Lucian. Un être humain parmi tant d'autres. Une histoire, unique. Un battement de cœur usé. Un bon nombre de sacrifices. Un enfant, aussi, bercé par les rêves et les illusions. Des ailes brûlées. Une maison laissée à l'abandon. Un sourire encore fragile. Lucian … une vie. Un monde puis, une réalité.

Décembre 1977. Il fait froid, la neige tombe sur la ville, étouffe le paysage de sa blancheur glaciale. Le temps semble s'être arrêté, ralenti. Seuls les flocons vacillent dans le vent froid de cet hivers. Ce n'est qu'en s'approchant qu'on y découvre des maisons illuminées. Pleine de vie. Les enfants refusent d'aller se coucher, trop excités, encore. Ils ne parviennent plus à ôter de leurs yeux ces étoiles brillantes. Et, sans que personne ne s'en aperçoive, la nuit pose son voile. Léger, éphémère, changeant. C'est dans cette maison, où les murs sont attaqués par la moisissure que deux mains s'accrochent désespérément à des draps usés. Une femme au visage pâle serre sa mâchoire, retenant les hurlements de douleur qui caressent ses lèvres gercées. Les gouttes de sueur coulent sur son front, se mélangent à ses longs cheveux bruns. Elle ne cesse de s'épuiser depuis des heures, songe parfois à arrêter. Pense qu'elle va mourir mais y croit encore. Toujours. Une vielle dame est là, elle aussi. Sa voix usée tente d'être rassurante. « Zenia. Courage. » Du courage, il en faut tellement dans ce genre de situation. Le sang coule à flot, les hurlements, enfin, quittent la barrière des lèvres de cette jeune femme. On en oublie qu'il fait presque froid dans cette pièce, sale, perdue. « Il arrive. Je le vois. » Dans un dernier effort, Zenia pousse, une dernière fois. L'enfant quitte enfin le corps réconfortant de sa mère. Le silence tombe. Émotion. Le premier cri résonne. Bébé découvre enfin le monde. Enveloppé dans une serviette blanche, on ne l'entend que pleurer. Épuisée, la jeune mère, demande tout de même à porter son enfant. Son sang, sa chair, sa force. « Eole. » Murmure. Ses bras se tendent en direction de cette vielle femme au regard sombre. « Tu es trop jeune. » Viol. La scène se déroule à nouveau dans la tête de la jeune mère. Seize ans, pas un âge pour éduquer un enfant. Trop jeune. Excuse trouvée au hasard, piochée de nulle part, par réflexe. « Agnieszka ! » La vieille quitte pourtant la pièce, bébé dans les bras, capuche posée sur la tête. Une ombre dans le froid hivernal traverse la rue enneigée. Monte dans cette voiture, aussi noire et sombre que son regard. Laissant derrière elle les cris d'une enfant meurtrie. Certains trouveront ça cruel, d'autres banal. Chacun sa vision des choses. C'est ainsi, qu'en cet hivers sombre et silencieux qu'au milieu de nulle part on abandonna une femme à son triste sort. C'est ainsi, qu'en cet hivers glacial un enfant naquît. Lucian. Sa vie était déjà toute tracée.

Il ne deviendrait pas banquier. Encore moins avocat. Non, il serait tout d'abord un enfant heureux. Dans une famille qui le ferait grandir dans le mensonge. Jusqu'au jour où, sa mère le retrouverait alors qu'il n'aurait que 8 ans. Après une longue lutte, il retournerait vivre avec celle-ci. Elle l'appellerait Eole. Plus vielle mais pas assez mature, encore. Lucian vivrait donc avec une débauchée. Jusqu'au jour où i deviendrait à son tour un drogué, à ses 17 ans. Amoureux de sa propre mère, il resterait avec elle jusqu'à sa mort. Overdose. Sa vie rencontrerait quelques coups durs comme des déceptions amoureuses mais rien de plus. Lucian, se serait avant tout un poète, un type complètement taré et démesurément attristé par la vie.

Ouais, c'est ça vivre. On naît en ayant un avenir tracé. Tout est déjà écrit, marqué au fer rouge dans notre âme. Le moindre détail a son importance. On pense contrôler les choses mais ce n'est qu'une illusion. Une putain d'illusion qui vous donne envie de vivre encore un peu. D'en vouloir toujours un peu plus. De pas quitter le monde trop tôt. Aujourd'hui, Lucian a 33 ans et, si je dois vous parler de lui en quelques mots c'est très simple. Lucian, c'est un homme, 3 prénoms imprononçables sans que les larmes ne coulent, c'est 2 bras lacérés, 1 overdose. C'est un cancéreux qui peut compter ses jours mais n'y pense jamais. C'est un envie constante de retourner en Pologne. C'est un gosse, paumé, au milieu de Paris. Un accident de voiture, 12 mois de comas, 3 ans de rééducation, 6 années de vie oubliées.

Lucian c'est pas un homme, un survivant, à la recherche d'une nouvelle vie.