► OOH LA LA PARIS.
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ooh la la paris, réouverture. 02/11/14.
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 Retrouvailles [Célestine Archambault]

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MessageSujet: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyMer 26 Déc - 13:43




Toujours pas, ça ne va toujours pas. Je fulmine et appuie sur la touche effacer. Cela fait déjà plusieurs jours que je bloque, toujours, au même endroit. Que je n'arrive pas à continuer ce foutu livre. Je m'imagine constamment publié, plébiscité. Mais la réalité revient souvent, et me montre que je suis tout bonnement incapable de terminer mon roman. Que je ne pourrai jamais accéder au monde des auteurs publiés. Et cette idée me tracasse, me détourne de ce à quoi je dois penser. Écrire n'était pas mon premier choix de carrière, et je l'ai plus choisi par défaut qu'autre chose. Dire que j'avais tout abandonné pour mon rêve de sport, de gloire, de richesse. Aujourd'hui, je passe mes journées dans l'appartement, volets baissés à écrire, effacer et réécrire des textes que peu ou personne ne lira. Voilà ma vie dorénavant ; un apprenti écrivain raté, contraint de devoir bosser dans un bar et exposer nu pour payer son loyer et sa bouffe. Une vie ratée ? Je ne suis pas loin de le penser.

Peut-être que ma situation n'est qu'une punition divine, après tout. C'est pour la gloire que j'ai abandonné ma famille. Alors la gloire est destinée à m'échapper, encore et toujours. D'abord lorsque les médecins ont déclaré que le sport était terminé pour moi. Puis lorsque j'ai remarqué qu'aucun éditeur ne voulait de mon premier roman. Et si, finalement, tout ça était la faute de Célestine ? Elle a foiré sa protection, elle est tombé enceinte, elle m'a demandé de tout abandonner pour elle, pour eux. Il m'arrive, après plusieurs verres, de pester contre elle, d'avoir voulu ne jamais la connaître. Mais il m'arrive aussi, plusieurs autres verres après, de regretter mon geste, de me dire que j'aurai pu avoir une famille à l'heure d'aujourd'hui. D'avoir un enfant, une femme. Et une fois sobre, je me dis que cette vie n'était pas pour moi. Que j'ai fais le bon choix en partant pour Paris. En la laissant seule.

Je regarde l'heure. Je ne commence que dans quelques heures. Mais je décide de me vêtir et de rejoindre le Guiness Tavern, en trouvant un petit restaurant où manger en route. J'enfourche alors le vélo, pour me lancer dans la traversée du troisième arrondissement. Paris, capitale, ville où tout le monde conduit comme s'il était seul, où même les cyclistes font n'importe quoi. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me plaît là-dedans. La folie ambiante, la mauvaise humeur habituelle des passants. C'est sans doute ce qui fait le charme de la capitale. Mais je n'y prête plus vraiment attention. J'ai appris que pour vivre heureux, il fallait vivre seul et s'occuper uniquement de ses problèmes. Les autres, je m'en fous.

Je m'installe sur la terrasse d'un restaurant, et je sors machinalement une cigarette de mon paquet. Depuis que je vis ici, je ne me souviens pas d'une seule fois où je sois allé en terrasse sans fumer une bonne dizaine de clopes. Et puis j'attends. Que la serveuse vienne prendre ma commande. Que le temps passe. Que l'heure me dise qu'il est temps d'aller bosser. Finalement, au bout de quelques minutes, j'aperçois une paire de jambes avancer en ma direction. La serveuse, enfin. Je lève aussitôt la tête, prêt à lui annoncer ma commande. Mais je reste sans voix, lorsque je me rends compte que je connais la serveuse en question. Qu'il s'agit de Célestine.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyJeu 27 Déc - 12:47



Un plateau. Lourd. Encombrant. Sur chacune de tes paumes. Ils pèsent. Menacent de tomber à chacun de tes pas. Prudente, tu oscilles entre les tables. « Célestine, merde. Accélère le rythme. » Un regard noir. Jeté de tes opales sombres. Il foudroie le chef de salle. Tu sais très bien ce que tu fais. Plus de cinq ans déjà que tes bras frêles supportent le poids des plateaux. Tous les soirs. Toutes les nuits. Ta cadence s'est améliorée depuis. Certes, ton allure est moins vive que lorsque tes mains sont libres. Mais, on ne peut rien te reprocher. Tes prunelles se reconcentrent. Tes jurons se taisent. Ce soir, tu es la seule au service. Julie, ta collègue, n'a pas l'air de vouloir se montrer. Tu assures seule tous les clients. Le chef de salle te donne un coup de mains. De temps en temps. Mollement. Sans envie. Lorsqu'il a finit de pester. Quand il y est contraint. Tu t'interdis de t'embrouiller avec lui. Pas ce soir.

Tu arrives enfin à la table 25. Tes doigts saisissent les assiettes. Les déposent. Ta voix s'adoucit. Souhaite un bon appétit aux clients. Un sourire se dessine. Faux. Précipité. Et puis tu t'en vas. Tu remets les plateaux sur le comptoir de la cuisine. Et tu es reparties. Table 15. Table 18. Table 4. Table 30. Toutes les commandes prêtes sont servies. Un souffle s'extirpe de tes lèvres. Et voilà ton temps de repos expiré. Tes phalanges attrapent le calepin dans ta poche. Agrippent ton stylo. Tandis que tes jambes t'emmènent à une nouvelle table. « Vous êtes prêt à passer commande monsieur ? » Tes rétines sont fixés sur le papier. Tes oreilles ne perçoivent aucune réponse. Tu détaches tes mirettes du bloc note. Pas pour les poser sur le client silencieux. Mais pour accaparer ton attention à l'intérieur du restaurant. Juste à la vitrine. Des assiettes vides. Sales. Des couverts posés. Maladroitement. Des gens repus. Gras. Mais visiblement heureux de leurs repas. « Je vous laisse réfléchir encore quelques minutes. » Sans le moindre coup d'œil, tu t'éloignes de l'homme muet. Tu débarrasses. Plaisante avec les clients. Espère un pourboire. Et tu repars en cuisine. « Célestine ! Le mec de la 35 va s'impatienter. Bordel, mais tu fous rien ... » Il continue de pester. Il crache son venin. Il t'as choisis. Ce soir, son courroux ne visera que toi. Hier, c'était le commis de cuisine. Demain ce sera sûrement Julie. Si cette feignasse revient. Chacun son tour. Vous avez tous l'habitude.

Tu retournes voir le client. Le seul con qui se met sur la terrasse. Le seul abruti qui t'oblige à sortir. A te confronter à la fraîcheur nocturne. « Vous avez choisis ? » Tes opales rencontrent enfin le visage de l'inconnu. Ton cœur s'embrase. Se consume sous le coup de la stupeur. Sous le coup de la rage. C'est impossible. C'est impossible. Tu as mis tellement d'ardeur à enfouir son souvenir. A oublier son nom. Son existence. A refouler tes sentiments. Ta blessure. Ta crise de folie. C'est impossible. En tuant le bébé, tu a effacé la dernière trace de Raphaël qu'il restait dans ta vie. Il n'était pas censé réapparaitre. Tu t'es enfuis à la capitale pour prendre un nouveau départ. Sans lui. Parce qu'il s'est barré. Pour toujours. Parce qu'il s'est barré. Comme un gentil bonhomme . Parce qu'il t'as laissé sur le carreau. Qu'il t'as laissé te faire du mal. Parce qu'il a détruit ton existence. Et celle de votre enfant. Alors, pourquoi il est là ? Quelle était la probabilité pour qu'il vienne diner au restaurant où je travaille ? C'est impossible. Impossible. « Casse toi. » Ta voix tremble. Ton palpitant s'affaiblit. « Dégage ! » Tu ne cris pas. Enfin, tu n'en as pas l'impression. Tu ne veux pas craquer. Pas au travail. Pas devant lui. Mais tu as du mal à te contrôler. La haine qui tempête en toi fait rage. « Mais putain tire toi d'ici. »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyJeu 27 Déc - 20:47


