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 Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin

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MessageSujet: Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin   Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin EmptyMer 10 Juil - 12:28

Ah, le dimanche. Le dimanche, le pantalon de jogging confortable, les tee-shirts trop grands, bien calés au fond de son canapé avec une tasse de thé chaud à la main, les cheveux en bataille, en écoutant la musique à la radio et en lisant un bon livre. Tel était exactement le dimanche matin d’Ashton, ce jour-là. Sauf peut-être le bon livre. Ce n’était pas exactement le dernier tome d’un cycle de science-fiction ou la Recherche du temps perdu que le jeune homme feuilletait d’un air presque indifférent ce matin-là. C’était des magazines. Une pile de magazines.

TTBM Mag, Dominants & Soumis, Les Nuits parisiennes, Mâles - Mâles, tels étaient les titres qui, parmi d’autres, s’étalaient sur la table basse du salon resspectable. Quand le titre n’était pas entièrement explicite, la photographie de couverture éclairait en général assez lumineusement le contenu du périodique : des hommes tous plus ou moins bien faits, en tout cas tous généreusement pourvus, exhibaient leur charnelle impatience de manière peu faite pour susciter les interrogations et divers accessoires, de la bague (mais pas pour les doigts) aux bottes de cuir venaient un peu spécialiser le contenu.

Ashton avait reçu le tout dans un colis, la veille. Cela faisait longtemps qu’il ne feuilletait plus ce genre de revues avec la même fébrilité coupable qui avait été la sienne, bien des années plus tôt, lorsqu’en entrant dans l’adolescence, il avait découvert ce monde merveilleux où personne n’avait l’air de se sentir honteux de désirer ce qu’il désirait, ce monde parfait où tout était facile, simple, naturel pour ainsi dire, très loin du regard réprobateur du monde.

Maintenant qu’il voyait ces images tous les jours, qu’il en était lui-même souvent le sujet, la saveur n’était plus tout à fait la même. Il n’était pas dégoûté. Pas vraiment lassé. Certaines photographies éveillaient toujours en lui une émotion intacte, le même désir, la même excitation impatiente. Mais il préférait la vraie vie, celle qu’il avait finalement conquise, loin de ses parents, loin de Liverpool, sa vie étrange, compliquée, pas tout à fait saine sans doute, mais à la chair plus chaude que le papier glacé des magazines.

Non, s’il les regardait, ce matin-là, ce n’était donc pas pour s’offrir le spectacle désirable de ses semblables au saut du lit. C’était pour donner son accord. C’était un privilège, et il en avait parfaitement conscience. Pour la plupart des modèles, l’intervention s’arrêtait après la séance chez le photographe. Il fallait avoir une certaine réputation, un certain capital de succès, pour continuer à exercer une influence sur la suite des événements. Ashton était l’un des rares modèles à pouvoir imposer son veto sur certaines de ses photographies.

Du reste, il ne le faisait que rarement. Il était un professionnel talentueux et il était rare qu’à l’issue des séances de photographie, le moindre cliché fût à reprendre. Mais continuer à exiger d’exercer un contrôle, c’était maintenir un pouvoir précaire absolument nécessaire dans une industrie parfois prompte à se dispenser même de ses acteurs les plus prometteurs. Ashton s’accomplissait donc consciencieusement de cette formalité.

Il en était à examiner les photographies de lui dans Dominants & Soumis, dans lequel, comme à son habitude dans 99,99% des films où il jouait, il tenait un rôle dominateur, non qu’il eût pour celui-ci une préférence absolue, mais simplement c’était lui qu’on lui avait désigné à ses débuts et auquel il était resté fixé, il en était donc à examiner le luisant du cuir, quand la sonnerie de sa porte d’entrée retentit — et manqua de lui faire avoir une crise cardiaque.

Dire qu’il n’avait pas beaucoup de visites était un euphémisme. Plutôt, il n’avait pas beaucoup de visites imprévues. Il s’arrangeait pour fixer les rendez-vous avec ses amis, histoire d’avoir le temps de cacher ses magazines, les DVDs des films qu’il venait de sortir, les sex-toys qu’il parrainait, bref, tous les objets qui trahissaient une activité professionnelle dont il ne faisait pas exactement un objet de conversation courante.

