Le ventilateur lui poussait de l'air contre le visage, mais ça ne changeait malheureusement rien. Sa main moite était sous son oreiller alors que l'autre flottait dans le vide touchant presque au sol. Il regardait le plafond, les yeux ouverts comme s'il n'était pas réellement quatre heures du matin. L'obscurité régnait, mais pas autant que le silence. La pluie se fracassait contre sa fenêtre alors que le ciel se faisait entendre de plus en plus fort. Il n'était pas du tout capable de s'endormir, cette nuit-là. Il pensait trop, beaucoup trop. Il était malade et il allait mourir. Il souffrait un peu, mais c'était tolérable. Enfin, je ne parle que de cette fois-là. Parfois, il avait l'impression qu'il allait crever tellement la douleur était intense. Alors, pourquoi ne dormait-il pas? C'est tout simple. Le noir, l'humidité, les éclairs, la pluie. Yannie adorait ça. Malheureusement, ce soir-là, cette scène n'était pas très positive. C'était censé être un bon moment, mais la seule chose qui préoccupait Yannie était qu'il ne lui restait pas longtemps à vivre, qu'il ne lui restait pas beaucoup de moments comme celui-là. En plus, elle lui manquait. Peut-être que le chocolat chaud était la drogue de Camouille, eh bien la drogue du jeune Langlois, c'était elle. Il avait envi de se bouger, de lui dire à quel point il l'aimait. Malheureusement, c'était une chose déjà faite et il savait que ça ne changerait rien. Il avait besoin de donner tout cette amour qu'il contenait depuis bien longtemps en lui, mais ce n'était seulement qu'elle qui pouvait le recevoir. Camille ou une feuille de papier. Il avait besoin de s'exprimer et il ne pouvait pas aller voir son frère puisque celui-ci allait lui faire la morale concernant la demoiselle. En fait, personne n'était vraiment d'accord avec la relation qu'il entreprenait avec la demoiselle Duchemin. Personne ne semblait comprendre que c'était la seule chose qui pouvait le rendre heureux à cent pour cent actuellement. Yannie avait même de la difficulté à s'envoyer en l'air avec d'autres filles depuis qu'elle empoisonnait son petit cerveau. Il se sentait désespérément seul, il l'aimait comme dix et il avait besoin de l'exprimer. D'une main, il attrapa son téléphone portable qui dormait sur sa table de chevet. Il s’apprêtait à envoyer un sms à sa princesse, mais il ne faisait qu'écrire pour ensuite effacer. T'es jolie. Effacer. Je t'aime. Effacer. Tu me manques. Effacer. Rêver. Écrire. Effacer. Recommencer. Yannie, si elle t'aimait vraiment, elle serait avec toi actuellement. Si elle t'aimait vraiment, elle serait ta petite-amie depuis déjà bien longtemps. Ça ne sert à rien, ce que tu fais. Elle ne t'aime pas. Alors que des papillons lui parcourait le bras de l'intérieur, il ferma lentement et difficilement son téléphone portable pour le faire tomber sur le sol. Elle ne veut pas de toi. Trop de choses dans sa tête. Trop d'amour. Trop de colère. Trop de choses. Il se leva péniblement restant assis quelques minutes sur son lit, inactif. Puis, radicalement, il attrapa un crayon par terre qui servait à son chat de jouet puis une feuille de papier qui séjournait sur sa table de chevet. N'ayant rien de solide pour écrire dessus, monsieur Langlois se trouvait sur son lit, la feuille posée verticalement sur le mur, à essayer d'écrire quelque chose. You got it all down, got it all down, down to a science, breaking hearts, is what you do for fun, little one. La colère avait prit la place de l'amour. Il était entrain de se dire que son frère avait raison. Il était entrain de se dire qu'il devait l'abandonner, maintenant. Qu'il devait lui dire que c'était terminé, une fois pour toute. Il devait vivre à fond le peu de temps que le ciel lui donnait et ce n'était certainement pas elle qui allait l'aider. I wrote it all down, wrote it all down into a song, I'll break you're heart in just three minutes now, look who won... Il prit une petite pause, le temps de se reposer la main qui écrivait de sorte à ce que son poignet souffre, puis trop emporté par ses pensées, trop emporté par la haine, il continua malgré la simili-souffrance. Simili-souffrance parce que ça, ce n'était rien en comparaison à le mal que son coeur lui procurait. And all I see in you is another mistake right over my shoulder, now I see who you are, all I saw in you was a girl just lookin for love. Damn. Ça faisait du bien. Vraiment. Il ne s'était jamais vraiment défoulé sur elle en écrivant. Toutes les chansons qui lui étaient accordées étaient des jolies chansons d'amour. Là, c'était différent. Yannie était prêt à laisser tomber. Pour de bon.


