Ce matin n'avait rien de différent, il ressemblait à beaucoup d'autres. Le soleil ne s'était pas encore montré lorsque ses yeux s'ouvrirent. Elle n'avait pas faim comme à son habitude, alors elle attrapa un livre d'amour qui traînait sur sa table de chevet et elle s'installa sur son balcon pour lire ses lignes à l'eau de rose. La légère brise matinale n'était pas désagréable, elle flirtait avec ses mèches de cheveux qui osaient tomber sur son doux visage. Ce livre parlait encore d'un amour impossible, ce genre d'amour qui ne finit bien que dans les livres. Keira n'arrivait pas à finir ses bouquins, elle ne lisait jamais la dernière page, en espérant pouvoir en inventer la suite tout au long de la journée. Au final cette fille qui rencontrait l'amour pouvait bien partir étudier à l'autre bout de la planète ou bien finir prostitué dans un des quartiers chauds de Paris. Elle aimait se garder cette liberté, sans doute ingrate et irraisonnée mais tellement surprenante et passionnelle. On devrait pouvoir s'inventer la fin de chaque film, vivre notre quotidien sur des points de suspension. C'est tellement excitant de ne pas savoir ce qu'il y aura après. Se dire que rien n'est impossible, que tout peut arriver, n'est-ce pas ça l'aventure de chaque instant ?
Le soleil se levait doucement, elle l'avait une fois de plus pris en traître. Il avait une fois de plus eut la chance d'être accueillie par l'élégante danseuse. Un fin sourire prit alors place sur ses deux amas de chairs en défiant le soleil qui apparaissait lentement à l'horizon. Aucun des deux n'était en retard, ils s'attendaient toujours au même moment. Keira posa donc son livre sur sa chaise et s'appuya contre la rambarde de son balcon. Le vide était lui aussi encore là, aussi terrifiant qu'attrayant. Sa vie n'avait pourtant rien de passionnant mais les détails de la vie lui permettaient de tenir le coup jusqu'à ce que celle-ci ressemble à un de ses livres sans fin. Tous les matins elle attendait le soleil, les prochaines lignes de son livre d'amour, le poème qu'un homme laissait parfois sur la porte de son appartement, les quelques notes de musique de son voisin, l'odeur du croissant chaud dans les rues de Paris ou encore l'homme qu'elle croisait presque tous les matins au même endroit, au même moment dans le parc non loin de chez elle.
D'ailleurs il était temps qu'elle se prépare pour le rejoindre. Elle ne savais plus si elle y allait pour le voir ou simplement pour le fait de courir. Au début elle n'y avait pas prêté attention, il y a tellement de personnes dans ce parc. Le lendemain elle avait remarqué sa présence car ils s'étaient croisés au même endroit que la veille. Le surlendemain elle posa enfin ses yeux sur lui pour la première fois pour en détailler les traits de son visage avec plus d'exactitude. Leur rencontre a continué ainsi et voilà trois mois qu'ils sont liés sans pour autant connaître le nom de l'autre. C'est effrayant et parfois tellement excitant. Keira en était venue à se lancer des défis : « Aujourd'hui je lui sourirai », « Aujourd'hui j'essayerai de lui rentrer dedans pour tenter d'entendre le son de sa voix » ou encore « Aujourd'hui je lui dirai bonjour ». Mais c'était rare quand il y avait une interaction entre eux-deux. C'était devenu un jeu auquel elle avait pris goût. Parfois il n'était pas là, parfois c'était elle qui se sentait trop faible pour sortir mais elle ne pouvait s'empêcher d'aimer ce sentiment en elle, un mélange d'inconnu et de hasard.
Une fois prête, les cheveux attachés en un chignon bien serré, un jogging bleu très pâle sur elle, Keira se rendit au parc. Une fois qu'elle dépassa l'entrée de celui-ci, elle se mit à trottiner doucement. Son parcours était toujours le même depuis bientôt deux ans. Ce jour-là il faisait beau, il était aux alentours de 8h30. Généralement elle le croisait à 9h04 près du grand sol pleureur qui tombait sur le lac. A chaque bouffée d'air inspiré elle y pensait, quel jogging allait-il porter aujourd'hui ? Allait-il la regarder ? Comment s'appelait-il ? Jonas ? Noa ? 9H02... 9h03...et...
