autre homme apparait, celui-là Dwight le connait. Quelque chose crève en lui lorsqu’il le voit. La rage forme une boule compact dans ses tripes, au bord de l’explosion. Tout ça c’est de sa faute. Sa putain de faute. Le gosse se relève, saute à la gorge de comme un vulgaire cabot, le frappe à l’aveuglette. « Putain de traître ! Les mecs vont te crever, lorsqu’ils te retrouveront ! » Les larmes coulent les longs des joues du gamin qui parvient même plus à se donner une contenance. Épuisé, complètement terrorisé à l’idée de se retrouver en taule, abandonné par son gang, trompé par son meilleur ami, il ne sait plus où il en est. « Arrête tes conneries Dwight. T’es un homme ou non ?! Tu sais aussi bien que moi qu’ils s’en foutent de toi, t’es qu’un pion, dude ! Ils t’ont retourné le cerveau, tu vois pas qu’ils se servent de toi, bordel ?! » Le gamin cesse de bouger, il ne respire plus, comme s'il n'y parvenait plus. Arrêt sur image. Non, c'est sa famille. Ses frères l'abandonneraient pas. Une boule se forme dans sa gorge, il se remet à hurler. « Ta gueule ! Ta gueule ! Tu dis n'importe quoi ! J'suis leurs frères, j'balancerais rien. Encore moins à un fils de pute dans ton genre. » Clayton passe une main dans ses cheveux, il fixe avec dureté le gamin qu'il a connu au sein du gang qu'il a infiltré. Le policier se radoucit finalement, s'assoit sur la table. « Écoute gamin, t'es trop jeune pour gâcher ta vie. Ils t'ont laissé tomber. T'es rien pour eux, rien. Ils sont où tes frères de la rue, hein ? Vous êtes au pied du mur, on a démantelé le réseaux. Y a plus de gang. Certains de tes potes sont déjà en prisons, tu ferais mieux de dire quelque chose si tu veux pas les rejoindre. » Obstinément, Dwight-Jaxhuem secoue la tête, il ne veut plus rien entendre. « J'balance pas mes frères. » Sa voix est faible, tremblante et lui aussi tremble. Clayton serre les dents, voit bien que le gamin est au bout du rouleau. Il s'empare du dossier sur la table, colle des photos sous le nez du gosse. La réaction de Dwight ne se fait pas attendre, il régurgite son dernier repas au pied de l'agent. À quinze ans, on supporte pas forcément la vue du sang, encore moins celui d'un cadavre.


« Sérieux, t’es flic ? Putain, mais t’as reçu le badge dans une pochette surprise ? Honnêtement, tu penses pouvoir faire quoi avec ta carrure de moustique ? Tu vas te faire bouffer dans l’quartier mec. Les gars dans l’coin se laissent pas faire par une tarlouze. »