Sujet: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Dim 14 Juil - 18:05
La nuit tombe sur la ville, déposant son voile d'obscurité réconfortante. Ce soir le ciel est noir, chargé de nuages pollués. Étouffé par les Hommes, la beauté du ciel semble avoir perdu de sa grandiose. Le monde dort sans se rendre compte de la tragique disparition des étoiles et de la lune. Ce doit être normal, après tout, une nouvelle tendance du monde moderne : les lumières d'ailleurs sont dispensables. Terminé le temps des nuits au clair de lune à fixer le ciel et compter les poussières d'espace. Terminé les rêves qu'elles transportent. Cette pseudo légende qui se persuade qu'une étoile = un être décédé. L'âme de l'Homme n'est peut-être plus assez resplendissante pour mériter cela. Oui, ce doit être quelque chose comme ça. Une explication encore un peu rêveuse.
C'est au milieu de telles pensées que j'ai quitté le métro ce soir. Laissant derrière moi Ondine et Théo. J'avais juste besoin de respirer. Respirer autre chose que l'air humide du sous sol. Murmurer une chanson entre mes lèvres sans l'entendre résonner autour de moi. Ici, dans le parc, je peux chanter sans que rien ne fasse écho. A des moments, j'ai même l'impression que des oiseaux insomniaques s'unissent à ma voix qui fredonne de douces paroles. Pourtant, lorsque je relève les yeux, je n'y vois que les arbres. Les arbres et leurs branches qui s'élèvent vers le ciel. Les volatiles y sont cachés, quelque part, ils me regardent là, pendus sur les silhouettes fantomatiques des végétaux farouches. Ils ont du en voir passer, eux, des personnes avec toutes les années qu'ils ont dans les dents. Ils doivent en connaître, des milliers de gars, qui, comme moi chante dans la nuit pour s'évader. S'évader de leur vie qu'ils ont quelque part raté même s'ils se disent souvent 'ça va finir par s'arranger'. Parce que c'est vrai, au final, tout s'arrange. Il faut juste savoir faire preuve de patience. Je suis pas seul dans cette bataille, de toute façon. Y a Ondine et Théo aussi. Puis tous les autres clochards. Ça nous aide à grandir, quelque part. À connaître autre chose qu'une vie sereine de famille. Non ? J'en sais trop rien. Je ferme les yeux, lève le visage en direction du ciel.
This could be the end of everything, So why don't we go. Somewhere only we know ? Mes mains se perdent dans mes poches trouées pour y trouver un peu de chaleur. Un simple t shirt et un jean, ce n'est peut-être pas la tenue la plus adaptée pour traîner dehors. En sortant du métro, quelques heures plus tôt, j'étais persuadé rester dans les bas fonds de la ville pour y trouver Roger. Roger ou n'importe qui d'autre capable de me parler de quelque chose que je ne connais pas. Je n'y ai trouvé personne. Pas la moindre trace de vie sur le côté des rails. Malade de solitude, je suis allé plus loin. J'ai quitté le métro. À Paris, les rues ne sont pas les mêmes que dans le Sud. Y a toujours une personne pour te regarder de travers. Un petit con capable de te frapper pour voler les deux euros de ta poche. C'est tellement ridicule, voler un pauvre. Cela ne m'est jamais arrivé. J'ai juste entendu des paroles à ce sujet. Dans le vent d'une rumeur qui n'en est pas une.
Somewhere only we know? Ma voix est plus basse, plus fragile. L'envie de chanter se retrouve dissoute lorsqu'un bruit de pas brise le silence paisible de la nuit. Éclairé par la faible lumière des lampadaires, une silhouette se rapproche à faible allure. Elle aussi semble perdue dans l'immensité de l'endroit. Un sourire prend mes lèvres en otage. Ashton. Je fronce tout de même les sourcils, pour être sûr. Sûr de ne pas me tromper. On sait jamais où la solitude peut parfois mener. Mais non, il semble bien là, en chair et en os. À quelques mètres de moi seulement. Ashton dont je ne connais rien. Ou si peu. Lui, il doit tout connaître de ma personne. Parce que c'est simple et rapide : Félix vit sous le métro, il y chante parfois et puis voilà. C'est tout. Félix le clochard du métro. Encore étonné de le voir ici, je me dirige d'un pas agile en sa direction, détaille les traits de son visage sans réellement le vouloir. Par simple habitude. « Ashton ! » La joie de le voir est sincère, cela peut s'entendre au son de ma voix. « Je savais pas que les terriens traînaient à des heures si tardives dans les parcs. » Les terriens oui, et nous, en bas, dans le métro : les sous terriens. Les cachés. La misère du peuple, en quelques sortes. Les terriens, eux, s'ils arrivent pas à dormir, ils leur restent la télévision, l'ordinateur ou les jeux vidéos. Nous … on a la vie et ses ressources. Et puis c'est tout. Mais c'est déjà beaucoup.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Dim 14 Juil - 21:40
— Look, I’m not going to fly over to London every other day just so you can… — … — Not what I said. I can’t, it’s just that… — … — D’you care listening to what I have to say or are you just pleased to hear the sound of your own voice ? — — Yeah, right, thanks. So, I can’t, I have my things here, and… and my job…
Ashton s’arrêta brusquement de marcher dans l’allée du parc.