KEIRA & HAYTAM « La vie commence là où commence le regard. »
Haytam ouvrit péniblement les yeux, le bruit strident du réveil le sortant de ses doux rêves, les quelques rayons de soleil dessinant sur ses draps. Il bailla après s’être étiré et surtout après avoir éjecté son réveil à travers la pièce. Ses nuits étaient courtes, en plus du changement d’horaire, il devenait presque insomniaque à cause du stress, de la pression qu’il se mettait quotidiennement. Le jeune Patterson est un angoissé de nature, beaucoup de gens le savent, et puisqu’il est renfermé et timide, il garde souvent tout pour lui. Bref, Hay’m se leva en soufflant longuement, regardant l’heure, c’était un peu tôt pour lui mais s’il ne se bougeait pas, il finirait par ne plus sortir de sa chambre, posé dans son lit, les yeux sur un écran pour jouer plutôt que de prendre l’air et chercher du boulot. Il enfila alors ce qui trainait par-là, un jogging et un marcel et sortit de sa chambre, balayant la salle principale du regard. Apparemment sa colocataire était partie tôt à son travail, au moins il n’aurait pas à attendre qu’elle finisse de prendre sa douche. Hay’m se prépara un rapide déjeuner, ne mangeant encore une fois de plus pas à sa faim, puis il fila sous l’eau brulante, essayant de ne pas s’endormir sous la douche, car oui ce ne serait pas la première fois. Ses nuits se faisant courtes, Haytam est du coup une espèce de zombie, il est toujours à moitié endormi et lorsqu’il le peut, lorsqu’il ne résiste plus, il succombe rapidement au sommeil pour quelque minute, dans n’importe quelle circonstance ou endroit d’ailleurs.
Mais heureusement, il ne succomba pas au sommeil et s’habilla rapidement, avalant rapidement un café qu’il venait de se servir. Il retourna ensuite dans sa chambre pour attraper ses affaires, ses lunettes, son sac, son skate et son manteau qu’il enfila aussitôt. Passant son sac en bandoulière il sortit enfin de l’appartement puis de l’immeuble, respirant longuement l’air pollué de la ville. La pollution, il faut dire qu’il avait l’habitude, que ce soit entre Boston ou New York, ce sont des villes qui ne dorment presque jamais. Hay’m roula sur son skate, voguant vers le jardin des plantes, destination qu’il choisissait toujours le matin à la même heure. Pourquoi ? Il l’ignorait, il aimait bien y aller c’est tout. Cet endroit était tranquille, peu de gens passaient et puis il était sublime, c’est tout ce qu’il lui fallait. Depuis quelques temps, une jeune joggeuse passait également tous les matins dans ce parc, lui adressant parfois un sourire, faisant rougir Haytam qui est trop timide pour dire quoi que ce soit à vrai dire. C’est peut-être également pour ça qu’il retourne à cet endroit, pour se créer une habitude, un truc du genre. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver au parc qui était près de chez lui. Il s’installa alors sur le banc qu’il convoitait et posa son skate sous celui-ci, enlevant son sac. Hay’m s’installa alors en tailleurs sur le banc, prenant d’abord son appareil photo, admirant les clichés qu’il avait pris la veille, supprimant ceux qu’il n’aimait pas, examinant les autres. Puis il posa son appareil, attrapant alors un livre de Shakespeare, oui littérature classique, mais après tout c’est ce qu’il aime. Le jeune Patterson est un fan d’histoire, de littérature, de cinéma, bref tout ce qui développe l’imaginaire, l’instinct de création, et c’est d’ailleurs un des grands défauts qu’on lui rabâche sans cesse, celui d’être trop rêveur.
Feuilletant les pages de son bouquin, étant totalement absorbé par l’écriture, il ne fit pas attention au jeune homme qui tentait de l’aborder depuis environs une minute. C’est peut-être la cause de son casque également. Il retira celui-ci, coupa la musique, posant son livre sur ses genoux, toisant l’homme qui l’interpellait du regard, se demandant bien ce qu’il le voulait. Son interlocuteur devait être un peu plus vieux que lui, rien de bien méchant. Haytam retenu sa respiration, en attendant de savoir ce que désirait l’homme. « Vous avez l’heure s’il vous plait ? » Haytam mit un bout de temps avant de réagir, restant comme bloqué. Il toisa ensuite sa montre « Euh il est 9h03 ». Son interlocuteur le remercia, le gratifiant d’un sourire pendant que le jeune Patterson restait de marbre. C’est alors que la jeune femme, la jeune joggeuse passa comme à son habitude devant lui, et il l’observa, admirant sa grâce et sa beauté, comme à son habitude également.