Précipitamment, en manquant de la renverse au passage, il posa sa tasse de thé sur la table basse, rassembla les magazines en une pile et les cala sous un épais volume de Dickens, à l’étage inférieur de la même table basse, là où personne, croyait-il, ne songerait à aller regarder. En se relevant du canapé et en marchant à grands pas vers la porte, passablement stressé, il manqua bien entendu se prendre les pieds dans une chaise, et ce fut donc avec un air un peu perdu qu’il ouvrit la porte pour dévoiler le visage de son amie Aerin.

Ashton haussa un sourcil interrogateur qui, avec ses cheveux en bataille, son tee-shirt blanc immense et son jogging gris, acheva de lui donner un air de gamin égaré.

— Euh… Salut…

Il lui fallut une ou deux secondes pour retrouver un semblant de civilité et s’écarter du passage pour laisser la jeune femme rentrer et refermer la porte derrière elle.

— J’t’en prie, fais comme chez toi. C’pas très grand, mais enfin…

Jusqu’à lors, il n’avait jamais rencontré Aerin que dans des cafés, à la bibliothèque ou au skatepark. Bien sûr, elle avait son adresse : elle figurait sur la quasi totalité des documents qu’elle l’aidait à rédiger. Mais Ashton était un être discret et il n’était pas aisé de rentrer dans son appartement.

Il n’était pas grand, mais il était confortable. Sans vestibule, la porte d’entrée donnait directement sur une grande pièce principale, qui faisait tout à la fois office de bureau, de salon et de cuisine. La cuisine, ouverte sur le reste, contournée par un bar, occupait le côté gauche ; à droite, il y avait un bureau, un ordinateur portable, quelques dossiers et des feuilles plus ou moins bien rangées. Plus loin, au fond de la pièce, le canapé devant sa table basse, une petite bibliothèque avec des films, surtout, et quelques jeux vidéos, et puis une télévision à laquelle se trouvait branchée une console. Deux fauteuils hors d’âge mais à l’allure agréable complétaient le tout.

— Je vais… Tiens, j’vais prendre ton manteau. Voilà.

Le jeune homme déposa le manteau sur le porte-manteau, enfonça les mains dans les poches de son jogging après avoir (en vain) tenté de se recoiffer un peu et suggéra :

— J’peux… T’offrir un truc à boire ? J’ai du thé. Beaucoup.

Britannique, n’est-ce pas.

— Du café. Du cacao. Ce genre de trucs. Ou des jus de fruits. Voilà. Du lait, aussi, bien sûr.

D’ailleurs, il était déjà parti dans la cuisine — ou il s’y était réfugié, difficile à dire.
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MessageSujet: Re: Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin   Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin EmptyMer 10 Juil - 20:28

Le dimanche était un jour sacré, un jour de repos, mais puisque j'avais enfin eu mon bac, j'étais désormais en vacances et tous les jours se ressemblaient. J'avais décidé de prendre mon envol, d'avoir un chez moi. Ça ne pouvait pas être très différent de ma vie chez mes parents, j’avais du apprendre à être autonome depuis ... je ne m'en souvenais même pas, c'était dire. Le souvenir amer de mes parents toujours au travail ou pendus à leur téléphone refaisait souvent surface, et il était surement en partie responsable de ma timidité presque maladive. Je n'étais pas assez bien pour eux, ni pour personne d'autre. Je me disais souvent que je n'étais bonne qu'à me fourrer dans leur pattes. Alors ce dimanche-là, je décidais de partir pour le onzième, pour faire quelque chose de ma vie, mais aussi pour visiter un bar dans lequel je devrais donner un concert quelques semaines plus tard. Je me suis préparée, maquillée, seulement d'un simple trait d'eye liner pour donner un air félin à mon regard, et un peu de rouge à lèvres, je ne cherchais en aucun cas à faire dans le compliqué. Habillée d'un T-shirt aux couleurs de l'un de mes nombreux groupes favoris, et d'un short en jean, j'ai chaussé mes tennis, enfilé ma veste en cuir noir, relevé ma crinière flamboyante en un chignon et je me suis dirigée vers le métro. J'ai flâné un peu dans la station, m'arrêtant parfois pour écouter les musiciens de rue. Tout ce qui se rapportait à la musique m'attirait. Je tendais l'oreille, souriante, et je déposais quelque pièces dans leur réceptacle. Mes parents étaient riches, je pouvais bien aider quelques pauvres mendiants pour qu'ils puissent manger. Les gens disaient souvent que c'était ridicule, que je ne pourrais jamais aider tous les pauvres de Paris, mais je le répondais qu'au moins, j'avais fait quelque chose. Une fois dans le métro, je me suis assise, et le regard dans le vague, j'ai laissé mes pensées divaguer. Soudainement, je me suis rappelé d'une chose, Ashton habitait dans le onzième, et j'avais besoin d'un peu d'aide pour mon site. Il avait beau m'expliquer toutes ces histoires de codages, je ne voyais cela que comme du chinois. Je devais être exaspérante pour lui, je le plaignais sincèrement, comme toutes mes autres fréquentations. Une fois arrivée dans le onzième, j'ai trouvé le bar qui me donnait l'opportunité de jouer en ses lieux. J'ai discuté un peu avec le propriétaire autour d'un verre de jus de fruit, puis je suis partie.