Je suis seul sur la terrasse. Étonnant, le temps est pourtant clément aujourd'hui. Peut-être que la température déplaît aux clients. Mais je suis visiblement différent, et j'apprécie le climat. Je n'ai pas chaud, je n'ai pas froid, il ne fait ni trop sec, ni trop humide. Et je suis tranquille, sans personne autour de moi pour m'emmerder. Que demande le peuple ?
Jetant un coup d'oeil à l'intérieur du restaurant, je m'aperçois qu'il est blindé de monde. Le contraste avec l'extérieur est d'ailleurs assez saisissant ; alors que je suis seul, ne sachant où m'installer, les clients à l'intérieur doivent se serrer et abandonner l'idée de jouer à l'avion. J'esquisse un sourire avant de m'installer confortablement. Je sors alors un paquet de cigarette et dégaine un tube. C'est avec un plaisir non-dissimulé que je la consume, lentement mais sûrement. Je ferme les yeux, profitant du volute brûlant, du goudron qui se glisse tout doucement à l'intérieur de mes poumons. De la nicotine qui remonte directement jusqu'à mon cerveau, pour le persuader que j'ai encore et toujours besoin d'elle. Plus rien ne compte autour de moi, et je n'entends pas immédiatement la serveuse. « Je vous laisse réfléchir encore quelques minutes. » J'ouvre aussitôt les yeux, mais elle s'éloigne déjà de moi, pour prendre une autre commande. Dommage, je vais devoir attendre un peu.

« Vous avez choisis ? » Je relève les yeux, et je reste alors sans-voix. Célestine se tient devant moi. Elle que j'ai laissé à Nancy pour rejoindre la capitale. Elle que j'ai abandonné alors qu'elle attendait un enfant. Elle que je voulais oublier depuis toutes ces années. Un silence gênant s'installe, et j'avoue que je ne sais pas vraiment quoi dire. Finalement, elle m'évite d'avoir à chercher quoi dire, car c'est elle qui brise le silence. « Casse-toi. » C'est clair, concis, efficace. Elle ne veut pas me revoir. Tout comme je n'ai jamais souhaité l'avoir de nouveau en face de moi. « Dégage ! » Je reste silencieux. De toute façon, rien de ce que je peux dire ne la fera changer d'avis. J'ai merdé, à moi d'assumer les conséquences. Même si j'essaie de les éviter. C'est peut-être d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de fuir vers d'autres univers lorsque je me suis raccroché à l'écriture. « Mais putain, tire-toi de là. »

Mais je reste toujours assit, jetant mes yeux par-ci, par-là. Je n'ose pas vraiment la regarder dans les yeux. Et je ne sais de toute façon pas quoi dire, ni faire. Rester là et provoquer une dispute qui risquerait de la virer ? Ou partir et la laisser-là, comme je l'avais quelques années plus tôt ? De toute façon, je savais qu'un jour, j'allais devoir faire à nouveau face à cette foutue histoire. Je tentais juste de me le cacher. « Bonsoir Célestine. » Et... c'est tout. Rien d'autre n'arrive à sortir de ma bouche. J'aimerais lui demander comment va son enfant... notre enfant. Mais j'ai décidé de l'abandonner. Et cette décision est irrémédiable. « Donc tu es venue sur Paris... » C'est débile, je le sais. Mais la façon dont nous nous sommes séparés est assez atypique. Et gérer l'après est une expérience unique. Lui demander comment elle va ? Je le sais comment elle va, et ça ne doit pas être la grande folie. Mais bon, nous n'allons pas rester silencieux. « Tu vas bien ? » Je rame, je rame...
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyJeu 27 Déc - 21:49



Raphaël. Son souvenir. Ce venin. Ce poison qui coule dans tes veines. Ce virus qui continue de contaminer ton quotidien. De hanter tes nuits. Son visage. Là devant toi. Il ravive cette douleur. Cette flamme. Cette flamme qui lèche les parois meurtris de ton cœur. Elle l'infecte. Le pourrit. Elle veut le réduire en cendre. Le détruire. Comme tu as détruis la vie de ton bébé. « Bonsoir Célestine. » Ha tiens. Il n'a pas oublié ton prénom. Il se rappelle encore de toi. Cette pauvre petite chose insignifiante. Bien vite jetée à la poubelle. Toi qui croyais que ta petite personne avait quitté le moindre de ses souvenirs. « Ho, épargne moi tes politesses. » Il avait oublié ce que c'était. La politesse. Au moment de te quitter. De te lâcher. Comme une merde. De t'abandonner au moment où tu avais le plus besoin de lui. Où tu ne demandais que son avis. Où tu ne lui demandais aucun engagement. Seulement du soutien. Un conseil. Et il est partit comme un voleur. Te laissant démunie. Sombrer dans la folie. Te laissant faire n'importe quoi. Il est partit si vite. Si silencieusement. Comme s'il n'avait jamais eu le moindre sentiment pour toi. Comme si tu n'avais jamais compté pour lui. Comme si votre histoire n'était que du vent. Peu importe si à ses yeux ce n'était qu'une amourette d'adolescence. Il t'a manqué de respect. Et ça, tu ne le supportes pas. Toujours pas. Même après six ans écoulés. Ces longues années où en vain, tu tentais de l'oublier. Cet abruti. Ce lâche. Il revient te pourrir la vie. S'il n'était pas partit. Rien de tout cela ne se serrait passé. Le couteau. Le déchirement. Le sang. La folie. Le bébé. Les larmes. La mort. Rien de tout ça ne se serait produit. Tu n'aurais pas été cataloguée de cinglée par certains médecins. De petit animal bouleversé par ta famille. Et cette pitié. Cette putain de pitié qui se lie dans les yeux des voisins. Elle n'aurait jamais existé. Elle ne serait jamais venue te mettre mal à l'aise. Venue te donner l'impression d'être complètement démente. « Donc tu es venue sur Paris... » Sans rire ? Quelle déduction Sherlock Holmes. Tu bouillonnes. Tes entrailles, ils brûlent. Brûlent de haine. Te rongent de l'intérieur. « Tu vas bien ? » Quoi ? Il se fout de toi. Cet imbécile va vraiment prétendre qu'il ne s'est rien passé ? Votre histoire n'a jamais compté alors. C'est certain maintenant. Quelle naïve tu fais. Il t'a pris pour une conne. Dès le premier jour. Ta main. Froide. Rosie. Frêle. Tremblante. Elle vient se coller contre la joue de Raphaël. Brutalement. Dans un claquement sourd. « Mais dégage ! » Cette fois tu cris. Tu le sais. Tu t'entends. Tout est de sa faute. A lui. A ce beau parleur. A cet idiot dont tu es stupidement tombée amoureuse. « Tire toi comme tu sais si bien le faire. » Tes opales. Humides. Rouges. S'imbibent d'eau. Retiennent tes larmes. Tes larmes de rage. De haine. De désespoir. De regrets. « Tu n'as pas besoin de moi, alors va t'en. »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyJeu 27 Déc - 22:41


Elle transpire la haine, c'est une évidence. Et j'ai l'étrange impression que, quoique je dise, rien de changera ce fait. Elle me déteste pour mon départ précipité. Pour ce que je lui ai fais subir il y a des années. Elle a la rancune tenace. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Qu'aurais-je ressenti, à sa place ? La même chose, sans doute. Sauf qu'elle ne comprend pas les raisons de mon geste. Elle savait que mon rêve prévalait sur tout le reste. Que fonder une famille ne faisait pas partie de mes plans pour la dizaine d'années à venir. Mais cela, elle l'a rapidement oublié au moment de se protéger. Ou de ne pas se protéger. Je me suis toujours demandé si elle avait réellement prit sa pilule. Une protection qui lâche, ça arrive. Mais deux, c'est déjà plus rare.
« Ho, épargne moi tes politesses. » Effectivement, elle transpire la haine. Ma politesse ne vaut rien à ses yeux, et elle n'a pas envie de l'être avec moi. Les années passées n'ont rien apaisées. Peut-être qu'elle se souvient de moi à chaque fois qu'elle pose les yeux sur notre enfant. Je me tâte d'ailleurs à lui poser la question. Elle refusera sans doute de m'en parler. Elle me dira sûrement que ce n'est plus mon affaire. Que ça ne l'a jamais été. Que j'ai accepté de ne plus en entendre parler dès l'instant où je suis parti. Elle n'aurait pas spécialement tord. Même si son enfant reste également le mien. D'ailleurs, est-ce une fille ou un garçon ?

