« Qu'est-ce qui vous amène ?
─ Ma mère. Elle est la première raison de ma venue. Je n'aurais jamais osé prendre rendez-vous par moi-même. Jamais. Je me serais sentie en quelque sorte indignée, comme si je m'étais retrouvée non pas au bord du gouffre, mais bien au fond... Finalement, je suis rassurée du fait qu'elle m'ait poussé à le faire. Vous n'avez pas l'air si effrayant que cela.
─ Nous psychologues avons conscience de la peur que nous causons – il se permit de rire – mais je vous rassure, je ne vous veux aucun mal. Commencez simplement par vous présenter, si vous le voulez bien.
─ Je m'appelle Conception, en rapport avec ma religion, étant née d'une famille aisée et croyante jusqu'au bout des ongles. Je suis née il y a une bonne vingtaine d'année ici, à Paris, et j'y ai toujours vécu. Je ne me vois pas partir de la capitale, je connais les moindres recoins de la ville, car plus jeune, j'étais comme m'appelait mon père « une fille des rues » – je souris – . N'y voyez rien de méchant, c'était plutôt affectif. Mais malgré le fait que je sois toujours dehors, je consacrais beaucoup de temps à mes études ce qui est encore le cas aujourd'hui. Je suis étudiante en médecine, et je songe fortement à devenir infirmière.
─ Infirmière, vous dites. Pourquoi donc ce choix ?
─ La cause principale est mon défunt père. – je baisse les yeux – C'était en 2000. Mère et moi étions en sortie. Il souffrait déjà de douloureuses maladies du cœur, il avait déjà dû subir plusieurs opérations et il lui arrivait de traverser des moments de violentes crises cardiaques. Puis, un coup de fil. LE coup de fil. Le regard de ma mère s'est assombri, puis s'est rempli de larmes. J'avais compris ce qu'il se passait. J'ai fondu en larmes sans même pouvoir me retenir. Et depuis ce jour la mort me terrorise, et ma vocation consiste à soigner quiconque je pourrais aider à aller mieux. La cause seconde concerne mon immense générosité. Si je peux offrir le bonheur et la santé à qui en a besoin, je le fais. Je me suis également toujours sentie concernée par ces aides humanitaires, vous savez, le genre qui vous propose de donner une certaine somme d'argent, ou des vêtements... Je me souviens y avoir contribué grâce à la totalité de l'argent de poche que j'avais gagné en une bonne année : notez cinquante euros par mois.
─ Vous êtes vous remis de la la mort de votre père ?
─ Je préfère ne pas en parler. La mort de mon père est un sujet délicat que j'essaie d'oublier, chose qui m'est impossible, vous l'aurez deviné. J'ai malgré tout ce lourd poids dans le cœur, je vis avec. Il faut que je continue à vivre, cependant. On y passera tous. Tout le monde part un jour...
─ Très bien, Conception. Passons à l'étape suivante... »