Louise a beau avoir passé près de trente heure assise dans un avion ou sur un banc inconfortable à l’aéroport (entre deux courses pour changer de terminal), elle est de nouveau assise devant cette porte, désespérément sans pour autant avoir sonné ou quoi que ce soit d’autre pour signaler sa présence. C’est toujours mieux que de faire les cent pas, perdre patience et s’énerver.
Tay n’est  pas du genre à rester enfermer chez lui bien longtemps. Il finira donc par rentrer du travail, ou sortir se rendre au travail, tôt ou tard. Du moins, la dernière fois qu’elle l’a vu il vivait encore de la sorte.
Elle a l’impression que tout cela remonte à loin, trop loin à son goût. Pourtant, il ne s’agit que de quelque mois. Alors elle a également l’impression de ne plus être la même. Pour tant, ce n’est qu’une identité et une couleur de cheveux dans le fond.
En plus de ça, elle ne sait plus exactement l’heure qu’il est. Sa montre et son corps sont encore sur un autre fuseau. Son téléphone est inutile. Elle n’y a pas prêté attention la dernière fois qu’elle a pu croiser une horloge. Vu la place du soleil dans le ciel, elle dirait fin d’après midi. Mais, tout comme l’orientation : ce genre de déduction n’est pas son point fort.
Pourvu… Pourvu qu’il la reconnaissance, qu’il la laisse s’expliquer, qu’il la pardonne. Elle est consciente que c’est beaucoup lui demandé, mais en revenant sans le moindre plan, Louise pourrait lui demander beaucoup plus en réalité. Comme un toit où crécher quelques jours seulement. Le temps de trouver une solution.

tay ne prend plus vraiment la peine d'apprécier les choses. le soleil, les paysages. la vie. il n'y a plus rien de tout ça qui semble assez attrayant pour lui faire décrocher un sourire (sincère). avant, il y avait le véritable tay, puis la façade. il ne reste plus que la façade. c'est un peu triste. mais il n'y a personne pour le remarquer, de toute façon. en fait, il y a une personne qui le remarque. lui-même.

robot. la machine quitte son bureau, à la noirceur. il n'est pas très tard, pour une fois. il n'est pas heureux de ça, non. il aurait préféré travailler plus, arriver chez lui, puis se coucher. plutôt que de devoir glander, en attendant qu'il soit assez tard pour qu'il trouve sommeil. il retrouve sa voiture dans le stationnement, puis roule directement jusqu'à sa demeure. il se gare, mais reste un peu à l'intérieur. non, il n'a pas envie de retrouver son appartement. alors il regarde ses mails, sur son portable. dix, vingt minutes. puis, il sort, entre dans son immeuble, opte pour les marches, et s'retrouve dans le couloir.

chamboulement. tay, il ne sait pas s'il est triste ou heureux. il ne saurait pas placer des mots sur c'qui se passe à l'intérieur. rapidement, il pense déjà à tous les mots qu'il lui dira pour que cette fois, elle ne parte pas. non, il n'oserait surtout pas lui en vouloir. il serait trop risqué qu'elle prenne la sortie. il s'est demandé, sur le coup, si c'était bien elle.

oui, c'est bien elle. soulagement? émerveillement? détresse?

« .. tu.. t'es revenue.. ? »

tay, il approche. juste un peu. on fait quoi, dans c'genre de retrouvailles? accolade? il décide.. qu'elle décidera. il ne forcera rien. alors il l'observe un peu, puis il sourit légèrement. rien d'extravagant, juste un truc discret qui veut dire 'c'est pas grave'.

Des pas dans les escaliers, Louise lève la tête. Le visage est loin d’être inconnu, elle croise son regard et perd aussitôt tous ses moyens. Elle a pas pris le temps de réfléchir à comment s’y prendre. En même temps, il n'y a pas vraiment de réactions escomptées dans ce genre de situation. Et lui, il ne semble pas faire le premier pas. Mais elle ne lui en tiens pas rigueur et se contente de compatir. Quelques mots comme s'il venait d'avoir une hallucination.