« Mais dégage ! » Elle commence à hurler. Et je reste bouche-bée. Plus que ses mots, c'est sa claque qui m'a le plus touché. Jamais elle n'avait fait ça avant. Et jamais elle n'aurait osé le faire avant tout cette histoire. Aujourd'hui, elle ne sait pas se tenir. Comment le pourrait-elle ? J'ai l'impression de former un couple avec elle, qui offre une scène de ménage à tous les passants et clients du restaurant. « Tire toi comme tu sais si bien le faire. » Je m'en doutais, la réplique finit par arriver. Sa rancune est réellement tenace. Éternelle, même. Rien ne changera plus jamais entre elle et moi. Elle me haïra toujours, et je ne pourrai jamais changer cet état de fait. Il aurait mieux valu que nous ne nous revoyions jamais. Tout aurait été beaucoup plus simple. Ou peut-être que j'aurais du ne jamais partir. La seconde solution reste la plus évidente. « Tu...
– Tu n'as pas besoin de moi, alors va t'en. »

Techniquement, si. J'ai besoin d'elle. Au moins pour prendre ma commande, puisqu'il n'y a aucune autre serveuse. Mais elle ne parle sans doute pas de ça. Elle a de toute façon oublié qu'elle est là pour récupérer ma commande. C'est son boulot. Mais je l'ai déstabilisé. Suffisamment pour qu'elle en oublie son propre boulot. « Je... » Je ne sais plus vraiment ce que je voulais dire. De toute façon, ça tombera dans l'oreille d'un sourd. Enfin, d'une sourde. Lui expliquer mon geste ? Non, il n'y a rien à expliquer. Ah si, je suis parti parce que je ne voulais pas d'un enfant et que je ne savais pas comment te le dire, parce que je ne voulais pas être celui qui t'a forcé à avorter. Non, ça ne changera rien.

« T'expliquer pourquoi je ne t'ai rien dis ne changera rien, je suppose. » J'en suis persuadé, plutôt. Mais je ne sais pas vraiment quoi dire. Et à dire que vrai, je crois que j'aurais préféré mourir, que d'avoir à vivre ça. « Sache juste que j'ai eu mes raisons. » Oui, ça, elle le sait. Je rame, je rame. Et je ne trouve toujours pas ce que je veux réellement dire. Finalement, peut-être que me taire est la meilleure solution. Sans doute même.
La joue encore endolorie, je me relève et mets la main à la poche. J'y extirpe un billet, que je pose sur la table. Pour le pourboire. Même si elle s'en fout. C'est ma tradition à moi, et je tiens à la maintenir, même face à elle. Je jettes mon regard en sa direction. Elle pleure, et je me force à ne pas la suivre. « Je suis quand même content d'avoir revu ton petit minois. Je regrettes juste d'avoir gâché nos vies, et celle de notre enfant. »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyVen 28 Déc - 11:19



« T'expliquer pourquoi je ne t'ai rien dis ne changera rien, je suppose. » Comme s'il y avait réellement une raison. Aucun argument ne peut sembler valable à tes yeux. Peu importe ce qui l'a poussé à te quitter ainsi. Il a eu tort. Il n'aurait pas du. Il ne s'en rend toujours pas compte. Il campe encore sur ses positions. Il ne regrette rien. Rien du tout. Pauvre con. Égoïste. Il n'a toujours pensé qu'à lui. Pendant que lui échappait à tout ça. Tu as du faire un choix. Avorter. Ne pas avorter. Tu n'as jamais su. Tu as laissé le délai d'avortement s'écouler. Sans vraiment savoir si tu souhaitais garder cet enfant. Et la démence a fini par s'emparer de toi. Il t'a laissé face à toi-même. « Sache juste que j'ai eu mes raisons. » Tu aimerais lui cracher au visage. Sur lui et ses raisons. Si seulement il savait. S'il s'imaginait. Ce que tu es devenue lorsqu'il t'a quitté. La sombre folle. La cinglée qui se taillade l'utérus. La mère qui tue son enfant.

Il dépose un billet sur la table. « C'est un peu tard pour la pension alimentaire, tu ne crois pas ? » Si tu avais mené ta grossesse à terme. Si tu avais mis au monde ce petit être. Sans père. Avec une mère irresponsable. Immature. Tu as bien fait d'avorter. Votre enfant n'aurait pas été heureux ici. Avec toi pour unique parent. Tu as bien fait. Même si les choses auraient du se passer autrement. D'une autre manière. Ne pas le garder reste encore aujourd'hui la meilleure solution. « Je suis quand même content d'avoir revu ton petit minois. Je regrettes juste d'avoir gâché nos vies, et celle de notre enfant. » Il s'en va. Cet abruti s'apprête à partir. Encore. Tu es au bord de la crise de nerf. Et cet imbécile veut te laisser seule. Une nouvelle fois. Le voir s'en aller t'arrache le cœur. Tu viens de le retrouver. Enfin. C'est enfin le moment pour s'expliquer. Pour comprendre. Six ans que tu refoules cette histoire. Six ans que tu t'empêches d'en parler. Tu as finalement besoin d'extirper ce poison de ton organisme. « Bordel, Raphaël. Je n'avais que dix-huit ans. J'étais perdue. Complètement déboussolée. Je ne sais pas ce que tu as bien pu imaginer. Mais je ne savais pas encore moi-même si je voulais le garder. Je ne t'ai demandé qu'un conseil. Aucun engagement. Je voulais qu'on prenne cette décision ensemble. » La rage. Elle ne te quitte pas. Elle reste ancrée. Bien accrochée. Elle pèse lourd sur ton cœur. Six ans qu'elle s'amplifie. Contre lui. Contre ce qu'il t'a fait devenir. « Et rassures toi, de nous deux, tu n'es pas celui qui lui a le plus gâcher la vie. Tu peux dormir tranquille. » Ce n'est pas lui qui lui a ôté la vie. Ce n'est pas lui qui doit vivre avec ça tous les jours. Pour un jour. Un seul jour. Où tu n'as pas su te contrôler. Où la raison t'as quitté un seul instant. Pour un jours, tu es maintenant condamné à vivre avec. Avec le poids de la culpabilité.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyVen 28 Déc - 12:29


« C'est un peu tard pour la pension alimentaire, tu ne crois pas ? » Évidemment que c'est trop tard. Beaucoup trop tard. J'aurais du m'y prendre différemment. Souvent, je repense à elle, au choix que j'ai fais. Et je me demande à quoi ressemble sa vie aujourd'hui. Elle, avec un autre homme, et notre enfant qui ne me connaît pas. Qui pense que l'autre homme est son père. Lui a-t-elle seulement parlé de moi ? Dit qui je suis ? Ce que j'ai fais ? J'en doute. Je n'y crois pas. Notre enfant est et restera un parfait inconnu pour moi. Tout comme je resterai un parfait inconnu pour lui. Mais elle n'en parle pas. Elle me reproche de l'avoir quittée à ce moment-là, mais ne me dit pas comment va l'enfant, où il est ni ce qu'il fait. Je n'ai pas à le savoir, visiblement. De toute façon, j'ai tiré un trait sur tout cette histoire quand je suis parti. Sur elle. Et la machine à remonter dans le temps n'existe pas encore, malheureusement.
Je me lève, et mon cœur s'emballe. Je ne montre rien, et elle ne remarque rien. Elle ne sait même pas que j'ai ce problème. Que la raison pour laquelle j'ai tout laissé tomber n'existe plus. Qu'aujourd'hui, ma vie ne poursuit plus aucun objectif. Si ce n'est, en cet instant, celui de disparaître de sa vue. Une nouvelle fois. Comme elle me l'a si gentiment demandé. Mais visiblement, ce n'est pas ce qu'elle veut, car dès l'instant où je commence à m'éloigner, elle m'interpelle.

