► OOH LA LA PARIS.
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ooh la la paris, réouverture. 02/11/14.
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 la vie s'oublie. (cezary)

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MessageSujet: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyMar 28 Mai - 15:46



Ils se propagent, semblable à une maladie. Je peux les sentir se mélanger à mon sang comme une poussée d'adrénaline. C'est douloureux, destructeur, tragique, dégueulasse. Les remords recouvrent mon âme comme la gangrène grignoterait ma chair. Sauf que cette fois-ci, m'amputer d'un membre ne suffirait pas à détruire la douleur. Non, elle est bien trop présente, en moi, sur chaque parcelle de ce corps meurtri par la haine et le chaos. Mes poings se resserrent nerveusement dans le vide pour tenter de trouver un équilibre. Mon cerveau tourne à plein régime, à la recherche d'un quelque chose pour remettre en ordre ses pensées. Mais rien, non rien ne semble pouvoir trouver sa place. La paix intérieure est détruite, elle agonise au plus profond de moi comme un putain d'animal attaché à un arbre. Il meurt de soif, se dessèche. Personne ne viendra à lui pour l'aider. Dans une morte lente et douloureuse, la bête finira par s'éteindre. Oui, c'est ça, la sérénité que je pouvais posséder autrefois ne reprendra plus jamais ses droits. La voix de ma femme résonne encore dans ma tête, comme une vieille mélodie que l'on ne peut oublier. Celle qui vous pointe du doigt pour vous détruire un peu plus. Elle me nargue tandis que les pleurs d'un nourrisson prennent place sous ma boîte crânienne comme pour me dire 'tu vois Slim, t'as tout foutu en l'air, tu peux rien changer contre ça.' Un frisson parcoure mes épaules à cette pensée. Mes muscles, tendus à l'extrême réclament leur dose de coke pour pouvoir reprendre un semblant de vie normale. Ma seule lucidité se trouve dans la drogue. Douce ironie du sort. J'incarne la destruction, la haine, le manque de courage. Je suis un personnage shakespearien qui atteint son bonheur dans des choses qui le détruisent encore plus. Ce soir je suis encore plus bas que d'habitude, possédé par le manque, la chute est plus violente. Je suis un avion qui tombe à pic sur la première montagne qui lui ouvre les bras. Mes mains s'attachent nerveusement à la trottinette tandis que mes pieds appuient machinalement sur le goudron de la ville. La nuit tombée, je dévale les rues de Paname en silence. Pourtant, dans ma tête, résonne toujours inlassablement les bruits du passé. L'horreur sur le visage de mon frère, les larmes de ma mère. Tout semble encore parfaitement frais et palpable. J'ai l'impression qu'il suffirait de tendre les bras pour retourner en arrière. Mais non, tout n'est qu'illusion, encore une fois. Un putain de monde imaginaire dans lequel je me complais à m'y perdre. J'ai beau essayer de me reprendre, je ne suis pas dans une bulle mais dans une minuscule pièce aux murs bétonnés. C'est une putain de camisole de force qui me prive de tout mouvement, m'incitant à me perdre dans les tréfonds de ma stupidité.

Le cœur au bord des lèvres, une silhouette se dessine à quelques mètres seulement. Renton est présent, comme à son habitude. Chaque soir, des dizaines de gars aussi paumés et désespérés que moi viennent le voir pour une dose de came. Ils chialent, s'écrasent à ses pieds, ne prennent pas toujours le temps de s'éloigner et sniffent leur coke à la sauvage. Le morceau de féraille qu'est ma trottinette s'arrête à quelques centimètres de lui. Encore plein d'espoir, mon regard se plante dans le sien, sans aucune trace de gêne. Il m'a déjà vu dans des états bien pire que cela. J'suis persuadé qu'il sera clément. Hein, ouais que tu le seras. Pour une fois dans ta putain de vie. Ma voix résonne, tremblante, déjà foutrement sincère. « J'ai pas de fric mais j'te rembourserai. J'ai besoin d'une avance. » Le silence s'impose entre lui et moi. Je peux l'imaginer tel un chat, s'étirer entre nous deux. Finalement, un rire acide quitte ses lèvres. « Tu te fous de moi ? T'es pas à la croix rouge. Allez, dégage. » Renton me sourit, comme si je n'étais qu'un con parmi tant d'autres. Fin ouais j'en suis un mais je déteste qu'on me foute le nez dans ma propre merde. Ce doit être pour ça, d'ailleurs, que pris d'une poussée de rage incontrôlée, la trottinette s'écrase froidement contre le goudron. La raison a beau me murmurer de continuer mon chemin, je n'peux m'empêcher de m'approcher un peu plus de Renton. Grignotant sauvagement la distance qui nous sépare. C'est là que mon premier poing s'abat contre sa mâchoire. J'pourrais très bien arrêter là, prendre ma came et fuir mais non, je continue, posséder par la haine. Le bruit de la chair est attirante. Les coups partent un à un, plus apaisant que la drogue en elle-même. Le sang coule contre mon épiderme, tâche mon t shirt blanc, épouse mon visage. Le goût du fer dans ma bouche parvient à me dégoûter au point de calmer le démon faisant surface. Nerveux et conscient de ma position de faiblesse, mes mains se perdent dans ses poches pour y attraper des sachets de coke. Maintenant, y a plus qu'à se barrer et ne surtout pas tourner la tête en arrière. Oh non, une armée de ses gars doit déjà être à mes trousses. Ça serait tellement con de se faire démonter pour quelques grammes de poudre blanche. Des larmes rageuses stagnent au creux de mes paupières rougis par la haine. Au fur et à mesure que les rues tombées dans l'obscurité défilent, les échappatoires se referment. J'pourrais très bien retourner chez moi et me faire bouffer par l'alligator, attiré par le sang et affamer par les jours de diète. Ou bien traîner dans les rues et faire le con comme j'ai toujours su le faire. Me détruire dans un petit coin sombre en attendant que le jour se lève et me ramène à mes esprits. Mais non, ce soir j'ai décidé d'emporter quelqu'un dans ma chute. Égoïste, mes doigts pianotent déjà sur mon portable pour envoyer un message à Cezary. Retrouve moi au bois de boulogne. J'ai de quoi partir aux pays des merveilles. Le lapin blanc nous attend. Et s'il ne vient pas, je défoncerai la planète de me laisser seul en pleine nuit. Je trouverai une bombe nucléaire pour détruire Terre et les faire payer de ma solitude intenable. J'ai l'bonheur au bout des doigts, prêt à le partager. J'attends, je dessine, je visualise déjà dans mon esprit son visage. Sa silhouette qui pourrait me rejoindre. Allez Iago, tu vas pas m'abandonner, pas ce soir. J'vais enfin pouvoir être à la hauteur de tes attentes. Le paradis est à notre portée, les putes en sont témoins.
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyMar 28 Mai - 16:15

Personne à droite, personne à gauche. Il a perdu tous ses repères et pourtant, il poursuit sa route. Inlassablement, il navigue entre les brancards, il évite les infirmières et espionne les patients. Il pourrait s'y faufiler, son visage cerné et son teint pâle suffiraient à l'illusion. Son corps, en perte, tient à peine debout alors qu'il quitte son service. D'une main tremblante, il glisse son badge sur une plaque métallique brillante et continue son chemin. D'un pas nonchalant, il rejoint les vestiaires de l'hôpital où il laissera tomber le masque ; sa blouse blanche, son pantalon en lin crème. D'une démarche plutôt hésitante, il se faufilera jusque sous la douche et laissera l'eau balayer cette peau qu'il enfilait plus tôt dans la journée, en commençant son service. Une nouvelle soirée de perdue, à errer entre les corps, à pousser des lits et plier des draps. Ce métier, il eut été son échappatoire, il fut un temps. Ce métier, aujourd'hui, ne représente plus qu'un fardeau qui puise les faibles forces qu'il lui reste. Dépité, il laissera l'eau chaude caresser son corps, son esprit. Il laissera l'eau lui arracher ses maux et lui faire oublier ce qu'il aura été ces sept dernières heures. Tranquillement, il quittera alors les douches communes, enfilera un jean, un t-shirt et un pull-over ; fripes délavées, usées et salies par les occasions manquées. Le visage fermé, l'expression vide et les yeux baissés, il quittera alors l'hôpital Necker et abandonnera Iago, le brancardier souriant et sympathique pour devenir Cezary, l'âme vagabonde.