Malgré la nuit inexistante que Yannie venait tout juste de passer, il avait trouvé le courage de se lever tôt le matin pour aller à son rendez-vous à l'hôpital. Les nouvelles n'étaient jamais bonnes, là-bas. Ils ne faisaient que lui annoncer, à chaque fois, que son état se dégradait davantage. Ils lui donnaient quelques prescriptions pour des médicaments pouvant l'aider, mais ça n'allait pas le guérir. Il ne voulait plus trop se rendre à ses rendez-vous puisque ça le décourageait sans cesse, mais il avait toujours espoir en une bonne nouvelle. C'est pour cette raison qu'à chaque deux semaines, il prenait sa voiture pour s'y rendre et pour y passer une bonne partie de sa journée. Aujourd'hui, la rencontre avait été plus courte et il s'en était sortit à midi. Les nouvelles étaient toujours aussi mauvaises et il avait une mine minable. Il se rendit par la suite à la pharmacie pour y prendre les médicaments, puis il retourna chez lui avec son petit sac. Montant les escaliers rapidement, il se rendit finalement sur l'étage de son appartement. Il leva les yeux puis aperçu rapidement la Camille qui se trouvait devant sa porte d'entrée. Comment faisait-elle pour être aussi belle? Yannie se souvenait parfaitement de tous les mots qu'il avait écrit la veille sur cette feuille. Allait-il s'écouter, pour une fois? Il se sentait déjà chuter. S'avançant vers elle, il cacha rapidement le petit sac de la pharmacie derrière son dos. Elle n'était pas au courant de sa maladie et il ne tenait pas particulièrement à ce qu'elle le sache. Il ne savait pas comment agir, comment lui dire coucou, comment l'inviter à 'réviser', comment lui dire de partir parce qu'il ne voulait plus d'elle. Non, il voulait d'elle, encore, toujours et pour toujours. « .. Camille? » Il était clairement mal à l'aise. « Qu'est-ce que.. Qu'est-ce que tu fais-là? » Il faut dire qu'il était un peu secoué de la voir là.

Camille tapotait nerveusement sur son téléphone. Comment écrire à Yannie sans l’inquiéter, paraitre trop froide ou au contraire lui donner de faux espoirs ? Elle détestait ça. Enfin, surtout avec lui. Depuis son escapade avec Lucas, elle ne voulait plus tomber amoureuse, elle ne voulait plus être en couple. Cela faisait trop mal. Elle avait connu quelques personnes sur Paris, avait couché avec certaines d’entre-elle, juste flirté avec d’autres. Mais très vite, elle stoppait tout. Il n’y avait qu’avec Yan' qu’elle s’était dit « Et pourquoi pas ? », et qu’elle avait tenté d’oublier son passé et ces résolutions. Mais elle n’avait pas tenu. Ils avaient bien retentés de se remettre ensemble quelques fois, mais elle avait toujours fini par rompre, par fuir. Elle avait peur, peur de ce qu’elle ressentait, peur de s’engager. Alors elle lui mentait, tout n se mentant à elle-même. Elle prétextait que c’était « pour son bien », qu’elle n’était pas une fille pour lui, que c’était mieux comme ça, pour lui, pour elle, pour eux. Mais elle n’arrivait pas à se résoudre à ne plus lui parler, à ne plus le voir. D’habitude, elle arrivait à éviter ces « conquêtes », en même temps, ce n’était pas très difficile, Paris n’était pas un de ces petits patelins de 42 habitants (a). Mais avec Yannie, c’était plus difficile. Il était en cours ensemble, et elle lui avait proposé de l’aider à réviser quand il ne comprenait pas tout et elle ne pouvait pas le laisser tomber comme ça du jour au lendemain. Et, même si elle aurait préféré se couper une jambe plutôt que de l’avouer, elle avait besoin et envie de le voir. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle n’utilisait pas la technique dite « de la garce ». Elle l’avait déjà fait avec son premier petit ami, ils avaient 14 à l’époque, et il était un peu trop collant à son gout, et ce, malgré le fait qu’elle l’avait plaqué. Elle avait donc tout fait pour le dégouter, elle l’avait ignoré, rejeté, et s’était montré froide envers lui durant plusieurs semaines. Après une longue discussion, il avait fini par comprendre qu’elle ne reviendrait pas avec lui, et que c’était fini, définitivement fini. Bien sûr, il lui en avait voulu à l’époque, et elle n’avait pas fait cela de gaité de cœur. Bref, dans tous les cas, elle ne voulait pas, et elle ne le pouvait pas, faire cela avec Yannie. C’était plus fort qu’elle. Mais elle ne voulait pas se laisser aller complétement en sa présence. Elle ne voulait pas lui donner de faux espoirs, et ne voulait pas passer son temps à se remettre avec lui, pour lui briser le cœur une voire deux semaines après, dès que les doutes et la peur referait surface. Mais cela ne l’empêchait pas de coucher avec lui de temps en temps.

