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 L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA)

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Victor Trompette
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Victor Trompette
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MessageSujet: L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA)   L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA) EmptyJeu 31 Oct - 20:53


Il faut voir les humains comme un troupeau d'oiseaux. Moi j'étais dans le troupeau. Et je me suis perdu en chemin évidemment. J'ai du m'arrêter pour regarder le ciel ou m'essouffler plus simplement. Personne s'est arrêté pour moi et maintenant ils me reconnaissent plus quand il passe devant moi.
Moi et ma guitare.
Moi non plus je les regardes pas, mes anciens compagnons ailés. Et puis ma guitare s'essouffle. Mais je peux pas rentrer encore, pas l'envie, et je regarde les braves gens passer. Arrive alors un oiseau. Terrible, l'oiseau, à faire danser furieusement les coeurs. Elle a un air d'Ondine, cette fille-oiseau - et à ce nom, le mien se met à valser dans ma poitrine.
Imbécile fagile.
Le regard de l'oiseau s'arrête sur moi. Un autre oiseau perdu sûrement. Entre nous on se reconnaît.
Mais plus qu'un oiseau, c'est un ange, elle n'a plus d'ailes mais c'est bien un ange, elle a encore l'odeur des cieux sur elle. Mais personne ira lui chercher ses ailes pour lui réhabiliter son allure d'ange, je le sais à l'avance, c'est bien dommage, quel gâchis.
Bon sang, cette fille, plus je la regarde, plus je la trouve triste. De toute sa vie, on l'a jamais prise par la main pour l'empêcher de manger la vie en pleine face. Jamais regardée bien dans les prunelles en lui disant : « tu comptes ». Et j'ai envie de le faire moi. Rattraper son temps perdu, sa vingtaine d'années égarées. Tout d'un seul coup, pour effacer le vide.
Elle me dirait : « vous êtes fou. »
Ça me ferait mal.
J'ai envie de lui parler, moi, à cette fille, surtout qu'on se lâche pas des yeux et qu'elle a même arrêté de marcher pour m'observer tranquillement, moi de respirer. Je sais pas au bout de combien de temps on doit se mettre à parler à une fille-ange-oiseau que vous regardez et qui vous regarde depuis de longues, courtes secondes.
Je sais pas parler aux gens de toute façon.
Mais cette fille je devrais lui parler je sais bien. Parce qu'on en croise tellement peu, des âmes malades, des oiseaux paumés, nous autres, les oiseaux paumés à l'âme malade, que quand on tombe sur une, faut absolument lui parler.
Elle s'approche, la blonde. Elle m'a vu ouvrir les lèvres pour y faire passer des mots. Et quand elle est assez près, je remarque le violon dans son dos. Alors j'ouvre encore plus la bouche, je sais quoi lui dire pour pas qu'elle m'échappe.
- Tu sais en jouer de ton violon ?
Non, non, débilâtre.
- Tu ... tu veux jouer avec moi ?
Parce que j'ai la sensation que ça va être désuni mais que ça va être beau.
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MessageSujet: Re: L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA)   L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA) EmptyDim 3 Nov - 19:48