La jeune femme se relève. Ses muscles s'étirent doucement, ses articulations craquent par la même occasion. Elle a l'impression d'avoir pris vingt à trente ans de plus entre le voyage et l'attente. Les voilà enfin face à face. Un sourire qui se tord, un cœur qui s'emballe comme au premier jour.
Timidement, elle s'approche. Peur d'être rejetée.
Timidement, Louise va chercher de la chaleur humaine et du réconfort auprès de lui. Comme avant, en quelque sorte.
Dans le fond, elle est toujours la même. « Longue histoire. » Pour changer. « Je pouvais pas rester là-bas plus longtemps. J'aurai jamais dû y rester déjà. » Parce qu'ils étaient pas trop mal à cette période, non ? Parce que c'était franchement égoïste de sa part...

elle, tout contre lui. il l'entoure de ses bras, automatiquement. le sentiment est étrange, mais tout sauf désagréable. c'est la première fois depuis longtemps, qu'il ne se sent plus si seul que ça. et maintenant, si elle repart de nouveau, il ne pourra plus jamais s'empêcher d'imaginer cette scène de retrouvailles. bien qu'il ne soit pas très à l'aise. il regrette beaucoup de choses, tay. il regrette, de lui avoir in(volontairement) forcer la main. d'avoir flirté avec d'autres filles, pour la faire réagir. il regrette, d'avoir largement manqué de compréhension quant à sa situation sentimentale. il regrette d'avoir été impatient.

longue histoire? c'est qu'il veut tout savoir, dans le moindre détail. il s'est inquiété, un peu. pas mal. exagérément. à tous les jours? à tous les jours.

« non, en effet, tu n'aurais jamais dû y rester. »

ce n'est pas un reproche. il le dit, doucement. pas très fort. il ne veut pas lui faire peur. lui faire sentir qu'elle doit s'en vouloir, d'être resté là-bas. non, ce n'est pas ce qu'il veut, il veut juste agir assez correctement pour qu'elle reste, cette fois. pour toujours. il se détache, lentement.

« tu me racontes un peu, à l'intérieur? »

il sourit, comme il a l'habitude de le faire, cette fois. version sincère. c'est à se demander si les coins de ses lèvres ne touchent pas ses cernes. c'est à se demander comment il fait pour sourire de la sorte, malgré tout. (mystère plus intriguant que le triangle des bermudes.) il sort ses clés, puis laisse passer mademoiselle d'abord.

« café? »

quelle question.

C’est vraiment tout drôle de se retrouver enlacée de la sorte. Ça fait longtemps aussi. Louise va finir par croire que tout ce qui touche à l’agréable (en dehors du soleil, bien entendu) est plus ou moins lié à Tay. « J’ai tout mon temps si tu veux pour parler. » Jusqu’à ce que le décalage horaire la rattrape et qu’elle s’écroule de fatigue sans même s’en rendre compte. Elle ne doute pas qu’il en ait moins, du temps. Tay fait peine à voir. Mauvaise mine, malgré son sourire, toujours plus de cernes aussi. « On ne change pas une équipe qui gagne. » Sourire. Il n’a pas oublié qu’elle et le café est une longue histoire d’amour. D’ailleurs, le café c’était leur truc avant. Avant qu’elle s’absente. Stupide idée dans le fond. Louise se détache, fait demi tour, attrape sa (petite) valise, son sac et entre dans l’appartement. Ses gestes sont lents, particuliers, typiques de l’épuisement en somme. Elle laisse tout dans un coin et rejoint aussitôt le salon. Presque rien n’a changé, à priori. Ça la rend toute chose de revenir ici. Près de la fenêtre, son regard se perd sur la vue qui s’offre à elle. « Comment vas-tu ? » Là-dessus, elle plisse des yeux, à la recherche de la réponse la plus sincère possible. Qu’il ne cherche pas à lui cacher quoi que ce soit, elle est certaine d’être capable de lire en lui comme dans un livre ouvert.

il prépare le café, en la regardant de temps à autre. elle est jolie, en brune. tay dépose les cafés sur le comptoir, alors qu'elle est toujours près de la fenêtre du salon. il n'arrive toujours pas à y croire. il l'observe peut-être un peu trop. peu importe, il se donne le droit de rattraper tous les regards perdus. puis, elle lui pose cette question, pas très anodine d'ailleurs, accompagnée d'un regard obligeant la vérité.