La nuit étant déjà son manteau sombre lorsqu'il pose pied à terre. D'un simple regard, il aura le temps d'observer la jeune femme postant une photo de ses nouvelles chaussures sur Facebook, l'homme d'affaire pressant sous son coude son attaché-case comme s'il s'agissait d'un objet d'une valeur incommensurable et la femme trottinant derrière son mari, à la recherche des mots juste pour l'empêcher de la fuir à nouveau. D'un simple coup d'œil, il retrouvera la routine parisienne, son ennui mortel et son cruel manque d'attractions. Il n'attendra pas que la nuit lui échappe pour reprendre sa route, évitant intelligemment les traquenards que se dresseront devant lui. Avançant d'un pas décidé, il hèlera un taxi qui, il l'espère, le conduira jusqu'à son appartement. Aucun plan pour cette nuit, juste une envie irréversible de se morfondre sous sa couette, à oublier sa vie et à rêver. Rêver d'une vie qui aurait pu être la sienne ; bien meilleure, bien plus agréable, s'il n'avait pas rencontré tous ces obstacles. Mais, à peine aura-t-il eu le temps d'attraper un taxi qu'il sentira son cellulaire vibrer au fond de sa poche. D'un geste vif et rapide, il ouvrira sa messagerie… ses plans viennent de changer.

« Le bois de Boulogne, s'il vous plait. » un instant, le chauffeur hésitera et puis, d'un ton presque inaudible, il murmurera à l'adresse de son premier client, cette nuit « Vous en êtes bien certain ? » « T'as l'impression que j't'ai d'mandé si t'étais cocu, gars ? » Le chauffeur ne rempilera pas, sa nuit commençait mal. De mauvaise humeur, il conduira de manière un peu trop dangereuse, ce qui ne dérangera à aucun moment son client, déjà perdu dans l'abîme profonde de ses pensées.

Le défilé des paysages permettra à son cœur de faire une pause, je l'ai bien méritée. Du bout des lèvres, il articulera le prénom d'Hermès en passant devant un monument qu'ils avaient l'habitude d'admirer ensemble. Et puis, il ne pourra s'empêcher de penser à Dixie, à tous ces sentiments controversés. Trop de monde dans sa tête, trop de monde dans son cœur. Balloté entre deux eaux, il en viendra à se réjouir de revoir Slim. Cette escapade, jusqu'au bout du rêve, lui permettra d'en oublier ceux qui le détruisent à petit feu. Sa vie ne lui ressemble plus, mais jamais il ne trouvera le courage d'affronter ses problèmes. Avouer ce qu'il avait appris à Hermès signifiait tout simplement prendre le risque de le perdre définitivement. Il en était hors de question. Alors il gardait espoir, tout simplement. Il fallait vivre… ou mourir ! Ce soir, il se laissera mourir dans les bras d'un autre. Toutes ces interrogations, toutes ces douleurs. Iago laissera le bruit du moteur endormir ses peines tandis que, d'un œil discret, il se surprendra à s'imaginer volant à des milles lieues de la capitale. La Pologne me manque. « Nous sommes arrivés, ça vous fera 30 euros, s'il vous plait. » « Tenez, gardez la monnaie… » Sans en attendre d'avantage, il extirpera sa carcasse immobile de l'habitacle et claquera la porte, aider par la brise. D'un pas léger, il avancera de quelques mètres avant de jeter, alentour, un regard attentif. Il ne lui faudra pas plus d'un instant pour repérer son camarade. D'un sourire discret, il avancera jusqu'à lui… déposera ses lèvres contre la joue de Slim et plongera ses yeux dans les siens. D'un ton las, presque fatigué, il articulera. « Fais moi rêver, mec. » Un léger rictus au coin des lèvres, il croisera les bras sur sa poitrine, attendant avec véhémence que son ami l'emmène bien plus loin que le paradis…
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyMer 29 Mai - 0:07

La machine s'enclenche, au fil des minutes. Elle transforme la merde que peut-être la réalité en une beauté artificielle. Trop pressé et impatient, mes doigts se mettent à trembler en resserrant fébrilement les sachets de coke. Les battements de mon cœur s'accélèrent tandis que le temps est en suspend. J'ai l'impression d'être le seul encore capable de vivre. Celui qui attend, sur le bord de la route sans avoir aucune certitude. Peut-être qu'il a autre chose à foutre, Iago. Ouais, Slim, c'est quoi cette pensée égoïste ? Contrairement à toi, il a une vie. Un battement de cils me ramène une lueur de lucidité. C'est vrai, les autres ne sont pas tous des gamins comme moi. J'me perds et me nourrie des pouvoirs des héros. J'ai du plomb dans les ailes mais je continue de voler, inlassablement. Je plane au dessus des paysages, les lumières de la ville sont lointaines et pourtant chaque bruit résonne en moi, comme une coquille. J'ai que des artifices à offrir, comme ce soir. Accoudé contre un muret glacé, prisonnier de l'obscurité, je suis à mon tour devenu un monstre nocturne. La respiration encore coupée par le manque je me décide finalement à sniffer grossièrement quelques parcelles de cristal pour me donner le courage d'attendre. Mon corps semble une bombe à retardement, il tremble. Prêt à exploser. Pourtant, un sourire reste plaqué sur mes lèvres, il n'a pas sa place sur mon visage et rien ne semble pouvoir le détruire. Comme taillé au couteau, il s'imprègne de mes expressions. Après dix minutes, l'idée de quitter les lieux me traverse l'esprit jusqu'à se dissoudre presque instantanément. J'ai rien d'autre à faire qu'attendre. Plus personne ne m'attend à la maison. Ou même nulle part. Perdu dans ma connerie, j'ai fini par être oublié des autres. Seule mon alliance témoigne encore de ma vie passée. Elle me ramène aux sentiments que j'ai pu ressentir et à ce semblant d'équilibre que je possédais. Mais tout ça, c'est terminé. Envolé. Cramé. Il ne reste plus que des cendres étalées au sol, quelque part en Amérique. Y a plus rien à construire ou reconstruire. Ce qui est foutu est foutu alors maintenant, il me reste plus qu'à vivre jusqu'à ce que mort s'en suive. Je n'attends plus rien de personne, même pas de moi. Pourtant, il m'arrive encore de donner, beaucoup, énormément. J'suis un putain de magicien comme mon frère s'amusait à dire. J'offre le sourire à ceux qui en ont besoin. Des illusions pour redonner espoir. Juste histoire de combler l'échec permanent de ma vie. Perdu dans ce parc bien trop grand, les voix des prostituées sonnent comme la mélodie du désespoir. C'est tellement pourrie cet endroit. Aussi crade que ma façon de vivre. Dans une solitude constante et destructrice. Mes yeux se relèvent finalement, à la recherche d'un point de repère, d'un quelque chose de divertissant. J'sais pas moi, le mouvement d'un arbre. La musique d'une voiture trop forte. Le rire d'un homme.