« Bordel, Raphaël. Je n'avais que dix-huit ans. J'étais perdue. Complètement déboussolée. » Moi aussi je l'étais. Que croyait-elle ? Que j'avais longuement réfléchi ? Que j'avais fais mon choix en pensant à toutes les conséquences possibles ? Que ma peur d'avoir une famille et d'abandonner mes rêves allait s'effacer comme ça, du jour au lendemain, et que j'allais lui dire que oui, je voulais cet enfant ? Non, ce n'était pas possible. Moi aussi j'étais jeune, perdu, déboussolé. Moi aussi j'ai choisi comme un gamin choisirait entre deux jouets, sans réfléchir. « Je ne sais pas ce que tu as bien pu imaginer. » Qu'elle allait me forcer à garder cet enfant, à l'élever. Mais j'en étais incapable, tout comme je le suis encore aujourd'hui. Fonder une famille, ce n'est pas quelque chose pour moi. « Je ne t'ai demandé qu'un conseil. Aucun engagement. » Sa déclaration me fait un choc. Je m'étais monté la tête. J'avais imaginé toutes les trahisons possibles de sa part, pour me mettre face à ça, et m'obliger à l'accepter. Mon imagination avait prit le dessus. La peur aussi. Et maintenant, je commence à sérieusement me dire que j'aurais peut-être du aller la voir. Parler avec elle. Lui dire ce que j'en pensais. Mais de toute façon, tout ça fait partie du passé. Et il n'y a plus rien de réparable. « Et rassures toi, de nous deux, tu n'es pas celui qui lui a le plus gâcher la vie. Tu peux dormir tranquille. » Je ne comprends pas réellement ce qu'elle veut dire par-là. De toute façon, je reste bloqué sur ce qu'elle venait de dire.

« Moi aussi, j'étais jeune. Quand tu m'a annoncé ça, j'ai imaginé des dizaines de possibilités. Je pensais que tu aurais pu choisir d'oublier la pilule, pile à ce moment-là, pour tomber enceinte. On n'avait jamais réellement parlé de la possibilité de fonder une famille. Et quand tu m'as dis ça, j'ai cru que tu avais fais le choix pour nous deux. Que tu avais pris pour moi le choix de devenir un homme au foyer. » Je me rassois. L'angoisse m'envahit. Si seulement je n'avais pas décidé de m'arrêter à ce restaurant-là, rien de tout ça ne se serait passé. « Je vous ai abandonné pour rien. Je ne peux plus faire de sport. Je ne peux presque plus rien faire, en fait. » L'aveu n'arrangera sûrement rien. Mais quitte à avouer des choses, autant le faire entièrement. « J'ai souvent regretté d'être parti. L'instant où j'ai le plus regretté, c'est juste avant de passer sur la table d'opération. » C'est une drôle de manière de l'annoncer, mais j'ai besoin de lui en parler. Comme lorsque nous étions enfant, et que je lui racontais mes nouveaux problèmes d'adolescent. « Si j'étais resté, si on avait fondé notre famille, tu aurais été veuve vingt ans plus tard. »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyVen 28 Déc - 16:15



« Moi aussi, j'étais jeune. » On en revient à lui. On en revient toujours à lui. Sale égoïste. Ce soir, il s'agit de toi. Cette fois, tu ne le laissera pas s'imposer. Il l'a trop fait par le passé. Il était jeune … C'était le plus mature de vous deux. Il était la stabilité de votre couple. « Quand tu m'a annoncé ça, j'ai imaginé des dizaines de possibilités. Je pensais que tu aurais pu choisir d'oublier la pilule, pile à ce moment-là, pour tomber enceinte. » Tu n'en reviens pas. Mais qu'est ce qui lui est passé par la tête ? « Quoi ? Mais pour qui tu me prends ? Comment tu as pu pensé que je ferais une chose pareil ? Comment même ça a pu t'effleurer l'esprit ? C'est là, la seule image que tu t'ai faite de moi ? Après toutes ces années passées ensemble ? Tu n'as jamais fait l'effort de me connaître ou quoi ? C'est pas possible … » « On n'avait jamais réellement parlé de la possibilité de fonder une famille. » « N'essaye pas de te rattraper avec ça » Ta voix n'est plus qu'un souffle. Un son à peine inaudible. C'est ta faute. A l'entendre c'est de ta faute. C'est toi la responsable. Tu assumes mal ta crise de folie. Mais tu ne t'accableras pas de la fausse image que tu lui as donné. « Et quand tu m'as dis ça, j'ai cru que tu avais fais le choix pour nous deux. Que tu avais pris pour moi le choix de devenir un homme au foyer. » Toi qui n'a jamais été capable de faire un choix. Toi qui as toujours laissé les autres décidés pour toi. C'est le monde à l'envers. « Donc pour te venger tu as décidé pour moi que je serai une mère célibataire, c'est ça ? Mais bordel, fais fonctionner ton cerveau un peu. Justement si on en avait jamais parlé. C'est parce que je n'y avais encore jamais réfléchis. Je n'imaginais pas encore ça pour nous deux … Mais t'essayes de me faire passer pour qui ? » Le décor. Il tangue. Vacille. Te donne la nausée. Ta peau blanche. Glacée par le froid hivernal. Elle frisonne. Te hurle de te mettre au chaud. De couper cette conversation inutile. Épuisante. « Je vous ai abandonné pour rien. Je ne peux plus faire de sport. Je ne peux presque plus rien faire, en fait. » Le sport. Il n'avait que ça en tête. C'est donc ça ? La raison pour laquelle il t'a quitté ? Pour rien ? « Mais en quoi un bébé aurait empêché ta carrière professionnelle ? Je m'en serais occupé. A temps plein. Tu n'aurais rien eu à faire. Juste à profiter. Et seulement au cas où on aurait décidé de le garder. On aurait trouvé des solutions. Je te demandais juste d'en parler. Et puis même, tu ne savais pas que je voulais avorter. Il n'y aurait eu aucun frein à ta carrière. Tu vois ce qu'on aurait pu éviter si tu n'avais pas fuit comme un lâche. Si on s'était expliqué. » Au lieu de ça, au lieu d'être rationnels, vous avez tous les deux merdés. Chacun à sa façon. Lui en prenant ses jambes à son cou. Et toi en poignardant votre bébé.