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Sujet: Re: May I imagine you ? Mar 15 Jan - 3:16
May I imagine you ?
Peut être que j'ignorais tout de la vie, de son but, de sa beauté et de son mystère. Je ne suis pas capable de regarder ce qui en face de moi, je trouve cet exercice bien trop difficile. Je regarde toujours ce que je n'ai pas, ce que j'aimerais posséder ou atteindre. Je suis sans doute beaucoup trop ambitieuse et perdue pour profiter de chaque instant. Mon corps me fait souffrir et je ressens le besoin inconditionnel de remplir ma vie par un quelconque moyen. Je ne me reconnais plus dernièrement, je rentre avec des personnes que je ne connais pas, je fais des choses dont je ne me souviens pas et j'ai peur de mon propre reflet. Serais-je tout simplement à la recherche d'une personne qui pourrait me tendre la main et me serrer bien fort dans ses bras pour que je puisse m'y cacher ? Je n'arrive plus à sourire avec sincérité, j'ai constamment un poids au creux de l'estomac qui me ronge de l'intérieur et qui se moque de moi. On pourrait facilement me faire passer pour schyzo mais si vous saviez à quel point les désirs enfouis peuvent avoir une grande influence sur notre inconscient. Je flirte avec le danger et j'aime ça. Non je ne me reconnais plus, oui j'ai besoin d'aide mais je ne suis pas prête à faire le nécessaire pour changer quoique ce soit car regarder la vérité en face c'est admettre ses défauts et je n'en ai tout bonnement pas la force.
Cette matinée ressemblait à toutes les autres. Elle était remplie d'ennui, elle était vide. Keira avait toujours fait passer sa carrière avant sa propre existence. Mais plus les années passaient et plus elle se fragilisait. Ce dont elle ne se rendait pas compte c'est qu'elle courait à sa perte en se comportant ainsi. Elle faisait souffrir son cœur en rendant tout ce qu'elle venait d'avaler. Le sport avait envahi sa vie et dans son esprit elle entendait de multiples voix qui lui disaient de ne pas quitter le droit chemin, d'autres au contraire lui disait qu'elle n'était qu'une traînée refoulée et seule et qu'elle l'avait bien mérité. Allez savoir jusqu'où elle serait capable d'aller pour décrocher un de ces grands rôles tant convoités.
2...1... l'inconnu était bien là aussi ponctuel que vivant. Keira s'arrêta alors brusquement de courir. Elle fit quelques étirements non loin de lui. C'était un peu trop flagrant de s'arrêter ici, non pas pour le paysage, mais pour le jeune homme qu'elle avait l'habitude de croiser. Il était peut être complètement différent d'elle. C'était peut être le pire des sal*uds : odieux, infidèle et pervers. Peut être...
Keira étant très souple, ses années de danse classique l'avaient aidé à s'entretenir et à garder une très grande grâce. Face à lui, séparés par quelques mètres, elle s'étira vers le haut puis vers l'avant et toucha ses pieds avant de lever sa jambe. Elle paraissait concentrée et pas du tout intéressée par le jeune homme mais elle n'en pensait pas moins. Son cœur battait à une folle allure , cette situation était excitante à souhait. Elle allait sans doute briser le mystère si elle tentait une approche mais voilà des semaines qu'elle voulait des réponses à ses questions. Un livre se commence toujours par le début et se lit jusqu'à la fin n'est-ce pas ?
Elle allait sans doute faire la chose la plus folle qu'elle ait faite de sa vie, la journée et étant conscience de ses actes. Keira prit son courage à deux mains pour prendre place sur le banc près de lui. Elle venait de faire le premier pas et maintenant elle se retrouvait bien idiote. Un sourire adorable se dessina alors sur ses lèvres, elle était gênée.
-Appelez-moi Keira... ou Kei... je...
Elle porta sa main à ses lèvres pour cacher son nouveau sourire. Si elle avait pu se cacher derrière cette main elle l'aurait fait. Ses joues avaient pris une légère teinte rosée. Cette situation était embarrassante mais elle n'avait pas pu résister. Elle avait eu trop peur qu'un jour elle ne le recroise plus du tout.