« eh bien.. »

tay, il regarde un peu ailleurs. il n'a pas réellement envie  de se plaindre, là, maintenant. ou jamais. il n'a pas envie, non plus, de constater sa vie un peu pathétique en lui attribuant des mots. mais, petit problème, le silence est révélateur. il hausse les épaules, pour faire comme si.

« bien. ça va bien. »

c'est pas très gentil, de mentir. tu voudrais pas qu'elle parte? tay veut rattraper le tir. alors, il sourit sarcastiquement, pour contre-appuyer ses propos. il rit un peu, que très légèrement, puis il se racle la gorge. tay, il ment à l'univers entier, mais à elle, c'est pas vraiment possible. il fronce un peu les sourcils. un peu trop d'expressions faciales en trop peu de temps.

« non, ça va pas. honnêtement, ça va pas. mais, c'est pas grave. j'y pense pas, quand j'suis au travail. et comme j'y suis toujours, je m'en sors. mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est comment tu vas, toi? »

tay apporte les tasses au salon, qu'il dépose sur la table basse. il s'assoit, en la regardant attentivement à la quête d'une réponse. en espérant, qu'elle n'élabore pas trop sur son cas, à lui. de toute façon, il n'arriverait pas à lui expliquer avec des mots.

Légère satisfaction personnelle à l’idée de savoir que Tay n’est pas capable de lui mentir bien longtemps. C’est cruel de sa part, vrai. Mais au moins, il y a quelque chose qui n’a pas changé depuis tout se temps. « … » La jeune femme entr’ouvre les lèvres pour révoquer quelque chose, puis se ressaisit aussitôt. Au lieu de se focaliser sur la réponse de Tay, elle aurait du préparer la sienne. C’est évident qu’il lui retournerait cette question fatidique. Et au vu de son regard, elle n’a pas trop le choix. Ne pas insister pour qu’il développe. Ne pas éluder. Et si elle veut éventuellement réparer les pots cassés, elle doit lui dire. Tout lui dire. « Je sais pas, en fait. » Véridique. Elle passe ses mains sur son visage, fait les cents pas et se laisse tomber à côté de lui. Soupire. Louise n’attend pas plus pour attraper une tasse et tremper ses lèvres dans le café. Par où commencer ? « Je sais pas comment j’en suis arrivée là. J’ai dû changer nom et prénom. Couleur de cheveux aussi. C’était bizarre. Et je me sentais pas de rester là-bas. » Elle aurait pu après tout. Recommencer depuis zéro. Mais ça aurait été trop demander à sa conscience. Se séparer de son identité est une chose, demander de construire une nouvelle histoire en plus de ça, c’en est trop. Trop de solitude également. Elle devait rentrer, malgré toutes les contraintes. « Autre fait bizarre, le seul endroit qui soit comme la maison c’est ici. » Louise rougit. « J’ai plus d’appartement… »

sephora qui fait les cents pas, voilà une image qu'il a vu très, très souvent par le passé. elle s'assoit finalement à ses côtés, puis lui, il tourne son visage dans sa direction pour mieux l'écouter. tout ce qu'elle lui dit l'intrigue. mais, d'une force. changer de nom, et de prénom? tay, il s'imaginait mal l'appeler autrement, mais il se demandait surtout pour quelles raisons elle avait dû faire ces changements. il hausse un sourcil, ne sourit pas vraiment. ça l'inquiète, un peu.