« J'ai souvent regretté d'être parti. » Il ment. Tu l'imagines bien trop ravi d'avoir échapper à tout ça. Trop heureux d'être libéré de toute contrainte. De tout fardeau. Libéré de ton emprise. « L'instant où j'ai le plus regretté, c'est juste avant de passer sur la table d'opération. » La table d'opération. Toi aussi tu as regretté qu'il ne soit pas là. Le jour où les chirurgiens essayaient de réparer le mal que tu avais fait. Tu ne connais toujours pas l'ampleur des séquelles. Tu ignores si tu pourras enfanter plus tard. Tu refuses de le savoir. Tu as bien trop peur. Tu es bien trop effrayée par ta bêtise. Tu t'es certainement condamnée à ne pas devenir mère. Tu ne te sens pas capable de l'entendre. D'assumer les conséquences de ton acte. De réaliser que tu as gâché ta seule et unique chance de materner. « Si j'étais resté, si on avait fondé notre famille, tu aurais été veuve vingt ans plus tard. » Tu ne comprends rien à ce qu'il raconte. « Arrête de dire n'importe quoi. » Ta main vient maladroitement essuyer tes joues humides. « J'en peux plus de tes conneries. » Ta colère ne s'apaise pas. Tu aimerais tellement l'atteindre. Le toucher. Pour le blesser. « Tu crois que c'est mieux de ne pas savoir quoi lui répondre quand il demande où est son papa ? Que c'est mieux de l'entendre demander ce qu'il a fait de mal pour ne pas avoir de papa ? D'essayer de combler ce manque sans y parvenir ? » Tu t'inventes une vie. Tu n'as jamais eu à faire tout ça. Tu veux le faire culpabiliser. Tu veux le faire regretter. Tu veux que cette histoire le ronge. Qu'elle lui pourrisse la vie autant qu'elle a pourrie la tienne. « Tu penses vraiment que me dire que tu regrettes va changer sa vie ? »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyVen 28 Déc - 19:35


Elle ne me laisse pas continuer. Elle me coupe la parole. J'essaie toutefois de continuer, parce que jusque là, c'est elle qui parlait. Et il semble que j'ai moi aussi besoin de lui parler, de dire ce que je ressens, ce que je pense. Mais ça, elle s'en fout pour le moment. Elle a juste besoin de déverser sa colère sur moi, de me faire comprendre à quel point elle me déteste. « Donc pour te venger tu as décidé pour moi que je serai une mère célibataire, c'est ça ? » Vu comme ça... Je me rends compte qu'il y a des choses auxquelles je n'ai pas pensé. Auxquelles j'aurais pourtant du penser. Mais j'étais jeune et stupide. Et je le suis encore.
« Mais en quoi un bébé aurait empêché ta carrière professionnelle ? » A l'époque, ça me paraissait évident. Aucun coach n'aurait voulu d'un jeune sportif avec des obligations familiales. Jamais il n'aurait prit le risque de former un sportif qui l'aurait laissé tomber pour s'occuper de sa femme et son gosse quelques mois plus tard. « Il n'y aurait eu aucun frein à ta carrière. » Alors elle voulait avorter. Je suis parti pour rien. Parce que j'ai imaginé plus rapidement que je n'ai réfléchi. J'ai merdé. Sur toute la ligne. Comme jamais je ne l'avais fais.

« Arrête de dire n'importe quoi. » Je l'aperçois essuyer ses larmes. A ce moment-là, je ressens mon cœur se serrer. Pendant des années, j'ai fais l'effort de ne pas la faire souffrir. D'être là pour essuyer ses larmes. Et aujourd'hui je suis là, devant elle, à la regarder pleurer sans rien faire. A cause de mon absence. « J'en peux plus de tes conneries. » Je reste silencieux. Je ne vois plus quoi dire. Je devrais même partir, comme je m'étais apprêté à faire il y a quelques minutes. Je ne me sens pas capable de la soutenir, la réconforter. C'est à cause de moi qu'elle est dans cet état-là. Et je ne suis même pas foutu de l'aider.

« Tu crois que c'est mieux de ne pas savoir quoi lui répondre quand il demande où est son papa ? Que c'est mieux de l'entendre demander ce qu'il a fait de mal pour ne pas avoir de papa ? D'essayer de combler ce manque sans y parvenir ? » Alors comme ça, elle ne m'a pas remplacé. Elle n'a pas cherché d'autre homme pour l'accompagner, pour l'aider à élever notre enfant. Et elle a décidé de le garder. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Alors je ne dis rien. De toute façon, rien de ce que j'ai pu dire jusque-là n'a calmé Célestine. Et rien de ce que je pourrai dire n'y parviendra. Elle me déteste aujourd'hui. Toutes les années passées ensemble sont oubliées. Notre amitié a disparu, notre amour aussi. Il ne reste plus rien entre nous. Seulement un enfant que j'ai abandonné, et qu'elle ne voudra jamais me présenter. « Tu penses vraiment que me dire que tu regrettes va changer sa vie ? » Non, je ne le pense pas. J'aimerais bien. Mais je n'y crois pas.

« Je ne peux pas changer ce que j'ai fais. » Et dire ça n'aide sûrement pas les choses à s'arranger. De toute façon, je ne vois vraiment pas ce que je peux dire pour la calmer. Je ne sais même pas ce qu'elle veut, là, maintenant. Me faire souffrir ? Me voir de nouveau disparaître de sa vie ? Ou alors espère-t-elle me voir lui demander de revenir dans sa vie, leur vie ? Ce serait trop facile. Donc je n'y crois pas vraiment. Même si je voulais le faire, elle refuserait. C'est une certitude. « Je peux le voir ? Je ne peux rien changer, mais je peux tenter de réparer les dégâts. » Ceux que j'ai causé. Cette fois, je la regarde directement dans les yeux. Les siens pleurent. Les miens brillent. Je retiens les quelques larmes qui essaient de s'échapper. On m'a toujours apprit de ne pas pleurer. Que ce n'est pas digne d'un homme. Mais ce que j'ai fais avant ne l'est pas non plus. Et ça ne m'a pas empêché de le faire. Personne ne m'avait jamais expliqué ce que signifie être père. Ce que c'est d'avoir des responsabilités.
Je commence à me relever, une nouvelle fois. Du coin de l'oeil, j'aperçois le propriétaire qui nous épie. Il se demande sûrement ce que fait sa serveuse. « Quoi que tu dises, je veux juste que tu sache une chose. Malgré tout ça, tout ce que tu peux penser de moi, je t'aime encore. »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyDim 30 Déc - 23:15



« Je peux le voir ? Je ne peux rien changer, mais je peux tenter de réparer les dégâts. » C'est trop tard pour reculer. La noirceur de ton mensonge t'enveloppe. Te brouille la vue. Étouffe ta raison. Tu te laisses sombrer dedans. En éloignant Raphaël de la vérité, tu t'épargnes la souffrance de l'aveu. Comment lui confesser ton meurtre ? Ta démence ? Il ne t'a jamais connu comme ça. Il ne comprendrait pas. Il te traiterait cinglée. Et il s'en irait. Une nouvelle fois. En te rendant prisonnière de ton mensonge, tu abandonnes l'idée de revoir Raphaël dans ta vie. Tu t'en fous. Oui, tu t'en fous. Tu en as marre de ces niaiseries. Six ans que tu vis sans lui. Sans aucune nouvelle. Tu t'y es habituée. Te remettre en couple, avoir une vie amoureuse stable, tu ne le convoites plus. Pourtant, ça t'arraches le cœur de l'imaginer avec une autre femme. D'être heureux sans toi. Malgré le mal qu'il a laissé derrière lui, tu pourrais crever de jalousie. Il n'y a plus le moindre sentiment amoureux derrière tout ça. Tu ne ressens plus rien pour lui. Mais il reste l'homme de ta vie. Tu as besoin de sentir qu'il t'appartient encore. Ce besoin est si fort. Si intense. Si vif. Aussi ardent que l'envie de le blesser. Partagée, tiraillée entre deux émotions contraire, tu perds pieds. Tu ne sais plus quoi faire. Comment t'y prendre.

