i had a bad night.

Il est 7h. Ce qui veut dire que t'as passé toute une nuit dehors. Ce qui veut dire que pour la première fois de ta vie, t'as découché sans que tes parents ne soient au courant. Et le pire, c'est que sur ton portable volé, tu dois avoir un million d'appel de leur part. Mais t'as pas le temps de rentrer en banlieue avant d'aller en cours. Et surtout, t'as pas le courage de les affronter là tout de suite. Et de répondre à leur question. De leur expliquer pourquoi t'es pas rentrée, pourquoi tu réponds pas à ton téléphone. Et surtout, pourquoi ta joue est tuméfiée. Alors tu fais la chose qui te semble la plus amène de faire dans ce cas là. Tu te rends chez ta soeur ainée. Tu prends le métro pour aller voir Léa-Marie.

Une demi-heure plus tard, t'as la clé dans le trou de sa serrure. Et t'ouvres doucement la porte pour que si elle dort encore, tu ne la réveilles pas. T'entres à l'intérieur de l'appartement, déposes ton sac et au vu du silence qu'il règne dans les lieux, t'en déduis que ta grande soeur est encore sous la couette. Alors t'en profite pour commencer par faire un détour par la salle de bain. Où tu te rends sur la pointe des pieds. Une fois dedans, tu te précipites devant le miroir pour observer les dégâts. Tu grimaces, c'est pas bien joli à voir. Un bleu commence doucement à se dessiner sur ta joue et il va falloir que tu ruses pour le cacher à tes parents. Car oui, il est hors de question que tes parents sachent ce qu'il t'es arrivé. T'es pas le genre de fille à mentir mais tu préfères pas qu'ils s'inquiètent pour toi. Tu préfères qu'ils restent dans l'ignorance. Bref. Une fois l'inspection faite, tu te glisses sous la douche. Parce que tu l'as bien mérité.

Ta douche prise, une serviette enroulée autour de ton corps. Tes cheveux mouillés cachés sous une autre serviette. Et ton bleu caché par le fond de teint qui trainaît dans la salle de bain de Léa-Marie, tu te rends maintenant dans sa chambre. Toujours sur la pointe des pieds. T'ouvres doucement la porte et passes juste la tête dans l’entrebâillement pour vérifier que cette dernière dorme. Bingo. Tu ne l'as pas réveillée. Alors tu te diriges vers sa penderie et fouille sans faire trop de bruits pour troquer ta serviette contre des sous vêtements et un t-shirt. Avant de venir te glisser sous les draps et de venir te coller contre ta soeur. T'as besoin de ça, là maintenant. Tout de suite. C'est vraiment la meilleure chose dont t'as besoin pour te remettre de tes émotions. Tu poses ta tête contre son dos et chuchotes doucement. Léa-Marie..

i had a bad night.

T'as passé la pire soirée de ta vie la veille. Et au matin, la seule chose dont t'as eu besoin : c'est d'être près de ta grande soeur. T'aurai très bien pu te glisser dans les draps de Théo, puisqu'il habite dans le même immeuble. Mais non, c'est de Léa-Marie que t'as besoin. Seulement d'elle. Alors après ta douche, après avoir enfilé des vêtements piqués dans sa penderie, t'es venue te coller contre elle. Sans un bruit, parce qu'elle dormait encore. Et puis t'as chuchoté son prénom, pour qu'elle quitte son sommeil paisible. Avec ta douce voix, tu l'as arraché de ses songes. Léa-Marie ne met que très peut de temps à émerger et à se retourner vers toi. Lisa ? Qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’es pas à la maison ? Tu secoues doucement la tête, pour répondre non à sa question. Et tu n'ouvres pas la bouche, pour répondre à la première. Parce que tu sais pas mentir, tu préfères ne rien dire. Si tu ouvres la bouche, tu sais que ta grande soeur va flairer le mensonge à des kilomètres et qu'elle te lâchera pas sans que tu lui racontes ce que t'as fais de ta nuit. Alors tu te tais, tu oublies de répondre. Pour ne pas mentir. Elle se redresse et poursuit sur sa lancée. Bah alors ? Mademoiselle est sortie ? Tu secoues la tête à nouveau, pour dire non. Non, t'es pas sortie. Mais c'est tout comme, parce que t'es pas dans ton lit. A des kilomètres de Paris. T'es pas sagement en train de dormir dans ta chambre d'adolescente. Tu te retrouves ici, beaucoup trop tôt le matin. Elle allume la lumière et tu plisses des yeux pour t'habituer à cette lumière. T'as passé la nuit dans le noir, dans les bas fonds du métro. A peine éclairé à la bougie, alors une lumière aussi vive, ça te tue les yeux. Elle te regarde, elle te sourit. T'essayes de sourire aussi, pour ne pas qu'elle se doute de quoi que ce soit. Et puis tu te redresses à ton tour, pour lui faire face. Sauf qu'elle prends ton visage entre ses mains pour regarder la partie de ce dernier que tu n'as absolument pas envie qu'elle voit. T'as pas envie qu'elle voit le bleu qui a commencé à se former sur ta joue, parce que tu sais qu'elle va forcément te demander comment t'as pu te faire ça. ..Mais ? Tu te mords doucement la lèvre alors qu'elle passe son doigts sur ta joue, qu'elle effleure ta peau. T'es grillée, tu le sais. Et ça te fait chier, parce que tu veux pas en parler. Tu veux pas t'en rappeler, tu veux laisser cette nuit derrière toi. Toi tu mets du fond de teint maintenant ? Complétement grillée, ouais. Parce que tu te maquilles jamais, en temps normal. Ou presque. Et que là, à peine sortie de la douche, ton visage n'est plus immaculé. Je reviens. Tu sais où elle va, tu sais ce qu'elle va chercher. Et tu peux rien y faire, tu peux pas l'en empêcher, parce que ça sera du pareil au même. Ça ne fera que confirmer ses doutes. Et de cette façon ou d'une autre, tu devra quand même t'expliquer. T'es donc coincée, t'as pas le choix que de la laisser découvrir ce qui se cache sous tout ce fond de teint. Elle revient bien vite et au bout de quelques secondes, à l'aide d'un coton imbibé de démaquillant, le bleu se forme sous les yeux de ta soeur. J’en étais sûre, qui t’as fait ça ? J’crois que tu vas devoir me raconter ta nuit si tu veux que je te couvre auprès des parents. Tu baisses les yeux, à peine ces mots prononcés. Tu te mords la lèvre, tu peux pas mentir. De toute façon, tu ne sais pas mentir. Alors à quoi bon. Tu lèves les yeux vers ta soeur, tes yeux apeurés et d'une petite voix, tu demandes : Tu promets que tu dira rien à Papa et Maman, s'il te plait ? Tu la supplies de ton regard, tu veux pas qu'ils soient au courant. C'est pas dans ta nature de cacher des choses à tes parents, mais ça, tu peux pas leur dire. Parce que tu les connais, ils flipperaient grave. Encore plus que ta soeur, à cet instant. S'il te plait, Léa. Tu baisses les yeux, à nouveau. Promets le moi et j'te raconterai..