« .. pourquoi? pour tout recommencer à zéro? ou bien, pour une autre raison que j'ignore? t'étais recherchée par la police? »

tay se permet un petit rire, mais sans plus. non, parce que si elle lui annonce que c'est réellement ça, ou que c'est quelque chose dans le même genre, là, il se sentirait plutôt.. plutôt mal. il se demande un instant s'il doit la complimenter sur la couleur de ses cheveux, mais étrangement, il se surprend à ne pas vouloir être charmeur, ce soir. il veut l'écouter, simplement. et, même s'il s'agit du plus petit compliment, il ne veut pas avoir de discussion sur leur étrange relation du passé (ou du présent). pour une fois, tay, il se la ferme.

elle poursuit, puis ses mots le font sourire un peu. ayant remarqué la valise, il se doute qu'il s'agit de son premier arrêt depuis son retour. il se sent flatté. puis, il est heureux qu'elle se sente comme chez elle, peut-être bien que ça veut dire qu'elle va rester? la voilà, qui est un peu rouge. elle lui fait une demande d'hébergement, des plus subtiles?

« tu peux rester aussi longtemps que tu veux. j'suis tout le temps seul, de toute façon. et ça m'embête un peu. tu peux même rester pour toujours, si tu veux. »

juste, si tu veux. lui, il veut bien.

La jeune femme est presque bouche bée à sa question. Est-ce que Tay vient vraiment de la lui poser ? « Nan, nan… Nan, je suis pas recherchée. » Enfin, elle ne pense pas. En tout cas, si elle est recherchée ce n’est pas par les autorités. Aux dernières nouvelle, Louise n’a rien fait de mal. Elle n’est même pas allée mettre son nez là où elle ne devait pas. Elle n’est pas, enfin n’était pas, ce genre de journaliste. Le genre qui s’attire toujours des problème. Elle avait une vie tranquille et n’avait rien demandé. « Je devais recommencer à zéro. Enfin… Ils m’ont demandé de recommencer à zéro. » Elle en a fait qu’à sa tête, mais elle se jure d’être vigilante. Elle se retourne. Les voilà de nouveau face à face. « Et je suis rentrée. Voilà. » Volontairement, elle ne développe pas plus. C’est une histoire étrange qu’elle préfère oublier au plus vite pour reprendre ce à quoi elle aspire le plus. Une vie tranquille. Ne pas être seule. Ne pas avoir peur. Ne pas chercher à comprendre. Se concentrer sur le présent. Faire en sorte d’éclaircir leur étrange relation aussi. En parlant de ça, rester ici pour toujours n’est pas une bonne idée. Enfin, si. Mais ça dépend dans quel sens… En attendant, Louise ne cracherait pas sur une nuit, parce qu’elle n’a aucun plan pour ce soir et qu’elle ne veut pas être seule. « Tay… Je crois qu’on doit parler d’autre chose avant. » Pause. « Je me suis comportée comme une garce. » Et c’est peu de le dire. Elle s’est toujours montrée inaccessible. Elle n'a pas cessé de repousser ses avances.

petit soulagement, que de savoir qu'elle n'est pas recherchée. bien qu'il n'y croyait pas sincèrement. sephora, n'a pas la tête d'une fille recherchée par les autorités. ce qu'elle dit l'intrigue. ils lui ont demandé de recommencer à zéro? qui, ils? tay ne comprend toujours pas, malgré le semblant d'explication qu'elle lui donne.

« ils.. ? tu parles de qui? »

son patron? ses collègues? ses amis? les mafiosos? plein, plein de questionnement. après, tay, il devine qu'il ne doit peut-être pas pousser l'interrogatoire trop loin. elle lui en aurait déjà dit beaucoup plus, si elle en avait eu envie. alors, il gardera ses prochaines questions pour lui. puis, peut-être qu'il les demandera un jour, lors d'une soirée bien arrosée. qui sait.

parler d'autre chose. non, non. il ne veut pas réellement avoir cette discussion une énième fois. il a compris, elle ne veut pas d'une relation officielle, c'est tout, c'est ok, on en parle plus. il se mord un peu la lèvre, mais se la ferme. elle poursuit, puis, il sourit un peu. sans réellement sourire.

