« Voilà, ça fait huit ans. Elliott, tu me manques. Tu me manqueras toute ma vie, je pense. T’es con, mon Dieu ce que t’es con d’être parti là-bas, de nous avoir abandonner, d’avoir laisser cette guerre te tuer. Si je n’étais pas aussi… aussi triste, je serais vraiment en colère contre toi, tu sais. Cassandre va bien, moi aussi. Bon. J’aurais aimé que tu entendes tout ce que je suis venue te dire au cour de ces années, et pouvoir partager ce que je ressentais avec les autres. Quand je dis que ça va mieux, que je suis passée au-dessus de ton départ, que je m’en suis remise, c’est pas vrai, il ne faut pas que tu crois ça. J’aime pas qu’on s’apitoie sur mon sort, mais tu me connais. J’ai pas beaucoup changé depuis mes seize ans, j’ai un peu pris en maturité peut-être. Même si Cassandre me prend un peu pour une petite fille. Je rentre à la maison. Je t’aime, très fort. » La jeune blonde se leva, s’écartant de la tombe à côté de laquelle elle était assise. « Elliot Lefèvre ». Alexandra sortit du cimetière, son sac dans une main, une cigarette dans l’autre. Antibes lui manquait, elle aimait y retourner, et l’une des raisons était son frère. Venir dans cet endroit, face à la mer, pour lui parler était devenu une habitude après sa mort en Afghanistan. La mort, d’ailleurs, la guerre qui la donnait si facilement, la répugnaient, elle trouvait cela tellement surfait, se battre pour obtenir quelque chose. Réaction démesurée prêtée à des personnes ridicules. Elle n’avait jamais rien comprit à la politique, de toutes manières. Elle n’avait jamais parlé à personne - excepté Cassandre - de ses visites régulières au cimetière, qu’elle appelait « moments intimes avec Elliott », seulement pour elle-même.

Elle prit le chemin qui menait à la maison de ses parents, la tête emplie de souvenirs. Son enfance était restée ici, elle était presque capable de se revoir jouer avec son frère, ou Charlène, sa meilleure amie. Tous ces moments passés dans la mer, les cheveux blondis par le soleil brillant haut dans le ciel, la peau hâlée. Le collège, le lycée, ces périodes de son adolescence qu’elle n’avait jamais été pressée de quitter. Alexandra n’avait jamais été l’une de ces filles qu’on admire, les « chefs de bandes », celles que l’on mettraient volontiers dans un carré V.IP. Ca ne l’avait jamais tenté outre mesure, en réalité. Elle aimait ses amis et s’amuser, avait toujours eu en elle ce côté fêtard, dès son plus jeune âge. Et si elle comptait bon nombre de cuites à son actif, elle n’avait jamais abandonné son incroyable ambition. Enfant déjà elle voulait faire de longues études. Plus âgée, elle avait choisie la psychologie parce que ce domaine parmi les autres l’attirait étrangement. Etre capable de comprendre les autres. Elle n’avait pas la prétention de dire qu’elle allait révolutionner le monde et changer les choses, cela ne l’empêchait pas d’en rêver pourtant. Elle ouvrit le portail, traversa rapidement le jardin puis la terrasse avant de passer la baie vitrée. « Salut maman ! » Sa mère lui déposa un bisou sur la joue. « Ton frère à appelé. Il dit qu’il t’a trouver un appartement où tu voulais. » Un grand sourire se dessina sur le visage d’Alexandra. Paris, elle allait enfin avoir son propre appartement à Paris. Bien qu’elle soit très attachée à la région qui l’avait vu naître, elle était tombée amoureuse de la même ville que son frère, sûrement à cause de ces clichés que l’on comptait, puis, ensuite, à cause de tout ce qu’elle avait pu découvrir en ce promenant. Cassandre allait être aussi content qu’elle de la voir partir, elle en était certaine. Son sourire s’élargit. Bien que leur cohabitation les ait considérablement rapprochés - Alexandra avait quelque peu squatté - elle n’empiétait pas moins sur son espace vital et savait que le jeune garçon était à deux doigts de lui faire une cris, parfois. « Ecoute, tu es sure que tu veux partir ? C’est loin, Paris et… » La blonde leva la main et coupa sa mère, gentiment. « Je reviendrai, comme Cassandre, je pars à l’autre bout du monde. Et puis, j’habite déjà là-bas, en quelques sortes. »

« Nathan ! Ramène toi tout de suite ! » Son colocataire arriva, un sourire malicieux aux lèvres. Alexandra ne put s’empêcher de rire, bien qu’elle fut en colère. « Mon paquet de clopes et les clés de ma voiture, tout de suite ! » « Commence par me rendre mes chewing-gums et mes lunettes de soleil, blondie jolie ! » Elle retint un soupir avant d’aller chercher son sac à main, pour lui rendre ses affaires. Depuis qu’ils habitaient ensemble, c’est-à-dire presque un an, ils passaient leur temps à se chamailler et se piquer diverses choses, se rendant fous. Quitter ses parents, malgré le fait qu’elle soit devenue une jeune femme, avait été plus dur pour Alexandra qu’elle ne le pensait. La présence de Nathan lorsqu’elle avait quitté le cocon douillet de son frère l’avait considérablement aidé. Tout se passait au mieux. A Paris, elle avait rencontré des personnes géniales - et des moins géniales d’ailleurs, mais comme partout. Ses études étaient presque terminées, à son grand soulagement, parce que l’effort à fournir et le stress environnant étaient très difficiles à gérer.