KEIRA & HAYTAM « La vie commence là où commence le regard. »
Depuis quelques temps, enfin depuis son arrivée à Paris, Haytam s’était ancré dans une vie monotone, une vie plate qui ne lui réussissait pas franchement. Il faut dire que prendre la décision de tout quitter, son pays, son emploi et ce qui lui reste de famille n’est pas une chose facile, et ce n’avait pas été une mince décision à prendre. Et aujourd’hui il se retrouvait dans cette grande capitale un peu perdu, un genre de touriste qui essaye de se sédentariser dans un pays choisi au hasard. Pourquoi avait-il choisi Paris d’ailleurs ? Il l’ignorait, tout bonnement. Cette ville était le charme, la romance, l’avenir, bref cette ville est du genre très réputée, un genre de ville où on se dit que tout peut nous réussir, enfin presque. Depuis qu’il avait mis les pieds à Paris, Haytam ne cessait de galérer, certains dirons que cela forge le caractère, d’autre qu’il n’a eu que ce qu’il méritait, qu’on ne quitte pas tout comme ça. Mais si Haytam avait absolument tout quitté c’était pour prendre sa vie en main, pour faire quelque chose de lui et pour ne pas se laisser faire manipuler par son oncle qui ne se servirait que de son cerveau. Intelligent, oh oui il l’était, peut-être un peu trop ce qui le fait souvent trop réfléchir, et résultat, il perd trop souvent ses moyens. En venant ici, il s’était dit qu’il réussirait sûrement à sortir du lot s’il travaillait suffisamment, qu’il deviendrait peut-être un reporter ou un photographe connu, foutaises, ici il n’était rien d’autre qu’un étranger qui passe.
Observant les photos dans son appareil, il songeait à Boston ou encore New York, à son ancienne vie. Il tomba alors sur des anciennes photos qu’il avait oublié d’effacer et il eut un pincement au cœur. Son pays lui manquait mais il fallait qu’il se rende à l’évidence, rien ne le rattachait là-bas. Sa mère ne s’est plus occupée de lui depuis la mort de son père, et son oncle n’est qu’un pourri qu’il déteste par-dessus tout. Le jeune homme souffla en essayant de se rendre à l’évidence, se disant ce qu’il se dit à chaque fois ‘Ce n’est qu’une mauvaise passade, ça ira sûrement mieux après’. Malheureusement son côté pessimiste prend toujours le dessus. Reposant son appareil sur le banc il se mit subitement à rire tout seul, se trouvant idiot de scruter sa montre et de venir ici tous les matins pour croiser une parfaite inconnue, juste parce qu’elle dégage un truc qui l’attire. Un sourire penaud se dessina alors sur ses lèvres lorsqu’il s’avoua qu’au fond il était seul, incroyablement seul. D’habitude ce n’est pas le genre de chose qui lui déplait étant donné qu’il est du genre solitaire, mais avoir des amis, de simple connaissance, des personnes sur lesquelles on peut parfois compter ça fait du bien.
Justement, en parlant de l’inconnue, l’heure fatidique arriva et elle fit son apparition, comme chaque matin. Haytam leva alors la tête, arrêtant ce qu’il était en train de faire et posa son regard sur elle. Jamais au grand jamais il n’aurait le courage de l’aborder, alors il se contentait de la regarder passer, au fond cela lui créait une habitude qui n’était pas déplaisante, même s’il pouvait se faire passer pour un pervers. Contrairement à son habitude la jeune femme s’arrêta et les yeux d’Haytam s’agrandirent, il détacha alors son regard d’elle pour prendre l’air faussement occupé, se disant qu’elle allait sûrement lui gueuler dessus, le traitant de tous les noms parce qu’il la regardait passer tous les matins. La regardant parfois rapidement, il admira sa souplesse qui le laissa sans voix, mais lorsque celle-ci se remit en marche, il fut tétanisé. La demoiselle s’installa alors près de lui pendant qu’il avalait difficilement sa salive, et à sa plus grande surprise elle se présenta « Appelez-moi Keira... ou Kei... je... Excusez-moi je vous importune sans doute... » Il déposa son regard sur elle, remettant ses lunettes en place sur son nez, un faible sourire se dessina alors sur son visage. « Oh non non vous me dérangez pas. Euh enchanté, très joli prénom ! Moi c’est Haytam, Haytam Patterson » Il hésita alors un instant à lui tendre la main mais ne fit rien. Un léger blanc s’installa alors et ne sachant quoi dire pour mouvementer la conversation il fit « Vous êtes très souple dis donc ! Enfin nan nan c’est pas ce que je voulais dire mais enfin c’est joli et euh… » Il souffla longuement en baissant la tête alors que du rouge s’emparait de son visage.