— …well… I’m very sorry I’m not an upper-class investment banker playing with other people’s life savings… — … — Sure. When we met, you didn’t appear to be quite so interested I what I had to say… — — I’m saying that if I come over in the weekend, we’ld probably end up having sex and despite what your narrow-minded bourgeois preconceptions might tell you, it’s not the only thing I’m looking for. — … — Strangely enough, I can’t picture you introducing me to your friends. What would you say ? « Hey, that’s Ashton, he’s my boyfriend, and he get blowed on camera by submissive guys. » — … — You know what Sarah ? Go to hell.
Le jeune homme raccrocha brusquement avant de laisser échapper un long soupir. La nuit n’était pas encore si avancée ni le parc si désert qu’il n’y avait sur un banc un couple de vieux en train de le regarder d’un air perplexe. Fort heureusement, ces bons Français n’avaient pas saisi la teneur de la conversation, mais ils n’avaient pas besoin de ces détails pour poser sur ce jeune colérique un regard désapprobateur — les souvenirs de la passion de leurs jeunes années à eux étaient suffisamment diffus pour qu’ils pussent se permettre de juger en toute bonne foi les débordements des autres.
Bon, en vérité, Ashton était moins passionné qu’énervé — vexé, surtout. Il avait rencontré Sarah dans un club, deux semaines auparavant et, comme souvent, il se rendait compte que pour la jeune femme, il n’avait été qu’un accessoire un peu plus chaleureux que ceux que l’on vendait en boutique. Et, à vrai dire, lui-même n’avait pas recherché autre chose qu’une aventure d’un soir. L’idée qu’une jolie jeune fille pût sincèrement s’intéresser, chez lui, à autre chose que ses attributs physiques ne l’effleurait plus depuis longtemps.
Du coup, ce qui l’énervait, c’était l’hypocrisie. Une histoire purement physique, soit. Qu’on lui reprochât de ne pas vouloir construire une relation, juste pour l’attirer de Roissy à Heathrow et de Heathrow à une énième chambre d’hôtel, c’était un peu trop pour sa patience. Tenter de jouer sur la corde sensible d’Ashton pour obtenir des faveurs bassement sexuelles était une stratégie bien éprouvée et qui, la plupart du temps, fonctionnait à merveille, mais hélas pour la banquière britannique, le jeune homme avait encore, de temps à autre, de rares moments de lucidité.
Et son moment de lucidité le laissait seul, ce soir-là, dans un grand parc de plus en plus vide, avec son téléphone portable à la main, et l’impression d’avoir été roulé. Comment diable pouvait-il encore se montrer aussi idiot ? Il n’avait plus seize ans, il n’était plus un novice dans les choses de l’amour, et pourtant, il suffisait du joli sourire d’un garçon ou d’une fille pour qu’il tombât dans les pièges les plus grossiers. Ah, il avait fière allure, tout seul dans le parc, l’acteur au regard dominateur, la star froide et ténébreuse de son petit univers de lucre.
Nouveau soupir. Ashton secoua la tête et reprit lentement son chemin, laissant derrière lui les vieux qui chuchotaient dans son dos. Il se revoyait encore à quinze ans, en train d’imaginer le prince charmant qui toquerait à sa porte pour l’emporter sur son cheval blanc, ou la princesse qui le regarderait avec des yeux admiratifs. Ce n’était pas exactement l’univers des nightclubs parisiens. Bref, il était plongé dans ces amères réflexions lorsqu’une voix plus ou moins familière le fit sursauter en l’appelant par son prénom.
Ashton fit volte face et constata d’un air placide :
— Oh. Félix.
Il ne pouvait pas exactement dire qu’il connaissait Félix. Un peu. Ils discutaient de temps en temps, dans le métro. Sur le jeune homme, Ashton ne savait pas grand-chose, si ce n’était que sa situation financière n’était pas des plus brillantes et que, en général, il n’avait pas l’air de voir beaucoup la lumière du jour.
Ashton haussa un sourcil en s’entendant appeler « terrien ». Lui, la plupart du temps, il avait surtout l’impression d’être un extraterrestre, mais enfin… Le jeune homme esquissa un sourire mélancolique et agita son téléphone.
— J’étais en train de…
Il haussa les épaules.
— Peu importe.
Le Britannique promena son regard autour de lui.
— J’viens ici, parfois, oui. C’est calme. Enfin, relativement. Ça m’change d’horizon, tu sais, quand… Je sais pas. Quand les gens sont compliqués. Un peu tout le temps, quoi. J’préfère voir des arbres, du coup.