Belle hirondelle entends-tu ces gémissements, ces jérémiades de gens égarés, coulant, apathique leur chaînes rougeâtres dans ce flots de cette vie éparse ? Belle hirondelle observes-tu ces drapeaux éteints, ces lueurs figées, cette flamme meurtrie dans le cœur sanguinolent de ces statues de cires ? Ô oiseau des mers tel l’albâtre des terres pleure cette exquise solitude en ton sein détruit, déterres Misère et Pourriture que le Puissant voltige des embruns mordorés à cette discipline tragique, fragiles les êtres de boues sur ces dalles divines marchent des pas blessés à des esprits vagabonds, marchent des pas morbides à des terribles ! Elle fillette, elle délicieuse verse cristaux âpres sur des vestiges ruinés, brûlé ces souvenirs heureux d’une famille aimante, elle jette sa tristesse, sa détresse à des notes éparpillées, envolées, disparues ces mystères, ces échos flamboyant de pas danseurs, de pas joyeux sur les parquets soyeux d’Opéra célèbres. A présent ombre de ce moule sociétal, à présent âme déchue de regard petite prostituée, frêle gamine émerveillée elle s’assoit sur des reliques vieillardes, elle dort sur des cartons rapiécés, elle crie les hymnes naufragés, se débattent monstres Coupable et Désespéré d’un aussi doux rêve enflammé. Cette ville affligée caresse son enfant  détestée de ses bras lourds de monstruosité encercle cette jouvencelle pétrifiée, de sa taille abîme sa cloison d’or vierge illusoire, elle est là sous cette devanture décorée, elle est là sous ce taudis acide de douces clartés céleste. L’ombre de la vie son violon sagement, posé à côté de ses jambes raides, son violon compagnon d’une main ; l’archer, elle ne peut bouger cette immobile terrifiée par ces passants sabotés. Et cet être, et ce singe mielleux tendrement approchant de l’hirondelle, elle le scrute se repliant sur elle-même.
- Tu sais en jouer de ton violon ?
Ni mot de ses lèvres closent viennent parfumer ce garçon perdu… Ni mots son visage sale scrute ce prince tombé.
- Tu ... tu veux jouer avec moi ?
Un automate sur ces jeux amusants prend le disque argentin sur ses doigts rongés de sang vermeil s’égoutte des larmes perlées. Elle dévisage, elle s’enfuie en ses pensées enténébrées mais d’une confiance aveuglée à cet animal sauvage elle se miroite en cette créature délicate voulant d’un nom peut-être égrener les secondes de sa compagnie mirobolante.
- Oui… Oui… Je veux bien jouer.
Tête baissée à ce sol exquis, timide cette princesse nuageuse à des esquisses fidèles se lève aux rayons clairvoyants, se préparant. Cette voix éraillée, ensommeillée demande informations, pêchant ces diamants soudains de peur de perdre de sa main cet égaré retrouvaille !
- Je m’appelle Morana.
Ô notes vermillons traversent Olympe et Destinés sur ces chevaux de bois !
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Victor Trompette
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MessageSujet: Re: L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA)   L'ENDROIT OÙ L'EAU S'ARRÊTE. (MORANA) EmptyDim 10 Nov - 21:05

La fille, elle accepte.
Tu m'étonnes. Ces filles-là sont du genre à dire oui à un garçon qui leur dit « tu veux m'accompagner avec ton violon, là sous tout Paris ? » Le genre de filles un peu folles, surtout seules. Je lui aurais proposé de m'accompagner escalader l'Everest, elle aurait dit oui aussi.
Les gens seuls ont jamais quoi que ce soit de prévu, ça, c'est leur genre à eux.
Elle ouvre la porte de ses lèvres et je sais qu'elle va se présenter, elles sont polies en plus de ça, ces filles tombées du ciel.
Mais ça sert à rien ma belle.
Son prénom, je le lis déjà dans l'océan de ses yeux.
Morana, Morana, Morana, évidemment, j'aurais du deviner.
- Je m’appelle Morana.
Bingo. Ça ment pas, les yeux, ça dit même un peu trop la vérité, c'est troublant.
- Moi c'est Théo.
(J'ai abandonné le -time avec le départ de Félix.)
Je la regarde s'installer à côté de moi, cette pauvre fille magnifique, cette copie colorée d'Ondine. Je la regarde, qu'est-ce que je peux faire d'autre ? Je la regarde en me demandant comment les gens arrivent à la croiser sans la voir, ils sont cons ou quoi ?
Cette fille, c'est le genre d'étoile qui passe inaperçue, et qui brille même pas vraiment d'ailleurs, par intermittence disons, lumière chevrotante comme dirait l'autre. Lumière fatiguée qui aurait besoin d'un électricien pour lui redonner de l'éclat. Ou alors d'un peu d'amour, tout simplement.
Ça marche aussi, des fois, l'amour. Ça vous rallume la lumière.
Des fois.
Je la regarde, mon étoile, j'en ai déjà fait ma propriété parce qu'elle semble bien vouloir appartenir à n'importe qui et que tout le monde se moque d'elle, alors moi, je l'adopte.
Je la regarde, et alors la musique se met à jouer toute seule, je la sens vibrer dans mes doigts qui grattent les cordes. Mais je suis pas sûr que ce soit vraiment moi qui joue, c'est beau ce qui s'échappe de la guitare, et moi, ça fait bien des siècles que j'ai pas joué quelque chose de joli.
Putain j'y comprends plus rien.
C'est quoi, cette fille, finalement ?
UN MIRACLE.
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