flashbackl'action se passe il y a cinq ans.
matylda vit à paris, elle a dix-neuf ans, elle est en deuxième année de droit.
sa vie est à chier.
mardi.tu te faisais bousculer, tu te réveillais en sursaut.
"putain, mat, arrêtes de dormir."
"ouai."t'étais à bout de force.
"tu fais quoi la nuit ?"
"je dors."elle n'était pas convaincue par ta réponse pourtant c'était la vérité. elle c'était sarah, tu l'avais rencontré l'année dernière en première année de ta licence de droit. elle était sympa sarah, tu l'aimais bien, vous vous entendiez bien.
"t'es sûre que ça va, mat' ?"tu la regardes te regarder avec un regard inquiet.
"oui, ça va sarah."tu usais d'un ton sec, parce que tu en avais marre qu'on te demande si tu allais bien. tu n'allais pas bien et tu le savais. c'était la merde dans ta vie mais t'essayais d'avancer parce que tu n'avais pas d'autres choix.
c'était la fin du cours. tu observais le professeur ranger ses affaires dans sa sacoche en cuir noire et toi tu restais immobile. l'agitation se faisait autour de toi.
"rentres chez toi ! tu tiendras pas l'après-midi."elle avait raison, tu ne disais rien. tu n'avais pas vraiment envie de rentrer chez toi. tu étais en colocation avec deux étudiantes erasmus : une anglaise et une espagnole. elles étaient trop bruyantes, trop heureuses.
sarah avait raison, tu somnolais debout.
"tu peux me prendre les cours ?"tu la regardes attendant une réponse de sa part.
"biensûr, si tu veux j'passe après les cours."
"d'accord, merci."tu rangeais tes affaires d'une lenteur extrême, t'avais l'impression que tu allais mourir si tu faisais un mouvement de plus. tant bien que mal t'arrivais à quitter la place du panthéon pour attraper un métro et rentrer chez toi.
quand tu rentrais chez toi, tu n'y trouvais personne. tu te réjouissais mais pas assez pour te faire sourire. tu te dirigeais de manière automatique en direction de ta chambre. tu posais ton sac et t'enfilais un jogging et un pull en laine avant d'aller te réfugier sous ta couette. tu fermais les yeux de manière automatique. tu respirais fort. ta gorge te faisait un mal de chien. t'avais pourtant pris des cachets. ton corps tout entier te faisait mal. tu te disais que ce n'était pas assez grave pour aller voir un médecin, tu pensais que c'était une question de quelques semaines. tes paupières étaient lourdes. tu t'étais endormie en moins de dix minutes. tu t'étais réveillée deux fois : l'une parce que tu avais trop chaud alors tu avais ôté ton pull et la deuxième pour prendre un doliprane. on frappait à la porte et tu voyais apparaître la tête de sarah.
"alors bien dormi ?"t'esquissais un sourire. elle se rapprochait de toi avant de prendre place à tes côtés. tu la voyais fouiller dans son sac.
"en sortant des cours, je t'ai tout photocopier au local du bde."
"adorable."tu attrapais les feuilles qu'elle te tendait et tu parcourais rapidement les notes de sarah.
"mercier, du pur bonheur."vous vous mettiez à rire.
"t'as mangé ?"
"pas encore. tu veux manger ici ?"il était déjà tard, c'était peut-être plus simple pour elle. toi, personnellement tu n'avais pas vraiment faim, tu n'avais pas faim du tout. ça faisait quelques jours que ton appétit n'était pas au rendez-vous, déjà que tu n'étais pas grosse.
"je vais faire du riz."elle connaissait ton appartement, elle venait souvent. toi, ça ne te dérangeais pas qu'elle squatte chez toi. tu te lèvais et t’enfilais la première veste que tu trouvais sortant de ta chambre. tu croisais agata, l’espagnol à qui tu faisais la bise. elle parlait un français approximatif mais, vous arriviez quand même à vous comprendre. t’avais toujours ce que t’avais appris au lycée. tu allais dans la cuisine et tu te servais un verre d’eau.
"tu vas chez pauline demain ?"
"c’est vrai, elle fait sa crémaillère. je sais pas."tu regardais sarah mettre le riz dans la casserole.
"moi, j’pense y aller."
"mais du coup, y’aura ugo ?"ugo c’était le coup de cœur de sarah, son mec du moment.
"pauline m’a confirmé tout à l’heure par texto. "elle te regardait.
"a-ah..." t’émets un léger rire et tu vois les joues de sarah se roser.
"ça va hein."
"j’ai rien dit."ton téléphone se mettait à vibrer, tu lisais.
"c’est max ?" max, c’était ton mec.
sarah était très curieuse. tu lèvais la tête en sa direction.