Ou le visage pâle et fatigué de Cezary. Son sourire. Ses yeux. Merde, il est là.

Il s'approche d'un pas lent. De toute façon, tout semble avoir perdu de sa grandeur et de sa vitesse depuis quelques heures. Mes yeux restent attachés à sa silhouette tandis que mes lèvres s'étirent un peu plus. J'sais pas vraiment si c'est la bonne réaction à adopter mais c'est pas grave, je souris. Comme j'ai toujours eu l'habitude. C'est tellement plus facile de sourire que faire face au reste. Un simple mouvement de visage suffit à tout balayer. Regarde mes dents blanches, elles épousent un bonheur éphémère. Ses lèvres se plaquent contre ma joue. Ce simple contact suffit à faire chauffer ce simple morceau de peau. Comme si, soudainement, mon sang venait se coaguler à cet endroit. Sur cette parcelle d'épiderme vierge d'affection depuis trop longtemps. « Fais moi rêver, mec. » Sa voix me ramène sur terre, au milieu de Paris. Dans toute cette merde que j'ai longtemps détesté. Et déteste encore. Iago est fatigué. Chacun de ses mots le dénonce, comme une sonnette d'alarme. « On a quand même vu mieux comme endroit pour rêver, j'crois. » Largement mieux même. Au niveau où on en est, c'est même pas du bas de gamme, c'est pire. « Paris est pas réputé pour ses montagnes, alors j'te propose de m'accompagner là-haut. » L'accent américain mange mes mots. Mon index se lève en direction du ciel pour désigner le toit d'un immeuble à première vue bien trop haut et inaccessible. « Y en a qui disent comme ça qu'on peut toucher les étoiles. J'y crois pas trop mais au moins on aura le monde à nos pieds. » J'ferais peut-être mieux de me taire. A m'écouter je suis rien de plus qu'un personnage tout droit sorti de disney. Dévoré par des rêves inaccessibles. Un rien parviendrait à me faire perdre pied. Je ne crois peut-être plus aux monstres sous mon lit mais je suis persuadé que quelque part, dans cette tristesse, se trouve une magie palpable. Une vraie. Capable de rendre l'homme heureux, réellement, à tout jamais. Et même si je me perds dans cette illusion au point de m'y noyer, une bouffée d'oxygène parvient toujours à me faire respirer. M'empêche de dépérir dans ce noyau de lumière. Oui, je suis une putain de luciole dans la nuit sombre et glacée de Paname. Y a qu'à me regarder sur ma trottinette qui s'illumine lorsque je roule. Mes mains encore recouvertes de sang sec se dirigent vers Iago avant de lever les paumes au ciel pour lui offrir les sachets de coke. « Tiens, j'pense que ça pourra t'aider à faire opérer la magie. Tu m'suis ? » Un pas en avant sur ma trottinette pour lui laisser la place de grimper dessus et s'accrocher à moi. Le sourire sur mes lèvres persistent tandis que mes yeux se perdent vers la lune. Tout ça c'est un mythe Slim. Tu l'sais. Tu l'as toujours su mais tu t'en fous. Il te reste plus que ça, l'imaginaire pour continuer à vivre sans crever de douleur et de haine. Pour oublier les démons qui te hantent et se tapent sur la gueule pour sortir le premier. T'es rien de plus qu'une machine à détruire, au fond. Ce soir n'est qu'une parenthèse.
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyMer 29 Mai - 15:00

La vie était une p*te, il ne fallait pas avoir fait l'université pour s'en rendre compte, hélas. Il était des personnes qui l'apprenaient plus rapidement que d'autres. Pour Cezary, ç'avait été très rapide… peut-être trop. Il avait perdu son père avant même de voir les rayons du soleil, avait grandi sans repère et sans figure paternelle à admirer, à suivre. Sa mère n'avait, certes, jamais manqué de lui faire comprendre combien elle l'aimait, mais très jeune, Iago avait pris conscience des cicatrices que la vie vous imposait. Tels des bagages dont vous étiez les heureux propriétaires, valises que vous trainerez derrière vous, à jamais. Sans père, aujourd'hui sans mère, il s'accrochait à l'espoir fugace d'avoir une famille si seulement il ne ressentait pas ces étranges sentiments pour cet homme… La vie est une p*te, elle vous impose un parcours parsemé d'embûches et ne vous lâche jamais. Pour un jour de soleil, une semaine de pluie. Il ne fallait pas être spécialement intelligent pour comprendre que le choix était vite fait : se battre, ou succomber. Trop longtemps il avait combattu cette haine qui l'habitait. Son cheval d'assaut, c'était cette colère qui vivait en lui. Cette rage qu'il ressentait à l'égard de son père, absent, et qui l'aidait à maintenir son cap. En débarquant à Paris, il espérait du fond du cœur le retrouver, lui faire comprendre la douleur qu'il avait imposé à son fils en l'abandonnant à même sa naissance. Il avait fait fausse route. Ici aussi, il n'avait rencontré personne… personne qui puisse lui faire comprendre d'où il venait. Et s'il avait trouvé en Hermès un exutoire suffisant pour oublier sa peine, elle ne s'était jamais véritablement éteinte.

Récemment, il reprenait une vie en pleine régression. Tout le chemin parcouru aux côtés d'Hermès se détruira à coup de poudre blanche et d'alcool. Oui, tout s'oubliera dans des plaisirs fugaces et futiles. Pas la peine d'aller chercher plus loin, Iago avait opté pour la solution de facilité. C'était peut-être ce qui l'avait conduit à rencontrer moult gens. Certaines personnes l'entraînaient plus encore vers le bas, d'autres le sauverait… Mais inconsciemment, c'étaient celles qui l'empêchait de voir la lumière du jour que Iago désirait suivre plus que tout. S'enfoncer dans la m*rde, c'est tellement plus facile. Alors sans surprise, en recevant ce message, il avait sauté dans le premier taxi. A quoi bon passer la soirée à regarder une émission pourrie à la télévision et à se poser les mêmes sempiternelles questions : où vais-je, qui suis-je, que faire ? alors qu'il y avait toute une vie à réinventer, dehors. Il n'était pas conscient de ce qui l'attendait à trop jouer avec le feu, ou peut-être un peu… peut-être même qu'il s'en fichait finalement. N'être plus qu'une épave ne le dérangeait pas, lui qui se jugeait indigne d'une vie normale, lui qui s'infligeait seul ses propres douleurs. Slim n'était pas son meilleur ami, et certainement pas la meilleure personne à suivre en ce moment, mais il était le seul à pouvoir le protéger. Car Slim, c'était un superman à lui tout seul. Une explosion de douceur et de force, une bande-dessinée, un super héros ! Il avait eu loisir de raconter à Iago combien il aimait défendre la veuve et l'orphelin et depuis, le brancardier était prêt à le suivre au bout du monde. Puisqu'il venait de perdre Hermès, il trouverait en Slim un substitut de choix !