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Sujet: Re: May I imagine you ? Mer 23 Jan - 14:58
May I imagine you ?
Aurais-je tort de penser qu'un jour tout ira bien ? Suis-je folle au point de vivre dans un monde d'illusions ? Alors soit, je veux être la folle la plus dépitée qui puisse exister. Trois... Deux... Un... et mon corps sombrait encore dans la douleur qui me rongeait les entrailles. Un jour un idiot m'a dit qu'il y avait un monde meilleur, un monde où l'on ne souffrait pas et où tout était beaucoup plus facile. Je ne sais pas si je serais capable de vivre dans un tel monde. Après tout, la difficulté et la souffrance nous rendent encore plus vivant que nous le sommes. Si tout était beau et à porté de main la vie serait ennuyeuse, et l'ennui n'est-ce pas la pire des tortures ? Sans nul doute. Il n'y a pas un jour où j'hésite à remonter à la surface quand je prends un bain. Puis une voix me dit : « sérieusement, aimerais-tu lire dans les journaux « Keira Baith la danseuse étoile italo-américaine inconnue s'est noyée dans sa baignoire » ? Personne ne se rendrait compte de la détresse qui me bouffe. Alors je remonte à la surface et j'ai honte de regarder mon reflet dans la miroir. Un peu de colère et de dégoût en trop et mon poing finissait dans mon reflet pour ensuite tâcher le beau sol de mon appartement. Je suis douce, je suis calme... pourtant je ne me reconnais plus. J'ai sans doute perdu la Keira que je suis réellement et je tente de chercher celle que j'aimerais être... en vain. Cette garce ne vient pas et pourtant je passe mon temps à l'appeler. Et si ce matin-là la rambarde du balcon cédait étrangement au moment où je me penche pour regarder M. Reynaud qui sort son sale cabot ? Quelle fâcheuse et excitante aventure. Je ferais alors ce que beaucoup rêverait de faire : voler.
Instable et perdue, Keira avait besoin de compagnie. Son élan ce matin ressemblait plus à un appel au secours qu'à un simple contact anodin. Elle qui n'était pas très sociable et plutôt renfermée avait fait un exploit ce matin. Sa curiosité avait pris le dessus sur tout, jusqu'à lui faire oublier son mal être. Au début ce n'était qu'une personne parmi tant d'autres, ensuite ça a été « le garçon », et ce garçon est devenu un « lui ». Elle lui a inventé une vie, des hobbies, même un nom. A présent elle osait enfin entrer en contact avec lui au risque que tout s'écroule. Ca pourrait très bien suivre le principe du soufflet qui monte bien haut, mais qui retombe aussi vite. Mais quand on a plus que la mort comme issue, ce n'est pas la pire expérience qui soit de parler à un parfait inconnu.
Sur ce banc le temps semblait être suspendu. Elle aurait pu rester des heures près de lui sans ouvrir la bouche mais à force de penser qu'il n'y aura peut être pas de demain car son propre reflet l'effrayant, elle avait tenté le tout pour le tout. Projetée dans un de ses romans à l'eau de rose qui pouvait très bien devenir un livre dramatique ou policier en un battement de cils. Le risque ne faisait pas partie de son quotidien, du moins de son quotidien conscient et pourtant elle avait osé. Comme l'exprime Eugenio Montale dans « Occasioni », les occasions se présentent dans la vie et c'est à nous de choisir si on souhaite saisir ces occasions et changer son destin ou passer à côté de notre vie constamment.
A présent elle se disait qu'elle aurait dû éviter de faire des étirements juste sous son nez. En tant que danseuse c'était devenu une habitude puisqu'elle en faisait tous les jours mais faire ça dans un parc juste devant un homme à qui on aimerait parler, ça pourrait faire penser à de la vantardise, un moyen de se mettre en avant ou tout simplement une sorte de parade pour attirer le jeune homme. Ce qui n'était pas le cas du tout et cette constatation l'agaça. Décidément, elle commençait réellement à se détester aussi bien physiquement que mentalement.