« Non. » Froid. Sec. Cassant. Ta négation claque comme un coup de fouet. Qui lui écorcherait la joue. Qui lui déchire peut-être le cœur. Tu ignores s'il a réellement envie de revoir votre enfant. S'il serait prêt désormais à s'investir. Si te revoir a déclenché un quelconque instinct paternel. Si tu avais gardé le bébé, tu refuserais. C'était son choix. Sa décision de ne pas affronter tout ça. Tu n'es plus à ses pieds. Tu ne ferais plus n'importe quoi pour lui. Il ne peut pas du jour au lendemain débarquer et demander à voir votre enfant. Qui n'existe pas qui plus est. « Assumes ta décision. »

« Quoi que tu dises, je veux juste que tu sache une chose. Malgré tout ça, tout ce que tu peux penser de moi, je t'aime encore. » A quoi joue-t-il ? Ça l'amuse peut-être. Qu'espère-t-il en te balançant ça comme ça ? Il déboule dans ta vie depuis cinq minutes, après six ans d'absence, après t'avoir lâché comme si tu n'étais personne à ses yeux, et il ose te dire qu'il t'aime ? « Non, c'est la Célestine que tu as laissé que tu aimes encore. Même si j'en doute. Sinon tu ne l'aurais pas abandonné comme ça au moment où elle avait le plus besoin de toi. Mais admettons, j'ai bien continué à m'accrocher au Raphaël du passé. » Tu as changé. Quand il est parti. Quelque chose s'est brisé. Tu n'es plus la même depuis. Depuis ce séjour en Allemagne. Ces quelques jours à l'hôpital. Tu en est sortie différente. « Si tu me connaissais maintenant , si tu savais ce que j'ai pu faire… Tu ne dirais pas ça. » Du jour de ta crise jusqu'à maintenant, en passant par ta longue période de mutisme, tu ne ressembles plus à la Célestine qu'il a connu. Celle qu'il a aimé. Ou non d'ailleurs. Tu n'es toujours pas certaines de ses sentiments passés. Il ne sait pas par quoi tu es passé. Il ne s'imagine pas le nombre de regards tu as du affronter à ton retour d'Allemagne, combien de doigts moqueurs tu as fait semblant d'ignorer. Il ne sait pas ce que c'est d'être cataloguée de folle. Il ne peut pas comprendre l'effort que c'est, de ne pas penser qu'on le soit réellement. Si tu es partie vivre à Paris, c'est aussi pour fuir tout ça. « On n'aurait jamais du se revoir ... »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyMer 2 Jan - 17:50


« Non. » Le ton est sec. Comme si elle voulait me blesser. C'est ce qu'elle cherche depuis le début, de toute façon. À me faire mal, comme j'ai pu lui faire mal des années plus tôt. Voire plus. Les intérêts sont là, et ils ont eu le temps de gonfler avec les années. Mais elle n'aura pas ce qu'elle veut. Elle ne me verra pas fondre en larme. Elle sait que je suis trop fier pour ça. Que jamais je n'oserai autant m'abaisser devant elle. Malgré tout ce que j'ai fais il y a six ans. Elle le sait. Et pourtant, elle cherche encore à l'obtenir. Pourquoi ? Est-ce que ça améliorera sa vie de me voir comme ça ? Est-ce que le plaisir que cela lui procurera effacera sa peine ? J'en doute. Je suis même persuadé que non. Rien ne changera jamais, de toute façon. Elle ne veut pas que je vois notre enfant. C'est son choix. J'ai fais ce choix il y a des années, et aujourd'hui, je ne peux pas revenir en arrière. Tant pis pour moi, j'ai envie de dire. « Assumes ta décision. » Elle confirme ce que je pensais. Le choix fait l'année de mes vingt ans ne peut pas être changé, même des années après. Je dois me contenter d'imaginer à quoi il pourrait ressembler. Quels points communs il aurait avec moi. Et, c'est tout. Je ne sais même pas si elle a refait sa vie. Peut-être que oui. Peut-être que non. Notre enfant a-t-il un second père ? Non, si j'en crois ce qu'elle a dit, non. Il vit sans homme à la maison. Donc elle ne vit pas avec un autre homme. Tant mieux. Pendant toute notre vie, jusqu'à ses dix-huit ans, elle était à moi. Uniquement à moi. Pas même à sa cousine. Et aujourd'hui, malgré mon abandon, je crois que je la considère encore comme mienne. Ce n'est pas très sain comme sentiment.

« Non, c'est la Célestine que tu as laissé que tu aimes. » Possible. Mais y a-t-il tant de changements entre celle qui avait dix-sept ans et celle d'aujourd'hui ? Lesquelles ? Elle est devenue plus froide, plus dure. Mais c'est uniquement parce qu'elle garde de la rancoeur à mon égard. Je ne vois rien d'autre. « Même si j'en doute. Sinon tu ne l'aurais pas abandonné comme ça au moment où elle avait le plus besoin de toi. » Elle marque un point. Mais je ne vois pas quoi dire là-dessus. Je n'ai pas réfléchi, et j'ai agit sans ne serait-ce que penser à réfléchir. Malgré les sentiments que j'avais pour elle. « Mais admettons, j'ai bien continué à m'accrocher au Raphaël du passé. » Elle s'est accrochée à moi ? Pendant combien de temps, je me le demande. Quelques semaines, quelques mois, quelques années ? Va savoir. En tout cas, il semblerait que ça soit terminé aujourd'hui. Plus rien ne me retient à elle. Elle ne s'accroche plus. Elle va même jusqu'à repousser. Tant de choses ont changé depuis la naïveté de notre enfance. Putain de vie.

« Et en...
– Si tu me connaissais maintenant, si tu savais ce que j'ai pu faire... Tu ne dirais pas ça. »
Et qu'a-t-elle pu bien faire ? Élever un enfant seule ? Je ne vois pas ce que ça change. Venir sur Paris, loin de sa famille, avec un bébé sur les bras ? Je ne vois pas non plus ce que ça peut changer. Il s'est passé quelque chose, et je n'en suis pas au courant. Quelque chose qui aurait changé mes sentiments pour elle ? Je ne vois pas... Me tromper ? Me dire que finalement, ce n'était même pas mon enfant ? Non, je ne pense pas que ce soit ça. Elle me l'aurais déjà dit depuis longtemps, avant même de m'annoncer sa grossesse. « Et qu'as-tu fais? » Je ne peux pas partir sans savoir au moins ça. Je ne veux pas partir sans le savoir. Elle ne répond pas immédiatement, et me dis qu'on n'aurait jamais du se revoir. Je ne peux qu'être d'accord. Nos retrouvailles n'ont rien donné de bon. Elle a même empiré notre relation. Comme si c'était possible. Mais maintenant, je veux savoir ce qu'elle a pu faire de si grave. « Bon sang, t'as fais quoi ? »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyLun 7 Jan - 11:56



« Et qu'as-tu fais? » Tu ne peux pas lui dire. Pour qui tu vas passer ? Une déséquilibrée mentale. Une cinglée. Bonne pour l'asile. Tu lui as mentis, tu ne reviendras pas en arrière. Après cette nuit, Raphaël disparaitra à nouveau de ta vie. Qu'est ce que ça change qu'il sache la vérité ou non ? Qu'il pense que votre enfant est en vie ? Rien. Pour toi. Pour lui non plus. Vu qu'il ne le verra jamais. De toute façon. Personne à Paris, hormis Elysée est au courant. Tu ne l'as pas dit à Glawdys. Ni à ton psychiatre. Encore moins à tes collègues ou tes camarades. Ta cousine le sait seulement parce que c'est chez elle que c'est arrivé. Mais même avec elle, tu n'en parles plus. Ce sujet ne revient jamais. Tu ne le laisses jamais revenir. Imaginant vainement qu'il sombrerait. Avec la souffrance qu'il engendre. Le souvenir est pourtant encore présent. La douleur aussi. Ce sentiment d'être anormal ne te quitte pas. « Bon sang, t'as fais quoi ? » Il commence à s'énerver. Sa colère ne te fera pas avouer. Rien ne le peut. « Pourquoi tu insistes ? Qu'est ce que ça peut bien te faire ? Ça ne changera pas ta vie. Ça ne me soulagera pas de t'en parler. » Ton secret révélé ne ferait qu'empirer les choses. Tu en as bien conscience. Tu ne prends aucun risque. Tu te l'interdis. « On a plus rien à se dire. Tu peux t'en aller maintenant. » Au moins, cette fois, tu sais que tu ne le reverras plus. Tu ne resteras pas dans l'ignorance. En espérant le voir réapparaître. Tu ne t'impatienteras pas de son retour. Tu sais qu'il n'y en aura pas. C'est ta décision cette fois-ci.