En se rendant compte que ses paroles pouvaient être mal interprétées, il s’empressa de préciser :
— Enfin, j’suis content de te voir, hein, bien sûr.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Mer 17 Juil - 2:13
Ashton tient entre ses doigts un téléphone portable. Je l'ai peut-être dérangé pendant une discussion importante. Sur le moment, je me sens presque bête de ne pas avoir vérifié avant. Après tout, il a une vie, lui. Ça se résume pas au sous sol comme certains. Mon regard reste posé sur le téléphone que je fixe de mon regard brillant. Je m'imagine des schémas aussi différents les uns que les autres. Ashton est peut-être avocat. Ou bien publicitaire. Vendeur de voitures. Agent immobilier. Les pensées sont rattachées par un unique point commun : la réussite. Pour pas vivre à la rue et me donner son sandwich, c'est qu'il a du s'en sortir, lui. Non ? Ce soir, au son de sa voix, le jeune homme a l'air plus mélancolique que d'habitude. Plus désespéré que moi. Il porte sur son visage une déception que je n'avais encore jamais croisé autour de moi. Peut-être parce que jusqu'ici je n'avais pas vraiment eu le temps à ça. Je suis de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Telle une vague, j'emporte tout avec moi, sans me soucier une seule seconde des ressentis de mon entourage ; pourvu qu'ils nagent dans le courant. Sauf que ce soir, au milieu de la nuit, la vague que j'incarne stagne, vidée de toute agitation.
Déformées par un sourire, mes lèvres s'étirent sur le bas de mon visage pâle. Pâle de lumière. Pâle de la vie. Pâle du passé. Pâle et si lumineux. Lumineux du métro. Lumineux de la lune. Lumineux de la vie. Mes mains quittent mes poches pour se rencontrer dans mon dos. Mes paumes humides se collent tandis que j'écoute les paroles d'Ashton. Pas un seul mot ne s'évadera entre l'infime distance qui nous sépare. Je l'écoute sans le couper. Sans même essayer de lui répondre. Le temps s'égraine face à ses phrases fluides. À la fin de son récit, je me contente de remuer la tête pour témoigner de mon écoute active.
Enfin, j’suis content de te voir, hein, bien sûr. C'est ce qu'il ajoute, comme ça, sans que je ne puisse dire quoi que ce soit. Mon regard quitte le sien, observe les alentours plongés dans la nuit. Tout est si calme ce soir. Tout est si mort. Lui et moi, c'est un peu comme si nous étions deux âmes encore capable de vivre dans un monde tombé dans l'agonie. Ça sonnerait presque agréablement à l'oreille. Après quelques secondes de silence, je me décide à prendre la parole, de ma voix toujours pleine d'ambition. De cette voix qui chante au fil du vent et des expressions de mon visage. Ce timbre qui signifie combien la vie est parfois magnifique et infinie. Mes mains se détachent pour accompagner mes paroles. C'est un truc du sud, bouger les mains en parlant. Ça rend la conversation plus vivante et agréable, du moins, c'est ce que disait ma grand-mère. « Les gens sont souvent compliqués, là bas. » Là-bas, la ville, le monde, la société. Toutes ces choses que j'ai oublié de côtoyer. Ce monde si proche de moi et à la fois si lointain. Intouchable. « Ici, c'est tellement différent. » Ma main se pose délicatement sur le tronc de l'arbre juste derrière moi. « Y en a même qui parlent aux arbres. Tu sais, en touchant l'écorce. Quelque chose comme ça. J'ai jamais su le faire, j'ai peut-être pas le cœur assez pur pour ça. » Le cœur pur. Oh non, il est tellement amoché. Amoché d'Angélique. Un profond soupir quitte mes lèvres à cette pensée. La pensée Angélique, si effroyable. Si belle. Si cruelle.
« Ça te dit de partager avec moi ce Mars ? » Oui, un Mars pour deux et rien que ça. C'est pas très vendeur comme idée. Alors, toujours plein d'entrain, j'attrape celui-ci perdu au fond de ma poche et tend la barre chocolatée vers Ashton. « C'est pas n'importe quelle barre chocolatée, tu le sais ça ? On dit que les astronautes en mangeaient avant de partir vers l'espace. Ils en mangeaient plusieurs pour que leur corps résiste une fois là-haut. » La magie Félix à l'état pur. Un petit tas de mensonge qui serait presque plausible. « Parce qu'avec l'apesanteur, les mecs, dans l'espace, ils grandissent. » Tout le monde le sait. Ashton aussi. J'aime seulement le répéter, pour rendre cette fausse anecdote en plus incroyable qu'elle ne l'est déjà. « Même si on va pas sur la lune, on peut toujours la dévorer en se racontant des tas de choses que l'on sait déjà. » Sans réellement attendre sa réponse, mon corps se dirige déjà vers le banc le plus proche où je laisse mon corps s'y échouer de façon délicate. Si on enlève mon vieux jean, on pourrait presque croire que je ne viens pas de la rue. Même un sdf peut avoir de l'élégance. Surtout lorsque celui-ci s'appelle Félix.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Ven 19 Juil - 22:48
Entre ces derniers mots et le moment où Félix reprit la parole, il y eut un silence. Ashton laissa échapper un soupir. Après sa conversation pour le moins difficile au téléphone, écouter les feuilles bruire sous le vent, les rares pépiements des oiseaux qui ne s’étaient pas encore endormis et le bruit des graviers qui, dans une allée lointaine, crissaient sous la foulée rapide d’un coureur du soir, tout cela avait quelque chose de reposant. D’ordinaire, c’était précisément pour cela qu’il venait dans le parc : se reposer. Les coups de téléphone n’étaient pas une partie de son programme.