« t'es pas une garce, sephora. moi, par contre, j'suis un gamin. t'étais en droit, de ne pas vouloir d'une relation sérieuse. et ça va, j'le comprends, maintenant. t'as besoin de temps, et c'est ok. j'vais pas crever. j'te ferai plus d'avances. c'est promis. »

Louise s’est contentée de hausser les épaules. Elle n’en sait rien. Elle ne veut pas savoir. Elle ne veut plus en entendre parler même. Ça s’est passé si vite en plus, au point qu’elle a cessé de se montrer cohérente, voire de réfléchir. Ça été un événement des plus bizarres, de toute sa vie. Et puis, elle est rentrée « à la maison », Paris, aussitôt alors qu’elle n’y a plus de maison. Prête (ou pas) à avoir une nouvelle vie.

La jeune femme tourne lentement la tête dans sa direction. C’est vrai qu’elle ne voulait pas d’une relation. Parce qu’en plus d’être déjà amoureuse de lui, elle aurait fini par s’attacher, et après c’est douloureux. C’est toujours douloureux quand ça se termine. « Oh… Okay… » Dans ce cas, elle ne devrait pas rester. Surtout pour dormir plusieurs nuits. Si Tay lâche lui-même cette histoire, elle n’a certainement plus rien à espérer ou tenter. Pourtant, Louise n’est pas capable de quitter le canapé. « Non, non… Attends c’est pas bon. »

Elle prend son visage entre ses mains.
Elle n’est pas rentrée au pays pour rien.
Elle n’est pas revenue ici, le voir lui, pour rien.
Mais elle n’est pas capable pour autant de mettre des mots sur ce qu’elle a en tête.
Enfin si, mais elle n’ose pas.

« Tay, je suis pas revenue juste parce que tu me manquais. » Du moins, pas comme un simple ami en tout cas.

tay, il ne sait pas vraiment comment interpréter sa réaction. c'est comme si elle était déçue, alors qu'il voulait surtout agir de la sorte pour elle. pour qu'elle soit confortable, pour qu'elle n'ait pas à se sentir mal, limite harcelée, en sa compagnie. il lui donne un peu ce qu'elle désire, au final. alors, tay, non, il ne comprend pas. moment de confusion.

puis, elle parle. non, non. non, quoi? qu'est-c'qui n'est pas bon? tu préfères qu'il te fasses des avances aux deux minutes? tu préfères qu'il te boude encore, pendant des semaines, pour te faire réagir? tu préfères, qu'il agisse en petit con? tay hausse un sourcil.  elle semble un peu paniquée.. comme toujours, en fait. ce qu'elle ajoute ne l'aide aucunement.

« .. je me doute. dis-moi pourquoi es-tu revenue. je t'écoute. »

il ne dit rien de plus. peut-être que pour une fois, les choses seront vraiment claires. il l'espère, en tout cas. quoi que, même si elle lui disait qu'il y en avait un autre, ou bien, que c'était juste complètement très, très terminé, tay ne saurait toujours pas comment se tourner vers quelqu'un d'autre.

Louise est sur le point de perdre tous ses moyens, de se perdre dans ses explication ou alors de s’enfoncer un peu plus.
Elle a toujours cette fâcheuse tendance à se faire des films, à penser au pire. Ici, le pire serait que Tay la prenne pour une opportuniste, pour la fille qui revient juste parce qu’elle n’a plus rien. « Peu importe ce que je faisais, qui je voyais, ici ou là-bas… Impossible de tourner la page. » Tourner la page à leur sujet. La jeune femme marque une pause.
Elle sera toujours attachée à lui.
Elle sera toujours jalouse quand une autre tentera de l’approcher.