Après plusieurs minutes d'errance, j'ai finalement trouvé l'immeuble d'Ashton. J'ai monté les escaliers jusqu'à son pallier et je me suis retrouvée là, plantée devant la porte, dans un moment d'hésitation. Et s'il ne voulait pas que je vienne? Dormait-il encore? Finalement, sur un coup de tête non réfléchi, j'ai appuyé sur le bouton de la sonnette. J'ai regretté ma décision quand son expression m'est apparue lorsqu'il a ouvert la porte. Le voyant ainsi, en jogging, décoiffé et l'air complétement perdu, j'ai cru l'avoir réveillé et je m'en suis tout de suite voulu. « Euh… Salut… » Je baisse le regard une première fois, encore honteuse. « Salut, je... J'étais dans le onzième, et... Enfin je me suis dit que je pourrais passer un petit coup, mais... » Je n'ai pas pu finir ma phrase qu'il s'était déjà écarté pour me laisser entrer. Je compris qu'il était inutile de me perdre dans des excuses aussi inutiles que stupides. Seulement c'était quelque chose qu'il m'était impossible de contrôler complétement. Quand me rendrais-je compte que je ne pouvais pas faire plaisir à tout le monde? « J’t’en prie, fais comme chez toi. C’pas très grand, mais enfin… » Je ne savais vraiment pas où me mettre et j'avais cette horrible impression d'être un intrus dans cet appartement. Je ne me suis pas rendue compte que je tripotais nerveusement mon T-shirt depuis que j'étais entrée, mais je m'arrêtais immédiatement.« Oh, c'est très bien... ne t'en fais pas... » C'est très bien... Etait-ce réellement un commentaire adéquate pour un appartement? J'étais tellement ridicule, et Ashton devait être plus que patient pour pouvoir supporter toutes mes gaffes. « Je vais… Tiens, j’vais prendre ton manteau. Voilà. » J'ai retiré ma veste et la lui ai tendu. « Merci » ai-je dit en souriant. Je me suis finalement décidée à aller m'asseoir dans l'un des deux grands fauteuils. « J’peux… T’offrir un truc à boire ? J’ai du thé. Beaucoup. Du café. Du cacao. Ce genre de trucs. Ou des jus de fruits. Voilà. Du lait, aussi, bien sûr. » Je me suis arrêtée en chemin et me suis tourné vers lui, mais il avait déjà filé à la cuisine. « Oui je... vais prendre un thé, s'il te plait. » En tentant de me faufiler entre la table basse, mon tibia a malencontreusement rencontré une pile de magasines rangée à l’intérieur, l'étalant sur le sol. « Ah mince, ce que je peux être... » maladroite? Le mot n'a pas franchi mes lèvres, car j'avais commencé à ramasser les revues, et ce que mes yeux ont vu, mon esprit a refusé de l'admettre. C'était quelque chose dont j'ignorais l'existence même, et je suis restée accroupie, au milieu du salon d'Ashton, dans un état de choc. Ashton était en couverture de l'un de ces magasines, dans une position plus qu'explicite, et il était clair que ce n'était pas le seul cliché. Une boule s'est formée dans ma gorge, et j'ai dégluti avec difficulté. Voilà pourquoi Ashton restait évasif sur sa vie professionnelle et personnelle, ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait crier sur les toits. Puis, comme si on m'avait infligé une décharge électrique, j'ai ramassé hâtivement tous les magasines, et je les ai rangés dans la table basse, espérant par ailleurs les porter hors de mon champs de vision. Je me suis dit que je ne verrais plus jamais Ashton de la même façon, et cela me rendait malheureuse. J'ai essayé de chasser ces images de ma tête mais elles y restaient horriblement imprégnées.
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MessageSujet: Re: Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin   Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin EmptyMer 10 Juil - 22:32

