T'es né en Corse, toi l'insulaire, le sauvage, l'inconscient, et on t'a arraché à ta solitude, à tes montagnes, à l'odeur de l'écume, on t'as emmené au delà des mers, sur la terre de ta génitrice, cette anglaise insouciante, venue aimer un méditerranéen à peine quelques années, le temps de te créer, toi, de te donner à la vie. T'avais rien d'mandé, puis on t'a balancé dans les rues de Londres, bruyante, dynamique, dans ce tourbillon d'accents du nord. Une île pour une autre. Une langue pour une autre. Ange Pietri, affublé des prénoms de tes grands-pères, si bien que sur ton passeport, on lit aussi Antone et Doug, on voit que t'es né à Bastia, un vingt-six septembre, y a vingt-neuf putains d'années, déjà, et que t'as la double nationalité, enfant de la globalisation, rien d'exceptionnel, un parmi des millions. T'as vécu dans un village désert puis dans l'énergique londonienne, et te voilà à Paris, à jouer dans les bars les soirs de déprime, à skater ça et là, surtout là où c'est interdit, à mendier dans l'métro quand l'envie te prend, puis tu t'pointes au boulot quatre aubes par semaine, perdu entre les livres, libraire lunatique, imbuvable, mais qui fidélise par son charme, cet air de n'en avoir rien à foutre tout en citant shakespeare et byron comme d'autres récitent une poésie.
avatar: david prat. crédit: peach. groupe: tu t'laisses aller.