Ce n'était peut-être pas la bonne décision, mais c'était la seule option dont il avait conscience. Alors en arrivant à destination, il n'avait su retenir ce sourire béat sur ses lèvres, comme figé dans le temps. Au fond, il était même content de retrouver Slim. Une bouffée d'oxygène dans un brouillard permanent. Iago se surprendra à l'embrasser tendrement sur la joue, à planter ses yeux dans ceux de son camarade et à ne plus les lâcher. Dieu qu'il se sentait mieux à présent. D'un air absent, il écoutera tout ce qui sortira de la bouche de son ami sans pour autant en comprendre un traître mot. « On a quand même vu mieux comme endroit pour rêver, j'crois. » Peut-être, mais pourquoi chercher si loin ce qu'on peut trouver si près. Iago hausse les épaules sans se départir de son sourire. D'une voix naturellement posée et calme, il affrontera le silence pour murmurer. « Pour rêver, il suffit de fermer les yeux. » Il n'avait pas tort, lui qui passait désormais plus de temps à s'imaginer au volant d'une Cadillac alors qu'il roulait en Twingo se contenterait du Bois de Boulogne pour s'envoler jusqu'à la lune. « Paris est pas réputé pour ses montagnes, alors j'te propose de m'accompagner là-haut. Y en a qui disent comme ça qu'on peut toucher les étoiles. J'y crois pas trop mais au moins on aura le monde à nos pieds. » Le monde à nos pieds, s'il pouvait dire vrai. Iago lui décrochera un nouveau clin d'œil avant d'observer avec attention l'immeuble que lui pointe du doigt son ami. Oui, ils peuvent y grimper, ils pourront même aller plus haut. Il suffira au brancardier de s'accrocher bien fort à son ami et de lui tendre les rennes de leur carrosse. Ensemble, ils embarqueraient pour Neverland, puisqu'ils y croyaient. Et puis, Slim lui tend alors un peu de poudre magique… de la poussière d'étoile en brique, de la poussière de fée en sachet. Quel bonheur illusoire, éphémère, mais quel plaisir ! Du bout des doigts, il fera glisser la blanchâtre poudre jusqu'à sa propre paume avant de courber le dos, pencher son visage en avant et d'inspirer par le nez. Une brûlure vive lui arrachera une maigre larme, un petit toussotement et un brusque mouvement de recul, simple réflexe. Il fermera les yeux… « La fée clochette a été généreuse avec toi, c'soir ! » Un simple sourire et Iago est prêt à embarquer pour la lune. Slim se décale sur sa trottinette, moyen de locomotion dépassé mais original, à l'image de l'américain. Ils n'ont jamais pris la peine de trop discuter de leur histoire, à quoi bon s'attarder sur ce qu'ils étaient puisqu'ils vivaient encore aujourd'hui. Seul leur importait de se retrouver ici, de s'envoler ensemble. Ils avaient trouvé en chacun d'eux un partenaire, un camarade de jeu… même si Slim menait la barque bien mieux que Iago ! Alors le jeune brancardier contournera son ami et posera ses pieds sur le métal. Ses mains chercheront les hanches de son partenaire et son visage s'écrasera sur son épaule. D'un geste cérémonieux et d'une voix claire, il glissera à son oreille. « En route pour le pays imaginaire ! » Il éclatera alors de rire… un bruit fort s'écrasera contre son palais, contractant ses muscles abdominaux tandis que Slim prendra la route. Le vent dans les oreilles, et l'infini devant eux… ainsi ils seraient libres ! Libres d'aimer, libres de vivre, libres de partir. « Cap de t'envoler avec moi et d'jamais r'venir ? » Sa voix se perdrait dans le vent, alors que, déjà, son esprit s'envolerait à mille lieues de Paris. Ô douce agonie !
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyJeu 30 Mai - 3:50

J'observe son regard, les traits de son visage, la courbure de son cou, le contour de ses lèvres. La cocaïne se fraye un chemin dans ses narines. Il s'est déplacé pour moi, fin non pas pour moi, juste pour passer une bonne soirée. C'est trop tard pour faire marche arrière maintenant. Je lui ai promis des tas de trucs dans un simple message. J'ai décrété avoir le paradis à portée de main. J'ai plus qu'à lui prouver que tout ça n'est pas qu'une connerie. Que je n'suis pas une simple mascarade. Je suis même persuadé, qu'au fond, Iago me voit comme les autres : un pauvre gars désespéré. Peut-être qu'il a pitié. Ouais, ce doit pour ça qu'il vient combler ma solitude. Pour réaliser une bonne action, ou un truc du genre. Soudainement, j'ai l'impression d'avoir des tas de choses à prouver. Non pas seulement à lui, mais au monde entier. Après tout, ça fait des années que je parle sans jamais rien apporter de concret. J'ai pas de la magie au bout des doigts mais juste de la merde. Et du sang. J'ai défoncé un mec pour offrir du bonheur à un autre. C'est donc ça, un acte d'héroïsme ? Mon cerveau se comprime anormalement tandis que mes pensées s'effilochent une à une. J'ai l'impression d'être en ébullition. D'ailleurs, les battements de mon sang sont puissants, nerveux, comme des basses profondes. Je le sens dans tout mon être, dans mes tempes, dans le creux de mon coude. Jusqu'à bout de mes phalanges. C'est encore pire que tout à l'heure. La coke grignote le peu de dignité qu'il me reste. Mais je reste encore droit. Pour mes rêves, pour Iago, pour cette soirée qui nous ouvre les bras. Pour toutes ces choses qui nous relient de façon éphémère. Sa voix s'élève et mon cœur s'élève en même temps, je peux le sentir, au bord de mes lèvres elle aussi ensanglantée. J'ai l'impression d'être un chien de combat amoché par une bataille perdue. « Pour rêver, il suffit de fermer les yeux. » Cette dose de réalisme suffit à me déstabiliser. Alors, machinalement mes sourcils se froncent tandis qu'un sourire intimidé prend place sur mes lèvres. Non, c'est faux, totalement faux. J'ai bien plus à offrir qu'un battement de paupières. Enfin, j'crois qu'il suffit d'y croire. Et si Iago est en face de moi ce soir c'est que, quelque part, lui aussi possède l'espoir naïf que tout ira bientôt mieux. La vérité c'est que nous allons bientôt crever, bercés par nos illusions. Je ne suis rien de plus que la mélodie qui l'aide à s'endormir. Comme ça, dans un bruit de fond désespéré, il ferme d'abord les yeux en souriant, il se sent partir. Il a beau tenter de s'accrocher à un semblant de réalité, Iago finira par la lâcher. Et alors, tout partira en vrille, réellement, correctement. Nos idées éclateront comme le cristal qui se brise contre le carrelage. Certains marcheront dessus, s'enfonceront des morceaux dans les pieds. Ce sera douloureux mais ce sera magique. Se réfugier plus loin pour mieux mourir. C'est tellement paradoxal.

« La fée clochette a été généreuse avec toi, c'soir ! » A ces mots, mon regard se baisse et fixe pendant de longues minutes mon t shirt ensanglanté. Dire que je m'étais promis de ne plus être violent. Toutes les bonnes résolutions se sont envolées à l'instar de ce sachet de poudre. Enfin, mes yeux s'élèvent et s'attachent au regard de Iago. Bien plus brillant que le mien. Il transporte à lui seul toute la galaxie dans ses pupilles. Les miennes ne sont rien de plus qu'un trou noir et béant. Elles aspirent les sentiments des autres et les dévorent, sans jamais savoir réellement les reproduire. Ma voix, encore rouillée, se mélange à celle du brancardier. « Suffisait de lui remuer un peu les ailes. » C'est presque poétique, cette façon de rester dans la métaphore. Les heures se creusent autour de nous tandis que Iago se faufile derrière moi. Le contact de son corps contre le mien suffit à me faire frissonner. D'une déferlante de sentiments incompréhensibles. J'ai jamais vraiment été aussi proche d'un homme dans ma vie. Non pas que cela ne me plaise pas. J'ai juste pas l'habitude. Oui c'est ça, l'habitude. J'suis un gars trop sauvage et paumé pour laisser qui que ce soit m'approcher réellement. Je suis présent mentalement mais rarement physiquement. Certainement, parce que je suis le genre de pilier qui ne tient pas. Le simple poids, le simple tremblement suffit à m'écrouler. Ce doit être la première fois depuis ma rencontre avec Iago que nous nous retrouvons si proches. C'est aussi à ce moment là que la sensation de solitude s'efface réellement, totalement. « En route pour le pays imaginaire ! » Sa voix se mélange au rire. Le genre de rire que j'ai jamais réellement eu l'occasion d'entendre. Du moins, pas depuis Siham. Il est impétueux, il est beau, il est sincère. Mais surtout communicatif. Mes mains tremblantes se resserrent sur le guidon tandis que mon pied gauche s'écrase contre le goudron dans le but de nous faire avance. « J'espère qu'il ne nous fermera pas ses portes vu l'heure. » Et comme deux cons, nous avançons dans la brume sombre de Paname. Seule la lumière des roues signalera au monde de notre existence.