Du thé — elle voulait du thé — c’était déjà cela. Sans doute était-ce un peu ridicule, mais Ashton ressentait un réconfort tout britannique à faire bouillir de l’eau sur sa gazinière et à regarder les feuilles frissonner plus tard, dans la boule à thé, à sentir les volutes de fumée s’élever. Parfois, il se demandait à quel point il le paraissait, britannique, aux yeux des Parisiens. Le trouvait-il flegmatique ? Peut-être. Imbus de lui-même ? C’était peu probable. Réservé ? Sans doute. Pudique, même, en quelque sorte — ironique quand on faisait un métier comme le sien.

Lorsque Aerin fit tomber la pile de magazines, la bouilloire chauffait à plein et Ashton eût été bien incapable d’entendre le moindre bruit, et certainement pas la voix discrète, timide, de son invitée inattendue. La jeune femme lui faisait toujours l’effet d’un oiseau qui venait juste d’apprendre à voler, et qu’il fallait encore protéger contre les dangers du vaste monde — une idéaliste un peu naïve. Il n’était pas beaucoup plus âgé qu’elle et pourtant, à ses côtés, il avait l’impression d’avoir vingt ans de plus et d’être investi d’une sorte de responsabilité.

Pendant que le thé infusait, il jetait un regard dans le reflet qu’il parvenait vaguement à distinguer dans l’aluminium de la hotte aspirante. À nouveau, il tenta de se recoiffer, pour n’avoir pas tout à fait l’air de tomber du lit, mais sans grand succès. Le temps considérable qu’il passait parfois dans la salle de bain venait moins d’une hypothétique coquetterie que de la nécessité de domestiquer quotidiennement une tignasse rebelle tout en essayant de ne pas faire des dépenses astronomiques en gel à coiffer — un équilibre qui exigeait un investissement athlétique toujours considérable.

Ce fut donc toujours aussi décoiffé qu’Ashton reparut, cinq minutes plus tard, dans le salon pour déposer une tasse de thé au coin de la table basse, près d’Aerin et se laisser tomber en face de la sienne, dans le canapé. Il replia ses jambes pour ramener ses pieds sur le coussin.

— J’suis désolé, j’suis pas super présentable, mais le dimanche je…

Il chercha un instant l’expression française et essaya :

— Retarde un peu. Non. Traine un peu. Je traine un peu, voilà.

Il esquissa un sourire et en constant qu’Aerin ne répondait pas à son sourire, il se rendit finalement compte que la jeune fille était presque tétanisée dans son fauteuil. Ashton plissa les yeux.

— Aerin… ?

En quelques secondes, le regard perdu du jeune homme s’était fait extraordinairement perspicace. Il n’était pas rare que les expressions d’Ashton changeassent ainsi et si le Britannique insistait souvent sur son manque d’éducation, il n’y avait personne parmi ses amis un peu proches qui n’eût un jour eu le droit à une démonstration de la combinaison démoniaque que formaient son sens de l’observation, sa mémoire et son intelligence.

Une seconde : ses yeux scannèrent l’expression d’Aerin. Une seconde : ils se promenèrent dans la pièce pour trouver quelque chose qui clochait. Une seconde : ils se posèrent sur les magazines, déplacés d’un demi-centimètre par rapport à la position dans laquelle il les avait rangés et dont il se souvenait, bien entendu, à merveille. Une demi-seconde : il déduisit ce qui se tramait dans l’esprit de son angélique musicienne. Trois secondes et demi après sa question, Ashton rougit donc jusqu’aux oreilles.