« Comme s’il ne peut pas y avoir quelqu’un d’autre que toi. J’aurais pas du t’éviter, ni te repousser tout ce temps, mais plutôt te faire confiance… J’étais conne. T’avais raison au final d’insister : je peux pas vivre sans toi. »

Pour une raison qu’elle ignore, elle est enfin parvenue à tout lui dire d’une façon aussi claire et limpide que l’eau. Elle déglutit. C’est vachement flippant. Elle se lève brusquement et s’agite. « Shit. Shit. » La voilà à faire de nouveau les cents pas.

tout ce qu'elle lui dit lui fait un bien fou. c'est un peu, comme la lumière au bout du tunnel. il sourit, juste, un peu niais. c'est le grand jour, peut-être? c'est vrai, cette fois. c'est clair. il n'y a plus de doutes à avoir. tay, il sourit un peu beaucoup. puis, quand elle se lève, visiblement paniquée, le sourire de monsieur d'échappe. il se lève, puis l'immobilise en la tenant doucement par les épaules. son regard, dans le sien.

« dis-moi c'qui te fait si peur. »

parce que, tay, il pense avoir fait ses preuves. ça parait, qu'il l'aime beaucoup. voir, énormément. il n'aurait pas tenu le morceau aussi longtemps, pour au final la laisser après deux semaines. mais, il a cette impression que rien ne changera. il est inutile de convaincre qui que ce soit.  il la lâche, puis soupire.

« prends ton temps, encore. j'irai pas voir ailleurs, de toute façon. respire, sephora. on fera comme avant, c'est tout. ça va t'éviter de mourir d'angoisse, j'pense. »

il s'laisse tomber sur le sofa. au point où il en est, plus rien ne le dérange vraiment. elle fera ce qu'elle voudra, du moment où il n'est plus seul, ce n'est pas un drame.

passer à autre chose? non. jamais de sa sainte vie, tay n'aurait été prêt à ça. il écoute chacun de ses mots. encore une fois, il a beaucoup de mal à la comprendre. pourquoi, ce n'est pas une bonne raison de rester ici? parce que, c'est un plan pour qu'ils se rapprochent trop? mais, ils sont déjà trop proches, non? plein, plein de questionnements.

« reste le temps que tu te trouves autre chose, alors. »

oui, il est légèrement agacé. il aimerait bien, que rien de tout ça ne soit réellement important. il aimerait bien, être son meilleur ami plus plus, chez qui il est bien de rester. il aimerait bien qu'elle reste, malgré la situation. comme un chat errant, qui n'a pas été nourri depuis longtemps, qui se gave de bouffe à la première occasion pour tenir la semaine. tay, veut se gaver de non-solitude. de sephora, tout simplement. sa non-solitude préférée. c'est avec elle, qu'il passerait tout son temps jusqu'à ce que mort s'en suive.

la voilà, toute proche. oh wow. tay, il réalise à quel point elle lui manquait. il passe son bras autour de ses épaules question de la serrer un peu, puis il dépose un baiser contre sa tempe. son bras retourne à sa place, puis, elle se présente. louise.

« enchanté, louise. moi, c'est tay. »

Louise ne peut pas s’empêcher ni de rougir, ni d’avoir ce petit sourire de satisfaction en sentant ses lèvres. Non, elle ne se réjouit pas telle une idiote en mode « c’est dans la poche ». Elle se réjouit juste que ce soit toujours possible. « Ravi de faire ta connaissance. » Un peu d’amertume quand il relâche ses épaules. « Hey, boude pas. » Tay, toujours un grand enfant dans le fond. Elle se colle encore plus, puis glisse ses doigts entre ceux de Tay. « Faut que tu comprennes que le jour où je reviendrai avec cette valise, et peut être deux trois vêtements supplémentaires parce que c’est la misère là, c’est pas pour être juste une… colocataire. » Revenir au pays, lui déballer clairement ses sentiments, s’installer ici… Ça fait peut être beaucoup pour en jour. En tout cas, pour elle, c’est le cas. Elle veut se laisser de nouveau du temps. Pas pour réfléchir, cette fois. Louise souhaite une once d’indépendance, ne pas vivre à ses crochets même s’il a largement les moyens pour ça et qu'il serait capable d'insister (un peu) s'il n'y a que ça qui pose problème. C’est pas son crédo. Elle veut trouver sa voie, ou qui sait la retrouver. Elle est pas encore certaine de son nouvel avenir. « Ceci dit, ça ne nous empêche pas de faire autre chose que de se regarder dans le blanc des yeux toute la soirée. » À prendre dans le sens qu’il souhaite. La jeune femme lui donne carte blanche.