Ashton esquissa un sourire un peu triste. Oui, les gens étaient compliqués — lui plus qu’un autre, sans doute. La plupart de ses relations finissaient par aller droit dans le mur, quand on découvrait sa profession et, surtout, quand on découvrait qu’il n’en avait pas autant honte qu’on pouvait le supposer, qu’il n’était pas particulièrement contraint. Les gens préféraient le considérer comme une victime et quand il leur ôtait cette possibilité, il n’était plus qu’un objet de dégoût, désirable paradoxalement — et il les renvoyait à leur propre honte. Toutes ses relations, en somme, naviguaient dans les paradoxes.
Mais enfin, c’était peut-être un reste d’esprit bourgeois, la vie de Félix ne lui paraissait pas beaucoup plus simple. Il n’en savait pas grand-chose, c’était certain, mais de ce qu’il en avait vu, le Français, si tant est qu’il fût français, avait une existence difficile. Peut-être qu’elle pouvait être difficile et simple. Ashton posa machinalement le regard sur un arbre, comme Félix en parlait. C’était vrai, souvent, Félix avait l’air si… innocent. Beaucoup plus tranquille que lui. Malgré la pauvreté. Les couloirs du métro. Les souterrains. Une espèce de sacrifice volontaire, un sacerdoce sanctifié par la pauvreté.
Aux yeux d’Ashton, Félix avait le cœur plutôt pur. Plus pur que le sien, de toute façon. Parfois, le Britannique tentait de se souvenir, en gros, de son enfance. De ce moment d’insouciance, supposait-il. Avant que ses yeux se fussent posés pour la première fois sur une poitrine féminine ou sur les fesses d’un homme. Avant que la liberté ne commençât à lui paraître si désirable qu’il s’estimât prêt à l’acheter à n’importe quel prix. Là, à ce moment-là, il avait du avoir le cœur pur — mais maintenant, tout est beaucoup trop tard. Déjà réglé depuis bien longtemps.
Il secoua la tête quand Félix lui proposa un Mars.
— Non, merci. C’est sympa…
Il détacha son regard de l’arbre pour le reposer sur son interlocuteur.
— Le sucre, c’pas tellement mon truc.
Lui, il préférait les plats qui mijotaient. Même les gâteaux, il n’aimait pas faire ça : tout déjà réglé, rien à rectifier, rien à suivre. Ashton se laissa tomber sur le banc à côté de Félix et leva à son tour les yeux vers la Lune. Il s’en souvenait, à présent : quand il était petit, son père lui racontait des histoires. C’était avant, donc : à l’époque où il ne l’engueulait pas parce que ses résultats n’étaient pas encore en chute libre et parce qu’on ne l’avait pas encore surpris à genoux devant la braguette ouverte d’un camarade d’école. Cœur pur et innocence, encore et toujours.
— Quand j’étais p’tit, j’voulais devenir astronaute. Et pompier aussi, et policier, mais surtout astronaute.
De là à dire qu’il avait une passion pour les uniformes. Ironiquement, il était devenu un peu pompier et un peu policier, un peu plombier aussi, et livreur de pizza — tout dépendait des films et de l’inventivité, généralement assez limitée, du scénariste du jour. Ashton haussa les épaules.
— J’crois qu’en fait, j’pensais pas vraiment aux étoiles, à la lune, tout ça. Ça m’évoquait pas grand-chose. Je veux dire, c’est comme une peinture, le ciel étoilé. J’ai jamais eu l’impression qu’on pouvait explorer, qu’il y avait une profondeur et des secrets. Je devais manquer d’imagination.
Ça, il n’avait jamais été un grand rêveur. Un enfant pragmatique avait donné un jeune homme pragmatique.
— Ce qui m’intéressait, c’était tout ce qu’il y avait avant. La préparation, l’entraînement, la base, le décollage. Le côté technique, pour ainsi dire.
Lui et les gadgets technologiques, une grande histoire d’amour. Ashton esquissa un sourire amer.
— J’aurais dû mieux travailler à l’école, je suppose…
Accessoirement, le programme spatial britannique n’était pas exactement un sommet mondial. Ashton quitta le ciel des yeux pour observer le profil de Félix, à côté de lui.