— It’s… It’s just, I… I was… I… There’s…

Le jeune homme se releva soudainement, attrapa les magazines et s’empressa d’aller les fourrer dans un tiroir du bureau. Le premier de la pile avait sa photographie en couverture, debout, en train de jeter un regard souverain et animal à un homme docilement à genoux devant lui, prêt à se soumettre à ses moindres volontés — une photographie des plus réussies, sans aucun doute, mais entièrement dépourvu de vêtements (si l’on exceptait les bottes en cuir qu’il portait). Bref, « c’est pas c’que tu crois » n’était pas une explication possible.

Le cœur battant, les larmes aux yeux, Ashton resta un moment planté devant son bureau, à regarder ses mains trembler. Il sentait déjà sur lui le regard changé d’Aerin — il connaissait bien ce moment où, sur le visage d’un ami, le dégoût et l’incompréhension venaient s’installer. Ce fut d’un pas lent et résigné, comme un condamné qu’on mène à l’échafaud, qu’il revint s’asseoir à sa place sur le canapé.

Désormais, son regard évitait soigneusement celui de son amie. Instinctivement, il avait repris sa propre tasse de thé, et il la faisait tourner entre ses doigts. Tout bas, mais en français à nouveau, il souffla :

— Désolé…

Ce pour quoi il s’excusait n’était pas très clair. Désolé qu’elle eût vu les magazines ? Désolé de s’être levé si brusquement pour les ranger ? Désolé de n’en avoir jamais parlé ? Désolé d’exercer le métier qui était le sien ? Lui-même ne savait pas trop. L’estomac noué, il se sentait au bord des larmes — mais il se retenait, histoire de ne pas offrir, en prime, le pathétique spectacle de sa détresse humaine.

— T’es pas obligée de rester, tu sais. Enfin, je veux dire… si tu ne veux plus… me voir.

Il y eut un petit silence et, à moitié pour lui-même, il rajouta :

— Je comprendrais…

Avant de conclure d’un ton un peu amer :

— Puis j’ai l’habitude.
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MessageSujet: Re: Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin   Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin EmptyVen 12 Juil - 15:34