Notre amitié n'est qu'une connerie. Depuis le tout début, un putain de rêve éveillé qui finira par s'éteindre, comme l'innocence d'un gosse. Notre amitié, si seulement on peut appeler ça comme ça. Je connais rien de Iago. Il n'en sait pas plus de moi. Fin si, mon prénom, c'est déjà suffisant. C'est comme si le reste avait cessé d'exister. Comme deux putains d'entités, qui, une fois réunies ne forment qu'une pour courir après de sauvages illusions. « Cap de t'envoler avec moi et d'jamais r'venir ? » Ne jamais revenir. Jamais revenir. Jamais. Cette phrase résonne en moi à plusieurs reprises, comme l'écho de mes propres désirs. J'étais venu à Paris dans le but de partir et ne jamais revenir, en Amérique. A peine avais-je posé les pieds en France que l'envie de fuir s'était fait oppressante. Au fond, j'suis rien de plus qu'un putain d'insatiable. Rien ne sera jamais assez grand et fort pour m'emporter dans quelque chose qui me convient réellement. « Mais avant ça, faut que je m'assure que tu ne me trompes pas. Fin j'veux dire, y a quelques conditions à remplir pour que les ailes puissent te pousser. » Ma voix est calme, presque sérieuse. Elle porte une mélodie que je ne lui connais pas. Apaisante et sincère, son timbre est aussi lumineux qu'une étoile. Arrivé en bas de l'immeuble, nous descendons tous les deux de la trottinette que je pose sur mes épaules. « Suis-moi. » J'arbore un air malicieux avant de me diriger vers la sortie de secours grâce à laquelle nous pénétrons dans l'immense bâtiment. « Fais pas trop de bruit. Les terriens sont des sauvages. » La mot terrien suffit à prouver à Iago comme je peux le mettre sur un piédestal. Il n'est pas comme les autres, j'en suis persuadé. J'sais pas ce que je peux ressentir pour lui mais c'est pas de l'affection. Pas de l'amour. Pas de l'amitié. Juste un sentiment énorme, grand comme une maison. Celui qui m'a poussé à l'appeler ce soir. Celui qui me murmure encore combien tout peut-être beau ce soir. D'ailleurs, une fois arrivé en haut de l'immeuble, je laisse une nouvelle fois la trottinette s'écraser par terre tandis que je m'avance de quelques pas, le sourire aux lèvres. « La première chose à vérifier c'est ... » Ma voix se brise. Je m'avance d'un pas lent en direction de Iago. Je lui fais face. La distance qui nous sépare se retrouve réduite à néant. Je reste même quelques secondes à dix centimètres de son visage pour lui demander de me faire confiance. Juste ça, un peu de confiance. Au foutu inconnu que je suis. Enfin, mes mains attrapent les siens pour l'emporter avec moi, un peu plus loin. Mais aussi un peu plus prêt du danger, de l'adrénaline. C'est d'un mouvement presque grâçieux, qu'une fois au bord du toit je me retrouve derrière Iago afin de l'enlacer fermement tout en l'obligeant de se rapprocher du vide. « Le vertige. » Mon menton se pose sur son épaule. J'avance encore d'un pas, en même temps que lui. Un simple mouvement trop brusque suffirait à le faire s'écraser un peu plus bas. A vingt étages en dessous de nous. L'image de son crâne explosée me traverse l'esprit. Effroyablement réel que je dissimule d'un battement de cils. « Je pourrais très bien te pousser, là, d'un mouvement un peu trop brusque, tu pourrais te défoncer la gueule un peu plus bas. Y aurait personne pour te retenir. » Y aura jamais personne pour nous, de toute façon, c'est foutu. Cette vérité suffit à me faire reculer de quelques pas en le laissant à nouveau libre de ses mouvements. « Alors ce soir on va rester sur la terre ferme, au milieu de tous ces … martiens. Tu marches pas sur un toit crasseux et recouvert de merde s de pigeons. Non, y a de l'herbe sous nos pieds. Alors, toi, qu'est-ce que tu ferais dans un champs de coquelicots ? Ouais des coquelicots ou autre chose, on s'en fout ! C'est toi qui décide. Y en a qui font l'amour dans les champs de blé, d'autres piétinent les plantations et y a ceux qui écoutent les oiseaux. C'que tu veux. On peut tout changer ce soir, le paysage, les personnes, l'atmosphère. T'es maître de ta toile ce soir Iago. J'peux même me transformer en lutin ! » Merde, c'est vraiment n'importe quoi.
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyVen 31 Mai - 14:32

Changement de style

Le vent souffle contre mon visage, le claque, le griffe. J'en oublie mon mal de vivre pour ne garder que l'espoir fugace que cette nuit n'en finira jamais. Déjà, la poudre magique s'insinue jusqu'à mon cerveau, le balayant sec de toutes ces interrogations qui nourrissent mon âme. Je deviens vide, vide de sens mais surtout vide de tous mes maux. Je me sens mieux, libéré, léger même. La trottinette nous entraîne, j'ai presque envie de déplier mes bras. Oui, ce soir, j'ai envie de croire qu'en battant des paupières, je peux m'envoler à des millions de galaxies d'ici. J'ai envie d'y emmener Slim, parce qu'en sa compagnie, je me sens réellement bien. Il est ma super nova, mon super héros, mon mec en leggins bleu et slip rouge ! Ouais, vous dire que j'l'aime ne serait qu'extrapolation mais je l'apprécie beaucoup. Je ne le connais pas, est-ce vraiment nécessaire ? Avons-nous réellement besoin d'en apprendre d'avantage ? S'il savait que j'étais psychologiquement instable et irresponsable, serait-il là pour me sauver ? Je ne veux ouvrir les yeux sur rien d'autre que notre douce complicité. Ce que nous partageons est vrai… ou pas ! Je n'en sais rien, je ne réfléchis même plus. La nuit nous entoure, le silence prend place mais jamais je ne me suis senti aussi vivant. J'ai envie d'hurler, de crier, j'ai envie de sauter, de plonger, de nager. Tiens, j'aurai même envie de manger du chocolat ! Douce ironie, douce agonie. J'ai l'esprit qui vagabonde, l'esprit qui s'envole. Mon corps ne tremble plus et l'amertume a laissé place à l'euphorie. Délicieuse euphorie !