Tes pieds te mènent jusqu'à l'intérieur du restaurant. Les regards. Les chuchotements. Les clients te jaugent. Ils ont assistés à la scène. Sans réellement comprendre ce qu'il s'y jouait. Ils ont entendus des cris. De la haine. De la rancoeur. Au moins, vos retrouvailles ont animé leur dîners. Alimenté leurs conversations. Nourries leurs curiosité. Le chef de salle t'attendait près de la porte. Aux aguets. Et pourtant tout le monde a l'air servie. Il a géré tout seul les clients. Tu t'apprêtes à le remercier. A t'excuser. Et à reprendre le service. Mais il ne t'en laisse pas le temps. « Prends tes affaires et rentre chez toi. » Tu as merdé ce soir. Tu n'as pas été professionnelle. A te laisser emporté ton passé, tu as sûrement perdu ton travail. Celui qui te permettait de vivre. Tu paniques. Comment vas-tu faire pour en retrouver un autre rapidement ? Sans t'enfoncer encore plus dans le rouge ? Sans te priver encore plus ? « Est-ce que … est-ce que je reviens demain ? » « Oui, Célestine, tu reviens demain. On a tous une vie. Mais encore une scène de ce genre ici, et tu es viré. C'est bien compris ? »
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyLun 7 Jan - 19:40


« Pourquoi tu insistes ? Qu'est ce que ça peut bien te faire ? Ça ne changera pas ta vie. Ça ne me soulagera pas de t'en parler. » En toute honnêteté, ce n'est pas pour la soulager que je veux savoir ce qu'elle a fait. Ni pour soulager ma conscience. La curiosité l'a emportée. Fut un temps où je savais tout de sa vie. Et aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'est peut-être aussi par nostalgie de ce temps passé que je veux tant savoir ce qu'elle a pu faire. Évidemment, j'ai mes idées. Elle a avorté, et ne veut pas me le dire. Mais irait-elle jusqu'à me faire croire qu'il est vivant ? Qu'elle s'occupe seule de lui ? Après réflexion, sûrement. Ne serait-ce que pour me faire culpabiliser. Elle en serait capable, vue toute la rancune qu'elle garde contre moi. Et je n'ai aucun moyen de vérifier que ce qu'elle dit est vrai. À moins de la suivre ? Non, je n'en ai ni le temps, ni l'envie. Je travaille ce soir. Mais désormais, je sais où elle travaille. « On a plus rien à se dire. Tu peux t'en aller maintenant. » Elle met fin à toute possibilité de conversation. Si ce que nous avons eu jusqu'à maintenant en était bien une. Elle s'est contenté de hurler, de me reprocher mes actes. Sans même écouter réellement ce que je pouvais dire. C'est fou ce qu'elle a changé en grandissant, en arrivant à la capitale.

Elle ne me laisse pas le temps de faire quoi que ce soit et se dirige vers l'intérieur du bâtiment. J'aperçois son patron qui l'attend, pour la réprimander sûrement. Pour la virer, peut-être. Notre crise a intéressé les clients plus qu'elle n'aurait due. Et maintenant, elle va payer cette scène sur son lieu de travail. Je lance un soupir. Si c'était arrivé au Guiness, j'aurai sûrement été viré. Et j'aurai du me trouver un autre job dans les jours qui suivent. Heureusement, c'est arrivé chez elle.
Je me lève à mon tour, prêt à partir. Mais si elle ne veut plus me parler, moi je désire tout savoir ce qui lui est arrivé depuis mon départ. Cette chose dont elle ne veut pas parler et qui augmente toujours un peu plus ma curiosité. Je dois le savoir. Immédiatement.

Je me dirige aussitôt vers l'intérieur du bâtiment. « Mais encore une scène de ce genre ici, et tu es virée. C'est compris ? » Il lui laisse une chance. Et je me rends compte qu'en revenant vers elle, je suis peut-être en train de détruire cette dernière chance. Je m'arrête, au beau milieu de la salle. L'hésitation me prend aux tripes. Je dois continuer ? Faire demi-tour et l'oublier définitivement ? « Tu veux ma photo ? » Je deviens légèrement agressif. Et les risques de me faire virer de l'établissement s'agrandissent. Mais tant pis. Je veux savoir, je dois savoir. Et je ne partirai pas avant qu'elle me le dise. « Toi, dégages. Je veux pas d'autre scène ici. »

Je l'ignore royalement. De toute façon, il n'a aucune sécurité ici. Et le temps qu'il appelle les flics..., je serai sans doute déjà parti. « Célestine. » J'essaie de l'interpeller, mais elle ne répond pas. J'aurais du me douter que c'est peine perdue. Elle a voulu m'oublier. Sans doute plus que moi. « Il n'est pas en vie, hein ? » Ça me paraît logique. Si elle n'est pas capable de me dire ce qu'elle a fait, c'est sûrement que ça concerne le gosse. « Et si tu ne veux pas m'en parler, c'est que tu ne l'as pas fais de façon traditionnelle, j'me trompe ? » J'espère attirer son intérêt. Pour voir si je me rapproche du truc, ou si je pars dans un délire total. De toute façon, une fois que nous nous quitterons, elle n'entendra plus parler de moi. Et je n'entendrai plus parler d'elle. Alors autant vider le sac une bonne fois pour toute.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptyMer 9 Jan - 22:43



Oui. Tu as bien compris. Tu ne peux pas gâcher la seconde chance qu'il t'offre. Tu t'avances vers le fond de la salle. Les regards des clients t'accompagnent. Tu presses le pas. Pour rejoindre les vestiaires. Récupérer tes affaires. Rentrer chez toi. Où tu tenteras d'oublier cette scène. En sachant très bien que tu ne feras que ressasser ce qu'il s'est produit. Chaque mot. Chaque geste. Chaque sentiments. Tu les revivras ce soir. En pleurs. Des larmes emplies de détresse. De nostalgie. Et de haine. « Tu veux ma photo ? » Le son de sa voix. Celle que tu n'as jamais oublié. Après près de six ans sans l'entendre. Sa voix. Elle s'infiltre dans ton oreille. Te brouille le cerveau. Empoisonne ton cœur. Il ose revenir. En rajouter. N'a t'il pas assez détruit ta vie ?  « Toi, dégages. Je veux pas d'autre scène ici. » Tu laisses le chef de salle s'occuper de lui. Tu files aux vestiaires. Tu prends tes affaires. Ton sac. Ta veste. Tes clés. Tu prends tout. Tu files. Tu veux t'en aller. Vite. Loin de lui. « Célestine. » Tu contournes les tables. Tu l'ignores. «  Il n'est pas en vie, hein ? » Tes pas poursuivent. Le cœur serré. Le mensonge dévoilé. Tu restes impassible. Tu fais semblant de l'ignorer. Un bras te rattrape. Ton supérieur. « Tu règles ça dehors, loin du restaurant. Ou c'est la porte. Et ne me ramène plus jamais ce sale type ici. » Il chuchote. Tu perçois à peine ses mots.

Une bombe. Raphaël vient tout mitrailler. Sans prévenir. Sans que tu ne l'ais vu venir.

« Et si tu ne veux pas m'en parler, c'est que tu ne l'as pas fais de façon traditionnelle, j'me trompe ? » Quelque chose se brise. Ton cœur ? Ta colère ? Non. Ta raison.

Il sait. Il sait. Il croit savoir. Il croit détenir la vérité. Il croit t'avoir piégée. Il croit. Il sait. Il sait. Il voit ta culpabilité. Il sait. Mais il ne comprend pas. Il sait. Quelqu'un sait. Personne ne doit savoir. Personne. Raphaël. Il sait. Il ne comprend pas. Les clients savent. Ton chef sait. Il sont tous au courant. Il te savent meurtrière. A cause de lui. De sa curiosité déplacée. Tu ne supportes pas. Être dévoilée. Tu ne supportes pas. Coincée. Piégée. Ainsi démunie. Assassin. Meurtrière. Tu as tué ton bébé. Il savent tous. Le sang. Le couteau. Le sang. Le tien. Celui du bébé. Sur tes mains. Sur le sol. Assassin. Le sang. Il coule sur tes jambes. Tu tombes. Il meurt. Meurtrière. Ton secret. Exposé aux oreilles de tous.