J'avais fini par réussir à faire un mouvement, celui d'aller me rasseoir dans l'un des fauteuil qui meublaient le salon. Mes yeux grands ouverts fixaient un point invisible tandis que je restais pétrifiée par ce que je venais de voir. Mon coeur battait à vive allure, résonant dans mes tympans. J'essuyais mes mains moites et tremblantes sur mes cuisses, en espérant que ce geste répétitif et rassurant puisse m'apporter un peu de réconfort. Si seulement il existait un bouton "supprimer" pour les choses que l'on avait pu voir. Je voulais remonter le temps. Retourner au matin même, aller visiter le bar et rentrer chez moi directement. Pourquoi étais-je venue? Il était clair qu'Ashton ne voulait pas être dérangé ce matin-là. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Si je n'étais pas venue, je n'aurais pas vu ces magasines. Rien qu'à leur pensée, un nouveau frisson me secoua toute entière. Il fallait que je me calme. Les émotions sont des choses qui me submergent, et que je suis incapable de contrôler. Le choc du moment m'en empêchait, et je n'avais pas ce talent-là. J'ai croisé les jambes, et le pied qui était encore à terre se mit à frapper le sol frénétiquement. Comme si je pouvais expulser mon angoisse par le sol. Ridicule. Comme tout mon être. Ashton est revenu au salon, tasses de thé en main, mais c'est à peine si je l'ai vu. Mon regard était toujours perdu dans le vide, et je savais que s'il croisait le sien, je perdrait définitivement tous mes moyens. « J’suis désolé, j’suis pas super présentable, mais le dimanche je… Retarde un peu. Non. Traine un peu. Je traine un peu, voilà. » En temps normal, je lui aurais rendu son sourire, mais à ce moment même, c'était quelque chose qui m'était tout bonnement impossible, et je m'en sentis coupable. Coupable de quoi? D'avoir renversé les magasines? De sentir que mon regard sur mon ami ne sera plus jamais le même? Je n'en savais trop rien, mais je ne pouvais me défaire de cette sensation. Ashton a du remarqué mon état anormal, qui était plus qu'évident. « Aerin… ? » La seule entente de mon nom a fait monter les larmes. Je n'ai pas pu les réprimer, mais elle se sont faites silencieuses. Pas un sanglot, pas un reniflement. J'ai cligné rapidement des yeux, espérant ainsi les chasser, mais rien n'y faisait. La boule dans ma gorge revenait à chaque fois que je tentais de l'avaler, et je savais que j'étais proche de craquer. « It’s… It’s just, I… I was… I… There’s… » Je ne l'avais vu se sentir mal au point d'en perdre son français. J'en étais la cause et cela me fait sentir encore plus horrible. Je l'ai regardé attraper ses revues et s'empresser de les ranger dans son bureau. Je regardais tout autour de moi, cherchant désespérément quelque chose à quoi me raccrocher. « Je... Je suis tellement désolée... Je ... n'aurais pas dû... »  Ma voix était faible, et horriblement tremblante. J'essuyais les larmes qui avaient coulé sur mes joues, mais un nouveau flot a aussitôt été déversé. Je ne savais même pas pourquoi je m'excusais. Je n'arrivais pas à me sentir dénuée de toute culpabilité, et j'avais l'atroce impression que tout ce qui arrivait était de ma faute. Ce qui était, bien sur, complètement idiot. Mais dans le moment je ne m'en rendais absolument pas compte. Ce fut au tour d'Ashton de s'excuser, mais je n'ai pas répondu tout de suite. J'ai saisi ma tasse de thé de mes mains toujours frémissantes, dans l'espoir que la chaleur de l'objet les calme quelque peu. « T’es pas obligée de rester, tu sais. Enfin, je veux dire… si tu ne veux plus… me voir. » J'ai relevé vivement la tête, et pour la première fois, j'ai croisé son regard. Il semblait presque autant perdu que moi, nous avions tous les deux les yeux humides. « Non, je... » Je n'ai pas terminé ma phrase, je ne savais pas vraiment quoi lui dire, en vérité. Silencieuse, je cherchais mes mots. Je voulais trouver un moyen de lui dire ce que je ressentais, sans le blesser, et ce ne serait pas facile. « Je comprendrais… Puis j’ai l’habitude. » Cette dernière phrase me fit l'effet d'un crissement de craie sur un tableau. Il avait déjà vécu cette situation, et je refusais de continuer cette histoire. Je finis par réussir à articuler mes pensées. « Ashton, je... je refuse de t'abandonner. Il me faut juste un peu de temps, mais je ne te laisserai pas tomber. Je t'ai connu et apprécié pour ta personnalité, et ce sont des choses que je doit gardr  à l'esprit. Mais... ces images... je les ai vues et... je vais devoir faire des efforts. Je veux que tout redevienne comme avant, je sais que ce sera difficile, mais je finirai par oublier tout ça. Ou du moins j'essaierai de vivre avec. Laisse moi juste un peu de temps. » Mon regard s'est replongé dans le liquide ambré que contenait ma tasse, tandis que j'essuyais à nouveau les larmes qui avaient ravagé mon visage.
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MessageSujet: Re: Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin   Des DVDs, des livres, et... tiens. Des revues. — Aerin EmptyVen 12 Juil - 22:15

Ashton regardait fixement l’ambre de son thé. Il faisait tourner la tasse, et la surface du liquide oscillait de droite à gauche. Ce spectacle fascinant aurait eu un effet presque relaxant si, sur le fauteuil en face de lui, Aerin n’était pas en train de renifler bruyamment à cause de lui. Il finit par se relever, attraper un paquet de mouchoirs sur une étagère et le poser sur le coin de table le plus proche de son amie, avant de s’installer à nouveau sagement à sa place, avec son air d’ange triste et blessé, qui contrastait comme jamais avec la photographie de démon dominateur que la jeune femme venait de voir.

Le Britannique releva un bref instant le regard quand elle se mit à parler, avant de le détourner à nouveau, pour regarder par la fenêtre cette fois, la façade de l’immeuble en face du sien. Il se demandait si, finalement, il ne redoutait pas plus de l’entendre parler que de la voir quitter sur le champ son appartement. Après tout, si en règle générale il faisait son possible pour dissimuler ses activités professionnelles à ses nouveaux amis, c’était précisément pour ne pas avoir à explorer le sujet de fond en comble.

