pitié, pas encore (balto)

george et toi, une si grande histoire d'amour
tu l'as trouvé à la spa parce qu'un connard a osé l'abandonner sur une aire d'autoroute proche de la capitale. quand tu l'as vu pour la première fois, ça a été le coup de foudre, des deux côtés.
vous êtes tellement fusionnels.
il est encore jeune (trois mois) mais il est déjà si fidèle
george! le petit husky sibérien te fonce dessus, saute partout. le parc, il aime tellement ça, il court partout. un autre chien de la même race pointe le bout de sa truffe et les deux chiens se reniflent.
t'as un peu peur vu la taille de l'un par rapport à l'autre. et là,
tu lèves les yeux sur le maitre.
ton sang ne fait qu'un tour, t'en perds ton sourire.

Boris, il est comme toi. C'est un bâtard, un abandonné, un chien errant. Tu l'as trouvé dans la rue. Ou peut-être que c'est lui qui t'a trouvé, en fait. Si on réfléchit bien, il fait plus souvent ce qu'il veut de toi que l'inverse. C'est un vrai mulet, mais il est attachant. Tu ne peux plus t'en séparer. Trois ans que tu l'as, maintenant, et il fait comme partie de ta famille. Famille que tu n'as plus, alors, on s'en crée une. « Boris, reviens ! » Mais ça ne sert à rien, et tu le sais déjà. Quand il a une idée en tête, il ne l'a pas dans les pattes, hein. Le voilà qui se rue comme un malade vers un chiot visiblement husky sibérien aussi. Bon, à tous les coups, c'est le chien d'une petite vieille qui va appeler les flics comme si Boris était un tigre lâché en liberté qui allait dévorer son caniche chéri. Tu ne lèves pas les yeux jusqu'à-ce que ta main se pose sur le cou de ton chien – il n'a pas de collier – et là, tu te figes. Tu le lâches, même. Le propriétaire du chiot n'a rien d'une petite vieille. C'est un jeune homme. Jusque là, y aurait pas eu de soucis si tu le connaissais pas aussi bien. Ou du moins, si tu ne l'avais pas connu aussi bien. Ta gorge est soudainement gonflée comme si t'avais avalé un cactus au petit déjeuner. « Polo ? » Ouais, t'es obligé de demander, parce que ça te semble tellement insensé. Ça fait bien trop d'années. Et pourtant.

tu racles ta gorge, tu ne sais même pas quoi faire, quoi dire
et si tu l'ignorais? ça serait sûrement bien fait pour lui. après ce qu'il s'est passé. la honte de ta vie tu crois bien, tu l'aimais tellement en plus. quelle erreur et voilà que maintenant tu n'assumes plus du tout ton côté homosexuel.
- c'est moi.
t'es froid, ce qui est un peu normal. malgré toutes ces années, tu n'as toujours pas digéré le truc. pourtant d'ordinaire, tu n'es pas si rancunier. mais fais attention polo, parce que lorsque tu es blessé, tu peux être tellement blessant.
- george, couche-toi là
tu lui montres tes pieds et george s'exécute, en gardant son regard bi-colore et malicieux sur l'chien de balto.
- alors, tu deviens quoi?
ton visage est pas mal fermé, ton ton est sec, t'es pas le polo qu'il avait connu. t'as grandi, tu t'es endurci. tu plonges tes mains dans tes poches, tu te tiens droit devant lui et tu oses le fixer dans les yeux.

» La pitié, c'est l'éboueur de la misère
» le grand amour. (balto)

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