Nous prenons de la vitesse, nous prenons de l'altitude déjà. Je m'égosille, manquant de m'étouffer en riant. J'ai brusquement l'inconscience d'un gamin de sept ans. C'est à cette époque que j'ai compris que jamais je n'aurai de père pour m'apprendre à pêcher, à siffler les jolies filles et à dégrafer leur soutien gorge avec une seule main. A cette époque précisément que j'ai réalisé que ma vie ne serait qu'un sceau plein d'm*rde et que, en bon être humain que j'étais, je me contenterai d'en bouffer une cuillère chaque jour que Dieu m'offrait. Ouais, brusquement, je revois le visage de ma mère et mon cœur se soulève. « J'espère qu'il ne nous fermera pas ses portes vu l'heure. » La voix de Slim me ramène à la réalité, mes yeux s'ouvrent sur le monde et je sens mes mains se serrer plus encore contre sa peau. Dieu que je suis bien… ce contact ne me gène pas, pire encore, il ne me semble pas étranger. J'ai l'impression d'avoir humer cette odeur de sang et de goudron toute ma vie. « On s'en moque. S'il le faut, je lui démonte la gueule au videur ! » Ma voix devient rauque, rustre. Je perds toute notion de subtilité lorsque mon esprit s'entortille dans les méandres de cette vie facile. Qu'il est bon de s'oublier dans ces plaisirs fugaces, vivre sans avoir l'impression de se battre. Se laisser porter par l'insouciance et l'innocence. Au diable les factures, le salaire et les impôts. Je veux vivre de cocaïne et d'alcool frais parce que l'amour, ça pue, et l'eau fraîche, ça m'donne envie d'pisser et ça m'aide pas à oublier mes problèmes.

J'veux partir, sans jamais à avoir à revenir. Slim aussi, je le sais, je le ressens aussi. Dans tout ce qu'il dit, dans tout ce qu'il fait. Emmène moi, avec toi. Je ne veux plus jamais mettre un pied à terre. Je crois que je le lui ai dit, j'ai l'impression d'oublier tout au fur et à mesure… je ne capte plus rien, comme si j'avais débrancher ma radio et que je l'avais basée sur une station bien trop lointaine pour entendre quoi que ce soit, sinon des grésillements. Il n'y a que moi qui les entends ? Ces voix qui murmurent, ces voix qui me parlent ? Suis-je devenu fou ? Avec le temps, je peine à les faire taire, je crois que je me fais vieux… peut-être de plus en plus fragile. Comme un vase cassé qu'on se force à réparer, la colle fonctionne mais les fissures restes. Je suis une pyramide de problèmes ! Problèmes accumulés avec le temps, je n'ai jamais cherché à les résoudre. Bon sang, les maux reviennent. Il me faut une autre dose de cette poudre magique, un autre rail. Je n'ai pas le temps de le dire à Slim, il m'incite à le suivre au sommet du bâtiment. Je ne peux m'empêcher de gémir en courant, la montée des marches est pénible mais je ne ressens aucune douleur. Je m'extasie plutôt, je ris… secoué par quelques éclairs de lucidité que je m'efforce de rembarrer aussitôt. « Fais pas trop de bruit. Les terriens sont des sauvages. » Le mot terrien me fait glousser, mais je résiste à l'envie d'éclater de rire. Sommes-nous des extraterrestre ? Ce soir, j'ai envie de croire que tout est possible. Alors je calque mon doit sur mes lèvres et je cours doucement, derrière Slim. Une fois le sommet atteint, je ne peux m'empêcher d'admirer la vue, la hauteur… je n'ai pas le vertige, je n'ai pas peur du vide. J'essaie de me convaincre que ces quelques tremblements qui secouent mon visage sont dus au froid qui mord mes joues. Est-ce un leurre ? Cette ligne entre la réalité et le mensonge me semble parfaitement étrangère cette nuit, comme si nous la franchissions sans arrêt, jouant malicieusement avec mes limites, avec nos limites. Slim se rapproche de moi, mes yeux se braquent dans les siens. Bordel, j'ai envie de lui. Je le regarde, retenant mon souffle. Mon super héros, mon batman… J'ai envie de lui sauter au coup, je veux le ba*ser là, tout de suite, sur ce toit, sous la lune… Et tant pis si quelques martiens nous observent. Je m'en fiche de la pudeur, j'ai brusquement chaud et l'envie irrésistible d'enlever chacun de mes vêtements. Mais Slim ne m'en laisse pas le temps, il m'attrape avec une violence délicieuse et me pousse jusqu'au vide. Il se cale derrière moi, m'enlace tandis qu'il parle. Mes yeux se plantent dans le vide, sous mes pieds… Est-ce que c'est ça, voler ? J'observe les lumières et je me surprends à sourire. Je n'ai pas peur du vide, cette nuit, je suis prêt à tout… Sautons ! Je veux être le premier humain à s'envoler. « Je pourrais très bien te pousser, là, d'un mouvement un peu trop brusque, tu pourrais te défoncer la gueule un peu plus bas. Y aurait personne pour te retenir. » Il n'a pas tort… Je suis seul !

Ce constat m'arrache un léger haut-le-cœur, manquant de rendre mon quatre heure… il se dégage de moi et sa chaleur enivrante disparaît. Il m'abandonne… pas lui ?!? Je me retourne, le cherche du regard mais brusquement, il me semble si lointain. Ma main se lève devant moi, cherchant à le touchant sans y parvenir. « Toi… Toi tu me retiendras, pas vrai ? » Mais il ne me répond pas. Au lieu de ça, il se contente de dire sans vraiment me regarder. « [color=indianred]Alors ce soir on va rester sur la terre ferme, au milieu de tous ces … martiens. Tu marches pas sur un toit crasseux et recouvert de merde s de pigeons. Non, y a de l'herbe sous nos pieds. Alors, toi, qu'est-ce que tu ferais dans un champs de coquelicots ? Ouais des coquelicots ou autre chose, on s'en fout ! C'est toi qui décide. Y en a qui font l'amour dans les champs de blé, d'autres piétinent les plantations et y a ceux qui écoutent les oiseaux. C'que tu veux. On peut tout changer ce soir, le paysage, les personnes, l'atmosphère. T'es maître de ta toile ce soir Iago. J'peux même me transformer en lutin ! [/colkor]» Alors brusquement, comme l'enfant à qui on refuse une sucrerie, je fonds en larme. Les larmes s'écoulent sur mes joues tandis que ma voix se fait plus forte, plus violente. « TOI… TOI TU ME RETIENDRAS, HEIN ? » Réponds moi Slim, dis moi que tu m'emmèneras au bout du monde, que tu me feras oublier tout ça et que tu t'envoleras avec moi. Ne me laisse pas seul, pas toi, pas là ! Je recule d'un pas, frôlant le vide, je lève un pied. Oui, je suis cap de sauter, retiens moi, c'est tout ce que je te demande. « Cap de m'laisser tomber ? » Mes larmes ne coulent désormais plus, j'ai ce sourire malicieux sur les lèvres. Je le jauge, je le provoque, je le cherche. Ne m'abandonne pas. « Je serais le premier homme sur terre à voler sans aile… Je serais un super héros, moi aussi ! » Je suis prêt à sauter, je m'approche plus encore du vide, et m'assied. Je lui tourne le dos, je regarde droit devant moi et je pose mes mains sur le rebord. Mes pieds pendent dans le vide, je me sens prêt à le faire ce soir, cette nuit. J'en ai marre de jouer les Robin, je veux être Superman, moi aussi.
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptySam 1 Juin - 2:40