Et puis, c’était aussi qu’il était un peu sensible. Il ne faisait pas son métier par vocation, c’était certain, mais enfin, il eût tout aussi bien pu travailler comme serveur, garçon de café ou barman dans un club. Avec son joli minois, il n’aurait sans doute pas eu trop de difficultés pour trouver un petit travail, pas forcément très rémunérateur, mais enfin suffisant pour survivre. Ce qu’il faisait, il le faisait malgré tout par choix, et la manière que son amie avait de présenter les choses le transformait un peu trop en criminel à son goût.

D’une voix lointaine et un peu vexée, il fit remarquer :

— Oui, enfin, c’n’est pas comme si j’avais tué quelqu’un, hein…

Il jeta un regard en coin à Aerin. Réflexion faite, il se rendait compte qu’avec la jeune femme, ils n’avaient jamais discuté du moindre sujet même très vaguement sexuel. Ce n’était pas très surprenant : un garçon, une fille, ils se connaissaient à peine, la situation ne se prêtait guère à ce genre de confidences. Mais du coup, pour ce qu’il en savait, Aerin pouvait très bien être tout à fait inexpérimentée dans ce domaine et n’avoir pas tous les éléments pour interpréter correctement ce qu’elle avait vu.

Il fallait dire que tomber sur un magazine de domination était peut-être une entrée en matière un peu brutale. Peut-être la jeune femme prenait-elle trop littéralement ces images et était-il devenu, à ses yeux, un authentique sadique qui martyrisait des victimes innocentes. Ashton précisa donc d’un ton beaucoup plus conciliant :

— Je veux dire, les autres personnes, sur ces photos, ce sont des professionnels. Pleinement consentants.

Il fut d’ailleurs tenté de préciser que, dans sa vie privée, il n’avait pas lui-même une folle passion pour les chaînes et le cuir, et qu’un acteur remplissait les rôles qu’on lui proposait, pas forcément ceux qui correspondaient à sa propre sexualité, mais quelque chose lui disait que, pour l’heure, Aerin voudrait peut-être se passer des détails circonstanciés de sa vie intime, même si cette vie intime était beaucoup moins rocambolesque que ses films et ses photographies.

Ashton poussa un soupir et reposa sa tasse de thé.

— Mais c’est gentil, de rester.

Il s’était penché en avant, les coudes sur les genoux, les mains croisées.

— Tu sais…

Ashton laissa la suite de sa phrase informulée. Il ne savait pas trop quel genre d’explications Aerin attendait ni, à vrai dire, si elle voulait des explications. Il se rendait compte à présent combien la personnalité de son amie lui échappait dans certains domaines. Avait-elle jamais vu une publication pornographique auparavant ? Avait-elle ne serait-ce qu’entendu parler des pratiques dont elle avait eu un bref aperçu en regardant la couverture de ces magazines ? Peut-être pas. Peut-être même était-elle homophobe. Peut-être…

Ashton passa une main dans ses cheveux pour tenter de chasser ces questions inutiles. Doucement, il suggéra :

— Si tu as des questions… Maintenant, ou à un autre moment. Si tu veux que je t’explique un truc. Tu peux demander. C’est pas… secret. C’est juste…

Il haussa les épaules et laissa échapper un nouveau soupir.

— Discret. Je suppose.

Incapable de rester en place, Ashton se releva pour s’avancer jusqu’à la fenêtre et regarder les rares passants qui, le dimanche matin, allaient du bureau de tabac au café du coin.

— Et puis, surtout, t’as pas à t’excuser. T’as rien fait de mal. D’habitude, ça traine pas ici, ce genre de trucs. Juste, j’ai reçu ça hier, je dois revoir avant la diffusion, donner mon autorisation, tout ça. J’pensais pas recevoir de la visite ce matin, sinon j’aurais rangé.

Ashton, de toute façon, ne se constituait pas un petit musée personnel. Il n’avait aucune envie de revoir ses anciennes prouesses, qu’elles fussent photographiques ou vidéographiques. Il avait bon nombre de collègues, masculins surtout, qui prenaient un malin plaisir à faire étalage de leurs productions passées, comme une sorte de petite gloire, mais à son goût, le travail était fini après la publication et il se débarrassait des exemplaires qu’il avait comme on archivait un dossier.
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