boude pas. boude pas? si, il boude. c'est son seul arme, à vrai dire. puis, elle se rapproche. puis, elle lui prend la main. il a tellement envie, de lui dire qu'il l'aime. de tenter de la convaincre, par tous les moyens, de rester. mais, tout à l'heure, il a fait la promesse de se comporter tel un adulte. un adulte qui comprend. mais qui, au fond, ne comprend pas.

« j'ai vraiment envie que tu restes. »

il tentera de ne rien dire d'autre. il n'aime pas se montrer faible. mais il a besoin de quelqu'un. il a surtout besoin d'elle. il espère juste qu'elle aura lu dans ses yeux, sans qu'il n'ait eu besoin de se dévoiler davantage. tay n'a pas de mal à dévoiler ses sentiments. mais, que lorsque ça concerne l'amour. pour le reste, il se fait discret.

« tu n'aimes pas les conversations sérieuses? c'est nécessaire, parfois, à ce qu'on dit. »

et c'est nécessaire souvent, entre sephora et tay. louise et tay. osef. il sourit. le beau temps est de retour, un peu.

« as-tu des choses à me raconter? question qu'on se mette à jour. »

as-tu rencontré des amis, là-bas? il a toujours aussi peur, qu'elle ait fréquenté quelqu'un. même si elle lui a répété de nombreuses fois, dans le passé, que non.

Elle se retient de dire « j’ai vraiment envie de rester ». C’est vrai, elle le pense. Rester dans cet appartement, dans cette bulle où ils ne seraient que tous les deux. Rester à ses côtés, ne plus l’abandonner. Depuis toutes ces années, elle lui a demandé trop de temps. Vraiment beaucoup trop. Normal qu’il la supplie presque comme un gosse maintenant. Elle ferait la même chose à sa place.

Louise hausse un sourcil au sujet des conversations sérieuses, puis hausse les épaules sans pour autant le lâcher. S’il y tient, elle n’y voit pas d’inconvénient. « Alors… » Elle cherche, mais en dehors de cette histoire d’identité, il n’y a rien eu de particuliers. « J’ai rencontré les pires insectes et autres bestioles affreuses de toute ma vie. Je me suis essayée au surf, record : deux pauvres petites minutes debout sur la planche. En somme, pour la deuxième fois, j’ai du quitter une vie, des amis, un boulot, sans garantie de tout retrouver ici. » En attendant, elle a déjà récupéré le plus important : lui. « Et tu m’as manqué aussi. Même ta façon de bouder m’a manquée, c’est pour dire. » Pour la seconde fois, elle regrette d’avoir quitté sa vie parisienne en premier lieu, mais ne elle ne fait pas pour autant la connerie de refaire sa vie avec des si : le mal est déjà fait, point. D’un signe de la tête, Louise lui retourne la question.

aucune réponse, à son 'j'ai vraiment envie que tu restes'. il aurait bien aimé qu'il s'passe quelque chose, qu'elle craque, qu'elle dise d'accord. mais peu importe, il fera tout en son pouvoir pour la voir tout l'temps, quand même. jusqu'à ce que ce soit elle, qui prenne ses distances. ou jusqu'à ce qu'elle veule bien de lui. mais il a fait la promesse de ne plus être insistant.

les pires insectes, et les pires bestioles? ça ne l'étonne pas. le truc du surf, ça aussi, ça ne l'étonne pas. il se permet de rire, un peu.