— Comment tu fais pour rêver ? Aux gens qui parlent aux arbres, aux barres chocolatées qui empêchent de grandir, à la vie dans l’espace. Ce genre de choses.
À nouveau, les yeux d’Ashton dérivèrent les arbres.
— Moi, maintenant, quand je regarde les arbres, je vois juste… du bois. Et quand je regarde le ciel, je ne sais pas. Rien. En particulier. Je sais plus faire. Rêver. Je suis même pas sûr d’avoir su un jour, déjà.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Dim 21 Juil - 18:14
La lune brille, caresse nos visages. Ce doit être la première fois depuis des mois que je ne me suis pas autant attardé sur son cas. Et ce soir, plus que jamais, je la trouve belle. Presque hypnotisant. Son visage mélancolique règne désespérément en maître au dessus de la ville tombée dans un sommeil profond. Le parc est vide, vide d'âmes. Ashton me rejoint et fait naître un nouveau sourire sur mes lèvres. Il ne veut pas manger de ce Mars. Au fond, il a raison, on ne sait pas d'où il peut sortir. Qui sait, peut-être est-elle périmée. J'en sais rien, c'est un gars du métro qui me l'a donnée. J'ai accepté, des étoiles dans les yeux. Ils sont tellement rares, ces moments sucrés. Pressé et presque malpoli, mes doigts s'attaquent fébrilement à l'emballage de la barre chocolatée pour l'entamer tout en écoutant ses paroles. Mes yeux quittent la lune et fixent le visage d'Ashton. Ashton, le parfait contraste de mon esprit perdu dans les abysses de mes rêves. L'entendre parler m'aide à remonter à la surface l'espace de quelques minutes. Il a raison, au fond, rêver n'est pas la solution à tout. Ce serait presque se voiler la face quand on ne vit avec rien. J'ai toujours pensé que cela permettait de survivre. Les visions divergent. Le monde vu sous toutes ses facettes.
Quand j’étais p’tit, j’voulais devenir astronaute. Et pompier aussi, et policier, mais surtout astronaute. Les rêves de gosses, toujours les mêmes. J'ai été le premier à vouloir devenir astronaute ou bien sauver le monde à ma façon. J'ai pourtant bien vite compris qu'il était difficile de porter de l'aide à la société. Le petit Félix voulait devenir policier. Il a terminé derrière les barreaux. Mes yeux se baissent vers la barre de mars à moitié mangé. Cette simple vision parvient à dissiper le passé dans un rire nostalgique. Ce qui m’intéressait, c’était tout ce qu’il y avait avant. La préparation, l’entraînement, la base, le décollage. Le côté technique, pour ainsi dire. La bouche légèrement ouverte, mes sourcils se froncent légèrement à ces paroles. Avec Théo et Ondine, on passe notre temps à rêver, à refaire le monde. On s'imagine des tas de choses aussi folles les unes que les autres. Et pourtant, on y croit, vraiment. On se persuade d'une vie magnifique, comme on l'attend depuis tout petit. Mais y a rien. Rien qui vient. Du moins jusqu'à maintenant. Si on enlève Ondine, ce rayon de soleil.
Et c'est à ce moment là que je relève la tête, vivement. Interpellé par sa question, j'ai peut-être mal entendu. Mais non. Ashton continue, dans la même optique. Il est persuadé de ne pas savoir rêver. De manquer d'imagination. C'est peut-être le cas. Seulement voilà, ça se fait si naturellement dans mon cerveau que je suis incapable de lui expliquer quoi que ce soit. C'est un peu comme un gêne donné à la naissance. Un don. Je sais pas. Fin si, celui de tout embellir. Le métro n'est pas le métro, il est un bout de paradis. Les pièces ne sont pas des pièces mais un véritable trésor. Mon corps refuse catégoriquement de se laisser aller au désespoir. Sa dose d'ambition est grande. Y a encore tellement de choses à découvrir, ce serait tellement con de baisser les bras si jeunes. C'est pas un obstacle qui détruira ce que je suis. Ce que j'ai fondé. Alors, après un moment de silence, ma voix s'élève, claire et agréable. « Y a pas vraiment de protocole à suivre pour rêver, tu sais. Peut-être que t'as compris que ça servait à rien. Ou quelque chose comme ça. » Je marque une pause, avale le dernier morceau de chocolat. « Les rêveurs sont pas toujours les plus heureux dans la vie, contrairement à ceux que les autres pensent. » Non je ne parle pas de mon cas. Loin de là. Mais des autres, de ceux qui vivent dans les rues et pleurent le mauvais sort. « J'ai grandi avec ma grand-mère. Les grand-mères, ce sont toujours les premières à inventer des légendes urbaines. J'ai évolué là-dedans et c'est un peu comme … si mon cerveau avait été fabriqué pour cela : rêver. C'est difficile à expliquer. Peut-être que si j'avais eu une autre vie, si j'avais pris un autre chemin, je serais pas comme ça. » Mes paroles se perdent dans mes pensées, ce qui quitte mes lèvres n'a plus vraiment de sens, alors, sur le fil, je me reprends. « Disons juste que t'es plus terre à terre. » Terre à terre, oui ce sont ça, les mots justes. « Sinon, Ahston, t'es venu faire quoi ici ? Fin j'veux dire, qu'est-ce qui t'a guidé ici, à Paris ? » Si ce n'est pas pour un rêve, c'est quoi alors ?