Elle posa donc son regard sur lui et le vit en train d'ajuster ses lunettes. Il avait des attitudes de petit garçon maladroit, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Sa façon de parler conforta son idée, serait-il intimidé par elle ? Kei fit un adorable sourire en entendant son nom. Finalement son nom était bien mieux que tous ceux qu'elle avait pu inventer auparavant. Keira se contenta de sourire, elle ne savait pas ce qui allait pouvoir engager une conversation. Ils ne se connaissaient pas après tout et il lui plaisait, c'était tellement rare que quelqu'un capte son attention que ça méritait un peu de patience.
Sa remarque provoqua un léger rire de sa part. Comment pouvait-il réussir à la faire rire en si peu de temps ? Serait-il magicien ? Kei lui adressa alors un de ses plus beaux sourires.
-Merci... je suis danseuse étoile, si vous aimez la danse classique je vous inviterai à une représentation... Haytam, je suis vraiment heureuse de vous parler. On ne se connaît pas et pourtant j'ai l'impression de vous connaître. Vous allez penser que je suis folle mais j'étais terrifiée à l'idée de m'asseoir sur ce banc et de vous parler.
Dit-il avec son accent italien qui la caractérise à merveille. Ce jeune homme avait l'air assez timide, elle l'était aussi, ça n'allait pas vraiment les aider à créer un quelconque contact. Alors elle poussa un léger soupire et se lança.
KEIRA & HAYTAM « La vie commence là où commence le regard. »
Le silence… ce silence presque pesant apaisait presque Haytam. Il se trouvait là, sur son banc ridicule, comme chaque matin, si bien que personne n’osait s’y asseoir à sa place, enfin c’est ce qu’il croyait. La raison est que les gens dorment souvent à cette heure-ci, et mis à part le vieux qui promène son chien il n’y a pas grand monde qui passe, personne d’autre à part Elle. Elle… Cette femme si douce, si belle au naturel, cette femme qui le fascine tant. Pourquoi tant de fascination pour une femme qu’il n’avait jamais vu de sa vie ? Pour une femme qu’il ne connaissait absolument pas et qu’il ne lui adresserait peut-être jamais une parole ou un regard ? Il l’ignorait, mais lorsqu’elle passait, il avait toujours cette envie d’aller vers elle, de la questionner, et de plonger son regard dans le sien pour ne plus jamais s’en détacher. Des rêves… Haytam faisait plus souvent des cauchemars que des rêves, cependant il lui arrivait de rêver d’Elle. N’allez pas chercher des rêves de couette, ceux qui tâchent les draps, non ces rêves sont parfaitement sains, enfin presque. Il rêve tout simplement qu’elle passe comme à son habitude, si bien que parfois cela le déconnecte de la vie réelle, il a comme cet air de déjà-vu. Bref, dans ses rêves il réfléchit à la façon de l’aborder, et il imagine qui elle pourrait l’être. Oh au départ son imagination était du genre hyper bridée, si bien qu’il imaginait qu’elle le rembarrait sans explication, et se réveillait dans les secondes qui suivaient. Par la suite, Hay'm s’était dit qu’au final, ce n’était qu’un rêve et que personne n’en était témoin, il pouvait donc moduler celui-ci comme il le désirait. Il s’était alors imaginé qu’il avait un jour eu le cran de l’aborder, arborant un fier sourire, oubliant ses lunettes de ringard, se tenant droit et non rabougris, les jambes en tailleur. Il l’aurait abordé d’une manière simple, riant avec elle ensuite, et ils auraient fait connaissance pendant des heures, , comme de vieux amis qui se retrouvent sur un banc chaque matin. Ce serait devenu leur rituel, et comme des enfants ils auraient pu graver leurs noms sur le bois de celui-ci. Un enfant… voilà ce qu’était malheureusement Haytam, et voilà ce qui ne lui permettait pas de s’intéresser à des gens tels qu’Elle. Cependant il s’obstinait, tout simplement parce qu’il aimait venir ici, se détendre, écouter les bruits de la nature et tout simplement attendre ses quelques petites minutes, pour qu’Elle passe en courant…
Ce matin n’était en rien différent, oh non elle était toujours aussi gracieuse, si délicate. Une déesse sous la forme éphémère d’une humaine. S’il dessinait encore, le jeune Patterson aurait certainement pris ses traits pour créer une héroïne de comics, arborant une allure fière et une délicatesse incontestée. Son regard se perdant sur le sol humide devant lui, certainement à cause de la rosée, il se demandait si ce jour allait être un jour simple, comme tant d’autres auparavant ou si quelque chose allait se passer, si quelque chose allait changer la donne. Son coude posé sur son genou, il déposa sa joue sur celui-ci oubliant le temps qui passait à une vitesse folle. A vrai dire, si Elle ne s’était pas arrêtée pour faire ses exercices, il l’aurait peut-être raté et s’en serait voulu jusqu’au lendemain. Mais Haytam appréhendait cette rencontre, ce croisement de regards car il était terrifié à l’idée qu’elle le prenne pour un pervers ou un maniaque des jolies filles. Parfois, le jeune homme a un regard innocent, tellement innocent que pas mal de gens pensent qu’il cache des choses, alors que sur le moment il est juste niais. Tripotant la lanière de son appareil photo, il se perdit encore une fois dans ce flot de pensées, attendant le moment fatidique, de toute manière comme disait une certaine princesse aux cheveux d’ébène, un jour viendra.
