Après avoir vérifié que les vigiles avaient bien foutu tout le monde à la porte – parce que ouais il m’était déjà arrivé de trouver des saoulards complétement achevés dans un coin du club après le passage des videurs –, je rangeai toute la vaisselle à sa place avant de prendre la direction de la sortie et fermer la porte de la boîte derrière moi. Vladislav me faisait confiance au point de me confier les clefs de son affaire, tout simplement parce qu’il savait que j’avais pas les couilles d’en faire mauvais usage. Bref, J’avais un p’tit bout de chemin à faire pour rentrer chez moi mais à vrai dire, j’étais pas pressé de rentrer. Au contraire, j’étais bien décidé à emprunter un maximum de petits détours pour reporter le plus possible mon retour à la casa. J’savais bien que j’allais sûrement m’en choper plein la gueule – dans tous les sens du terme – pour être rentré en retard mais à vrai dire, c’était le cadet de mes soucis. J’penserais certainement plus ça en rentrant mais bon, après six ans de vie commune, j’commençais à avoir l’habitude des coups de Vlad’. Puis j’trouvais que mes petites balades nocturnes valaient la peine de prendre ce risque. J’ai toujours kiffé Paris by Night. Voir les rues d’ordinaire pleines à craquer aussi vides, ça m’apaisait, même si l’insécurité régnait partout. En e moment même, j’aurais pu me faire agresser que j’aurais même rien remarqué. J’regardais pas où j’allais, laissant mes pieds me guider, trop occupé à me battre avec mon briquet pour allumer ma clope. Mes mains tremblaient tellement qu’on aurait pu croire que j’étais atteint de Parkinson. Putain de froid. On était en plein milieu du mois d’avril et pourtant j’pouvais pas m’empêcher de regretter de ne pas avoir pris de gants avec moi. J’avais toujours été un grand frileux et c’était pas sur le point de changer. Lorsque je me décidai enfin à lever la tête, j’me rendis compte que je ne savais absolument pas où j’étais. Ca m’apprendra à errer sans but. Bref, la dernière chose dont j’avais envie c’était de demander mon chemin à un sombre inconnu, surtout quand on voyait la gueule louche des passants que j’avais croisé jusqu’ici . J’allais donc faire ce que j’faisais le mieux : me démerder tout seul. J’filai alors à travers les ruelles sombres, tentant vainement de me repérer. Dès que j’arrivais dans un endroit un peu plus peuplé, j’baissai les yeux. J’avais toujours eu du mal à affronter le regard des gens, surtout depuis que cette putain de cicatrice défigurait la moitié gauche de mon visage.

Pendant un bon moment, je marchai à vive allure, admirant mes pieds avec contemplation. Ce n’est que lorsque je me pris un mur de plein fouet, reculant de trois pas à cause de la force de l’impact, que je relevai la tête. Cul de sac. J’étais pourtant persuadé que ce mur n’était pas là avant @@. Ou alors mon sens de l’orientation m’avait ENCORE trompé, ce qui était plus plausible. Je revins alors sur mes pas, complétement démotivé. Je jetai fréquemment des regards par-dessus mon épaule. En effet, cela faisait une bonne dizaine de minutes que j’avais l’impression d’être suivi. Inutile de dire que ma paranoïa naturelle ne me réconfortait pas dans ce genre de situations, au contraire, elle me poussait à imaginer les pires scénarios. SO, j’me suis foutu à stresser comme un con. Ma respiration s’accéléra brusquement. J’aimais pas ça. J’aimais pas ça du tout. J’avais même pas de flingue sur moi pour me défendre comme c’était le cas d’habitude. J’avais plus qu’à espérer que je me faisais des idées et qu’il n’y avait personne avec moi dans cette putain de ruelle sombre. J’me maudis alors d’avoir voulu jouer au plus malin et d’avoir coupé à travers les ruelles sombres. Ca m’apprendra à être aussi con. C’était le karma qui me revenait à la gueule, j’voyais pas autre chose. Et comme pour confirmer mes doutes, j’vis une silhouette se profiler à l’extrémité de l’avenue. Elle aurait pu passer son chemin mais non, au lieu de ça, elle s’avança vers moi d’un pas assuré. Quand il m’a enfin été donné de voir son visage, j’ai cru que j’allais me faire dessus. Dreamcatcher Jack Stride, plus connu sous le funeste nom de Skeleton. S’il y avait bien une personne que j’aurais voulu ne plus jamais revoir dans ma vie, c’était bien lui. Ce mec m’avait toujours fait flipper. J’savais même pas ce qui m’avait pris d’aller lui demander son aide. C’est vrai quoi, y avait des types bien plus fréquentables que lui qui auraient accepté de m’filer un coup d’main, j’suis sûr. Mais non, le destin avait voulu que je m’adresse à ce serial killer overméga flippant. Bref, à l’instant même où mon regard croise le sien, j’ai baissé la tête en croisant les doigts pour qu’il ne m’ait pas reconnu. Après tout la dernière fois qu’il m’avait vu, j’avais 14 ans, ça me laissait un peu d’espoir. C’est beau d’espérer. Vraiment beau, Beetle.