Tu quittes ton appart, pour le weekend au moins, t’as besoin d’te ressourcer un coup chez tes parents, ouais t’sais bien que la cité ce n’est pas le meilleur endroit pour être au calme mais t’as pas eu la chance de vivre dans une famille plein aux as, de vivre dans une des banlieues chic, t’es pas à Neuilly. T’as pas besoin de tout ça, de toutes ces fanfreluches qui feraient de ta vie quelques chose d’absolument monotone, qu’est-ce qu’on doit se faire chier quand on a tout ce qu’on veut sans avoir besoin de faire quoi que ce soit. La mobylette verte traverse Paname. Il est 15h et t’as prévu d’aller chez tes parents, Vitry ce n’est pas loin. Vitry c’est bien loin d’être Paris. C’est clair que c’est bien loin d’être la banlieue chic, mais ta vie tu l’aimes comme ça. T’as toujours aimé vivre seule, être indépendante, tu seras jamais le genre de meuf qui vivra aux crochets de quiconque, t’es une meuf libérée et tu ne voudrais pour rien au monde que cela change. Tu n’as pas besoin de ça. Paris file, Paris défile, tu quittes cette grande ville sur ta petite mobylette verte. Tu débarques chez toi, il n’y a personne, tu poses tes affaires dans le salon, un mot sur la table « J’suis partie faire les courses. Lisa. » Tu souris, ramassant le bout de papier. Tu t’installes, un verre de coca, une clope, t’allume la télé. T’entends frapper à la porte, tu ne sais pas qui ça peut être, sans doute Lisa qui n’arrive pas à ouvrir la porte avec ses bras chargés de courses, tu poses ta clope dans le cendrier et va ouvrir. T’avais bien tort de penser que c’était Lisa et ton visage se ferme quand tu vois Kyhan face à toi. Ce mec-là tu voulais plus en entendre parler. Un beau parleur. Un beau con ouais surtout. Pas que tu lui en veuille toujours, enfin, disons plutôt que t’as préféré le rayer de ta vie plutôt que de continuer à le fréquenter. « Lisa n’est pas là. », si tu t’écoutais tu lui aurais fermé la porte au nez, pourtant tu sais bien que s’il est là c’est qu’il doit voir ta sœur. T’es pas forcément pour le fait qu’ils se fréquentent mais elle est assez grande que tu n’aies pas à être sur son dos constamment. Après tout elle se débrouille. « Tu comptes entrer où tu restes dehors ? Elle va revenir elle est juste allée faire les courses. » Tu te réinstalles sur le canapé, tu reprends ta clope qui s’est pratiquement consumée en entier dans le cendrier, tu tires un clope et l’écrase. La tension est à son comble, faut dire que t’as toujours pas digérer c’qu’il t’a fait et que toi t’es pas le genre à aimer les conflits, bien au contraire si tu peux les fuir tu le fais, or là, la situation n’est tellement pas adéquate pour prendre la fuite.

Vendredi après-midi. Tu sors enfin de chez toi. Oui, normalement, t’avais cours aujourd’hui. Mais t’avais tellement fait la fête la veille, que t’avais pas réussi à te réveiller. C’était jeudi soir, hier. Alors forcément, tu t’étais aventuré en soirée étudiante. Puis à deux after, pour enfin aller te coucher à 11h du matin. C’est pour ça que t’as séché. Parce que de toute manière, t’avais déjà loupé trois heures de cours, alors autant ne pas aller aux trois autres. Pour toi, c’était une perte du temps. C’était comme louper la première moitié d’un film et se brancher pour la deuxième partie. Inutile. Puis, fallait quand même avouer que tu préférerais être devant un film qu’en cours. Malheureusement pour toi, si t’avais réussi à éviter de trainer ta gueule de bois jusqu’au lycée, fallait encore que t’ailles chez Lisa pour un cours particulier. C’est ta deuxième terminale, et cette fois-ci, tu le veux ton bac. Même si t’es trop con. Même si tu comprends que dalle à ce qu’on te demande d’apprendre. T’as juste l’impression d’être un illettré à qui on demande d’expliquer du Baudelaire. Alors, t’as demandé à ton amie de l’aide. Parce que t’as pas envie qu’on te prenne encore pour cet incapable. Et aussi, parce que t’as envie de te barrer de cet établissement que tu considères comme une prison. T’étouffes, là-dedans. T’as besoin de partir, de découvrir ce que le destin t’a réservé, et c’est pas en prenant racine dans ce bahut que tu verras la suite. T’as décidé de prendre ta vie en main, et de demander un coup de pouce. Alors même si t’as pas trop la motivation, tu lèves ton cul de ton lit, et tu vas prendre une douche. Tu vas te préparer pour aller affronter le tutorat : plus vite t’y seras, plus vite tu pourras partir. Prêt pour aller à l’abattoir, tu montes sur ta moto et prends la direction de la résidence des Maurin, ton sac sur le dos.