L'air claque. Ta main claque. Contre sa joue. Encore froide. Elle vient s'écraser. Durement. Avec une telle rancœur. Elle est grande, ta haine. Encore une fois. Il a tout gâché. Ta vie. Il a encore détruit ta vie. Tu fuis. Il est là. Pour tout anéantir. Morte. Il veut sûrement te voir morte. Comme votre enfant. « Ne m'accuse plus jamais d'avoir tué mon enfant. » Tu hurles. Tu craches. Tu craches ta fureur. Ta haine. Le poison. Le venin. Tu le craches. Le poison. Celui qu'il t'as laissé en partant. Tu lui rends.

Tes doigts. Ils se collent à la clenche. La porte. Tu l'ouvres. Tu te rue dehors. Tu sors les clés du cadenas. Le cadenas. Le cadenas qui maintient la chaine. Celle qui emprisonne ton vélo. Au réverbère. Le même lampadaire. Chaque soir. Assassin. Tu t'accroupis. Pour être à sa hauteur. Ta main. Elle tremble. Chacun de tes membres tremblent. Tu n'es pas folle. « Je ne suis pas folle. » Tu n'es pas folle. « Je ne suis pas folle. » Meurtrière. « Non. » Assassin. La clé ne rentre pas dans le cadenas. Elle ne trouve pas la serrure. Tu n'es pas folle. Tu n'avais même pas fait d'échographie. Aucune. Aucune échographie. C'était une fille. Un garçon. Assassin. Tu ne sauras jamais. Sale meurtrière. Tu es malade. Le sang. Il est là. De nouveau. Sur tes mains. Un éclat méttalique. Tu as laissé tombé ta clé. Le sang sur tes doigts. Le tien. Celui du bébé. Il avait quatre mois. Et demi. Presque cinq. Tu ne sais plus. Le sang. Formé. Il était formé. Le bébé vivait. Dans ton ventre. Le sang. Tu l'as tué. Il avait un cœur. Des mains. Une tête. Il était formé. Tu vomis. Ton cœur. Tes tripes. Le sang.

Tu vomis. Vraiment. Sur le trottoir. A côté de ton vélo. Tu vomis. A cause du sang sur tes mains.
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MessageSujet: Re: Retrouvailles [Célestine Archambault]   Retrouvailles [Célestine Archambault] EmptySam 12 Jan - 14:56


Elle ne m'écoute pas. Ou fait semblant de ne pas m'écouter. Ça ne fait aucune différence, de toute façon, puisqu'elle ne veut pas savoir ce que j'ai à dire. Le mieux à faire reste de disparaître une nouvelle fois de sa vie, comme je l'ai fais il y a six ans. Je ne sais même pas pourquoi j'ai tenté de la retenir. Elle n'est plus à moi, et je ne suis plus à elle. C'est un fait. Alors pourquoi m'entêter à croire qu'il est possible de réparer tout ça. C'est impossible, tout simplement impossible. Nous n'avons plus rien à nous dire, elle me l'a clairement indiqué. Et pourtant, j'essaie de maintenir une conversation qui n'a aucune raison d'exister. Nous nous sommes presque tout dit. L'amour qu'elle éprouvait pour moi a disparu. Et rien ne pourra le ramener. Alors autant laisser tomber, partir d'ici et continuer ma vie comme je le faisais avant de la revoir. Le rythme métro-boulot-dodo m'allait très bien, et j'arrivais à ne pas penser à elle lorsque j'écrivais ou lorsque j'allais bosser. Mais elle vient tout briser. En me suivant sans même le savoir jusqu'à Paris. Où nous avions une chance sur des millions de nous croiser. Mais la chance n'est pas avec nous, elle n'a pas su nous aider à ne pas croiser nos chemins. Et voilà ce qui arrive : elle pète un câble, s'énerve contre moi, et est à deux doigts d'être virée. Elle me l'aurait mit sur le dos, évidemment. Je suis responsable de tous ses maux, même si je n'ai rien à voir là-dedans. Ou quand l'amour est irrémédiablement remplacé par la haine. Elle a oublié toutes les années que nous avons passé ensemble. Elle n'en ressort que les derniers instants, lorsque je suis parti sans rien dire. Et je ne suis même pas sûr que lui parler avant aurait changé la donne.

De toute façon, plus rien de tout ça ne compte. Elle m'évite désormais, et ne répond même pas à mes questions. Le patron me fixe assez méchamment, et je sais que je ne peux plus remettre dans son restaurant. Et que j'ai intérêt à me casser assez rapidement. En évitant d'emmerder son employée. Comme s'il avait son mot à dire. Elle s'approche de moi, sans rien dire. Et je reçois une deuxième gifle, celle-là faisant encore plus mal que la précédente. « Ne m'accuse plus jamais d'avoir tué mon enfant. » Finalement, je me suis peut-être planté. Elle me crache son venin. Le venin, l'arme des femmes. Je reste silencieux, la regardant quitter le restaurant. Tous les clients me regardent, me dévisagent. Pendant un instant, j'ai été l'animal de foire que tout le monde aime regarder de haut en bas. Je me masse la joue, tandis que le patron me demande, non sans méchanceté, de quitter à mon tour l'établissement, et de ne jamais y revenir.

Je n'ai pas vraiment d'autre choix que d'écouter ses conseils. De toute façon, la bouffe n'a pas l'air géniale par ici, et je trouverai quelque chose de mieux. Même si je n'ai plus tellement faim, depuis que j'ai recroisé le regard de Célestine. Je me rends compte que j'ai toujours été stupide. Stupide de croire qu'elle ne m'en voulait pas autant. Stupide de croire qu'elle n'oublierait pas les années passées avec moi. Stupide de croire qu'elle comprendrait mes raisons.
L'air est frais dehors, et il est bientôt l'heure d'aller au boulot. Je crois que je vais appeler mon patron et lui dire que je suis malade. Ou inventer une autre connerie de ce genre. Je n'ai pas tellement envie d'aller bosser. Le moral n'est pas là, et je risque de ne pas agréable avec les clients. Oui, je crois que je préfère ne pas aller travailler aujourd'hui. Tant pis pour la paie. « Je ne suis pas folle. » Une voix. Celle de Célestine. Je ne l'ai pas vue, accroupie devant le réverbère. Elle essaie de libérer son vélo, sans y parvenir. Et elle ne semble pas s'être aperçue de ma présence. Tant mieux, elle n'en veut pas.

Mais je ne peux m'empêcher de rester là, immobile. Je la regarde. Je scrute le moindre de ses mouvements. Je l'aperçois lâcher la clé du cadenas. Fixer ses mains. Puis vomir. Elle vomit, encore et encore. Comme un alcoolique lors d'une soirée trop arrosée. Comme un malade. Je ne sais pas vraiment quoi faire. L'aider ? Elle n'en veut pas de mon aide. La laisser comme ça ? Ce serait inhumain. Mais ne l'ais-je pas déjà été lorsque je l'ai abandonnée à son sort, il y a six ans ? Si. Alors je peux très bien recommencer, la laisser une nouvelle fois seule face à ses problèmes. « Célestine. » Finalement, mes jambes me rapprochent d'elle, et je m'accroupis à côté d'elle. «  Donnes-moi ton adresse, je te ramène chez toi. » Je reste à côté d'elle. Et j'ai l'impression de retourne plusieurs années en arrière. Lorsqu'elle n'était pas encore majeure. Lorsque je prenais soin d'elle quand elle était malade. Consciemment ou non, je me surprends à passer une main dans ses cheveux. Comme au bon vieux temps.
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