"ouai." t’étais pas forcément ravie, tu t’étais prise la tête avec lui encore hier.
"et ça se passe bien en ce moment ?"t’haussais les épaules
"ouai mais max il pète souvent des câbles, tu vois c’est chiant." il pètait souvent des câbles et du coup toi aussi parce que ça te soulais et toi tu trouvais rien de mieux de lui dire d’aller s’faire foutre.
vendredi.tu passais une soirée de merde, t’aurais préféré rester chez toi mais tu voulais lui faire plaisir à max, alors t’avais pris sur toi et tu étais sortie. quand tu pénètrais dans son appartement t’avais envie de dormir et tu sentais bien que max faisait la gueule.
"j’peux savoir ce que t’as ?"
"j’ai rien."
"si tu fais la gueule."
"moi j’fais la gueule ?"
"bah ouai, j’sais pas tu fais la gueule sinon moi j’fais pas la gueule c’est juste que tu m’parles mal."
"comment ça j’te parle mal ? c’est juste que quand on a passé la soirée genre avec 90 personnes qu’on a fait que se croisait et qu’on se retrouve tout le deux et qu’tu fais tes textos ça me soule."
"mais pas du tout, attends j’t’ai cherché pendant toute cette putain de soirée, j’ai passée mon temps avec sophie."
"avec sophie ? tu te fous de ma gueule là à chaque fois que j’te croisais tu parlais avec ce mec."
"étienne."
"quoi étienne ?"
"le mec, il s’appelle étienne."
"et on l’connaît cet étienne ?"
"ouai, on l’connaît et puis il s’est rien passé avec étienne, j’veux dire c’est l’mec de sophie, il peut pas se passer quelque chose, t’es con."tu te déshabillais posant ta robe sur le sol et t’enfilais rapidement un t-shirt de max, un t-shirt immonde de couleur jaune.
"et donc là tu te couches c’est fini et c’est comme ça ?"
"ouai, c’est comme ça."
"et donc t’as raison, j’ai tort et c’est comme ça."
"c’est comme ça."
"putain tu fais chier mat."
"va te faire foutre."dimanche"putain, mais c’est quoi ces bleus ?"
"de quoi tu parles ?"
"t’as vu la gueule de ton bras meuf ?" tu regardes ton avant bras, il est couvert de tâches bleuâtre.
"putain, fais chier."
"mais t’es tombée ?" tu gardais ton regard rivée sur ton avant-bras. c’était douloureux. tu ne savais même pas comme tu t’étais fait ça, c’était comme si tu t’étais ramassée dans les escaliers.
"je sais pas sarah." ça faisait une semaine que tu avais des bleus qui apparaissait sur ton corps et pourtant t’étais pas du genre à te cogner ou à tomber souvent.
elle te regardait avec un regard inquiet, elle ne t’avait jamais vu comme ça.
"c’est pas…" elle bougeait la tête pour essayer de te faire comprendre son sous-entendu mais toi tu n’y comprenais rien. tu fronçais les sourcils.
"c’est pas quoi ?"
"c’est pas… enfin j’veux dire… tu sais… c’est quand même pas…"
"putain sarah tu vas la dire ta phrase."
"tu me le dirais si max te frapperais."
elle avait lâché ça comme ça et toi t’étais restée conne en la fixant. c’était tellement ridicule que cela aurait pu te faire rire mais tu réagissais pas, tu restais silencieuse.
"matylda ?" ton silence fut court.
"mais t’es complétement cinglée sarah, c’est pas max t’es conne ou quoi." elle était surprise par ta réaction.
"ça va, t’es pas obligé de t’énerver comme ça. je demandais c’est tout."
"c’est pas max, putain j’en reviens pas."
"tu veux pas aller chez le médecin."
"non, c’est bon ça va aller c’est rien."
"c’est rien ?"
"c’est rien."
"tu sais quoi mat’, laisses tomber démerde toi toute seule."
"exactement, je vais me démerder toute seule."tu observais sarah attraper ses affaires et partir de chez toi en claquant la porte.
"putain, quelle conne."mercredifinalement tu décidais d’aller voir le docteur parce qu’ils t’avaient tous pris la tête.
"qu’est-ce qu’il vous arrive ?"
"j’suis crevée, j’ai des bleus qui apparaissent partout et hier j’ai fait un malaise."tu fixais le regard du médecin qui te regardait lui aussi de manière neutre.
"je vois, ça fait combien de temps ?"
"j’sais pas quelques semaines."un rictus s’affichait sur son visage mais tu ne savais dire si cela est de bonne augure ou le contraire.