Mais Hay’m fut étonné. S’asseoir à côté de lui ainsi, était-elle parfaitement consciente de son geste ? Enfouissant ses mains dans les poches de son blouson il essayait alors d’éclaircir son visage par un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace mal faite. Elle venait de se poser près de lui, et de se présenter. Elle se transformait désormais en Keira. Keira… si doux prénom sonnant comme une mélodie aux oreilles du jeune reporter. Un sentiment lui emballa le cœur, comme une malédiction, un sort d’amour qu’aurait lancé une sorcière malfaisante. Envouté, voilà, il était totalement envouté, et durant une fraction de seconde, Hay’m se demanda s’il allait pouvoir bouger ou dire ne serait-ce qu’une parole. Bien que sa maladresse soit un très grand défaut, elle lui a été d’un grand secours à cet instant. Cette maladresse le fit parler des gestes que venaient de faire la jeune femme, ces sortes d’échauffement. « Merci... je suis danseuse étoile, si vous aimez la danse classique je vous inviterai à une représentation... Haytam, je suis vraiment heureuse de vous parler. On ne se connaît pas et pourtant j'ai l'impression de vous connaître. Vous allez penser que je suis folle mais j'étais terrifiée à l'idée de m'asseoir sur ce banc et de vous parler. » Ses yeux s’agrandirent alors, une danseuse étoile, quoi de plus rêveur ? Quoi de mieux que d’être spectateur et d’observer une si douce femme exécuter des mouvements gracieux ? Un soupir d’envie fut alors lâcher par le jeune homme. « J'en serai ravi, ce doit être magnifique à voir. Et moi dont… J’ai eu peur que vous me preniez pour un pervers à vous regarder passer tous les matins. » Elle se mit à rire et le jeune Patterson ne put se retenir, il l’accompagna forcément. Leur regard se croisèrent alors et la jeune femme se mit à parler avec un sourire enjôleur « Haytam... croyez-vous au destin ? » Mais qu’est-ce que le destin ? Une sorte de fil que notre petite personne suit tout au long de notre vie ? Une sorte de chemin sur lequel on est prédestiné à marcher . Si c’est cela, alors Haytam croit malheureusement au destin, cependant il croit aussi que l’on peut le contourner, et s’en jouer. « Bien sûr… destin, Karma, tout ça, même chose. C’est fascinant je dirais. Enfin à vrai dire je n’en sais rien, le destin est une chose très compliquée selon moi. Et vous ? »
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Sujet: Re: May I imagine you ? Mar 5 Fév - 1:54
May I imagine you ?
La vie réservait bien des surprises. Aujourd'hui était un jour exceptionnel, celui d'une belle rencontre entre deux êtres qui espéraient secrètement s'adresser la parole un jour. Même le silence leur racontait de nombreux récits. Keira n'était pas impatiente d'en savoir plus à son sujet. Connaître son nom et avoir entendu distinctement le son de sa voix lui suffisait amplement pour aujourd'hui. Toutefois, elle ne désirait pas rentrer chez elle maintenant. Une force invisible semblait l'avoir scotché à ce banc. Elle en voulait plus mais ne savait pas réellement comment s'y prendre. Elle qui n'était pas très adroite socialement parlant, elle se retrouvait dans une position plus que délicate. A croire qu'ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots pour faire connaissance, comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. D'un côté, à force de le croiser régulièrement elle avait découvert pas mal de choses à son sujet. Keira ne doutait pas une seconde qu'elle avait à faire à un garçon plutôt réservé qui ne déballe pas sa vie à une parfaite inconnue, il n'avait rien non plus du garçon entreprenant et lourd qu'elle a pu croiser par le passé. Haytam était mystérieux et attendrissant et c'est ce qui l'attirait chez lui.
