INTRO

La vie est un conte de fée merveilleux avec des licornes et des monstres, comme le loch ness. Râclement de gorge. Je ne crois pas. Dieu sait dans quelle famille j'ai atterri. Bordel, je ne suis pas né dans une famille, dans un semblant. la vie n'est pas un cadeau, voici mon histoire.

I

On choisit ses amis, mais pas sa famille. La famille, c'est comme une étiquette. On vous la thermocolle à la peau et vous devez faire avec jusqu'à la tombe. Et elle est collée dans le plus pur des hasards. Soit vous faites bonne pioche ou alors vous passez par la petite porte et la pioche est bien mauvaise. J'ai toujours su que j'avais fait "mauvaise pioche". C'est maintenant une évidence, mes parents n'étaient pas fait pour être ensemble. À se demander s'ils n'avaient pas été forcés de s'unir par les liens du mariage. J'aurais préféré de pas naître, ou du moins, pas dans ce genre de famille. Je ne sais pas. On ne fait pas un enfant pour lui donner une aussi mauvaise image de la famille et pour se déchirer par la suite. Même pas la peine. Mais la vie est parsemée d'erreurs, et j'en suis une, sincèrement. Je ne crois pas avoir déjà entendu mon père me lancer un compliment ou des mots sympathiques à entendre. Il n'a jamais eu une once de respect. Pas envers ma mère, ni moi, ni même lui même je crois bien. Un pauvre type. Il mérite ce qu'il a. À peine gosse, il la cognait. Ça pouvait paraître gentillet mais ça ne l'était pas. Mais ma mère était le paradis incarné. C'était la perfection. Elle préparait des petits plats, travaillait comme une dingue et trouvait le temps d'être à la maison. Elle était douce et fière, trop fière pour admettre qu'elle se traînait un boulet au pied. Puis il y a eu ce jour, ce jour, où l'on ne comprend pas tout, mais presque. J'avais six ans, je rentrai de l'école. Des bagages dans l'entrée, ma mère déjà prête à partir. Elle avait les yeux larmoyants. Et elle a pris ma main, avec tout le courage qu'elle a pu avoir. On ne remet plus les pieds ici mon ange. Puis elle m'a emmené. Aussi loin qu'elle a pû. Mais je n'ai pas profité de ces instants de liberté. Il me l'a prise cette enflure. Il s'est arrangé pour lui faire rendre son dernier souffle. J'étais dans ma chambre ce soir là. Ma mère avait réussit à louer un petit appartement, très chaleureux. On y vivait depuis deux mois. C'était un soir, un soir comme tous les autres. Elle était venue me border avant de retourner finir quelques babioles. Puis un fracas, un cri et une porte qui claque. J'arrive dans la cuisine. Elle est étendue sur le sol et son souffle est saccadé. Elle me dit de ne pas s'inquiéter. Maladroit à cet âge, j'appelle les secours. Mais les blessures sont trop importantes et décède des suites de ses blessures. On m'a toujours dit qu'il s'agissait d'un accident domestique. Ça, c'est ce qu'on dit aux enfants pour ne pas employer les mots "meurtre par préméditation". Je suis par la suite revenu tout droit de là où nous étions partis. Retour à la case départ. On se demande d'ailleurs comment il a réussi à avoir ma garde. Sûrement par la force..pas la force d'esprit.

II

Vous devez sûrement vous dire : Celui là, il a été élevé à la dure. Il a perdu sa mère, il a un père qui croupit en prison. Sa vie a pas du être facile. Certes, mais on ne peut pas dire que j'ai été élevé par qui que ce soit hormis sa mère pendant six petites années de ma vie. Je me suis élevé tout seul. C'était mon pauvre père qui allait m'aider à faire quoi que ce soit, hormis passer son temps à gueuler, à boire et à ramener des nanas. Aucune autorité, aucune pédagogie. Spécialement lorsque j'ai passé l'âge de croire à toutes ces conneries. C'était pas un avocat au cul bordé de nouilles. Il était souteneur, oui mac, proxénète, hareng, ce que vous voulez. Je ne parle plus de lui au présent, il est sorti de mon existence et je ne préfère même pas évoquer son souvenir. Étrangement il a déteint sur moi au fils des années. Je ne peux pas dire que j'étais un garçon un modèle quand j'étais au lycée. C'était à peine si j'adressai la parole à mon père ou encore si je rentrai dormir. J'étais presque mauvais. Surtout avec Charlotte, sa copine. À chaque fois que je la croisai, je ne pouvais pas m'empêcher de lui rappeler qu'elle pouvait trouver mieux ailleurs, de lui dire qu'elle n'était qu'une misérable de rester avec lui. Peut-être que j'avais envie de lui mettre la vérité en face des trous. C'était une femme magnifique, si elle enlevait son maquillage, presque frêle. Elle s'était engagée sur une mauvaise route..Dommage. Voilà où cela l'a menée. Tout droit dans la terre. Après avoir demandé à mon père de le rejoindre chez lui, elle me l'a proposé. J'ai répondu non, catégoriquement. Il était hors de question de vivre à nouveau la même histoire qu'avec maman. Puis je me suis émancipé. Un bien grand mot. J'ai eu un bien grand mal à m'en sortir dans les premiers mois. Moins d'argent, voilà tout. J'ai cru que j'allais devenir un bon petit gars, capable. Même pas. À peine seize ans et j'étais déjà la pire des petites ordures. Arrogant, froid, sans aucun respect pour les demoiselles. J'ai passé mes soirées dehors, à faire la fête. Les filles n'étaient pas un problème, sauf au petit déjeuner et lorsqu'elles en veulent un peu plus. Les études, ça n'a jamais été un grand problème pour moi. J'étais futé, et plutôt intelligent. Je suis le genre de personne qui n'en fout pas une rame, mais qui réussit. Alors il faut imaginer que le baccalauréat a été une épreuve plutôt facile, mais sans grande réjouissance. Pas de famille pour vous féliciter, vous encourager. C'est d'ailleurs à cet époque que j'ai commencé à entendre mon nom à la télévision, à la radio. Mon père n'avait rien trouvé de mieux que de venir gâcher le plus pur des bonheurs. En agressant une jeune fille, sexuellement, qui plus est. Comme je vous l'ai dit. L'étiquette est collée, voire ancrée, et on ne s'en défait pas. Les regards deviennent de plus en plus méfiants. On émet des hypothèses sur la potentialité que je devienne comme lui. On commence à me suivre, me prendre en photo, me demander comment je vis la situation. Je n'en n'avais rien à casser de cette peine à perpétuité. J'avais honte pour lui, pour moi, pour notre nom. J'avais peur pour mon avenir. Être associé au nom d'un tuer et d'un violeur, c'était trop. Je ne sortais plus, c'était plus qu'insupportable de rester enferme dans onze mètres carrés. Alors j'ai décidé de partir. Pour Paris. J'aurais pu envisager autre chose, mais j'avais besoin de changer d'air. Même pour de l'air pollué. Je n'en pouvais plus des sirènes de polices, de me retrouver à moitié ivre sur les plages. Il fallait que je me recadre, que j'essaye d'être plus sain. Ne sachant pas réllement quoi faire de ma vie, je me suis lancé dans des études d'architecture, à Paris-Malaquais. Un appartement certes pas plus grand, et un job de barman à mi-temps pour arrondir les fins de mois.

