1 - When she was just a girl, she expected the world.
La France ... C'est une bien longue histoire d'amour entre elle et moi, et pourtant, je vis le jour bien loin d'elle, dans un minuscule pays aujourd'hui appelé Slovénie. La petite ville de Radovljica m'accueillit à bras ouverts en cet hiver blanc. J'étais un cadeau du ciel, la première fille de la famille après trois garçons, autant dire un miracle pour mes parents ! Le plus vieux était de huit ans mon ainé et les deux autres n'avaient que cinq et trois ans de plus que moi. Je grandis comme une vrais princesse et il en fut de même pour ma petite sœur quelques années plus tard.
Les petites robes neuves, les jolies chaussures vernies, les nœuds roses dans mes cheveux d'or, ... Je profitais pleinement du rôle de fille unique qui m'était proposé. Ma mère avait abandonné son travail de reporter à la naissance de Jan, le troisième garçon, elle avait donc tout son temps pour s'occuper de nous et être la maman rêvée, voir mieux. Papa était employé dans une entreprise de comptabilité, nous étions la parfaite représentation de la famille moyenne des années 80'.
Je grandis, et maman me transmit son goût des voyages et de l'aventure. J'avais un album où je conservais des photos des plus beaux pays du monde. La page "France" restait toujours la plus fournie. A l'école, je m'intéressais aux langues étrangères et à la littérature, rêvant secrètement à devenir un auteur à succès grâce à mes récits de voyages. Mais je me rendis bien vite compte que je n'avais aucun talent pour l'écriture. Je venais de commencer le lycée et ma déception ne fut que de courte durée : j'avais tout mon temps pour me trouver un nouveau rêve.
2 - Sweet dreams are made of this.
Ce rève vint à moi l'année suivante, comme une évidence : je voulais visiter la France et sa capitale. C'était devenu une obsession, un besoin. Je voulais déambuler dans ces rues, m'extasier devant ces monuments, faire du lèche-vitrine devant les grands magasins, me plaindre des mauvais conducteurs, bousculer des inconnus dans le métro, boire un chocolat chaud à la terrasse d'un café, regarder les gens pressés, me demander ce qu'ils veulent rejoindre à cette allure, me faire embrasser en haut de la Tour Eiffel, faire mon jogging dans le jardin des Tuileries, ... Tant de choses à faire, à expérimenter ! Je m'imaginais chaque jour faire l'une de ces actions, et un sourire se dessinait automatiquement sur mes lèvres, un sourire idiot, du genre qu'on s'empresse de cacher quand on se prend à rêver seul, mais le genre de sourire qui fait se sentir vraiment bien. La France et sa capitale étaient mon nouveau rêve. Oubliés les envies d'écriture et de succès, je voulais ajouter une
French Touch à mon quotidien.
En dernière année de lycée, j'eus la possibilité de passer un an au pays de la Baguette et après d'houleuses négociations avec mes parents, je me retrouvais dans un avion en direction de mon rêve. Je passais une année dans une petite ville sur la côte Vendéenne et apprenais à aimer le reste de ce pays que finalement, je connaissais si peu. Je vécu une année de pure folie, me faisant d'excellents amis et découvrant un nombre de choses incalculable ! Bien vite vint le temps du retour au pays avec un pincement, que dis-je, un trou au cœur. J'en gardais un si on souvenir que j'avais du mal à imaginer que ma vie était en Slovénie et non en France ...
Je n'avais plus qu'une seule envie : obtenir mon bac rapidement pour y retourner. Je voulais y vivre, y faire ma vie, avoir un petit appartement face à la Tour Eiffel ... J'avais les envies d'une gamine de 17 ans qui vient de passer une année magique et qui pense que la vie est un conte de fées. Ce fut le cas, pendant plusieurs années en tout cas. Une fois le bac et la mention en poche, je commençais à planifier mon départ.
3 - Paris, c'était la gaité Paris, c'était la douceur aussi, c'était notre tendresse.