Merde. J'crois que j'ai pas vu venir ce moment. Ouais, non, j'étais trop occupé à fondre dans mes rêves pour voir le mal être grandir en Iago. Mes yeux se posent d'abord sur son regard brillant et dieu sait comme je peux me sentir con. Mes mains se mettent même à trembler. J'ai envie de le secouer, de lui dire comme il est peut-être con de chialer devant moi. J'sais pas comment faire sur le coup, alors je le fixe. Je suis de mes pupilles noires les larmes qui recouvrent ses joues déjà brûlées. Paralysé, rien ne veut quitter mes lèvres. Pourtant … pourtant, putain l'envie est là. J'ai envie de lui dire de pas s'inquiéter, que moi, j'suis là. Y a peut-être mieux comme épaule mais c'est pas grave, pour le moment, je compte pas le lâcher. La preuve, je l'ai appelé ce soir. Allez, ça va aller, ça va aller. Ah mais non, la vérité c'est que j'suis en train de faire de l'hyperventilation. J'ai envie de me tirer une balle, de lui en mettre une dans le crâne aussi, pour le soulager. Mais c'est pas aussi simple, y a pas à fuir. J'suis un super héros. J'ai pas besoin de cape, moi, pour sauver le monde. Et sa voix s'élève, elle fait vibrer mes tympans en même temps que mes entrailles. « TOI… TOI TU ME RETIENDRAS, HEIN ? » L'espace d'un instant, c'est à peine si je parviens à respirer. J'suis même persuadé qu'il va m'échapper et s'écraser en bas. Je tends alors faiblement mon bras en sa direction mais j'ai du plomb dans les pieds. Je ne peux même pas faire un pas avant. Je dois être en train de suffoquer tellement que ma respiration fait du bruit. Alors, dans toute cette merde dans laquelle nous baignons, je me fous à hurler, mythique. « ARRETE ! » Une putain de voix menaçante et si déchirée à la fois. Le genre de timbre que je déteste entendre. Si profond, si froid … si apeuré. Je ferme les yeux, dans une explosion de sentiments qui me prennent aux tripes. J'ai l'impression de ressentir chacune de ses larmes. Comme une drôle de lame qui s'enfonce dans mon torse, dans mes jambes, dans mes bras. Un peu partout. Le genre de torture dont on aimerait se passer. J'ai absolument rien pour le faire redescendre avec moi. Puis lui promettre quelque chose de beau, de sincère, de réel, de mieux. J'ai quedal, je connais rien de Iago. J'sais juste qu'il est aussi déconnecté que moi mais rien de plus … rien. Fin si, il est brancardier. Et après ? Rien ne l'empêchera de pas sauter. J'ai aucun poids sur sa vie, sur son destin ou même sur ses choix. Je suis comme le vent, moi, je l'emporte ailleurs. Je lui donne une sensation de liberté éphémère. Puis au moindre moment de calme tout peut partir en vrille. Et là, ce soir, tout prend une ampleur que je n'avais pas anticipé. L'idée même de le laisser crever sur un morceau de trottoir me détruit littéralement. J'ai jamais voulu de sa mort sur la conscience. Alors, tremblant, un peu déboussolé, je m'avance. Mon regard le fuit d'abord avant de se figer en direction de Iago.

« Cap de m'laisser tomber ? » Je croise son sourire. Cet air provocateur qu'il arbore. Ses mots sont plus dangereux que la douleur physique. Plus dangereux que le vide. Ils défoncent tout. Absolument tout, y compris mon âme déjà dévastée par les années et les erreurs. D'un geste lent de la tête je réponds négativement à sa question. Je m'en veux tellement de ne pas pouvoir faire plus. J'ai envie de me cracher à la gueule à force de me voir si peu réceptif. L'envie est là mais mes muscles sont brûlés à vif. Ma respiration se coupe une nouvelle fois de le voir si proche de la mort. Et si Iago saute ? Je saute avec lui. En y pensant, ça serait presque magique comme scène. Mais aussi tellement pitoyable de tragédie. « Je serais le premier homme sur terre à voler sans aile… Je serais un super héros, moi aussi ! » Ses paroles me descendent un peu plus. J'ai l'impression de me perdre, alors, désespéré, je passe une main sur mon visage. Puis dans mes cheveux. A la recherche d'une issue, d'une lumière qui pourrait nous aider. Mais y a rien, absolument rien. Nous sommes seuls, dans cette bulle close et stérile. On ne peut plus compter que sur nous même si l'on veut s'en sortir. J'suis tellement flippé sur le moment que j'ai envie de lui dire de fermer sa putain de grande gueule. J'ai envie de l'attraper dans mes bras et le serrer jusqu'à le faire s'étouffer. Pour lui prouver comme je peux être là. Comme tout va bien se passer. Tout n'est que paradoxe. J'en suis même la définition parfaite. « Fais pas le con Iago ... » J'ai l'impression d'avoir un gamin de cristal qui se brise entre mes doigts. Alors, doucement, je m'approche d'un pas, encore hésitant. Et si j'le pousse ? Ouais, c'est une solution. Ses maux s'écraseront sur le sol. Il aura plus mal. Ça sera terminé pour lui, pour nous, pour toutes ses choses qui nous retiennent pour mieux nous faire souffrir. J'ai comme une soudaine envie de lui hurler dessus. Une putain d'envie de l'éloigner du danger. Une putain d'envie de lui envoyer mon poing dans la figure. « J'suis là, t'es pas seul. Viens pas me voler la vedette du super héros. Le rôle est déjà pris. » Je ris, nerveusement. J'suis tellement nul pour rassurer. Certainement parce que je suis pourris jusqu'à l'os. Mais je tente quand même, plein de bonne volonté et de rêves. Il me tourne le dos et ça m'fout encore plus la haine. Mal aux tripes. Mal à la tête. Mal de le sentir si loin de moi et si proche de la mort. Le ciel peut bien nous tomber dessus cette nuit, la faucheuse ne viendra pas. C'est une certitude.

Ma main gauche se pose sur le bas de son dos, remonte le long de sa colonne vertébrale pour finir au niveau de son épaule et l'obliger à se reculer et me faire face. Mes doigts se posent sur ses joues pour l'inciter à soutenir mon regard. Mes lèvres tremblent, comme tout mon être. « Laisse moi le temps de contrôler mes supers pouvoirs. J'ai pas envie de rater mon coup et te laisser tomber. Comment j'ferais sans toi ? J'ai trouvé plus dingue que moi. » Et pendant que je lui parle, comme ça, d'une voix basse et attentionnée, mes mains se posent dans son dos pour l'entraîner avec moi un peu plus loin du vide. De cette mort palpable. J'ai tellement envie de me foutre des tartes. Dire à Iago qu'il est plus dingue que moi mais putain, comme si ça allait le réconforter. Comme si. J'suis tellement pathétique. Tellement con. Mon front humide se plaque contre le sien, pour lui prouver que j'suis là. Pas seulement mentalement, mais aussi physiquement. Mes bras le soutiennent, comme tout le reste. Ça m'dérangerait même plus d'avoir son monde entre mes bras. C'est même l'une des missions premières du super héros. Avoir la confiance de son peuple, de toutes ces personnes en difficultés. Mais Iago, il est pas en difficulté, non, il est fort. Aussi magique que la lune qui surplombe la ville. « T'es pas fini Ia- … Cezary. » J'veux pas qu'il pense que je dis ça pour le faire rêver, une nouvelle fois. Non, j'suis foutrement sincère. « On a encore des tas de choses à découvrir. La magie, elle se trouve p't'être pas à Paris mais j'ai entendu parler d'un endroit où on peut toucher le ciel. Si j'te jure. J'vais t'emmener au Groenland, ou en Alaska, on s'en fout et tu verras … tu verras l'aurore boréale. T'en as déjà vu ? Les Inuits disent qu'elle mène au paradis. » Ma respiration se coupe, happée par l'admiration de mes propres mots. J'ai rien trouvé de mieux que lui parler du paradis pour lui faire oublier cette idée folle de sauter du toit. « Mais pour le moment j'te demande juste de rester avec moi. Ici, ou ailleurs mais … reste. J'ai pas envie de me retrouver seul où à l'hôpital. Même si c'est là-bas que je t'ai rencontré, j'ai pas envie d'y retourner. » Et j'me rends compte que je parle trop, beaucoup trop. Comme je peux être pleins de rêves et d'affection. Faut dire que je suis seul depuis si longtemps que j'ai des années de sentiments à donner un peu partout, à n'importe qui. Une quantité incroyable de paroles. Nos respirations se mêlent tandis que mon front reste plaqué contre le sien, mes yeux brillants plantés dans les siens. Ma bouche vient trouver sa place au coin de ses lèvres pour y déposer un simple baiser dans l'optique de mieux le rassurer. C'est à ce contact que je me rends compte que je suis en train de franchir le pas. Alors, d'un geste vif et légèrement nerveux, je me recule légèrement et fixe le sol quelques minutes. J'ai l'impression d'être un gamin qui vient de faire une connerie. Tout ça est tellement nouveau pour moi que le moindre mouvement parvient à me déstabiliser. Ma main, encore posée sur son bras prend soin à le frotter avec énergie. « T'as l'air gelé. Tu veux qu'on rentre ? Où qu'on trouve un endroit plus abrité ? » Putain Slim, cesse donc de parler sans lui laisser le temps de placer un mot. Vous avez toute la nuit. Le temps ne presse plus, le danger est écarté. Iago va pas disparaître d'une seconde à l'autre. Il est là. Y a plus de vide. Juste vous deux et une trottinette.