Une voix masculine vint la tirer de ces pensées, et elle cessa immédiatement de tapoter sur son appareil, en se figeant. La jeune femme n’avait même pas besoin de vérifier, elle savait que c’était lui. Elle aurait reconnu sa voix entre mille. Elle releva les yeux, et vint timidement planter son regard noisette dans celui de Yannie. Il paraissait mal à l’aise, et elle crut le voir cacher une sorte de sac derrière lui. Elle ouvrit la bouche, et s’humecta les lèvres d’un coup de langue. Devait-elle le serrer dans ces bras, ou le saluer simplement, ou lui faire la bise ? Elle s’avança vers lui, et fini par lui déposa un rapide et furtif baiser sur la joue.

- Hey ! fit-elle d’un air un peu crispé, avant de lui sourire d’un air timide. Je… En fait, je…

Elle se tut, se rendant compte que son histoire de livre oublié était légèrement bancale, et qu’elle aurait très bien pu l’appeler, au lieu de débarquer chez lui ainsi. C’était surtout un prétexte de plus pour le voir. Elle reprit, légèrement hésitante.

- Je… Je crois que j’ai oublié un de mes livres chez toi.. La dernière fois. Mais… Je te dérange peut-être? Je peux repasser, ou n’importe tu sais hein ? Camille parlait de plus en plus vite, signe chez elle d’une nervosité. Finalement, elle n’aurait pas dû venir. Tu es peut-être attendu, ou pas.. Pas seul. La brunette avait prononcé ce dernier mot avec une légère pointe de jalousie. Après tout, il venait peut-être de passer une folle nuit d’amour avec une autre et il rentrait de la boulangerie où il était parti chercher leur petit déjeuner ? A cette pensée, Camille grimaça légèrement, et se traita d’imbécile, voilà qu’elle devenait jalouse et parano.