"je ne veux pas vous inquiétez, les symptômes dont vous souffrez peut être dût à plusieurs choses. Pour être certain, allez faire une prise de sang et des que vous avez les résultats vous revenez me voir."
"c'est-à-dire ?"
"c'est-à-dire que cela peut être à cause d'une infection mais je dois vous dire également que ça peut être dû à un cancer."ton visage se cripsait
"ah."tu ne pouvais rien dire d'autre.
"mais pas d'affolement pour l'instant, je dois attendre de voir vos résultats." ouai, biensûr, ouai.
vendredi
"mademoiselle mouton, vos analyses montrent que vous êtes atteinte d’une leucémie..."la merde, la merde, la merde, la merde, la merde. en deux mot : LA MERDE.
tu le regardais mais tu ne l'écoutais plus. c'était comme si ton cerveau s'était mis sur pause. comme si le temps s'était arrété. tu étais là dans ce cabinet qui puait le désinfectant. t'avais un putain de cancer.
sameditu n'avais rien dit à personne. tu étais restée silencieuse pendant toute la soirée enfermé à double tour dans ta chambre. tu n'avais pas mangé, tu n'avais pas répondu au texto et tu avais finis par t'endormir vers quatre heure du matin. t'avais réfléchis quasiment toute la nuit.
t'étais allée à l'hôpital, t'avais rendez-vous avec ton cancérologue. il paraissait que cela allait être long, très long. tu trouvais cet hôpital bien triste, froid. tu étais stressée à mort et puis finalement tu avais entendu ce qu'il devait te dire, ce qu'au fond de toi tu redoutais tellement.
"le traitement va être lourd, la chimiothérapie est un traitement agressif..."
"je peux revenir lundi ?"
"excusez-moi ?"
"je dois aller faire quelque chose d'important."tu sortais en courant de son bureau, de l'hôpital. tu devais aller faire quelque chose avant de commencer tout ça, avant de réaliser ce que t'allais devoir combattre.
dehors, le ciel était gris. l'atmosphère était lourd. tu sortais ton téléphone de ton sac. tu cherchais dans ton répétoire ce numéro, le dernier numéro avec lequel il t'avait appelé il y a deux semaines. t'espèrais juste au fond de toi qu'il était toujours bon.
"raj (...) il n'est pas là ? (...) c'est sa soeur, c'est urgent. (...) passes le moi. (...) s'il te plait, passes le moi. (...) putain mais biensûr qu'il a une soeur. (...) mais t'es qui toi en plus ? (...) t'es qu'un connard ouai. (...) j'te jure passe moi raj (...) sinon quoi ? sinon je vais venir te casser la gueule sale enculé de merde. (...) mais tu crois que j'ai peur de toi. (...)"il t'avait raccroché au nez ce connard. tu en revenais pas. tu appuyais sur la touche rappel.
"d'où tu me raccroches au nez ? (...) ta mère t'as pas appris la politesse. (...) j'fais ce que je veux. (...) il est où raj ? (...) qu'est-ce qu'il fout là-bas. (...) t'as pas un numéro ? (...) oh fais pas chier, j'vois pas en quoi ça te regarde. (...) ouai, j'veux son numéro. (...) non, j'vais pas te dire c'que j'lui veux. (...) ça te regarde pas, putain. (...) merci de ta générosité."il avait fini par te filer un autre numéro que tu composais d'une rapidité incroyable.
"raj? (...) putain merci mon dieu. (...) c'est le saint-esprit, abruti. (...) oui c'est matylda. (...) c'est ton connard de pote qui me la donner. (...) je dois te dire un truc important. (...) oui, très important. (...) j'suis sérieuse, raj, alors fais pas chier et ramène ton cul, faut que je te parle d'un truc sérieux. (...) tu peux s'il te plait te sentir concerné deux secondes, c'est trop te demander ? (...) quoi j'recommence? (...) mais n'importe quoi, j'dois te dire un truc sérieux et toi tu rigoles comme un con (...) t'es sérieux, là? (...) PUTAIN MAIS RAJ ATTÉRIS (...) MAIS NON J'M'ÉNERVE PAS. (...) NON J'BAISSERAIS PAS D'UN TON. (...) MAIS PUTAIN RAJ, J'ESSAYE DE TE DIRE QUE J'AI UN PUTAIN DE CANCER.(...) raj ? (...) allô (...) raj, réponds putain. (...) raj, j'ai besoin de toi reviens..."l'action se passait il y a cinq ans.
matylda vit toujours à paris, elle a vingt-quatre ans maintenant, elle a réussi son master 1.
sa leucémie a disparu, elle va faire des examens tout les mois, contrôle de suivi oblige.
sa vie est un peu moins à chier.