(Désolé je me suis emballé en l'écrivant, c'est un peu long. )
Ragtime or drugtime ?Uriel VernonLe regard flou et perdu, aucun sentiment lisible sur mes sombres prunelles brillantes, la bouche entrouverte, l’esprit divaguant, les pensées absentes, je flanchais, lentement. Plongeant dans un monde à l’écart de celui qui m’entoure, oubliant chaque détail de la pièce dans laquelle je me trouve, négligeant mes émotions et ma douleur. Mon épaule me fait encore une fois souffrir et je la sens qui me tiraille de bout en bout. Triste souvenir d'une perte de contrôle de deux adolescents. Bientôt, la cigarette que je tiens du bout des doigts s’écrase sur le sol boisé en un bruit sourd, rependant ses cendres fumantes autour d’elle. Le souffle irrégulier et mêlé à une blanche fumée, je ne bouge plus, comme mort. Un sourire discret relève un coin de mes lèvres alors que mes paupières se referment doucement. Finement, je me laisse emporter par les nuages de sommeil et de rêve qui m’entourent déjà depuis de nombreuses heures. Je me laisse guider, vulnérable, sans la moindre défense, livré à mes cauchemar et mes fantaisies.
Bientôt, mes paupières s’ouvrent, laissant ainsi mes deux prunelles sombres parcourir d’un simple regard la salle dans laquelle je me trouve. Doucement, ma raison me revient. Peu assuré de mes gestes, je me redresse. Un frisson me parcourt le corps lorsque je suis debout. La fraîcheur de la pièce - due à la fenêtre ouverte - lèche mon torse qui est nu. C’est donc avec un simple boxer noir comme vêtement que je rejoins la salle de bain. Quelques gouttes de sueur rampent le long de ma nuque pour descendre en bas de mon dos. Enfin, le miroir de la salle d’eau se trouve face à moi. Guettant du coin de l’œil mon propre reflet, je referme lentement la porte boisée de la pièce.
Je quitte à pas lent mon appartement. Il est l'heure d'aller donner un cours de piano et de revendre par la même occasion quelques drogues. L’œil attentif, je traverse d’un pas vif les rues sombres et silencieuses de la ville, regagnant bien vite le Harry's Bar. Le chef m’accueille, grand sourire aux lèvres. Il me connait bien, depuis le temps maintenant que je viens jouer ici. Je fini par tracer mon chemin, sans même accorder le moindre regard au reste du monde. Au fond, j’aperçois un petit corps à la chevelure blonde. C'est Geillis, la petite à qui je dois donner un cours. Arrivé à sa hauteur, elle me tourne encore le dos. Je pose ma main droite sur la tête de l'enfant et la secoue doucement.
Salut Gei, dis-je un brin taquin dans la voix. Je sais très bien qu'elle n'aime pas ce surnom et je m'attends à la voir marmonner dans sa barbe. Je ris en m'installant au piano. Je l'ouvre avant de passer ma main sur les touches. C'est un Steinway. Magnifique pièce qui a du coûter une fortune au propriétaire. Les 88 touches du clavier sont en épicéa, choisi pour leurs légèretés. Le piano est laqué noir, le rendant encore plus majestueux, impressionnant qu'il ne l'est déjà.
Alors ma belle, tu as re travaillé un peu ce qu'on a vu la dernière fois ? lui demandai-je, un sourire au coin des lèvress. Je me déleste de ma veste en cuir avant de sortir de mon sac les partitions du clavecin bien tempéré de Bach. J'avais choisi ce morceau car il était très facile d'approche et joli à l'écoute. Le cours peut maintenant commencer.
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Gei est en train de jouer alors que je surveille la partition, les notes, les erreurs. Elle n'en fait que très peu, je suis plutôt fier de mon élève. Mais la petite est prise d'une quinte de toux. La voyant qui commence à s’étouffer mais ne s'arrêtant pas, je lui intime de le faire. Cette petite est bien trop perfectionniste.
Ca ne sert à rien de mourir sur ton piano ma belle, va boire un coup, je t'attends là, ajoutai-je en lui lançant un clin d'oeil. Elle s'éloigne de l'instrument pour finir par disparaître derrière une porte tout au fond du bar, tout près des cuisine.
Je prends place sur le petit tabouret et me mets à jouer la dernière oeuvre que j'ai appris. Montague and Capulet de Prokofiev. Ce morceau me donne l'impression de dominer le monde, c'est fou. Mes doigts commencent donc à s'emporter sur le clavier. Dans chaque mouvement, chaque expression, chaque manie : une grâce féline. Je ne suis qu'une symphonie, qu'une musique. Qu'une forme. Non, je suis plus. Je suis une âme.
Parvati arrive par derrière. Je me décide à arrêter mon morceau et pars en accord syncopé de jazz avant de me stopper. Je tourne la tête vers la jeune femme.
Hello you, lui fis-je.
J'ai tout ce qu'il te faut dans ma poche, mais je donne un cours à une petite là. On aura finit d'ici peu normalement, la pauvre a failli s'étouffer sur le piano. Je ris nerveusement en discernant les traits tirés de ma cliente. Elle n'a pas l'air dans son assiette. Je décide de ne pas en piper mot pour le moment. Elle vient d'arriver, j'allais la laisser souffler.
Je me mets en tête de la faire rire en attendant le retour de Gei.
T'as vu la nouvelle serveuse au fait ?, dis-je en pointant du doigt une rouquine qui dessert son plateau au bar.
Plutôt canon hein ? Je soulève les sourcils de manière ostentatoire.
Mais bon, je dois l'avouer, elle n'est pas aussi jolie qu'une certaine actrice indienne attend... je fais mine de réfléchir avant de poursuivre.
Fuck, je ne me souviens plus de son nom !