Je passais un été entier à faire divers petits boulots : serveuse, vendeuse, baby-sitter, jardinière et j'en passe ! je voulais mettre un maximum d'argent de côté pour éviter à mes parents cette grosse dépense. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que les études et l'amour de la France n'étaient plus les seuls raisons de ce voyage. Au cours de mon année, j'avais rencontré un garçon. Je lui avais promis de revenir, il m'avait promis de m'attendre, de faire des études près de la fac que je choisirais et c'est ce que arriva.Je le retrouvai à l'aéroport après un an comme si nous nous étions quittés la veille. Nous prîmes un appartement en collocation dans la capitale pendant quelques années. Je fis des études d'Histoire à la Sorbonne dans le but d'enseigner et lui s'intéressa à l'économie et la finance. Une fois nos diplômes en poches, il me fit sa demande, LA demande. J'avais 23 ans et je l'aimais comme une folle. Nous nous mariâmes entourés de nos familles (la mienne avait fait le déplacement tout spécialement pour l'occasion) et de nos amis.
S'en suivit l'achat à crédit d'un appart, des projets d'avenir et un bébé en route.Je n'avais pas décroché le boulot de prof que j'espérais et travaillais au Louvres, provisoirement. Lui avait trouvé un poste dans une banque de la capitale. J'accouchais d'une petite Tarisa un an et demi après notre mariage, complétant notre bonheur aux allures de mirage. Cette petite nous comblait littéralement. Aucune ombre au tableau.
Bien entendu, il y a un "mais", et non des moindres. La police fit irruption chez nous un matin et ils emmenèrent mon mari avec eux. Je criais à l'erreur judiciaire mais malheureusement, il n'y en avait aucune. Il avait fait des conneries avec l'argent de la banc où il bossait et fut envoyé en prison. Pas de passage par la case départ. Son petit manège durait apparemment depuis plusieurs années et je n'avais rien vu venir. Je l'aimais comme une dingue, mais je ne pouvais supporter ce qu'il avait fait. Il n'avait pas pensé à nous, à Tarisa, c'était égoïste au possible. Je demandais le divorce, il fut prononcé quelques mois plus tard.Je me retrouvais seule, avec ma fille d'à peine deux ans, avec un simple salaire de guide. L'appartement fut saisit, comme un bon nombre de nos meubles qui avaient été payés avec cet argent sale. Il avait laissé une grosse somme sur le compte en banque de la petite et s'était débrouillé pour qu'il ne soit pas saisit. C'était de quoi vivre au cas où il se ferait prendre. Je n'avais pas le choix, je devais utiliser cet argent, je n'allais pas vivre à l'hôtel toute ma vie, je n'en avais pas les moyens ! J'ai donc loué un nouvel appartement, acheté de nouveaux meubles et m'y suis installée avec ma fille.
4 - You live and let die.
Cela fait un peu plus d'un an que je vis ainsi. Je n'ai pas revus mon ex-mari mais j'emmène très souvent Tarisa chez ses grands parents paternels pour qu'ils lui rendent visite. Il est important qu'elle sache qui il est, même s'il ne peut vivre avec nous. Je suis toujours guide, mère et célibataire. Je ne peux, bien sûr, pas oublier l'homme que j'ai aimé, le père de ma fille, mais j'ai tourné la page. Il ne sortiras pas de l'ombre avant des années et je ne pourrais jamais lui pardonner ce qu'il a fait.
J'emmène Tarisa à la crèche tous les matins et la laisse quelques soirs par semaine avec une baby-sitter pour pouvoir sortir. Je vais faire la fête, rencontrer des gens pour oublier pendant quelques heures ma routine quotidienne. Je rentre bien souvent tôt le lendemain matin, ayant passé la nuit dans les bras d'un parfait inconnu. Mais je ne suis en rien une mauvaise mère. Je m'échappe seulement de ma routine quelques soirs par semaine. Le reste du temps, je suis une vraie mère-poule. Je passe énormément de temps avec ma fille, ne résiste pas à une petite tenue dans une vitrine d'un magasin et serait prète à me damner pour elle. Et puis, il lui faudra un père, un jour, dans quelques mois, quelques années, quelqu'un de bien, que j'épouserais en secondes noces, et avec qui je passerais le restant de ma vie.