La veille, ou plutôt pendant la nuit, le jeune homme avait écrit une chanson à l'effectif de la demoiselle. Pour la première fois de sa vie, il avait presque réussi à la détester, cette Camille. La vie lui rappelait à l'instant même qu'il était assez naïf pour retrouver toute l'amour qu'il contenait pour elle en un seul regard. Elle se tenait là, devant la porte d'entrée et même s'il tentait de rester froid, il savait qu'il risquait très bien de succomber, encore une fois. Elle lui manquait même s'il l'avait vu récemment. Très récemment. Elle lui manquait toujours, il voulait toujours lui dire, comme lui dire qu'il l'aimait, sans arrêt. C'était ça, la drogue. Il voulait toujours tout lui crier, des trucs positifs bien évidemment. Il voulait être à elle et qu'elle soit à lui. Il l'aurait marié sur le champ, même. Simplement parce que Yannie voyait beaucoup trop loin, il se passionnait à rien, il avec trop de petites étoiles dans les yeux et surtout lorsqu'il la regardait. Il n'avait jamais eu le temps de vraiment aimer et il rebutait la raison de ses échecs avec les demoiselles sur la faute de ses études et de son travail. Pour la première fois de sa vie, il était réellement amoureux, c'est aussi simple que ça. Il aurait aimé être capable de se défaire de se petit sentiment désagréable -ou pas-, mais malgré ses tentatives, malgré ce que tous ses proches lui disaient de faire, il n'était pas capable de prendre la moindre décision. Il était bloqué là, à vouloir et à laisser tomber aussitôt qu'elle se tenait devant la porte de son appartement à lui dire Je… Je crois que j’ai oublié un de mes livres chez toi.. La dernière fois. Mais… Je te dérange peut-être? Je peux repasser, ou n’importe tu sais hein ? Bien évidemment, j'ai oublié de parler du moment juste avant, vous savez, lorsqu'elle s'est approchée pour lui donner un rapide baiser sur la joue? Le coeur de Yannie voulait exploser, oh que oui. Il aurait voulu un câlin, un vrai baiser, quelque chose du genre. Et là, il devait répondre quelque chose alors qu'il était totalement figé devant la Camille. Il aurait été si simple de répondre oui, tu me déranges mais est-ce que Yannie était assez fort pour répliquer une telle chose? Pardon, je reprend. Est-ce que Yannie était assez méchant pour répliquer une telle chose? « Heu .. Oui .. Tu .. Tu me déranges. » Il serrait très fort le petit sac de médicaments qui se cachait derrière son dos, mais évidemment, ça n'allait rien changer. Il avait probablement viré au rouge tellement il était timide actuellement. Il se sentait atrocement mal et il .. Bah il avait menti. Il n'était pas pour dire une telle chose à sa Camille? Il s'arrangeait pour la perdre, non? Mais ce n'était pas ce qu'il voulait, la perdre? Non, c'était ce que son frère et ce que ses amis voulaient. Par-dessus tout. Comme s'ils ne se souciaient pas de ce que Yannie ressentait. « Je .. Non, tu ne déranges pas. Pas du tout, même .. Et .. J'suis pas censé être attendu .. Bah, enfin.. Je .. Je sais pas .. Heu .. » Il se trouvait totalement imbécile, c'était pas croyable. Alors qu'il était toujours figé, il se décida à bouger un peu. Il se dirigea vers la porte de manière à ce que la Camille ne voit pas le sac. Il avait juste l'air d'un crétin de dix-neuf ans qui voulait passer l'Halloween en cachant ses bonbons pour pas que les enfants le lui volent. 'Manquait plus que le sourire psychopathe. Il était tout prêt de Camouille alors qu'il se retourna rapidement en changeant le petit sac de côté pour qu'il soit entre lui et la porte. Tout ça en sortant nerveusement ses clefs de sa poche de jeans pour déverrouiller la porte de son appartement. Nous étions maintenant très prêt du psychopathe qui passe l'Halloween déguisé en coca-cola géant. Une fois la porte ouverte, il jeta rapidement le petit sac derrière le comptoir de la cuisine. Voilà une chose de faite. Il prit quelques secondes pour respirer, puis il se retourna vers mademoiselle je-t-'aime-mais-je-ne-t'aime-pas-mais-je-t'aime-tu-sais? Ses mains reposant dans ses deux poches de jeans, il regardait la belle avec un air totalement innocent. « Tu peux entrer, tu sais.. J'vais pas te manger. Ou pas. Haha. Heu.. Hm. » Encore et encore timide, même s'il trouvait le courage de faire des blagues mauvaises. Il regarda timidement le plancher avant de retrouver les yeux de mademoiselle. « .. T'es jolie, aujourd'hui.. Bah .. T'es toujours jolie.. » Yannie alias le mec le plus cliché du monde. Alias le mec qui dit des trucs mais qui le pense vraiment. Alias le mec qui aime une fille fois mille, tellement qu'il fait n'importe quoi depuis tout à l'heure. Alias le mec qui aime une fille fois mille, tellement qu'il dit n'importe quoi depuis tout à l'heure.