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Sam 27 Juil - 10:45
Pas de protocole à suivre. Ashton s’en doutait un peu. C’était bien, lui, ça. Un réflexe de passionné d’informatique : toujours à la recherche du code et du tutoriel pour l’exploiter. Mais le monde n’était pas comme ça. Pas toujours. La plupart du temps, à tout bien peser, il se débrouillait, sinon bien, du moins, raisonnablement. C’était tout lui, ça : raisonnablement. L’essentiel de ce monde pouvait être réfléchi, calculé, pesé, argumenté et, à la fin de la journée, il était à peu près certain d’avoir pris les décisions les plus sensées. Qui devaient être aussi les bonnes décisions. Nécessairement.
En tout cas, il était loin de penser que ça ne servait à rien — de rêver. Ils étaient nombreux les soirs comme celui-ci ou, après une dispute, une déception ou le simple train quotidien de la vie, il se retrouvait seul, dans son appartement, dans un parc, dans la rue, à regarder autour de lui en se demandant comme les autres faisaient pour continuer à se lever le lendemain matin. Rêver, ça devait être très utile : prévoir un futur, même irréel, avoir des espoirs, penser à un autre monde qui celui qui se déroulait jour après jour, fade et identique, avec les mêmes pavés sous les mêmes yeux.
Alors, s’il le voulait si fort, pourquoi est-ce qu’il ne le pouvait pas ? Pas tout le temps, mais juste un peu, parfois, se croire dans Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux ? Parce que sa grand-mère ne lui avait pas raconté des légendes de loups-garous ? Désormais, Ashton fixait ses pieds, le gravier de l’allée. Il haussa les épaules aux questions de Félix et murmura :
— J’sais pas.
Il y eut un silence, puis le jeune homme jeta un regard en biais à son interlocuteur. Il poussa un soupir et, pour une fois, consentit à se livrer — un peu.
— J’ai grandi à Liverpool. C’est au nord, tu sais, de l’Angleterre. C’est… Je sais pas, c’est une ville correcte, je suppose, je veux dire, tu sais, normale. Mais…
Ashton faisait machinalement tourner un morceau du bois du bout du pied.
— C’était un peu une prison, pour moi. Pas forcément la ville, mais tu vois, les gens, la mentalité, quelque chose comme ça. Mes parents étaient pas très…
Le Britannique esquissa une moue songeuse, avant de compléter :
— Ouvert. D’esprit. Et moi, je voulais quelque chose d’autre que la vie qu’ils me proposaient. Je voulais la liberté. Du coup, j’étais un peu, je ne sais pas, disons, turbulent.
Si l’on pouvait appeler le défilé effréné de garçons et de filles, pas forcément un par un, dans son lit, de la turbulence.
— Alors je suis parti à Londres. Plus grand. Plus libre. J’ai commencé à travailler là-bas.
Comme à son habitude, il ne précisait pas le métier en question.
— Et puis, il y a eu une opportunité ici. Quelque chose qui payait un peu mieux. Et j’avais envie de changer complètement de paysage. Je sais pas, peut-être que je croyais un peu à Paris, la ville de l’amour, tout ça…
Il eut un sourire amer. S’il y avait cru, de toute évidence, cette époque-là était révolue. À vrai dire, Ashton n’avait jamais été amoureux. Il avait eu des coups de cœur, des compagnons et des compagnes proches, d’autres admirés de loin, mais amoureux, pour de vrai, jamais. Il avait cherché à Paris quelque chose de plus concret, autre chose qu’une fuite loin de ses parents. Une vie à construire. Il avait eu une réussite professionnelle certaine, dans son petit domaine à lui, mais pour le reste, pour sa vie personnelle, l’expérience était, jusqu’à présent, un échec.
Comme pour se justifier de n’avoir jamais eu d’illusions puériles, il insista :
— Tu vois, c’est pas très romantique, comme histoire. Je viens pour le travail.
Il venait un peu de dire le contraire, mais savait-on jamais, sur un malentendu, Félix pouvait encore le prendre pour quelqu’un de vraiment, complètement rationnel. Le jeune homme tourna le regard vers son interlocuteur.
— Et toi, tu viens d’où ?
Avec un Britannique, la question eût été superflue : Ashton eût reconnu l’accent précis.
— Ça s’entend peut-être, mais avec le français, j’ai pas l’oreille des accents. Et puis, j’ai pas vu grand-chose à part Paris, du coup, pas de points de comparaison.