Sur place, tu te sens obligé de soupirer. Tu regardes de loin l’entrée, et t’as qu’une envie : faire demi-tour, histoire de pas perdre trois heures à étudier des trucs qui te serviront jamais. Mais faut bien que tu passes par là. Et avant d’y aller, t’as besoin d’une clope, histoire de décompresser avant la torture. Tu prends ton courage à deux mains, et t’avances vers le porche. Tu sonnes, puis patientes en réajustant ta casquette. Tu tires ta casquette en faisant quelques pas sur le paillasson, et quand la porte s’ouvre, tu t’exclames : « Ah bah j’ai cru que t’étais pas là ! » Tu relèves la tête. Et tu bloques. Devant toi, t’as bien la fille Maurin. Mais pas la plus jeune. Non, t’es en face de ton ex petite-amie, à qui t’as brisé le cœur sans le vouloir. Ta mâchoire se serre, et tu te sens obligé d’enlever ta casquette pour passer une main dans tes cheveux. Saleté de tic. Maintenant, elle sait que t’es gêné. Tu sais pas trop quoi dire, là, parce que ça fait un moment que tu l’as pas vu. Et tu sais qu’elle a la haine contre toi. « Lisa n’est pas là. » Tu bouges pas. Tu sais pas du tout quoi faire. Un blanc s’installe, qu’elle vient vite briser. « Tu comptes entrer où tu restes dehors ? Elle va revenir elle est juste allée faire les courses. » Elle te laisse pas répondre, et s’éloigne dans la maison. T’écrases ta clope et la jette à l’extérieur avant de rentrer. La maison, tu la connais bien, donc tu fais comme chez toi, et tu vas jusqu’au salon. Ton sac posé sur le fauteuil, t’oses pas t’assoir par contre. Parce qu’elle est là aussi. Awkward. Et toi, tu te sens obligé de briser la glace. « Ca va, depuis le temps ? » Super. Tu lui as pas parlé depuis un bail, et c’est tout ce que tu trouves à dire ? Bravo Kyhan, bravo. T'as les mains moites. Et cette situation te fait encore dire des conneries : « Tu veux boire quelque chose ? » Ouais, t'es vraiment comme chez toi, ici.

T’es entrée sans trop lui laisser le temps de répondre, à quoi bon de toute façon, s’il veut entrer qu’il entre sinon qu’il reste dehors. Apparemment il a décidé d’entrer, tu ne sais pas pourquoi il vient voir ta sœur, t’as pas tellement envie de savoir ce qu’ils trafiquent ensemble de toute façon et puis non ça te regardes pas. Tu te rallumes une clope et fixe la télé parce que faut dire que sa présence te gêne un peu. Ne t’as pas envie de penser à votre relation. Relation à la con ouais. Trop de sentiments. Sentiments à la con. Tu jettes un coup d’œil vers lui, il est debout, droit, il a l’air aussi à l’aise que toi en fait « Ça va, depuis le temps ? » tu le regardes une nouvelle fois, quelques secondes de silence puis revire ton regard en direction de la télé « Oui ç’va, toi ? » tu prends tout de même la peine de réponde avec autant de froideur qu’un congélateur certes, mais quand même, tu fais l’efforts parce que tu ne sais pas quand Lili va rentrer et que tu ne sais pas pendant combien de temps il va attendre avec toi. T’hésites entre lui proposer de s’asseoir ou rien dire parce que tout de même il te fait sacrément de la peine, droit comme un piquet juste à côté du canapé. T’entrouvres la bouche et t’apprêtes à lui proposer de s’asseoir quand il te demande si tu veux boire un truc, t’arques un sourcil, la situation et de plus en plus étrange. Il n’a pas l’air si gêné que ça tout compte fait. Tu te doutes que du coup il connait la maison de tes parents presque aussi bien que toi et que donc par conséquent il doit venir souvent. Tu trouves ça bizarre mais tu n’y prêtes pas plus d’attention que ça, du moins pour l’instant. « Non c’est bon j’ai c’qu’il me faut, j’te propose pas de te servir t’as l’air de connaître l’endroit. » tu dis en esquissant un sourire, genre le sourire, un peu crispé qu’on veut empêcher d’apparaître mais qui apparaît quand même, le petit rebelle qui n’en fait qu’à sa tête. Tu repenses à la relation qu’entretiennent ton ex et ta petite sœur, t’as pas envie qu’il lui fasse la même chose qu’à toi, c’est ta sœur, t’as envie de la protéger, comme tu l’as toujours fait d’ailleurs. Tu ne sais même pas qu’elle est la nature de leur relation mais tu vas au plus logique, Kyhan sort avec Lisa. Tu sais pas si tu dois lui en parler ou pas, et si ce n’était pas le cas, après tout le seul moyen de savoir c’est de …… tu tournes à nouveau la tête vers lui en tirant sur ta clope « reste pas debout, assieds-toi… dis-moi, ma sœur m’a jamais parlé de toi, ça fait combien de temps vous deux ? » si il se fout de toi c’est qu’ils ne sont pas ensemble et là tu seras soulagée, s’il te réponds ça te fera chier.