A présent elle devait trouver un moyen de lui dire qu'il ne la laissait pas indifférente. Le problème étant qu'il allait peut être s'enfuir et qu'elle ne le reverra peut être plus jamais. Keira s'en voudrait énormément si c'était le cas, alors est-ce que le silence était réellement d'or dans leur situation ? Elle était tellement perdue ces temps-ci qu'elle s'était dit à plusieurs reprises qu'il n'existait pas et que son imagination lui jouait encore des tours. Quand on ne sait pas réellement qui on est et ce qu'on fait, comment peut-on prétendre faire la part des choses entre la réalité et la fiction ? Elle avait lu dans un livre dernièrement que l'esprit était capable de beaucoup de choses et notamment de modifier la réalité. Donc une pensée lui traversa l'esprit : « Et s'il n'était pas là ? Si elle était seule sur ce banc ? » C'est effrayant mais ça pourrait être affreusement vrai. Alors Kei posa à nouveau ses yeux sur lui et détailla son attitude du regard. Pourquoi l'aurait-elle inventé ? Est-ce qu'il aurait la même fonction un ours en peluche ? Le bel inconnu qui lui redonne espoir et attise sa curiosité de jour en jour.
De toute façon, cet être, qu'il soit inventé ou pas, devait clairement penser qu'elle était une aguicheuse. Depuis quand une jeune fille élégante qui a de bonnes manières s'assoit près d'un parfait inconnu pour lui parler ? Ca ne lui ressemblait pas. Un petit pincement au cœur la surprit alors, elle ne voulait pas qu'il ait cette image-là d'elle. Kei aura aimé être la mystérieuse inconnue élégante pendant un petit moment encore. Elle s'en voulait déjà et n'allait pas manquer de se faire souffrir au quintuple pour son geste.
« J'en serai ravi, ce doit être magnifique à voir. Et moi dont… J’ai eu peur que vous me preniez pour un pervers à vous regarder passer tous les matins. »
Pourquoi est-ce qu'elle n'avait rien trouvé d'autre que de l'inviter à la voir sur scène ? C'était prétentieux. Son ventre se serra alors brusquement à cause de l'angoisse qui s'emparait d'elle. Keira était une idiote. Elle avait beau tenter de cacher son malaise derrière un rire, elle s'en voulait terriblement de parler sans réfléchir.
« Bien sûr… destin, Karma, tout ça, même chose. C’est fascinant je dirais. Enfin à vrai dire je n’en sais rien, le destin est une chose très compliquée selon moi. Et vous ? »
Allait-elle oser ?
-Je pense que... ce n'est pas par hasard si on se croise souvent à la même heure. Nous avons sûrement la même habitude mais... pourquoi est-ce que je suis assise sur ce banc à vous parler alors que j'aurais très bien pu vous ignorer comme je le fais constamment quand je marche dans les rues de Paris ?
Elle porta ensuite ses mains à ses cheveux et y trifouilla son chignon pour en ressortir une épingle longue, noire et très rigide. Kei fit un petit sourire attendrissant au jeune homme puis se tourna pour graver dans le dossier en bois du banc « H&K 02.2013 ».
-Je ne sais pas si c'est un début ou une fin... tout dépendra de vous... mais notre rencontre est à présent gravée sur ce banc...
Se brûlerait-elle les ailes ? Alors Kei se leva et replaça son épingle dans son chignon. Elle devrait peut être le laisser, personne n'a dit qu'il appréciait réellement sa compagnie.
-Jamais je ne vous prendrai pour un pervers... ce trait de caractère ne vous irait pas et ne collerait pas avec l'histoire... Haytam... je suis sans aucune doute l'idiote la plus contradictoire qu'il vous ait été donné de rencontrer mais...
Keira se pencha alors vers lui et déposa ses lèvres sur sa joue avec une douceur infinie puis se redressa. Si tout ceci n'était qu'un rêve, elle ne souhaitait pas se réveiller...