Il détourna le regard.
— J’me demande comment c’est, par exemple, dans le sud. Marseille, et euh… Nice ? Toulouse. Perpignan. Ce genre de choses. Ça, ça doit être vraiment différent de l’Angleterre. Tu connais ?
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Mer 31 Juil - 20:14
Le papier froissé se perd dans ma poche, en même temps que mes doigts trop minces et trop pâles. Le récit d'Ashton se dessine vaguement dans mon esprit. Aussi vaguement que ses paroles. Sans détails, juste le strict nécessaire. Juste assez pour comprendre son sentiment de fuite. Même si les conditions ne sont pas les mêmes, nos chemins finissent toujours pas se ressembler. Deux gars qui fuient leur vie pour une autre, peut-être meilleure. Deux gars qui se retrouvent avec quelque chose mais pas ce qu'ils espéraient. Mais ils vivent, et c'est ça l'essentiel, après tout.
L'accent du jeune homme et ses paroles me donneraient presque la sensation de voyager. L'Angleterre, je l'ai jamais vu. J'entends souvent parler de Londres, la plupart des adolescents rêvent même d'y aller. Ils disent que c'est la ville à visiter. J'ai découvert un petit bout de France avec Théotime. On était tellement excités d'arriver à Paris, qu'au final, on en a oublié la plupart des paysages. Y avait que la tour Eiffel dans notre tête. Et aujourd'hui, on donnerait beaucoup pour retourner en arrière, s'arrêter et profiter de chaque seconde. La capitale n'est pas aussi belle que les étrangers le disent. C'est pas vraiment la ville de l'amour non plus, non, c'est Paris. Paris et ses immeubles. Paris et son métro. Paris et sa vie à cent à l'heure. Finalement, elle est comme partout ailleurs. Indifférente à sa population. Paris, la même cage. Les mêmes barreaux. Et cette sensation de perte de temps et d'âme.
Les minutes se déroulent, les paroles aussi. La nuit est douce. Pas aussi froide que les autres. Seul un léger vent vient parfois caresser nos visage à peine visible par la lumière de la lune. Ashton est donc à côté de moi, sur ce banc, uniquement à cause du travail. Ce mot 'travail' qui résonne si mal à mes tympans. Mis à part quelques heures passées dans le cabinet de Siham, j'ai jamais vraiment connu ce monde là. J'le connais vaste et difficile. Rien de bien attrayant. Puis moi, j'ai envie de vivre de ma musique. Et rien d'autre. Je reste persuadé qu'un jour, les projecteurs éclaireront ma présence à la place des lumières du métro. Les chances que cela arrive diminuent et ça en devient parfois effrayant. Si j'avais les pieds sur terre je comprendrais peut-être que je cours à ma perte. Mais y a toujours cette partie de moi qui y croit encore. Qui ne veut pas penser au reste. À la possibilité que Théo me laisse tomber. À l'idée qu'Ondine puisse être lassée de mes sentiments factices. C'est trop difficile à accepter.
Et toi, tu viens d’où ? Les battements du cœur s'accélèrent. Les souvenirs surgissent. Les yeux brillent. Azur renaît dans mes veines. Un sourire accompagne mes lèvres. J'ai plus vraiment rien du sud. J'ai jamais eu le teint bronzé. Mon accent, lui, il est s'est évaporé, je crois. En même temps que l'odeur des Landes. Si Théo pouvait être là, il pourrait raconter nos souvenirs à Ashton. Il est plus doué que moi pour ça. « Je viens d'Azur, tu sais le sud, la chaleur, le grand soleil, les paysages magnifiques. Le Sud, c'est pas comme ici. Les gens, ils ont l'air heureux. À Paris, on dirait un peu qu'ils cachent leur jeu. Ils ont juste envie de gagner leur vie. Les yeux rivés sur le téléphone. J'ai même pas de téléphone. » Et ce rire presque nerveux qui se mélange à mes paroles et marque une pause. Le seul moment où j'ai eu le droit de téléphoner, c'était en prison. J'avais personne à contacter. « Je connais pas grand chose de la France, j'ai traversé quelques villes mais rien de plus. Un été, je suis allé en vacances chez une tante, à Perpignan. J'étais petit mais j'me souviens des palmiers dans l'avenue principale. La ville est belle mais ma tante, elle dit souvent que la population est moche. Les personnes y sont agressives. Mais ce doit être partout pareil, je suppose. Puis, ça a peut-être changé depuis le temps. » Ouais, j'peux pas te dire parce que ma tante, ça fait bien longtemps que je l'ai plus vu.
