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Une soirée. Un costume. Des heures de souffrance. La Pitié-Salpêtrière avait organisé une série de conférence portant sur le neurologie, la cardiologie et les soins. Ce soir était le dernier soir et tout l'hôpital était invité au dîner mondain où de grands médecins ennuyeux de toute la France et même d'Europe étaient regroupés. J'avais dis oui sans y réfléchir et je me retrouvais à cette table, à boire cet excellent vin blanc en attendant une quelconque animation ou mieux encore la fin de la soirée. Nous étions reclus dans la grande salle de l'hôtel du Regina Louvre, un pur chef d’œuvre architectural, et je m'ennuyais comme jamais. J'étais coincé entre le médecin généraliste de campagne proche de la retraite (ou de la mort) et l'alcoolique de service qui dormait maintenant à point fermé sur sa chaise. Je regrettais d'avoir donné une réponse positive à leur invitation. Je le regrettais trois fois plus maintenant que le médecin alcoolique venait de déposer sa tête sur mon épaule. Je le redressais et me lever pour lui échapper. Je sortis mon téléphone portable. Aucun appels. Aucun amis. Le néant total lors d'une soirée chaotique à la musique classique bien trop envahissante.

Je sortis donc sur le balcon, profitant de l'air frais et d'une soudaine solitude pour reprendre mes esprits. Une cigarette m'aurait fait le plus grand bien mais, n'étant pas fumeur, je n'en avais pas une seule sur moi. Dommage. J'observais alors Paris, m'accoudant sur les rebords pour contempler la capitale de nuit. « Magnifique, n'est-ce pas ? » M'interpela une voix. « En effet, c'est toujours mieux qu'à l'intérieur... » Je me retournais, découvrant mon chef de service. « Monsieur. » Surpris, légèrement gêné mais pris au fait, je me tus. « Je suis du même avis. Vous en voulez un ? » Il me proposait un cigare et rien qu'à l'odeur du sien allumé, je savais que je refuserais. « Non merci. Je vais rentrer au chaud. Profitez bien. » Un sourire et je revenais sur mes pas.

Je restais un instant dans le creux de la porte fenêtre, dévisageant les invités que je percevais devant moi. Je soupirais. J'avais besoin d'un verre. Mais d'un verre en dehors de cette ambiance cadavérique. Je me glissais alors entre les médecins, infirmiers et membres de l'administration pour sortir vivant de la grande salle du Regina Louvre. De nouveau seul, je descendis lentement les escaliers menant au hall d'entrée. Perdu, je regardais sur ma droite, puis sur ma gauche avant de trouver le bar de l'hôtel qui m'attendait bras ouvert. Minuit sonnait. Je m'installais au comptoir, déposant mon portable dessus. Personne. Les lumières étaient pourtant allumées. Une silhouette masculine apparut soudainement. Je réfléchis, ne trouvant pas une commande adéquate à la situation. Je plongeais alors mes yeux dans ceux du barman. « Vous auriez quelque chose pour égayer les fins de soirées ennuyantes ? » Demandais-je gentillement.

Se rendre au bar était finalement le choix le plus judicieux que j'ai eu à faire de ma soirée. Adieu la mauvaise compagnie et la musique à s'endormir debout. Bonsoir, la solitude et un verre pour passer le temps après une soirée bien plus qu'ennuyante. Installé sur le comptoir, j'attendis un instant que le barman vienne à moi. Avec cette soirée, il n'avait pas dû avoir grand monde et en l'apercevant, je compris que je ne m'étais pas trompé. Lorsqu'il pose son regard sur moi, son soulagement parvint jusqu'à moi. Je pouvais presque lire sur son visage « Enfin un client ! ». Cela me fit sourire. Je lui commandais alors quelque chose d'atypique pour égayer une soirée terminée. « Je m’en occupe de suite. » Je le laissais faire, appréciant la surprise de ce verre au goût surement plus appréciable que le reste du repas précédent. De toute manière, cela ne pouvait être que mieux. De plus, la présence d'une autre personne, hors santé, était reposant. Ce jeune homme n'avait rien à voir avec tous ces médecins et compagnie et j'étais bien mieux en sa compagnie qu'avec ces vieux péquenots - quoi que certains semblaient autant s'emmerder que moi. « Voilà… » Je glissais un billet que je venais de sortir de ma poche intérieure de mon costume sur le comptoir. « Merci. » J'attrapais alors le verre pour en boire derechef une gorgée.

« Je peux vous poser une question indiscrète ? » Je relevais mon regard vers le barman. Surpris par ces propos, je ne sus quoi répondre et mon air ébahis eut raison de moi. Nous pourrions dire que cette conversation me changeait de toutes celles que j'avais pu avoir depuis mon arrivé à l'hôtel du Regina Louvre. Je bus une nouvelle gorgée de mon whisky. « En fait j’men fous, je vais la poser quand même : Mais comment vous avez bien pu accepter une soirée comme ça ? Vous avez l’air jeune, beau, en bonne santé… Vous n’avez pas d’amis ? Ou alors peut-être que vous ne connaissez pas les boites de nuit ? » Je ne pus m'empêcher de rire. C'était nerveux. Il n'avait pas tord. Moi-même, je me posais encore la question du pourquoi cette soirée. Pourquoi ? Je soupirais lasse de ma stupidité. « Je sais pas. C'est venu comme ça. On m'a proposé et j'ai accepté croyant que tout ceci serait mieux que tout ça. » Le whisky traversa à nouveau ma gorge, laissant ce goût amer et piquant dans ma bouche. « C'était une connerie. » J'apercevais alors le sourire de mon interlocuteur. Un sourire charmant, à vrai dire. Je le lui rendis et tendis mon verre pour qu'il m'en resserve un. Ma connerie me dévorait presque de l'intérieur. Le sujet était devenu sensible. « Et vous, pourquoi boire en secret et cacher votre verre à la venue d'un client ? » Lui demandais-je. J'avais bien remarqué son passe-temps avant mon arrivée. En attendant qu'il me serve, je dévisageais le barman et, étrangement, il m'avait quelque chose de familier. Je ne savais pas d'où je l'avais croisé, ni même pourquoi je croyais le connaître. Je plissais les yeux, tentant de me souvenir de lui. Je l'observais de la tête aux pieds et des pieds à la tête. Mais rien. Absence totale de souvenirs le concernant. Tant pis. Je me faisais surement des idées.