Camille scrutait le visage de Yannie, attentive à chacune de ces expressions, au moindre petit détail, ou mouvement qui aurait pu la renseigner sur ce qui se passait dans la tête du jeune Langlois. Il semblait un peu surpris, ce qui n’était pas étonnant, voir hébété. Après tout, ce n’était pas dans les habitudes de Camille de faire ça. Elle était plutôt dans le genre « amante discrète », même si la comparaison était légèrement bizarre, et évitait de débarquer ainsi devant la porte du jeune homme à l’improviste. Elle savait que Grayson, son frère, ne la portait pas particulièrement dans son cœur, et elle ne tenait pas particulièrement à se retrouver en tête à tête avec lui. Elle savait également que le jeune homme semblait être plus ou moins en couple avec Alaska, une amie de Camille. Elle l’adorait, ce n’était pas le problème, mais la jeune femme aux cheveux bleus n’approuvait pas vraiment la conduite de Camille vis-à-vis de Yannie. Bien sûr, elle ne pouvait pas comprendre, elle ne savait pas ce qu’avait vécu Camille, et sa vision de l’amour. Elle ne voulait plus être dépendante ainsi, et n’avait qu’une peur, c’était de se réveiller un matin et de se rendre compte qu’elle était raide dingue du mec qui partageait son lit. Elle n’était plus sûre des sentiments qu’elle avait eu pour Lucas, l’amour, ça ne pouvait pas être ça. C’était quelque chose de... Partagé, et non à sens unique. Elle n’aurait jamais dû tout laisser passer, et se soumettre complètement au jeune homme. Elle s’en rendait compte à présent, petit à petit, et se détachait de cette histoire de plus en plus. Mais cela mettrait longtemps, très longtemps, trop longtemps à son gout. Elle avait failli sombrer à cause de son « frère », et elle ne savait pas ce qu’elle serait devenue si elle n’avait pas eu cet éclair de lucidité, ce soir d’aout. Et cela, personne ne pouvait le comprendre, enfin, c’est ce qu’elle pensait. Et c’était ça qui la bloquait vis-à-vis de Yannie. Elle ne croyait plus à l’amour, et ne savait plus le reconnaitre. Elle avait peur de s’engager, de replonger corps et âme dans une relation, et d’en ressortir brisée. Elle n’était pas sûre de pouvoir aller jusqu’au bout, et ne voulait pas donner des faux espoirs à Yannie. Et pourtant, c’est ce qu’elle faisait. Elle était comme un de ces papillons de nuit, qui voletaient autour d’une lumière, s’approchant, reculant sans cesse, s’y brûlant les ailes mais ne pouvant s’empêcher d’y revenir, jusqu’à ce qu’épuisés, ils abandonnent le combat et s’y abiment définitivement. Elle se conduisait de la même manière avec Yannie, n’arrivant pas à se résoudre à ne plus le fréquenter, ne plus le voir. Elle s’inventait mille raisons, mille excuses.
La voix du jeune brun la tira de ces pensées. « Heu… Oui…Tu… Tu me déranges. » Le cœur de Camille rata un battement, et elle se passa la langue sur les lèvres, nerveusement. Etait-il accompagné comme elle le pensait ? Ou peut-être ne voulait-il plus simplement la voir ? Alors qu’elle s’apprêtait à s’excuser et à tourner les talons, il reprit. « Je… Non, tu ne déranges pas. Pas du tout même. Et… J’suis pas censé être attendu. Bah, enfin… Je… Je sais pas… Heu… » Le temps sembla reprendre son cours, tout comme les battements du cœur de la brunette.

- Tant mieux alors. dit-elle d’un doux sourire, tout en observant le manège de Yannie. Il semblait vouloir absolument lui cacher ce sac en papier qu’il tenait dans les mains, et elle se demandait ce que cela pouvait bien être. Qu’est-ce qu’il pouvait bien contenir ? Ce dont elle était sûre, c’est qu’il ne voulait pas qu’elle le sache, et faisait tout pour y parvenir. Cela devait être quelque chose d’important, vu comment il était nerveux et fébrile. A moins que ce ne soit du à sa visite surprise ? Elle pinça les lèvres, et se promit de le questionner dessus plus tard, si l’occasion se présentait. Elle le regarda donc faire, sans oser trop bouger. Elle restait là sur le seuil de la porte, à le regarder s’affairer, jusqu’à ce qu’il ‘l’invite à entrer. En voyant cet air innocent et timide sur son visage, elle ne put s’empêcher de sourire, attendrie et amusée. Elle n’avait qu’une envie, le prendre dans ces bras. Il était tellement… Chou. Mignon. A croquer.
Camille passa le seuil de la porte, et embrassa l’appartement du regard, avant de la poser sur Yannie. Après tout, elle n’était là que pour son livre, et pourrait partir dès qu’il le lui aurait rendu.

- Aha, merci Yannie. T’es adorable. Vraiment. dit Camille, les yeux pétillants, en rosissant légèrement. Il la complimentait sans cesse, mais à chaque fois, la prenait par surprise. Et elle adorait cela. Il arrivait toujours à la surprendre, à l’étonner. Il lui avait vraiment manqué. Camille reprit, d’un ton détaché, ne voulant pas laisser le silence s’installer entre eux. Je… Tu vas bien ?