III

Elle accroche la lumière, elle est aussi lumineuse que maman sous ses plus beaux jours. C'est peut-être pour ça que je lui porte autant d'attention, peut-être plus pour cette raison que le fait que mon père est son agresseur. Elle semble si fière et chaleureuse, même à la fois frêle et fragile. J'ai parfois l'impression de la retrouver dans ses faits et gestes. Clémence est sublime, c'est une femme originale. Une femme oui, car après tout ce qu'elle a vécu, elle a eu le cran de ne pas vouloir en finir et de continuer. Et on ne peut pas dire que je l'ai traité comme un gentlemen. Premièrement. Elle a presque trois ans de moins que moi. J'aurais pu lui laisser le loisir de s'amuser avec des premiers. Deuxio. Ton numéro comme ça j’appelle pour une bonne baise. C'est la première phrase que je lui aie adressé. Elle m'a d'ailleurs tourné le dos, ce qui a eu le don de me vexer. D'habitude les filles réagissent bien. Les filles "faciles", évidemment. Troisièmement. J'ai appris la nouvelle. J'ai eu ce drôle de pincement au cœur et un sentiment de honte. Qui me ronge toujours, toutes les nuits, tous les jours. C'est tellement transparent sur elle que s'en est presque admirable, d'avoir su surmonter le tout. Clémence c'est un vent chaud en plein hiver. C'est mon filet de sécurité, mon ilot de stabilité dans un monde qui s'écroule de temps à autres. J'ai du mal à m'en passer presque. Ses cheveux, son odeur, ses mains. L'emmitoufler dans ma veste l'hiver, l'embrasser sur le front, la voir partir au quart de tour. Elle est devenue mon train train quotidien, obsessionnelle. Et pourtant la barrière du mensonge est toujours là, prête à céder, à imploser. Je n'ose même pas faire un pas. J'ai peur d'être trop avenant, je ne veux ni la brusquer et encore moins la blesser. Je n'ai pas envie de la voir partir, s'éteindre, se ternir. Croisée dans un détour, je l'ai désormais dans la peau. Elle me rend dépendant, bon, et aussi mauvais. Affreusement jaloux et possessif, et mes aventures commencent sérieusement à disparaître mon laisser un espace béant, rien que pour elle. Mais mon altruisme m'empêche d'être franc, comme je le suis. Je suis censé lui dire quoi? comment? Hey, mon père est ton agresseur! La bonne blague. C'est une bombe à retardement qui pourrait faire beaucoup de dégâts. C'est un peu le bordel dans ma tête mais ma vie est devenue plus calme. Elle a réussi à me changer, et je n'en reviens toujours pas. Ça me colle des frissons dans le dos de me retrouver comme une carpette face à elle. J'ai peur de la dépendance à l'autre. J'ai peut de la perdre et je ne peux que me blâmer pour mes mensonges incessants. C'est la première fois que j'ai ce ressenti, qui vous laisse un goût à la fois doux et amer. Elle m'a tourné la tête, et assez violemment.

OUTRO

Je dois dire que le peu de ce que j'ai vécu dans ce court début de vie, m'a fait comprendre qu'il ne faut rien attendre, de personne. Je n'attends rien de l'avenir. Ou plutôt pas grand chose. D'ailleurs doit-on réellement tout attendre du reste du monde, et notamment de l'avenir. Je ne crois pas en un avenir certain et prédestiné. Je ne lui pose aucunes espérances, je me contente simplement de prendre la vie comme elle vient, et de faire les meilleurs choix possibles, à vrai dire je m'attends plus ou moins à tout, mais je ne souhaite pas espérer en vain. Je laisse faire les choses, je n'ai pas envie de chercher à me compliquer la vie, aussi compliquée qu'elle puisse l'être. On verra ce que me donnera le futur.

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