Et deux petits mondes détruits.
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MessageSujet: Re: la vie s'oublie. (cezary)   la vie s'oublie. (cezary) EmptyJeu 20 Juin - 10:25

L'adrénaline me fait oublier quelques instants la présence de Slim. J'ai toujours eu peur du vide, plus encore que des monstres planqués sous mon lit. En fait, non ‼! Les monstres m'ont toujours bien plus effrayé que tout le reste mais j'ai jamais été capable de l'admettre. Le vide me fait face, prêt à m'avaler, prêt à m'prendre, prêt à m'faire disparaître. Bon dieu, il suffirait d'un pas. Un petit pas en avant et j'mettrais un terme à tout ce bruit, à tout ce chaos. Un seul centimètre de plus et j'tombe. J'aurai plus qu'à ouvrir les bras et espérer m'envoler… mais j'suis pas dupe, ou peut-être un peu ! Les hommes, ça vole pas. Les oiseaux, si ! Dieu que je les envie tout à coup. La liberté de mouvement, l'infini pour seul horizon, le voyage et les déplacements, faire le tour du monde en un battement d'aile. Dieu que j'aimerais pouvoir voler moi aussi. Je suis là, face au vide, et j'n'attends qu'une chose… que le vent m'emporte loin de tout. Loin de Paris, loin des maux de la capitale et surtout loin de lui, loin d'Hermès et de tout ce que mon pauvre cœur peut ressentir à son égard. Mais incapable de franchir le pas, je manifeste ma couardise par un appel au secours. Je sens alors la main de Curtis frôler le fond de mon dos, j'esquisse un léger sourire. Quelle connerie ! J'aimerais tellement que tout soit plus simple, plus facile. J'aimerais qu'un seul sourire suffise à éclairer mes journées, à éteindre ma peine. Quelle horreur ! Je tourne mon visage vers mon camarade, mais je ne parviens plus à sourire. Le monde est là, le monde nous détruit. Nous ne sommes que deux pauvres cadavres pourtant trop proches de la mort ! Mes yeux se perdent un instant dans les siens. D'un léger mouvement, il m'incite à reculer, il m'invite à le suivre. Je n'y résiste pas, je me soumets. Aujourd'hui, je ne suis bon plus qu'à ça. La poudre me monte à la tête, pourtant, j'en désire encore, un peu plus, toujours ! Je ne quitte pas Slim des yeux, il semble prêt à m'offrir plus qu'un simple halo de protection… le monde ? J'aimerais. Il me parle du paradis, des inuits et d'aurores boréales. Son discours est détaché et mon esprit peine à tout comprendre. Les informations fusent dans mon cerveau déjà éteint, mes yeux sont vide de sens tandis que mes lèvres se tordent dans un léger sourire. La nuit est belle, elle n'est pas froide, juste ce qu'il faut. Je sens pourtant une faible brise s'écraser contre ma nuque ! Devrais-je avoir froid ?

Perdu, je n'ai plus que Slim comme point de repère, alors je m'y accroche, comme je l'peux.

Il mentionne l'hôpital… pourquoi ? Sommes-nous blesser ? Il me parle de notre rencontre, un léger rictus se dessine sur mes lèvres. Oui, c'est là-bas que nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Et quelle scène ! En y repensant, j'ai mon cœur qui se sert légèrement. J'aimerais être aussi fort que lui. Je noue une dépendance à la puissance des mes camarades, je ne traîne qu'avec des personnes capables de me protéger ! C'est une maladie, c'est ce qu'on me disait tout du moins. Je me souviens de quelques séances suivies chez une thérapeute il y a plusieurs semaines mais je chasse rapidement ces scènes perturbantes de ma mémoire. Je n'y retournerai plus, plus jamais ! Je n'aime pas parler de moi, je déteste qu'on me juge et je ne suis pas malade. Je me cache derrière ma timidité, je baisse doucement les yeux tandis qu'il se rapproche de moi. Lorsque je sens son front se coller contre le mien, je lève les yeux vers les siens. Nous sommes si proches, nous sommes si… intimes ! Est-ce normal ? Est-ce bien ? Et si Hermès me voyait, m'en voudrait-il ? S'en moquerait-il ? Je ne sais pas trop quoi penser… comme l'enfant qu'on surprend à faire une bêtise, j'ai envie de fuir et en même temps, cette proximité m'attire. Incapable de prendre une décision, je laisse Slim mener la barque. Et je me surprends à apprécier cette nouvelle approche.

Il embrasse la commissure de mes lèvres, je trouve ce geste attendrissant et incroyablement bon. Je me laisse faire, mais de suite, je sens Slim se détacher. Non, non, reste ! je sens mon cœur se serrer alors qu'il agonise. Tandis que le jeune homme s'éloigne de moi, je sens le poids du monde s'écraser sur mes épaules. Les jambes lourdes, je m'effondre et m'assied sur le rebord. J'écarte mes jambes et pose mes coudes sur mes genoux, mon visage s'enfonce dans mes mains tandis que je laisse un soupire s'échapper de mes lèvres. Il me demande si j'ai froid… j'ai l'air gelé précise-t-il ! Est-ce vrai ? Ai-je froid ? Je cherche une réponse qui ne vient pas, je ne comprends pas. Je ferme les yeux un instant, je réfléchis, je n'y arrive plus. Je lève les yeux vers Slim. « Je n'ai pas froid. » Je regarde autour de moi, je me lève en titubant légèrement. Je me retourne, faisant à nouveau face au vide mais cette fois-ci, je garde une distance de sécurité entre le rebord de l'immeuble et moi. Je regarde Paris, je souris. « Je veux voire une aurore boréale ! Maintenant… » Je me tourne vers Slim, le suppliant du regard. Est-ce triste ? Avons-nous l'air triste ? Je cligne des yeux sans me départir de mon sourire. Emmène moi au Paradis Slim.

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