Bégayer, rire nerveusement, bégayer encore. C'était ça, avec la Camille. Il n'y avait rien à faire. Bah, en fait, oui. Il allait finir par se sentir bien et à l'aise dans quelques minutes, voir quelques secondes. Mais les premiers regards étaient toujours aussi .. Intimidant. À chaque fois, il tentait d'être sur ses gardes et Dieu seul savait à quel point ça ne fonctionnait pas. Bah en fait, pas seulement Dieu, puisque c'était clairement visible, même pour lui même. Camille devait le trouver imbécile, quoi. Enfin, c'est ce que Yannie croyait. Il avait tendance à se sous-estimer, surtout avec elle. Il croyait qu'elle l'aimait pour vrai, puis l'autre jour d'après, il croyait qu'elle jouait le jeu et qu'il était trop naïf pour le voir. Enfin, c'est qu'elle était très difficile à cerner, la petite. Il n'allait juste.. Jamais savoir si elle l'aimait comme lui l'aimait. C'était impossible, avec tous les faux-espoirs qu'il avait eu dans les derniers mois. Dire qu'il avait voulu l'ignorer comme il le pouvait, aujourd'hui. Il savait clairement que ce n'était pas possible. Il savait qu'au fond de lui, il finirait par flancher. Qu'au fond de lui, il finirait par l'aimer. L'aimer davantage. Puis encore, et encore. Qu'il finirait par mourir avec son sourire imprimé dans sa mémoire. Il ne voulait pas la laisser partir et rien dans sa vie ne l'encourageait à faire le pas, simplement parce qu'elle était la seule chose de bien dans cette série de cauchemar, parce qu'elle était son seule et dernier espoir. Parce qu'elle était la seule. Il aurait bien aimé tomber amoureux d'une autre demoiselle, qui l'aurait réellement aimé en retour. Une demoiselle qui aurait été capable de lui dire clairement je t'aime, de lui dire 'oui' à un 'reste avec moi'. La vie n'était pas aussi simple. La vie faisait chier. La fille faisait chier. Rendu là, ça ne servait à rien de tenter de garder un beau vocabulaire. Quand il te reste quelques mois à vivre -enfin, quelques années selon les médecins mais Yannie savait qu'il ne se rendrait pas jusque là-, on s'en foutait de la manière dont on parlait, de la manière dont les autres pouvaient nous percevoir. C'est pour cette raison que Yannie avait totalement envi d'abandonner ses études en médecine. Tout ça, ce n'était que .. Foutaise. Il n'aimait pas du tout. Il ne voulait pas faire ça de sa vie. Ça ne faisait que gâcher ses derniers instants davantage. En plus, il avait la Camille dans la face à longueur de journée. C'était agréable pour son petit coeur et douloureux à la fois. Camille était désormais dans son appartement, attendant après le fameux livre. Yannou l'avait inévitablement complimenté à propos de son apparence, comme à chaque fois. Il ne s'en lasserait jamais, et le pire dans tout ça, c'était que c'était tellement spontané à chaque fois. C'est exactement ça que ça fait, une surdose d'amour. Enfin, dans son cas, c'était plutôt un overdose. Positivement parlant. « Aha, merci Yannie. T’es adorable. Vraiment. » Arrête de lui parler, vilaine. Eh voilà. Il voulait qu'elle reste, il voulait passer du temps avec elle, il ne voulait pas lui en vouloir. Il évita son regard puis décida de ne rien répondre, malgré sa gorge en feu. Il se dirigea vers le salon pour retrouver le fameux livre manquant. Eh voilà, le tour était joué. Il l'attendait, tout beau, sur la petite table. Il l'attrapa d'une main puis retourna vers la fille, la Camille. Eh merde. Il ne voulait pas lui donner, vraiment pas, lui donner ça signifiait qu'elle allait devoir partir. Il déposa le livre sur le comptoir puis la regarda, sans sourire sur son visage fatigué. « Tu .. » Overdose. Il s'approcha tranquillement d'elle, puis l'entoura de ses bras en la serrant fort fort contre lui. L'effet d'une drogue, carrément. « Tu m'manques. Même si on se voit souvent à l'université. Tu m'manques quand même. » Réconfort. Camille voulait probablement un mec plus virile que lui. Il était trop femme. Trop frêle. Trop mince. Trop musicien. Trop artiste. Trop marginal. Trop nounours. Trop. Trop. Dans sa tête, c'était comme ça que ça sonnait. Et ce qu'il était entrain de faire actuellement ça n'aidait pas du tout à son image. Surtout qu'il avait les larmes aux yeux. Parce qu'elle lui avait réellement manqué et surtout parce qu'elle allait bientôt lui manquer à tout jamais.