« tiens, j'suis bien content que tu ne sois pas tombée amoureuse du pays. par contre, j'aurais payé cher pour te voir sur cette planche de surf. »

ne serait-ce que pour deux secondes. il en aurait rit longtemps, trèèèès longtemps.

« je te boude jamais, voyons. tu me connais mal, sepho.. louise. louise. »

non, sephora. pas louise. il la nargue un peu du regard, puis il réfléchit à ce qu'il s'est passé dans sa vie, au cours des derniers mois. c'est triste, parce qu'il ne s'est rien passé, en fait. mis-à-part cette petite soirée arrosée, mettant un scène un homme et un homme. u know. il ne lui racontera certainement pas ça. jamais à elle, jamais à personne.

« j'ai.. travaillé? j'crois que c'est tout. j'ai adopté un chat, sinon. mais il a saccagé mon sofa. et puisque j'étais jamais à l'appartement, eh bien, il était seul. alors j'l'ai donné. voilà. c'est ma vie passionnante, en dehors du travail. »

Elle aussi n’a pas pu s’empêcher de rire à la suite de ses histoires. Elle a beau s’être fait mal au nez avec cette histoire de surf, elle a pu « admirer » sa chute sur une vidéo et la trouver tout de même hilarante. Et son sourire se tord un peu. « Ça fait bizarre d’entendre Louise dans ta bouche. » Après quoi, elle lui donne un petit coup de coude. Si, il l’a boude. Parfois. « Oh un chat… J’aimerais trop… » En avoir un. Sauf qu’aux dernières nouvelles, Louise n’a pas vraiment de domicile fixe et que dans l’éventualité où elle finisse par vivre ici plus tard, elle ne veut pas lui imposer quoi que ce soit. « Je t’imagine bien avec un chat, te couper du monde, du travail, de tout ça. Tu sais, il paraît que c’est super utile pour des thérapies, la relaxation et tout. » Louise lui lâche la main, tente de se mettre debout sur le sofa, s’assied sur le dossier, passe derrière Tay et pose enfin ses doigts sur ses épaules pour le masser. « J’aimais bien le pays, mais arrivé un moment où… J’ai pas envie de passer ma vie, enfin non. J’ai pas envie que mon boulot soit le centre de ma vie. » Elle a pas envie de continuer sur la même voie. Cette voie que Tay emprunte toujours. Toujours cette même voie qu’elle craint, parce que c’est dur de se faire une place.

lui aussi, ça lui fait très étrange d'entendre louise sortir de sa propre bouche. et de la sienne. il préfère largement sephora, pour la panoplie de souvenirs se rattachant à ce prénom.

« t'avais qu'à pas changer de prénom, hein! »

il rit un peu. le chat, le pauvre, il aurait été seul tout l'temps. de toute façon, il n'y a pas vraiment de solution miracle pour que tay décroche de son travail. du coup, encore moins un chat. un chat, qui lui a coûté un foutu sofa. rien de moins. tay hausse un sourcil, lorsque sephora se bouge. oh. ooooh. le voilà qui est aux anges. il ferme les yeux, puis l'écoute.

ce qu'elle raconte.. l'accuse. littéralement. elle parle pour elle, pas pour lui. mais, il y voit un message subtile. il ne sait pas quoi ajouter. il ne peut pas dire qu'il la comprend, car il ne la comprend pas. enfin, si. mais il s'entête à se dire qu'on ne trouve accomplissement que dans le travail. pourtant, sa propre vie lui montre bien que ce n'est que vanité. il est la preuve vivante qu'après le sommet se trouve le vide, le néant. il reste silencieux, pendant un moment qui s'avère être un peu trop long. à ce qu'on dit, le silence parle.

as-tu envie de te mentir encore plus longtemps, tay?

« moi non plus. »

la révélation de l'année. ces mots se sont échappés, malgré lui, en massacrant son oesophage au passage. il se passe les mains dans le visage. il voudrait bien parler, là, mais il ne sait plus quoi dire. mettre des mots sur ses faiblesses n'est pas ce qu'il préfère.