Lisa, tu as été adoptée. C'est-à-dire que quand tu es née au Viêtnam, ta maman n'avait pas assez de sous pour s'occuper de toi. Alors, elle a préféré te confier a quelqu'un qui pouvait t'aider. C'est pour ça que tu es là avec nous maintenant, dans ta famille Française.
J'avoue que j'ai bien vécu cette adoption. Je n'ai pas connu ce traumatisme qu'on malheureusement les jeunes qui l’apprennent plus tard dans leur vie. Je l'ai su tout de suite. Ma mère vivait seule. Et quand j'étais petite, c'était ma grand mère et mon grand père qui s'occupaient de moi. J'étais très proche d'eux. Mais mon grand père est mort quand j'avais 3 ans. Je me souviens encore de lui... Quand j'allais sur ses genoux pour dessiner sur ses mots croisés. Quand je lui sautais sur le ventre et qu'il ne me disait rien. Mais je me souviens aussi de quand il était malade. Je n'avais pas le droit d'aller le voir dans sa chambre d'hôpital. J'étais trop petite pour entrer. Alors, ma mère me portait pour regarder par la fenêtre. C'est la dernière fois que je l'ai vu. Ça a fait un grand vide à toute la famille.
Ma mère et moi, nous avons déménagé, pour ne pas laisser ma grand mère seule. Elle a continué à s'occuper de moi, comme avant. Sans papi. Elle a été comme une deuxième mère, pour moi. Elle a un peu remplacé le père que je n'ai jamais eu. Je l'ai aimée. Je l'aime. Je ne la quitterais jamais. Et elle n'a pas le droit de partir.
J'ai vécu une enfance pas très marquante. Mais pas banale non plus. Avec des hauts, et des bas. A huit ans, ma grand mère est tombée malade. Un accident vasculaire cérébral, il parait. Son cerveau manquait d'oxygène. C'était la première fois que je la voyais hospitalisée. Un choc. Je ne voulais pas qu'elle s'en aille. Mais ils ont réussi à la soigner. Pas entièrement. Elle n'est pas redevenue la grand mère pleine d'énergie qu'elle était avant. A 82 ans, elle n'était plus très en forme. Quand je suis entrée au collège, je devais de plus en plus m'occuper d'elle.
J'avais 13 ans quand elle est tombée dans les escaliers. A 87 ans. Elle s'est cassé le col du fémur et est restée des mois en fauteuil roulant. On dit que ce fut un miracle qu'elle puisse remarcher. On a encore eu très peur de la perdre. Mais elle est forte, ma grand mère. Mais elle a vieilli. L'été de mes 15 ans, elle a refait un accident vasculaire cérébral. Cette fois, ça s'est aggravé. Elle ne nous voyait plus de la même façon. Elle a dû vivre chez ma tante entre Août et Novembre. On allait la voir presque tous les week ends. Et puis, elle est revenue chez nous... Ce n'était plus la même. Comme si elle ne nous connaissait plus. Elle avait des hallucinations. Elle nous accusait de manière illogique, irréelle.
Je sais que vous hébergez des immigrés dans le grenier. Tout ça pour qu'ils me volent mes affaires. Celles qui appartiennent à la famille depuis des générations. Dites le moi si vous voulez que je m'en aille. Je sais que vous en avez marre de moi. Vous pouvez me tuer si je vous dérange.



A finir.