« Tu fais quoi comme travail ? Parce que j'ai jamais vraiment travaillé de ma vie. J'ai parfois l'impression qu'il faut être fait pour ça. J'y arrive pas moi, c'est bête mais on dirait que c'est contre ma nature. » La vérité c'est que j'ai envie de vivre pour ma musique et rien d'autre. La paperasse, tout ça, j'y connais pas grand chose. Mourir derrière un bureau, ça me fout la chair de poule, aussi. Les cravates, ça me va même pas, de toute façon.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton) Jeu 1 Aoû - 13:30
Pendant un instant, Ashton, qui n’était pas exactement l’homme du monde le plus versé dans la géographie communale de la France, Ashton, donc, se demanda si Félix n’était pas en train de dérailler — ou de faire de la poésie (ce qui revient au même). Il venait d’azur ? Ou alors, son français lui faisait défaut — c’était aussi très possible. Azur, il avait toujours cru que c’était un couleur, mais peut-être, c’était un nom de région. La France avait des régions et des départements, ça, en gros, il avait compris, mais s’il ne savait pas toujours exactement ce à quoi ça pouvait bien servir.
Ah mais si, une seconde. Il avait entendu cela. Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’était un nom de région. Ou de département. Enfin, bref, c’était un nom de quelque chose — les Français étaient très fort pour les divisions administratives, il devait bien leur reconnaître ça. Donc, en gros, Azur, c’était de la géographie. Certes, Ashton s’était toujours demandé comment les Alpes (avec la neige) pouvaient rencontrer la Provence (avec les herbes) et une côte (avec la mer), mais la plupart du temps, devant l’obscurité de l’organisation hexagonale, il se contentait de renoncer. Comprendre l’État français quand on était étranger, c’était un peu comme comprendre les règles du cricket quand on était pas britannique : une mission impossible.
Les palmiers, le soleil, les paysages. Ashton se laissa bercer par la description. Ça, c’était une chose qu’il eût aimé faire : voyager. Un peu. Mais dans son milieu, une absence, un contrat raté, un film clé non tourné, et c’était une carrière fichue. Il s’était toujours dit qu’il le ferait plus tard, quand il serait trop vieux pour tourner. C’était une excuse comme une autre pour rester chez soi. Parfois, tout de même, il allait sur le site de la SNCF, il voyait que ce n’était pas si long, d’aller à Lyon, à Marseille, à Strasbourg. Mais il y avait toujours des empêchements.
— Les gens sont pas agressifs, à Liverpool. Sauf pendant les matchs de football, évidemment.
Évidemment. Sa ville natale ne lui manquait pas beaucoup mais, dans le fond, une fois les années passées, il ne lui reprochait rien. Pas pour lui, tout simplement. Quand le mal du pays lui prenait, de plus en plus souvent ces derniers temps, ce n’était pas le profil de Liverpool qui lui manquait : c’était la langue anglaise et ses accents, certains produits dans les supermarchés, des habitudes, des émissions à la télévision. Regarder Doctor Who ou le journal de la BBC sur son ordinateur, ce n’était pas la même chose.
— Paris c’est juste… Je ne sais pas, je n’ai jamais l’impression d’être dans une seule ville, ici. Tous les quartiers sont différents. C’est difficile à… comprendre. Disons. Tu sais, on peut pas regarder la rue, se faire une image et se dire : ça, c’est Paris. Du coup, la ville échappe tout le temps et elle en devient un peu moins sympathique. Parce qu’elle est pas tout à fait un environnement dans lequel on peut vivre.
Il ne se sentait pas trop mal, malgré tout, à Paris. L’avantage, c’était que l’on y trouvait presque tout ce qu’on voulait et que quand sa marque de jelly lui manquait vraiment, il pouvait arpenter les supérettes anglaises et, fatalement, à un moment ou un autre, il allait trouver un pot qui l’attendait dans le rayon des produits frais, même à trois heures du matin. Il y avait toujours du réconfort, quelque part, à Paris, bien caché dans un bâtiment.
Mais déjà la conversation quittait la ville et Félix posait la question. Ashton resta un moment silencieux. D’habitude, il mentait. Mais mentir à Félix avait quelque chose de… futile ? Sans doute. Félix vivait si loin du monde, de son monde, qu’Ashton ne voyait pas trop ce qu’il risquait, pour une fois, à dire la vérité. Alors, d’une voix douce, il répondit simplement :
— Je suis acteur.
Mais ce n’était pas toute la vérité.
— Enfin, de mon point de vue, je suis plutôt athlète. Il n’y a pas tellement de jeu d’acteur dans ce que je fais. C’est plutôt une performance physique.
Nombreux étaient ses collègues qui rêvaient de jouer un jour dans un vrai film ou au théâtre et qui regardaient avec envie les quelques acteurs qui avaient pu passer du monde secret et interdit du sexe à celui des salles obscurs pour le grand public. Ashton, jouer la comédie, ça ne l’avait jamais intéressé.
— Je joue dans des films pornographiques. Toute sorte de films.
Voilà, c’était dit. Il n’avait pas donné plus de précisions. Après tout, il connaissait mal Félix et il ne pouvait évaluer son degré de familiarité, d’aisance avec tout cela. Inutile de le traumatiser.
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Sujet: Re: la planète bleue vire au rouge. (ashton)