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 Qu'elles s'arrachent ma vertu — Leho

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MessageSujet: Qu'elles s'arrachent ma vertu — Leho   Qu'elles s'arrachent ma vertu — Leho EmptyLun 8 Juil - 0:46

— Tu pleures ?

Ashton releva les yeux. Dans les vestiaires qui jouxtaient le plateau principal, dans la lumière de la porte d’entrée, la silhouette de Marc se découpait. C’était un homme plus âgé que nombre d’acteurs, mais il était puissamment bâti et, depuis plus de quinze ans, ses prestations remportaient un vif succès. Le Britannique secoua la tête et s’empressa d’essuyer, d’un revers de poignet, les larmes qui perlaient toujours au coin de ses yeux.

— Non, c’est juste, c’est… Une poussière.

Marc s’assit à côté de lui.

— Ça s’est mal passé ? Parce que j’ai croisé Crystal, et elle a dit que tu avais été super.

Un peu brusquement, Ashton répliqua :

— Non. C’est pas ça. J’veux dire. C’est rien.
— Tu sais, petit, t’es pas obligé de faire ça toute ta vie. T’es doué, sans doute, mais c’est pas une raison.

Ashton haussa les épaules. Après un moment de silence, il murmura sans conviction :

— Je dois… Il faut que j’aille faire les courses… Ranger l’appart. Je sais pas.

Un frisson parcourut son échine nue et puis, soudainement, il se releva, ouvrit son casier et enfila à la hâte un boxer et une paire de jeans. Avec un vague signe de la main droite, sa chemise serrée dans la main gauche, il laissa Marc derrière lui pour regagner le plateau et le longer. Sur la scène, on tournait déjà une autre scène — une partie du film dont il était lui-même l’une des têtes d’affiche. D’un regard indifférent, Ashton détailla un instant ses collègues qui s’escrimaient devant la caméra à avoir l’air de prendre autant de plaisir que possible.

Un assistant-caméraman se glissa à ses côtés et suivit son regard. Au bout de quelques secondes, il chuchota :

— Ça doit être génial, quand même, comme métier.
— Hmm…
— J’suis un grand fan, vous savez.

Ashton jeta un coup d’œil à l’homme. Trente, peut-être trente-cinq ans. Encore un de ces techniciens qui avaient choisi ce métier pour se rincer l’œil et que la médiocrité des salaires finirait bien vite par décevoir. Il esquissa un sourire un peu sale, avant d’interroger, l’œil luisant :

— Comment vous faites pour… Enfin, vous voyez ce que j’veux dire. Être toujours opérationnel au bon moment.

Haussement d’épaules. L’air ailleurs, Ashton répondit :

— Un don. J’suppose…
— Ça, c’est sûr…

Le caméraman avait répondu d’une voix rêveuse, qui suggérait assez qu’il s’imaginait à son tour comme tombeur de ces dames — il avait été incapable de percevoir la pointe d’amertume dans la voix d’Ashton. Le jeune homme finit par secouer la tête, endossa sa chemise, en referma quelques boutons et, après avoir contourné la table de contrôle, attrapa son sac à dos pour le jeter sur son épaule, quitter le tableau et s’engager dans les couloirs de la maison de production.

À mesure qu’il croisait des collègues, à mesure que telle jeune femme aux formes trop plantureuses pour être naturelles le saluait comme un vieil ami, que tel homme dans la force de l’âge, vêtu d’un sous-vêtement plus suggestif que pudique, l’invitait à la première communion de son fils, à mesure, en somme, que se reformait autour de lui un monde étranger, mais familier, et presque normal, Ashton retrouvait un peu de sa sérénité — il échangeait quelques mots, accueillait les compliments avec un sourire un peu timide et reprenait son chemin.

Dans l’ascenseur, il appuya sur le bouton de l’étage de la direction. Il avait un contrat à rentre pour une grosse production. Le salaire dépassait de très loin celui qui les menus acteurs du métier pouvait gagner — une situation de privilégié. En quelque sorte. Ashton se détailla dans la glace. Il se sentait éreinté — mais ça ne se voyait pas — ça ne se voyait jamais — son corps conservait cette beauté mi-sombre, mi-angélique, cette énergie inépuisable, sans rien laisser voir de ce qui se tramait dans son esprit. Parfois, il eût aimé être un peu plus transparent.

Les portes de l’ascenseur se rouvrir et Ashton tourna les talons pour parcourir à grandes enjambées le couloir. Arrivé devant le bureau du directeur, il jeta un coup d’œil interrogatif à la secrétaire, qui secoua la tête.

— Cinq minutes ?
— OK…

Le jeune homme se tourna vers la salle d’attente, laissa la bretelle de son sac à dos glisser de son épaule. Le sac atterrit sur le sol dans un bruit sourd et l’acteur se laissa tomber sur un fauteuil, avant de considérer, pour la première fois, comme s’il venait de s’apercevoir de sa présence, le jeune homme qui feuilletait les books des acteurs. Ashton le détailla quelques secondes en silence, avant de jeter un œil aux photographies pour le moins dénudées de ses collègues, sur l’album. Lui-même se trouvait dans tous ses états, cinq ou six pages plus loin.

À ses côtés, l’inconnu avait l’air d’un enfant entré dans un magasin de jouets après avoir longtemps observé la devanture — impatient mais intimidé. D’une voix douce, Ashton murmura :

— On vous laisse pas vraiment choisir, vous savez. Avec qui vous tournez. Mais enfin… Vous pouvez toujours faire des suggestions.

Le jeune homme se pencha pour tirer une montre de son sac et la fixer à son poignet, tout en interrogeant, sans avoir l’air trop inquisiteur :

— C’est la première fois ? Que vous faîtes ça, je veux dire.
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Qu'elles s'arrachent ma vertu — Leho

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